Texte intégral
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bienvenue Myriam EL KHOMRI, bonjour.
MYRIAM EL KHOMRI
Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Au tour de Pierre GATTAZ, ce matin dans Le Figaro, de protester contre votre loi, il dit « sonnette d'alarme, stop, cette loi est trop compliquée, elle oublie la compétitivité des entreprises », sans doute des grandes entreprises, et vous lui répondez ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, Pierre GATTAZ d'un côté dit que la loi est vidée de son contenu, de l'autre côté nous avons Philippe MARTINEZ qui dit que je brûle le Code du travail, donc les témoignages sont assez savoureux. Moi je pense qu'il faut sortir de ces caricatures réciproques et que notre pays, quelque part, nous souffrons à la fois de ça et notre pays, même, crève de ces caricatures ou de ces postures. Le sens de cette loi
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais Pierre GATTAZ craint ce qui se va passer à l'Assemblée, il a peur qu'on continue à couper dans cette loi, ou la transformer et en faire un squelette.
MYRIAM EL KHOMRI
Non. L'apprentissage de ce qui s'est passé en commission des Affaires sociales a très bien montré, et j'en remercie à la fois sa présidente Catherine LEMORTON et le rapporteur Christophe SIRUGUE, a montré la capacité des députés de la majorité, à la fois de confirmer l'esprit de cette loi, c'est-à-dire aller vers une démocratie sociale plus matière, développer la négociation d'entreprise et apporter des souplesses, notamment en distinguant les grandes entreprises des petites. Un signal
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire ils vont aider les PME et les TPE.
MYRIAM EL KHOMRI
Un signal a été donné aux TPE et PME, et c'est très important parce que ce sont ces entreprises-là qui créeront de l'emploi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et alors, CGT et FO demandent le retrait de la loi, est-ce qu'aujourd'hui vous dites on peut encore parler du retrait, oui, non ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non, cette loi, aujourd'hui, c'est le débat parlementaire, on est dans cette phase parlementaire, elle est importante. La commission Affaires sociales a enrichi ce texte, et nous allons entamer, le 3 mai, le débat parlementaire. Moi je suis déterminé à faire bouger les lignes dans notre pays, autour de cette question-là.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et en mai, est-ce que vous pensez que vous aurez une majorité socialiste pour voter cette loi ?
MYRIAM EL KHOMRI
Oui, je pense qu'il y aura une majorité
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sans optimisme.
MYRIAM EL KHOMRI
Je pense qu'il y aura une majorité pour voter cette loi. Et ce qui s'est passé, contrairement à tous les commentaires que nous avons pu avoir, avant la commission Affaires sociales, qui disaient que cette loi allait éclater en vol, ce qui s'est passé a montré que les députés ont à la fois confirmé la philosophie de cette loi, mais en même temps ils ont été en capacité de dire oui, plus de souplesse et de prévisibilité pour les petites entreprises, parce qu'elles ont besoin de se projeter, et des nouveaux droits pour les salariés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous pensez que l'équilibre de la loi commence à être atteint et qu'on ne portera pas atteinte à l'équilibre.
MYRIAM EL KHOMRI
L'équilibre, en effet il y a eu un équilibre qui a été fait dans le cadre de la commission Affaires sociales, ce texte doit être encore amendé, enrichi, mais nous sommes dans un bon équilibre et il faut maintenir cet équilibre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aujourd'hui, comment vous allez répondre aux revendications des jeunes ? Je vais prendre des exemples très vite. Est-ce qu'ils auront des bourses entre la fin des études et le premier emploi ?
MYRIAM EL KHOMRI
Il y a en effet les jeunes sont ceux qui souffrent d'une extrême précarité, ce n'est pas nouveau, moi-même quand j'étais en 6e on nous parlait du chômage, on est très nombreux à avoir multiplié les contrats courts, des bourses, etc., donc cette situation de la jeunesse elle est au coeur de nos préoccupations. Le Premier ministre, tout à l'heure, annoncera des choses en direction des jeunes, notamment qui visent à lutter contre cette précarité. Quelle précarité
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc je reprends, des bourses
MYRIAM EL KHOMRI
C'est-à-dire, j'étais boursier, je sors, je mets du temps à trouver un emploi, voilà quelque chose qui a été bien identifié. Pour ma part, je suis ministre de l'Emploi et également de la Formation professionnelle, il y a des revendications qui portent sur l'apprentissage
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous ne m'avez pas répondu, sur les bourses, vous répondrez
MYRIAM EL KHOMRI
C'est le Premier ministre qui annoncera tout à l'heure, Jean-Pierre ELKABBACH, ce n'est pas à moi de le faire à cet instant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Au passage, n'oubliez pas aussi les non-diplômés, qui eux sont beaucoup plus vulnérables que les diplômés qui attendent un emploi, mais ils seront récompensés.
MYRIAM EL KHOMRI
Tout à fait non, les non-diplômés, dans le cadre de la loi que je porte, il y a la Garantie jeunes, c'est-à-dire un dispositif d'accompagnement pour tous les jeunes les moins qualifiés, ça c'est déjà intégré dans la loi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors autre chose, est-ce que vous allez rémunérer les apprentis, sans critère d'âge.
MYRIAM EL KHOMRI
Il y a des propositions qui ont été faites et qui concernent en effet la question des apprentis. La question du statut des apprentis relève des partenaires sociaux, néanmoins nous avons en effet un manque de lisibilité sur les rémunérations des apprentis et le Premier ministre, tout à l'heure, évoquera cet élément, après avoir rencontré les organisations jeunesse.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous pensez que vous avez entendu ces organisations, qui vous ont tous impressionnée, ces organisations qui sont souvent vieillies et très exigeantes, mais vous les écoutez.
MYRIAM EL KHOMRI
Non. Il faut bien sûr écouter ces organisations mais il faut surtout être lucide sur la situation des jeunes dans notre pays. Aujourd'hui, on signe un premier CDI à vingt-sept ans alors qu'il y a quinze ans, c'était à vingt-deux ans, et neuf emplois sur dix sont des CDD. Cette précarité de la jeunesse, nous l'entendons et nous allons y répondre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien. Qui va financer ces nouvelles dépenses ? Encore, encore des dépenses !
MYRIAM EL KHOMRI
Premier élément, et je crois que c'est important de le dire, ce ne seront pas les employeurs qui financeront ces dépenses.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors qui ? L'Etat ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ce sera dans le cadre d'économies sur le budget de l'Etat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et de qui ? Le ministère de l'Education nationale ou de la formation professionnelle avec ses vingt-sept milliards ?
MYRIAM EL KHOMRI
Tous les ministères devront faire un effort. Vous parlez des fonds de la formation professionnelle ; dans la loi que je porte, il y a des éléments notamment pour les orienter vers les publics les plus en difficulté : les salariés les moins qualifiés, les demandeurs d'emploi. Bien sûr, ceci restera dans le texte de la loi que je porte.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce matin, vous avez sans doute entendu Europe 1 ; la place de la République est évacuée. Nuit Debout n'est-il plus autorisé à occuper la place comme il l'a fait pour les prochaines nuits ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, il y avait cette autorisation qui était permise jusqu'au 11 avril. Moi, je crois qu'il est très important de distinguer les militants pacifistes qui se mobilisent dans le cadre de Nuit Debout et moi je suis attentive, bien évidemment, aux revendications.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Même s'ils vous critiquent ? Parce qu'à l'origine, c'est la critique de la loi El Khomri.
MYRIAM EL KHOMRI
Mais même eux le disent : ce n'est pas le texte, c'est le contexte. Je crois que c'est important aussi. On voit bien que cette mobilisation dépasse largement le cadre de la loi. C'est un contexte, un contexte aujourd'hui, et il y a donc cette nouvelle approche démocratique. Il faut y être attentif. Et puis, il faut les séparer bien évidemment : la liberté de manifester, ce n'est pas la liberté de casser ou d'agresser, et il faut bien distinguer à la fois les casseurs qui se rendent parfois dans les manifestations que nous rencontrons depuis plusieurs semaines et les personnes qui se réunissent de façon pacifiste.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc Nuit Debout peut reprendre ce soir.
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, cela relève à la fois des autorités. Je ne suis pas chargée de l'ordre public. C'est une question qui se pose d'ordre public, c'est une question aussi qui est relative à la vie dans les Xème et XIème arrondissements, sur la situation des commerçants aux abords de cette place de la République donc il faut trouver bien sûr un élément. Ce n'est pas à moi de juger. Ce sont des questions d'ordre public qui sont posées.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce matin, vous dites : « On a bien fait d'évacuer la place de la République ».
MYRIAM EL KHOMRI
C'était le respect de l'accord qu'il y avait avec les manifestants.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et il ne faut pas oublier les Jour Debout, c'est-à-dire ceux qui bossent, qui résistent, qui luttent, qui sont offensés et souvent en révolte.
MYRIAM EL KHOMRI
Il y a des commerçants qui sont gênés par cette mobilisation, je l'ai dit, et bien évidemment il faut le prendre en considération.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Myriam EL KHOMRI, dans trois jours le président de la République fera entendre sa parole. Qu'espérez-vous qu'il dise ou qu'il montre de lui-même pour renouer éventuellement avec les Français qui s'éloignent ?
MYRIAM EL KHOMRI
Je pense que c'est un moment important. Le président de la République se bat avec courage au nom de l'intérêt général. Il est beaucoup critiqué, parfois avec des critiques outrancières à mes yeux. Il se bat je le disais avec courage et pour moi, c'est important. Nous sommes à la quatrième année de ce quinquennat. C'est important justement qu'il s'exprime parce que, vous savez, c'est facile. Il pourrait être, comme certains de ses prédécesseurs, dans le camp de l'immobilisme ou celui d'être porte-voix d'un seul camp. C'est peut-être beaucoup plus commode mais ce serait catastrophique pour notre pays. Il se bat avec courage au nom de l'intérêt général et je crois que c'est particulièrement essentiel, à la fois l'action qui est menée depuis 2012 et qui a permis à la fois de lutter contre les déficits et aussi de préserver notre modèle social.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord. Est-ce qu'Emmanuel MACRON lui a adressé hier un soutien clair et sans ambigüité ?
MYRIAM EL KHOMRI
Moi j'ai écouté Emmanuel MACRON hier au 20 heures.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'était clair ?
MYRIAM EL KHOMRI
Quand il parle de collectif, quand il parle également de consensus, de dynamique progressiste, moi je n'ai pas de raison de mettre en doute sa parole.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous le croyez ; vous, vous le croyez.
MYRIAM EL KHOMRI
Oui. Et je crois que ce qui peut restaurer le rapport des citoyens à la politique, c'est positif si ça ne sert pas une individualité mais bien un dessein.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Myriam EL KHOMRI, quand il dit : « Il n'y a pas d'aventure personnelle », vous le croyez ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, je vais vous dire. On fait partie de la même génération, on pourrait dire d'ailleurs la génération François HOLLANDE. Je l'ai dit : Emmanuel MACRON, c'est un atout pour ce gouvernement. Je souhaite qu'il soit également un atout pour le combat démocratique auquel tous les progressistes seront appelés dans un an, au moins de le représenter.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça veut dire que vous doutez un peu.
MYRIAM EL KHOMRI
Non, ce n'est pas que je doute, je le souhaite.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ma dernière remarque : est-ce que vous ne croyez pas qu'avec beaucoup de soutiens de cette nature, François HOLLANDE va se retrouver assez vite tout seul ? Si tout le monde le soutient comme Emmanuel MACRON ?
MYRIAM EL KHOMRI
Absolument pas. Je pense que tout ce qui peut restaurer la relation entre le politique est positif et je crois que le président a raison jeudi de s'exprimer en direction des Français parce que c'est le militant de l'intérêt général. Nous sommes en effet face à une crise et c'est important de se confronter au réel et à l'exercice du pouvoir, et cette crise ça montre qu'il faut avancer.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est la version d'un bon soldat. Bon soldat.
THOMAS SOTTO
Merci.
MYRIAM EL KHOMRI
Merci à vous.
THOMAS SOTTO
Merci, Myriam EL KHOMRI.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 avril 2016