Texte intégral
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député,
Monsieur le premier Vice-président du Conseil Départemental de Moselle,
Monsieur le Président de la communauté de communes du Val de Moselle,
Monsieur le Maire de Novéant-sur-Moselle,
Monsieur le Président de l'Union nationale des associations de déportés, internés et familles de disparus,
Monsieur le gouverneur militaire de la ville de Metz, mon général,
Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et messieurs,
Nous sommes réunis ici, près de la gare de Novéant-sur-Moselle, dans un lieu chargé d'histoire et de souffrances, où la douleur la plus infernale a côtoyé l'insoumission la plus intrépide.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, plus de 70 trains de déportés sont passés par la gare de Novéant. 70 trains remplis de malheureux qui n'étaient coupables de rien, sinon de leur naissance ou de leur vaillance.
Après l'armistice du 22 juin 1940, Novéant est annexée par le IIIème Reich. La gare de la commune devient un point de passage obligé, comme l'ensemble de la Moselle, entre la France et l'Allemagne.
Sur ces quais, plusieurs dizaines de milliers de déportés vont transiter. Il y eut des juifs, des résistants, des réfractaires du STO, des maquisards, des otages. Des hommes, des femmes, et des enfants.
Parmi les déportés passés par Novéant figurent de grands résistants, comme le général Giraud, alors en route vers la forteresse de Königstein. Il réussit à s'évader le 17 avril 1942 et gagnera l'Afrique du Nord pour organiser la Résistance.
Il y eut ensuite Jean Moulin. Capturé à Caluire le 21 juin 1943, battu, torturé, humilié, Jean Moulin ne parla jamais pour sauver les siens. Comme l'a dit le général de Gaulle, Jean Moulin est mort pour la France « comme tant de bons soldats qui ( ) sacrifièrent un long soir vide pour mieux remplir leur matin ».
Son « terrible cortège », qui l'emmenait de Paris à Berlin, est passé par Novéant. Il ne portait plus qu'un demi-vivant. Jean Moulin est mort en Gare de Metz, le 8 juillet 1943.
De Drancy à Auschwitz, en passant par Novéant : tel est l'itinéraire de la mort qu'effectuent des dizaines de milliers de déportés, nés en France, morts en Allemagne ou en Pologne. La déportation fut le crime, à tout jamais infâme, de la barbarie nazie.
Le 6 avril 1944, à 7 heures du matin, 1500 déportés quittent Compiègne pour Mauthausen, en Autriche. Le train passe par Novéant dans la nuit du 6 au 7 avril. Tous les déportés sont éjectés de leurs wagons. On les déshabille complètement. En effet, les nazis craignent que certains déchaussent le plancher pour s'évader.
Le 3 juillet 1944, les 22 wagons d'un train de la mort s'arrêtent à Novéant. Ils sont en route vers Dachau.
Nous avons toujours ces blessures au cur. Nous veillons à ce que la mémoire des déportés demeure à tout jamais.
Au milieu de ces ténèbres, il y eut heureusement des lueurs d'espoir. Parmi ces Français courageux qui ont risqué leur vie pour sauver des innocents, figurent les passeurs de Lorraine.
Le monument des Passeurs, inauguré le 8 octobre 1972, nous rappelle l'héroïsme de ces cheminots, de ces réfractaires du STO, de ces résistantes et résistants qui risquaient leur vie.
Parfois, il s'agissait de tenter des évasions de plus en plus impossibles. Donner un bout de pain à un malheureux mourant de faim était même passible de mort.
Je pense aussi au réseau de la sur Hélène Studler, qui permit l'évasion de près de deux mille prisonniers, dont celles de François Mitterrand en décembre 1941, et de Boris Holban, qui par la suite fondera, en mars 1942, le réseau des Francs-Tireurs et Partisans.
Les passeurs de Novéant-sur-Moselle furent le reflet de la France résistante. Celle qui savait que l'histoire de France devait s'écrire debout et non à genoux.
Le corps décharné de la sculpture de Denis Mellinger nous le montre aussi : un homme en souffrance est replié sur lui-même. Mais il est toujours debout.
Soixante-onze années après la fin du second conflit mondial, le monde n'a pas effacé les souvenirs de cette ère de souffrances et de terreur. Ce travail de mémoire doit nous porter à chérir les fruits de la réconciliation entre la France et l'Allemagne. C'est ce que célèbre la sculpture de Jean Moulin en gare de Metz. Elle est l'uvre d'un Allemand, Stephan Balkenhol.
Chaque train de déporté est une injonction suprême au travail de mémoire. Par l'inauguration de cette stèle et l'exposition qui se tiendra demain et après-demain, la mairie de Novéant-sur-Moselle y participe pleinement. Je voudrais également féliciter l'UNADIF pour la vigueur de son engagement.
Le ministère de la Défense prend également toute sa part pour assurer la transmission de la mémoire de la Shoah. Il participe, aux côtés du Mémorial de la Shoah et du Ministère de l'Education Nationale, au réseau « Lieux de mémoires de la Shoah » pour inciter un large public à se pencher sur le passé le plus terrible.
Je reprendrais pour conclure les mots tenus par le président de la République, le 22 juillet 2012, 70 années après la rafle du Vel d'Hiv : « Tel est le sens de l'exigence posée par la République : que les noms de ces suppliciés ne tombent pas dans l'oubli. »
Tel est le sens de notre présence aujourd'hui.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 14 avril 2016