Déclaration de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat au numérique, sur l'avenir de la filière nucléaire et le développement d'AREVA, à l'Assemblée nationale le 30 mars 2016.

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Circonstance : Débat sur le développement d'AREVA et l'avenir de la filière nucléaire, à l'Assemblée nationale le 30 mars 2016

Texte intégral

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du numérique.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'accueillir. Je remplace les ministres Ségolène Royal et Emmanuel Macron, qui n'ont pas pu être présents, pour vous présenter la position du Gouvernement quant à l'avenir de la filière nucléaire française.
Je m'attacherai d'abord à décrire brièvement la situation d'Areva et les décisions prises par le Gouvernement pour maintenir la cohérence de la filière, en parlant du bilan et des comptes de résultat de l'entreprise, avant de faire quelques observations sur la filière en général. En quoi est-elle importante ? Comment le projet de Hinkley Point s'insère-t-il dans cette perspective ?
Le Gouvernement a décidé de remettre de l'ordre dans la filière nucléaire française car les comptes d'AREVA pour les années 2014 et 2015 ont révélé une situation dégradée. Celle-ci est due à plusieurs facteurs : une évolution défavorable du marché du nucléaire, directement liée à l'accident de Fukushima qui a entraîné l'arrêt des centrales japonaises et la décision de l'Allemagne de sortir du nucléaire ; mais également des erreurs stratégiques des dirigeants d'AREVA, comme la volonté de positionner l'entreprise sur le secteur de l'architecte ensemblier ou l'acquisition d'Uramin. Vous connaissez aussi les difficultés rencontrées dans le cadre de la construction du réacteur Olkiluoto 3 – dit OL3 – et de l'EPR de Flamanville. Au total, AREVA a affiché des pertes à hauteur de 4,8 milliards d'euros en 2014, et encore 2 milliards en 2015.
Nous avons donc hérité d'une filière endettée, déchirée et désorganisée. Il fallait en prendre acte, regarder cette situation en face, sans aucun déni, et prendre de manière méthodique les décisions nécessaires – et souvent difficiles – pour y remettre de l'ordre, dans l'objectif de donner un avenir à AREVA tout en maintenant la pérennité de la filière nucléaire. Pour cela, il fallait régler deux problèmes : celui des comptes de résultat de l'entreprise et celui de son bilan.
Dès 2012, nous nous sommes penchés sur la question de l'export puisque AREVA et EDF se faisaient la guerre – il n'y a pas d'autre terme –, au détriment de l'ensemble de la filière, notamment des sous-traitants. Pour clarifier les rôles de chaque acteur économique, le 3 juin 2015, le Président de la République a décidé la refonte de la filière, marquée par la cession de l'activité réacteurs d'AREVA à EDF. Cette décision visait à aligner les intérêts des acteurs de la filière et à redonner à celle-ci la cohérence qui lui manquait. Les deux entreprises se sont mises d'accord sur les paramètres de cette cession ; EDF fera une offre ferme dès que la situation relative à l'EPR OL3 en Finlande aura été clarifiée. Dans cette configuration, AREVA conservera 15 % d'AREVA NP – la filiale de l'entreprise spécialisée dans l'ingénierie des réacteurs –, EDF en recevra 51 % et des actionnaires industriels japonais et chinois entreront au capital.
S'agissant du bilan de l'entreprise, AREVA sera recentrée sur les activités du cycle dans une nouvelle structure – on peut parler du « nouvel AREVA » – qui sera créée à cette fin. L'État a l'intention de recapitaliser le groupe à hauteur de 5 milliards d'euros.
Le Gouvernement a également dû œuvrer pour trouver une solution aux problèmes du projet OL3 en Finlande. Des contacts ont été pris et maintenus ; un dialogue très étroit s'est engagé avec le Gouvernement de ce pays et directement entre les entreprises. Nous espérons formaliser un accord avec les Finlandais au mois d'avril afin de refonder la filière nucléaire française sur les bases juridiques les plus solides possible. L'objectif est de mettre fin à l'arbitrage en cours sur ce sujet.
Pour ce qui est du compte de résultat, AREVA doit restaurer sa compétitivité. Un plan de performance vise ainsi à économiser 1 milliard d'euros d'ici à 2017. À cet égard, l'entreprise fait des progrès satisfaisants. L'autre objectif du plan de performance est d'adapter l'entreprise à la situation des marchés, ce qui implique – ces chiffres sont connus et publics – une baisse des effectifs de quelque 15 % à 18 %, soit une suppression 6 000 emplois au niveau mondial, dont 4 000 en France.
Les conditions fermes, quoique négociées, que le Gouvernement a posées en vue de cet accord ont toutes été respectées. Il faut souligner la qualité du dialogue social dans cette situation difficile : l'accord a été signé par quatre des cinq organisations syndicales, qui représentent 75 % du personnel de l'entreprise. Signé le 19 octobre 2015, cet accord favorise la production, les réductions de postes touchant principalement les emplois au siège et les fonctions de support ; aucun site de production ne sera fermé et il n'y aura aucun départ contraint. L'ensemble des relations commerciales entre EDF et AREVA ont été revues. Ainsi, l'on a rééquilibré les contrats en matière de combustible, en particulier dans la conversion et le retraitement, pour permettre au nouvel AREVA de se construire sur des bases plus saines.
J'évoquerai maintenant la filière nucléaire dans son ensemble et la nécessité de la refonder, qui passe par la conquête de nouveaux marchés à l'export et le renouvellement du parc nucléaire de notre pays.
Cette filière représente 220 000 salariés et plus de 2 500 entreprises sur notre territoire. Elle engrange un chiffre d'affaires de 46 milliards d'euros, dont 15 milliards de valeur ajoutée. L'investissement, en particulier en recherche et développement, est crucial dans cette filière qui figure au quatrième rang des filières industrielles les plus innovantes en France du point de vue de la dépense consacrée à cette activité. C'est ainsi qu'EDF investit chaque année plus de 3 milliards d'euros pour la maintenance du parc existant. C'est aussi une filière qui embauche : la pyramide des âges montre qu'une grande partie des salariés qui ont, au départ, participé à sa construction est aujourd'hui en train de partir à la retraite. Le transfert des compétences représente donc un enjeu important, tout comme le développement de nouveaux emplois, en particulier pour accompagner le démantèlement des centrales.
La signature du contrat Hinkley Point est déterminante pour la filière nucléaire. Ce projet est parfois contesté au motif qu'il mettrait EDF en danger ; pourtant, jusqu'à l'année dernière, la soutenabilité de la trajectoire financière d'EDF ne faisait aucun doute. L'entreprise n'est pas en difficulté et ses résultats 2015 sont bons ; mais le monde a changé et les activités d'EDF doivent désormais évoluer dans une situation de concurrence qui n'était pas la même il y a encore quelques années. Ce n'est donc pas Hinkley Point qui fait problème, mais ce contexte, lié à la baisse des prix de marché et au changement de l'environnement économique, notamment en raison des bouleversements du marché de l'énergie.
Face à cette situation mouvante, le compromis nécessaire autour d'EDF n'a pas encore permis de préparer l'avenir. L'État s'est pendant longtemps octroyé des dividendes élevés, alors que les consommateurs bénéficiaient des tarifs les plus bas d'Europe. Encore aujourd'hui, les tarifs d'EDF sont en moyenne de 14 % inférieurs à ceux des autres pays européens. Les salariés enfin ont bénéficié d'une progression salariale déconnectée de la productivité réelle de l'entreprise, du fait de la croyance collective selon laquelle on pourrait toujours, à l'avenir, augmenter les tarifs.
Ce compromis montre aujourd'hui ses limites. Ses recettes étant en baisse à cause du prix de marché, EDF doit réaliser des investissements importants pour pérenniser son avenir. Pour assurer la soutenabilité de la trajectoire financière de l'entreprise, l'État, l'entreprise et ses salariés, ainsi que les consommateurs doivent tous consentir des efforts partagés. Ces efforts sont déjà engagés, mais il faudra certainement aller plus loin. Ainsi, le Gouvernement travaille sur des chantiers de régulation pour sécuriser notre approvisionnement énergétique et réduire nos émissions de gaz à effet de serre, conformément à nos engagements internationaux ; ces évolutions pourront avoir un impact indirect sur les prix de l'électricité. Le travail est en cours au sein du Gouvernement pour actionner l'ensemble de ces leviers qui permettront à EDF de s'adapter à son nouvel environnement et de continuer à accomplir ses missions. Tous ces efforts forment une perspective cohérente.
Le Gouvernement soutient la filière électronucléaire française et le projet d'investissement à Hinkley Point pour tout un ensemble de raisons. D'abord, EDF travaille depuis plusieurs années sur ce projet qui ne représente que 15 % des investissements prévus par l'entreprise dans les prochaines années. Ensuite, le gouvernement britannique s'est engagé auprès d'EDF à acquérir l'électricité produite à un prix garanti pendant trente-cinq ans – une réponse attendue et nécessaire à la situation actuelle de prix de marché bas. Cet engagement, validé par la Commission européenne, permet de sécuriser la rentabilité du projet.
La France n'entend pas sortir du nucléaire, qui reste le principal moyen de production de l'électricité dans notre pays, et le Gouvernement s'est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans ces conditions, alors qu'EDF est le premier exploitant mondial du nucléaire et que le chantier de Hinkley Point bénéficie d'une technologie 100 % française, il serait difficile de comprendre que la France ne soit pas présente dans ce premier investissement nucléaire post-Fukushima en Europe.
Dans ces conditions, pour qu'EDF assure le nécessaire renouvellement d'une partie de son parc nucléaire, il n'est pas possible de renoncer à ses ambitions à l'export. Bien entendu, EDF doit s'assurer que toutes les conditions sont réunies avant de prendre la décision finale : c'est aussi le rôle de l'État actionnaire, qui sera particulièrement vigilant sur ce dossier. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement a déjà indiqué à plusieurs reprises son objectif, en l'occurrence que la décision relative au projet Hinkley Point soit prise dans les prochains mois – normalement, en mai.
Voilà les premiers éléments que je souhaitais porter à votre connaissance ; je suis à présent disponible pour répondre à vos questions.
M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Madame la secrétaire d'État, chacun conviendra que l'entreprise EDF a joué un rôle très important dans le développement de notre pays et dans le développement de la filière nucléaire. Comme vous l'avez dit vous-même, nous avons besoin de cette filière, y compris dans le cadre de la transition énergétique. Cette entreprise a effectué un travail remarquable grâce à la grande qualification de ses personnels. Sa conception du service public consiste à apporter aux usagers, dans leur vie quotidienne, les fruits du progrès technologique.
Vous avez évoqué la nécessité de maintenir cette entreprise du point de vue financier, de préserver sa compétitivité. Dans cette perspective, vous avez parlé d'une baisse des effectifs ; vous avez considéré que les salaires, dans cette entreprise, seraient un peu hors norme, et que les consommateurs ne paieraient pas assez cher. Je suis un peu étonnée, tout de même, par ce discours.
J'aurais aimé vous entendre définir la stratégie du Gouvernement concernant l'avenir de la filière nucléaire. Vers quelle solution vous orientez-vous : la prolongation de la durée de vie des équipements actuels, ou un renouvellement plus rapide de ces équipements, avec la mise en service de nouvelles centrales ? L'État est actionnaire principal d'EDF ; les choix stratégiques dépendent donc aussi de sa volonté. Vous avez plaidé pour le projet en Grande-Bretagne, et nous avons entendu, tout à l'heure, des personnes très qualifiées s'interroger sur la conception d'un EPR nouveau modèle, qui serait moins coûteux que l'EPR actuel. Je voudrais donc vous entendre à propos des projets stratégiques que l'État pense confier à cette entreprise.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Peut-être n'ai-je pas assez insisté sur le rôle qu'EDF a joué, continue de jouer et doit continuer de jouer dans le paysage industriel français. C'est une tête de pont du secteur énergétique, qui fournit chaque jour de l'électricité à des millions de nos concitoyens, qui éclaire des millions de foyers, qui permet à nos entreprises de produire et à nos services publics de fonctionner, et ce vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.
Vous avez parlé d'une « conception du service public ». C'est plus qu'une conception, c'est une mission de service public qui est pour partie assurée par cette entreprise. C'est cela qui permet à EDF de garantir notre indépendance et notre souveraineté énergétiques : c'est plus que jamais nécessaire du fait de la multiplication des zones de conflit dans le monde, et du fait de la volatilité – particulièrement marquée en ce moment – de la conjoncture économique internationale.
Vous avez raison, peut-être aurais-je dû souligner d'emblée le rôle du personnel d'EDF dans l'accomplissement de cette mission de service public, de ces 105 000 personnes qui, dans toute la France, permettent de créer de l'activité dans tous nos territoires. Toutefois, vous savez comme moi qu'EDF n'est plus dans une situation de monopole dans le champ de ses missions historiques. La concurrence est désormais directe sur certaines de ses activités ; cela nous oblige à avoir une vision stratégique pour l'avenir.
Cette vision stratégique est claire. Tout d'abord, EDF doit rester l'exploitant nucléaire du parc français. Ensuite, l'entreprise doit porter son offre nucléaire à l'international ; c'est dans le cadre de cette stratégie d'export que s'insère le projet d'Hinkley Point. De plus, EDF doit continuer à se diversifier dans la production d'énergies renouvelables.
EDF est aujourd'hui immédiatement en concurrence avec des entreprises qui représentent, pour les consommateurs, une autre possibilité : elle doit donc trouver un nouveau positionnement sur ces secteurs. EDF doit rester, naturellement, un acteur important des réseaux, mais il n'est pas nécessaire, pour cela, qu'elle détienne 100 % des réseaux. Ce secteur fait d'ailleurs partie de ceux qui ont été ouverts à la concurrence.
Enfin, EDF doit rester un fournisseur d'énergie en France, de manière équitable par rapport aux autres fournisseurs, afin de continuer à permettre l'innovation, qui est un moteur de la croissance, et afin de personnaliser toujours plus son offre, conformément à la demande, aux attentes des consommateurs dans notre pays.
Sur tous ces volets, l'entreprise doit décliner sa stratégie pour l'avenir.
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Madame la secrétaire d'État, vous avez dit, lors de votre présentation liminaire, que le Gouvernement a décidé de « remettre de l'ordre dans la filière nucléaire ». Il est bien évident que cette remise en ordre causera des dépenses particulièrement importantes.
À ce sujet, dans la première partie de ce débat, nous avons évoqué la prolongation de l'activité des réacteurs, dont le coût est estimé à 55 milliards d'euros par EDF et à 100 milliards d'euros par la Cour des comptes. Nous avons aussi évoqué l'acquisition, par EDF, d'AREVA NP, la branche « réacteurs » d'AREVA, dans le cadre du plan de sauvetage de cette dernière entreprise. Le prix de cette branche est évalué à 2,5 milliards d'euros. Il faut aussi prendre en compte le fameux projet d'Hinkley Point, dont le coût de construction est évalué à 24 milliards d'euros.
Je me suis limité, dans cette énumération, à tout ce qui peut toucher au nucléaire ; j'aurais pu évoquer la montée en puissance des énergies les plus subventionnées, comme l'éolien ou l'énergie solaire. Dans ce contexte, il apparaît évident, nécessaire, de recapitaliser EDF. Cette entreprise devra en effet assumer des responsabilités nouvelles, et faire face à ce que l'on pourrait appeler un « mur d'investissements ». Dans votre exposé liminaire, vous avez estimé cette recapitalisation à hauteur de 5 milliards d'euros, alors que, jusqu'à présent, il était question – il me semble – d'un montant de 12 milliards d'euros. Cela signifie-t-il qu'il faudra trouver d'autres modalités de financement ?
Passons en revue ces autres possibilités qui s'offrent à EDF et à l'État. Les tarifs réglementés augmenteront-ils, ce qui aboutirait à faire payer la facture aux consommateurs ? Envisagez-vous de vendre certains actifs – je pense notamment à Réseau de transport d'électricité, RTE, dont la valeur est estimée à 10 milliards d'euros ? Le passage de RTE au secteur privé pose beaucoup de questions. Autre élément : l'allongement de la durée de vie des centrales nucléaires – je n'y reviens pas car il en a été beaucoup question cet après-midi. Michel Sapin a par ailleurs expliqué qu'il serait possible de financer cette recapitalisation par la vente de participations de l'État dans d'autres entreprises, et non par l'endettement public. Quelles sont ces entreprises ?
Toutes ces questions sont très précises, mais elles peuvent se résumer en quelques mots : d'où viendra l'argent ? Quelles seront les conséquences sur le service public de l'énergie ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur le député, vous avez insisté sur la situation actuelle d'EDF. Nous sommes d'accord avec le constat que vous avez dressé. J'aimerais cependant le replacer à une échelle plus large, européenne et internationale. J'ai brièvement mentionné ce contexte plus large, permettez-moi d'y revenir.
En France, EDF est exposée à hauteur de 60 % au prix de marché, et est en concurrence avec d'autres fournisseurs pour les 40 % restants. Sur ces 40 %, la concurrence empêche d'augmenter les tarifs réglementés, sans quoi les clients délaisseraient EDF pour les offres concurrentes. Or les prix de marché ont baissé de 40 % en un an. La situation en France, à cet égard, est comparable à ce qui est observé dans les autres pays européens – la baisse des prix de marché s'est produite chez nous avec un certain retard, mais c'est un élément essentiel.
Pour schématiser, le prix de marché du mégawattheure est aujourd'hui de 26 euros, alors que le plan à moyen terme d'EDF a été bâti sur une prévision de prix de 37 euros par mégawattheure, en sachant que le coût historique du mégawattheure produit par le nucléaire était de 42 euros. Cette évolution cause une franche baisse de recettes, qui durera probablement au cours des prochaines années. En effet, le prix de l'électricité issue des centrales au charbon est au plus bas ; or c'est ce prix qui détermine en grande partie le prix de l'électricité.
Il se trouve, de plus, que la production européenne d'électricité est en surcapacité. Il est important de rappeler ces éléments de conjoncture économique ; c'est dans ce contexte que nous devons considérer la situation d'EDF.
Vous avez évoqué un montant de 5 milliards d'euros de recapitalisation ; il y a peut-être eu un malentendu : je parlais bien d'AREVA, et non d'EDF.
Je vais à présent répondre plus précisément aux questions que vous avez posées concernant la hausse des tarifs réglementés, RTE et la vente de participations de l'État dans d'autres entreprises.
Concernant les tarifs réglementés : pour les particuliers, le tarif représente le coût complet de l'ensemble du système électrique français. Il est calculé par empilement de plusieurs composantes : tout d'abord, le coût complet de production du parc nucléaire ; ensuite, le coût de production du reste du parc, auquel s'ajoute le coût des réseaux électriques ; puis les coûts commerciaux d'EDF et des autres fournisseurs. Cette méthode de calcul dite « par empilement » a été adoptée en 2015 par le Gouvernement et a été validée par Bruxelles.
Les règles prévoient explicitement que c'est la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, qui doit appliquer la formule et calculer ce tarif. Le Gouvernement ne peut donc pas modifier le résultat de ce calcul : il ne peut pas geler les tarifs, il ne peut empêcher une éventuelle hausse. La seule possibilité qui s'offrirait au Gouvernement serait de modifier de nouveau la méthode de calcul, alors même que celle-ci vient d'être définie pour tenir compte de la réalité de la conjoncture. Nous ne l'envisageons pas ; ce serait une procédure longue et très incertaine ; or dans le contexte actuel, nous n'avons pas besoin d'incertitude.
À l'heure actuelle, la CRE ne dispose pas de tous les éléments nécessaires pour aboutir au résultat définitif. Les spéculations quant à ce résultat sont donc inutiles. On peut noter, cependant, que la variation de chacune des composantes de ce calcul devrait être minime, que ce soit une variation à la hausse ou à la baisse.
Il faut distinguer la question du tarif réglementé pour les particuliers de celle du prix de marché, dont je vous ai parlé il y a quelques instants. Je vous ai expliqué que le prix de marché est lié à la conjoncture. Il y a donc un écart entre le tarif réglementé et le prix de marché ; le premier, formé de nombreux éléments, dépend très peu du second, car il représente un coût complet calculé sur 40 ans. L'enjeu, pour EDF, est d'affronter la baisse du prix de marché, car il affecte ses ventes, et ne dépend pas du tarif réglementé. Quand on envisage l'avenir de la filière, de ses emplois, ce qui importe, c'est donc d'influer sur le prix de marché. Faire remonter le prix de marché, cela ne signifie pas augmenter le tarif réglementé ; inversement, le prix de marché a pu baisser de 40 % en un an sans que le tarif réglementé diminue.
Quant à RTE, c'est la société qui gère le réseau des lignes à haute tension. Vous savez qu'elle est filiale à 100 % d'EDF, mais les directives européennes qui régulent le secteur imposent une séparation des activités de transport d'électricité d'une part, des activités de production et de fourniture d'électricité d'autre part, ces dernières relevant d'EDF. Cette séparation est nécessaire pour garantir que celle-ci ne dispose pas d'informations privilégiées par rapport à ses concurrents dans le secteur de la production ou de la fourniture. Par conséquent, EDF ne peut consolider RTE dans ses comptes et, pour la même raison, il y a étanchéité au niveau des personnels, y compris du management, et elle n'a pas de droit de regard sur les décisions courantes qui concernent RTE, et ce alors même qu'elle en détient, je le répète, 100 % du capital. Vous conviendrez comme moi qu'une telle situation n'est pas totalement optimale ni pour EDF ni pour RTE.
C'est pourquoi François Brottes, dorénavant président du directoire de RTE, travaille à définir un projet industriel pour cette entreprise qu'il devrait présenter avant l'été. Ce projet pourrait se traduire par une évolution du capital du RTE, évidemment dans les limites prévues par la loi, à savoir que RTE restera contrôlé par la puissance publique comme il se doit, mais pas forcément détenu à 100 % par EDF – la Caisse des dépôts, par exemple, pourrait prendre une participation, de même que le secteur privé. Mais il va de soi qu'EDF resterait l'actionnaire majoritaire. Le Réseau de transport d'électricité a une valeur stratégique et doit demeurer dans la sphère publique. Ce projet industriel sera avant tout défini dans l'intérêt de RTE ; il ne s'agira en aucun cas d'un pur schéma financier présenté pour renflouer EDF. Ma réponse sur ce point a peut-être été quelque peu longue, mais elle illustre la complexité juridique qui régit les relations entre les deux entreprises.
Par ailleurs, vous avez évoqué les propos tenus par mon collègue Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, sur la vente éventuelle par l'État de participations qu'il détient dans d'autres entreprises publiques. Sur ce point, le Gouvernement a une politique active et volontaire en la matière : il s'agit de céder des participations là où sa présence n'est pas considérée comme nécessaire, par exemple dans le cas des sociétés gestionnaires des aéroports de Nice ou de Lyon. D'autres cessions sont possibles, mais le Gouvernement ne peut les annoncer par avance car cela mettrait en cause les intérêts patrimoniaux de l'État, c'est-à-dire des Français.
M. le président. Brièvement, monsieur Chassaigne …
M. André Chassaigne. Une seule phrase, monsieur le président : qu'en termes élégants ces choses-là sont dites, mais au final on voit bien quelles sont les orientations.
M. le président. Le débat est clos.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 7 avril 2016