Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour Patrick KANNER.
PATRICK KANNER
Bonjour.
PATRICK COHEN
Face à la grogne des jeunes vous avez sorti hier le carnet de chèques, 500 millions d'euros, et une taxe sur les CDD, de telle sorte que vous avez mis le feu au patronat sans éteindre l'incendie chez les étudiants. Est-ce que vous n'êtes pas en train de perdre sur les deux tableaux ?
PATRICK KANNER
Sûrement pas. Vous savez, je crois qu'on peut mesurer le degré de civilisation d'une société à la place qu'elle fait, non pas aux personnes âgées, c'était souvent l'expression qui était consacrée, mais aussi à la jeunesse, et aujourd'hui je pense que nous avons entendu les jeunes, nous l'avons déjà fait depuis le début du quinquennat. Les préoccupations des jeunes
PATRICK COHEN
Sauf que là ce paquet jeunesse semble avoir été improvisé, il n'était pas
PATRICK KANNER
Pas du tout.
PATRICK COHEN
Il aurait pu être proposé ou négocié plus tôt, non ?
PATRICK KANNER
Je consulte les jeunes depuis de nombreux mois, y compris pour mettre en oeuvre mon projet de loi Egalité et Citoyenneté et je puis vous dire que les demandes des jeunes sont connues et reconnues. Qu'est-ce que cherchent les jeunes ? Un emploi, naturellement, de l'autonomie au travers du logement et des conditions de vie, et aussi un sens à la vie de ces mêmes jeunes, et donc je crois qu'on a répondu globalement à ces préoccupations hier, mais on n'a pas attendu hier. Si je reprends chacun de ces items, sur l'emploi, la Garantie jeunes étendue, les Emplois d'Avenir, tout cela existait précédemment.
PATRICK COHEN
Les mesures qui ont été présentées hier étaient dans vos cartons, Patrick KANNER ?
PATRICK KANNER
Oui, bien sûr.
PATRICK COHEN
Ah bon ?
PATRICK KANNER
Notamment sur deux d'entre elles, l'extension de la CMU aux jeunes qui n'en n'avaient pas, la CMUC, la complémentaire très concrètement, ou l'extension de la Garantie location, c'étaient des sujets que moi j'espérais voir venir, dans le cadre du débat parlementaire, autour de mon projet de loi Egalité et Citoyenneté. Ce qui veut dire que nous ne sommes pas surpris, ni par les demandes, ni par les réponses. Par contre je suis très heureux
PATRICK COHEN
Et la prolongation des bourses au-delà de la période d'étudiant, avant l'entrée dans la vie active ?
PATRICK KANNER
Ça c'est une négociation, c'est vrai, que nous avons eue pas plus tard que mercredi dernier, et on a trouvé cette idée très bonne, et dans ce cadre-là eh bien l'a bouclée sur le plan financier et on la met aujourd'hui en oeuvre. Vous savez, négocier, c'est une sorte de contrat gagnant/ gagnant, on ne peut pas avoir raison sur tout ou tort sur tout. Nous avons trouvé manifestement un bon accord hier, chiffré en tant que tel, qui correspond aux besoins des jeunes. J'ai bien entendu que quelques organisations syndicales de jeunes, ou de jeunes en tant que tels, ne voulaient pas « lâcher le morceau », permettez-moi l'expression, sur la loi Travail portée par Myriam EL KHOMRI, c'est leur droit le plus strict, mais hier, comme l'a dit Manuel VALLS, nous avons négocié globalement sur les problématiques de la jeunesse, et pas sur tel ou tel point.
PATRICK COHEN
Et c'est pour amadouer les jeunes, ou en espérant amadouer les jeunes, que votre collègue Jean-Marie LE GUEN appelle à mettre fin à la prohibition du cannabis ?
PATRICK KANNER
Tout d'abord je n'aime pas l'expression amadouer, Monsieur COHEN, je vous le dis très directement, je pense qu'il faut respecter les jeunes comme les jeunes nous ont respectés dans la négociation
PATRICK COHEN
La ficelle paraît un peu grosse, pardon, dans ce moment de grogne et de contestation.
PATRICK KANNER
Attendez, je vais vous répondre, d'abord globalement sur les mesures qui ont été prises hier, on n'a pas amadoué les jeunes, on a travaillé avec eux pour trouver des bonnes solutions. Sur la proposition, en tout cas la réflexion de Jean-Marie LE GUEN, elle n'engage que lui, de manière sincère, je crois qu'il faut lui reconnaître cette sincérité, mais le débat n'existe pas au sein du gouvernement, il a été tranché par le président de la République et le Premier ministre, ce débat n'est pas d'actualité.
PATRICK COHEN
Vous avez dépêché des conseillers place de la République, des infiltrés au sein de la foule de Nuit debout, comme le raconte Le Parisien ce matin ?
PATRICK KANNER
Ecoutez, vous avez de bonnes lectures. Moi je ne suis pas allé voir les jeunes place de la République, les jeunes et les moins jeunes d'ailleurs, mais je respecte leur mouvement, mais j'ai des collaborateurs, qui sont jeunes, qui sont intéressés par le mouvement et qui sont allés sur place. Non pas pour infiltrer ou
PATRICK COHEN
Ils vous ont dit quoi ?
PATRICK KANNER
Ou pour surveiller, mais simplement par intérêt personnel.
PATRICK COHEN
Alors, que vous ont-ils raconté ?
PATRICK KANNER
Ils me disent que c'est un mouvement qui est intéressant sur le plan intellectuel, sur le plan politique. Moi, vraiment, je le regarde avec, non pas sympathie, mais avec intérêt, réel, à conditions qu'il respecte naturellement les règles et les lois de la République, c'est-à-dire qu'on ne peut pas occuper indéfiniment un espace public, il y a d'autres moyens de s'exprimer dans ce pays. Mais quand j'étais président du Conseil général du Nord, il n'y a pas très longtemps, j'avais mis en place des processus de démocratie participative, la création de conseils cantonaux de concertation, l'élaboration d'ateliers citoyens pour porter des politiques publiques au sein du département. Moi je n'ai pas peur de la démocratie participative, de la démocratie collaborative, à condition qu'elle respecte un minimum de règles pour qu'elle soit productive.
PATRICK COHEN
Et ça pourrait déboucher sur quoi ?
PATRICK KANNER
Une écoute, une écoute permanente, sous différentes formes, à condition naturellement que ça n'apparaisse pas comme systématiquement contre la démocratie représentative qui est portée par les élus.
PATRICK COHEN
C'est la limite du mouvement, c'est que
PATRICK KANNER
La limite c'est l'élection.
PATRICK COHEN
Il ne faut pas
PATRICK KANNER
La limite c'est l'élection, c'est-à-dire que si ce mouvement estime qu'il a des choses à dire et qu'il a à porter, peut-être que c'est en allant jusqu'à l'élection que les choses peuvent se dérouler, mais ce n'est pas encore, manifestement, leur priorité.
PATRICK COHEN
Egalité et Citoyenneté, c'est le nom du projet qui sera présenté demain en Conseil des ministres, puis ensuite lors d'un conseil interministériel à Vaulx-en-Velin, et qui est présenté comme la réponse législative au constat fait par le Premier ministre il y a un peu plus d'1 an sur l'apartheid territorial social et ethnique. Le constat d'échec c'est aussi celui du Secours Catholique, vous avez vu ce rapport hier sur l'Ile-de-France, région la plus riche et la plus inégalitaire, 15 % de population, 1,8 million qui disposent de moins de 1000 euros par mois, avec des poches de misère où la pauvreté s'ajoute à la pauvreté, dit le Secours Catholique. Vous avez des solutions pour inverser cette tendance, Patrick KANNER.
PATRICK KANNER
Une des solutions c'est notamment la politique de la ville que je porte
PATRICK COHEN
La mixité sociale.
PATRICK KANNER
Qui va trouver d'ailleurs une réponse législative dans ce projet de loi. La politique de la ville, aujourd'hui, s'adresse à 1500 quartiers, pour 5,5 millions d'habitants qui sont parmi les plus pauvres de notre pays, c'est un constat, personne ne le nie. Après la question c'est, une fois qu'on a nommé les choses, il faut agir, il faut agir sur tous les plans, la rénovation urbaine, parce qu'on en a besoin dans ces quartiers, plus de mixité sociale en imposant que les villes qui n'ont pas encore assez de logements sociaux construisent ces logements sociaux, soit de manière volontaire, malgré l'imposition de la loi, soit parce que le préfet va se substituer à ces villes autant que de besoin.
PATRICK COHEN
Vous avez l'impression que ça a progressé ces dernières années ? On sort d'une période où la région Ile-de-France a été gouvernée pendant plus de 15 ans par une majorité de gauche, et voyez le constat d'échec dressé par le Secours Catholique.
PATRICK KANNER
C'est un constat d'échec en demi-teinte, permettez-moi de le dire, puisque le Secours reconnaît qu'il y a eu des avancées, mais qu'on est encore loin du compte dans certains secteurs de l'Ile-de-France. L'Ile-de-France n'est pas la France, permettez-moi de le dire, il faut reconnaître les succès ailleurs dans ce pays.
PATRICK COHEN
C'est une partie de la France.
PATRICK KANNER
La mixité sociale ne s'impose pas, elle s'impose y compris par des mesures de convictions, comment je vais vous dire cela quand on dit il faut développer le secteur économique à l'intérieur des quartiers prioritaires pour ne plus les rendre dépendants de la bonne volonté d'autres partenaires économiques, c'est une réponse. Nous allons créer l'Agence France Entrepreneurs qui vise aujourd'hui à créer de manière endogène, à l'intérieur des quartiers, de la richesse économique. Quand on offre des emplois aux jeunes dans ces quartiers, au travers des Emplois d'Avenir, quand on développe le service civique, quand on permet l'accès à des contrats spécifiques d'insertion directe dans le monde de l'entreprise, dans ces quartiers, on répond, aujourd'hui, à la demande de ces quartiers et à la lutte contre la ségrégation. Ce dont souffrent ces quartiers est une forme de discrimination, qui est insupportable, et c'est l'intervention publique qui permettra de la corriger.
PATRICK COHEN
Un mot sur le volet citoyenneté, vous allez proposer des mesures, avec quels objectifs sur la réserve citoyenne, l'engagement citoyen, que vous voulez favoriser ?
PATRICK KANNER
La culture de l'engagement passe par différents supports, le service civique, et son développement est spectaculaire aujourd'hui dans notre pays. C'est aussi la création d'un congé d'engagement pour ceux qui sont déjà impliqués dans le secteur associatif, qui sera opposable et négociable dans l'entreprise, 6 jours fractionnables par demi-journée, ça ce sont des choses extrêmement concrètes, la citoyenneté comme étant une réponse aujourd'hui aux phénomènes de relégation, la réserve citoyenne, qui sera créée officiellement dans ce projet de loi. Toute une série de mesures qu'il faut rendre cohérentes pour considérer que la citoyenneté est un rempart contre tous les populismes, contre tous les radicalismes.
PATRICK COHEN
Patrick KANNER, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, on peut aussi parler des sports si vous le souhaitez chers auditeurs de France Inter qui nous appelez au 01.45.24.7000, vous aurez la parole dans quelques minutes.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 avril 2016