Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur l'offre de soins dans les territoires ruraux, organisé à la demande du groupe du RDSE.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps imparti au groupe du RDSE est fixé à quatre heures. Compte tenu de la précédente interruption de séance, je serai dans l'obligation d'interrompre ce débat à dix-huit heures quarante. Je demande donc à tous les orateurs de respecter strictement leur temps de parole afin que Mme la secrétaire d'État dispose d'un temps de réponse correct.
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M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord l'affirmer une nouvelle fois, la France, grâce à des professionnels de santé de grande qualité, continue de disposer de l'un des meilleurs systèmes de santé au monde. Toutefois, des inégalités territoriales dans l'accès aux soins font apparaître de nouvelles fractures entre les villes et les territoires ruraux, mais aussi au sein des villes elles-mêmes.
Le nombre de médecins en France se situe aujourd'hui dans la moyenne des pays de l'OCDE, avec 337 médecins pour 100 000 habitants, et l'enjeu est bien maintenant celui de leur répartition sur le territoire. L'enjeu est également démographique, le départ à la retraite de médecins fragilisant l'accès aux soins dans certains territoires.
Cette question de l'accès à des professionnels de santé à proximité de chez soi est devenue une préoccupation majeure pour nos concitoyens et une priorité pour le Gouvernement.
Depuis 2012, le Gouvernement a fait le choix de mener une politique volontariste et incitative pour renforcer l'accès aux soins de proximité partout en France, au travers du pacte territoire santé.
Ainsi, l'implantation des jeunes médecins et des futurs professionnels a été facilitée dans les territoires fragiles. Le « contrat d'engagement de service public » s'adresse aux jeunes médecins ou dentistes en formation. Ils perçoivent une bourse de 1 200 euros bruts par mois en contrepartie de l'engagement de s'installer dans un territoire manquant de professionnels. L'objectif de 1 700 contrats fixé pour 2017 a d'ores et déjà été dépassé, puisque 1 750 jeunes médecins ou dentistes se sont déjà engagés dans le dispositif. Parmi eux, monsieur Vall, quatre vont s'installer dans différentes communes de votre département, le Gers.
M. Jacques Mézard. Voilà une bonne nouvelle ! (Sourires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. De plus, les « contrats de praticiens territoriaux de médecine générale » sécurisent l'activité des jeunes médecins en leur garantissant un revenu mensuel de 6 900 euros bruts pendant deux ans et en leur offrant une meilleure protection sociale. Ces contrats ont permis, en trois ans, l'installation de près de 600 professionnels dans des territoires manquant de médecins, dont trois dans le Gers, monsieur Vall ! (Exclamations amusées sur les travées du RDSE.)
M. Raymond Vall. C'est presque trop ! (Nouveaux sourires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Marisol Touraine a fixé un objectif de 1 000 contrats signés d'ici à l'année prochaine.
Par ailleurs, les projets d'exercice coordonné au sein des maisons pluri-professionnelles de santé sont en plein essor. Il y a près de 800 maisons de ce type en fonctionnement aujourd'hui. Comme certains d'entre vous l'ont souligné, ces projets doivent être concertés entre élus locaux et professionnels de santé, l'objectif étant d'atteindre le chiffre de 1 000 maisons de santé d'ici à 2017.
L'acte II du pacte territoire santé a aussi amplifié le mouvement, en innovant pour la formation des futurs professionnels de santé et leur exercice dans les territoires.
Par exemple, nous avons augmenté le nombre de médecins à former dans dix universités situées dans des régions où la densité médicale est la plus faible. Nous le savons, augmenter le numerus clausus national ne suffit pas pour combler les inégalités entre territoires et répartir la hausse des étudiants de façon égalitaire. Ainsi, entre 2000 et 2008, le numerus clausus a doublé et, pour autant, la densité médicale a continué de baisser dans certaines zones.
Après avoir connu une forte croissance jusqu'en 2008, le numerus clausus est maintenant plutôt stable : il s'établit à 8 000, alors qu'il était descendu jusqu'à 3 500 au cours des années quatre-vingt-dix. Il faut du temps pour que les effets de l'augmentation du numerus clausus se fassent sentir, car neuf ans sont nécessaires pour former un médecin généraliste, et de dix à onze ans parfois davantage pour former un médecin spécialiste.
Avec ce nouveau volet du pacte, les stages en cabinet de médecine générale ont également été renforcés. Ils ont par ailleurs été ouverts auprès de médecins libéraux d'autres spécialités comme la pédiatrie, la psychiatrie et la gynécologie médicale. Pour attirer les jeunes vers la médecine libérale, il est essentiel de les former dans les conditions réelles de leur futur exercice.
Pour faciliter l'implantation des professionnels, il faut également mettre à leur disposition une information complète, afin qu'ils puissent savoir dans quelles conditions ils peuvent s'installer et quelles sont les régions déficitaires. À la fin de 2015 a donc été ouvert un nouveau portail d'accompagnement des professionnels de santé, à l'adresse www.paps.sante.fr. Ce site décline les informations pratiques pour chaque région. Concrètement, les professionnels auront accès à toutes les informations relatives aux lieux de stage, aux aides proposées pour l'installation ou encore aux démarches pour monter une maison de santé ou s'inscrire dans une coopération territoriale.
La force du pacte territoire santé réside non pas dans une succession de dispositifs, mais bien dans une volonté de tous les acteurs concernés de faire changer les choses.
Les agences régionales de santé ont donc été pleinement mobilisées. Des référents installation ont été identifiés depuis 2013 pour mieux informer et accompagner les professionnels. Les ARS doivent également être les interlocutrices des élus locaux pour trouver des solutions sur mesure.
La présence de l'hôpital dans tous les territoires menacés de désertification médicale est également essentielle. Sa complémentarité avec les soins de ville doit être soulignée.
Oui, l'accès à la santé dans les territoires ruraux repose aussi sur un maillage hospitalier de qualité et de proximité. Depuis 2012, ce gouvernement n'a eu de cesse de consolider l'accès au service hospitalier sur tout le territoire.
Certains orateurs ont évoqué la création des groupements hospitaliers de territoire, qui peut inquiéter, comme tout changement. Je veux les rassurer. Les périmètres de ces groupements seront définis au début de juillet, ainsi que les orientations stratégiques des projets médicaux partagés. Comme Marisol Touraine l'a rappelé à de nombreuses reprises, les élus locaux, les maires en particulier, seront étroitement associés à la définition de ces groupements hospitaliers de territoire, à travers le comité territorial des élus locaux, dont le rôle et la composition seront prochainement précisés par décret et qui intégrera les maires de toutes les communes concernées, même lorsque ces derniers ne sont pas membres du conseil de surveillance de l'hôpital.
Toutefois, l'hôpital public est également confronté à des difficultés de recrutement. C'est pourquoi Marisol Touraine a pris des mesures fortes au travers du plan d'action pour l'attractivité de l'exercice médical à l'hôpital public, fin 2015. Ce plan, élaboré sur la base du rapport et des recommandations de votre ancien collègue Jacky Le Menn, est construit autour de deux objectifs structurants.
Le premier objectif est de favoriser l'engagement dans la carrière médicale hospitalière. Pour cela, le plan prévoit un meilleur accompagnement de chaque jeune praticien dans ses choix d'orientation professionnelle, mais aussi le versement d'une prime d'engagement, créée pour encourager 3 000 praticiens à exercer, d'ici à 2018, dans les hôpitaux qui manquent de professionnels médicaux.
Ce plan prévoit également de favoriser, pour les personnels médicaux et paramédicaux, des modes d'exercice mixte, à la fois hospitalier et libéral. C'est aussi une demande forte des professionnels.
Le second objectif est de fidéliser les professionnels qui exercent à l'hôpital certains le quittent au profit d'autres modes d'exercice et de favoriser leur implication dans les projets médicaux de territoire. Le plan a ainsi créé une prime d'exercice territorial destinée à encourager l'exercice sur plusieurs sites et permettant par exemple la mise en place de consultations avancées dans les hôpitaux de proximité, qui n'offrent pas toujours des consultations de spécialistes.
L'action du Gouvernement porte aussi directement sur le soutien financier aux établissements de santé, qui assurent une offre de soins de proximité dans les territoires dits fragiles. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a permis aux établissements situés dans des zones caractérisées par un certain isolement géographique de bénéficier d'un financement complémentaire de la tarification à l'activité, la « T2A ».
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a également prévu la mise en place d'un mode de financement adapté aux « hôpitaux de proximité », qui s'écarte de la T2A. Il concerne notamment les anciens « hôpitaux locaux », qui s'appuient sur un exercice mixte, hospitalier et libéral, des praticiens pour répondre aux besoins de la population. La T2A ne permettait pas d'assurer leur équilibre sur le long terme. C'est pourquoi un nouveau mode de financement a été finalisé. Cette réforme sera opérationnelle avant l'été. (Très bien ! sur les travées du RDSE.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour valoriser la médecine de proximité, il nous faut moderniser la formation, innover en matière d'organisation et de conditions d'exercice des professionnels de santé. C'est bien tout l'enjeu de la politique menée par la ministre de la santé, avec les premier et second pactes territoire santé, le plan d'action pour l'attractivité de l'exercice médical à l'hôpital public, la loi de modernisation de notre système de santé, ainsi que la grande conférence de la santé. Tous ces éléments se conjuguent pour former une politique solide visant à revaloriser la médecine de proximité et à assurer l'égalité de tous les Français dans l'accès aux soins.
Oui, notre système de santé est bien l'un des meilleurs au monde. Oui, nous disposons de professionnels de santé dont l'excellence est reconnue dans le monde entier. Cependant, nous devons sans cesse adapter notre modèle pour faire en sorte que tous les Français aient accès aux soins dans les mêmes conditions : cela est indispensable si nous voulons lui conserver son excellence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. Mme Catherine Di Folco applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l'offre de soins dans les territoires ruraux.
Source http://www.senat.fr, le 12 avril 2016