Texte intégral
Mesdames et Messieurs, merci d'être venus à notre invitation pour ce rendez-vous, d'autant plus que j'ai à vous parler de sujets ingrats et sérieux, c'est-à-dire la façon dont ce ministère évolue, la façon dont il se modernise, et la façon dont j'entend accélérer et activer sa modernisation. Ce qui n'empêche pas qu'après je pourrai répondre, si vous le souhaitez, à des questions sur l'actualité. J'ai souhaité ce rendez-vous parce que plusieurs événements dans la vie de ce ministère ont pu attirer votre attention au cours des dernières semaines ou des derniers jours, comme le mouvement diplomatique et j'ai pensé utile de vous donner des explications à ce sujet.
Je commencerai par un constat qu'en professionnels du sujet vous avez en tête. La contrainte numéro un à laquelle notre politique étrangère a à faire face, c'est l'intensification exponentielle des relations internationales entre les 185 pays du monde en même temps qu'une multiplication des instances de négociations multilatérales et des obligations qui en découlent. Dans le même temps, nous sommes confrontés à un développement constant des relations internationales non gouvernementales et non publiques, que ce soit dans le domaine économique, culturel, humanitaire ou autre. Par ailleurs, tous les ministères intensifient leurs activités internationales. Ce qui fait que le cadre dans lequel notre ministère doit exercer sa mission, sa présence de tous les instants 24 heures sur 24 pour veiller sur tous les fronts aux intérêts de la France, à sa sécurité, à sa prospérité, à son influence dans les domaines de la langue, de la culture, de sa conception du monde, dans le domaine des grandes idées et des valeurs, comme en ce qui concerne sa contribution à la résolution des conflits, ce cadre est profondément modifié et rendu plus complexe.
La conclusion est simple : il nous faut un outil mieux adapté à ce nouveau contexte, un ministère des Affaires étrangères qui soit capable en permanence, partout dans le monde et sur tous les plans, d'analyser, d'alerter, de proposer, de mettre en oeuvre, de coordonner et qui soit en même temps capable de veiller aux interactions entre les négociations multiples qui sont menées au même moment sur différents fronts avec de multiples partenaires. Naturellement, il peut y avoir des négociations spécifiques, spécialisées, menées par tel ou tel autre ministère toujours en liaison avec nous. Nous ne sommes pas en position de leader tout le temps, mais il y a une fonction spécifique qui ne peut être exercée qu'ici, qui est la maîtrise de l'interaction entre toutes les négociations, qui interréagissent les unes sur les autres. Les arbitrages à faire dans une enceinte ou dans une autre peuvent être en contradiction. Tous ces éléments mis bout à bout ont des conséquences qui peuvent être déterminants sur les secteurs de la vie nationale comme sur nos relations avec nos grands partenaires, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, le Japon, les Etats-Unis ou tout autre.
C'est cette fonction très particulière que nous avons à l'esprit lorsque nous disons que notre tâche est de remettre le ministère des Affaires étrangères au coeur de l'action extérieure de la France. Cela demande une modernisation constante, qui évidemment ne commence pas aujourd'hui. Vous êtes tous ici des familiers de ce ministère. Au cours des dernières décennies, il y a déjà eu à plusieurs reprises des efforts importants de modernisation et d'adaptation. La modernisation dont je vous parle aujourd'hui s'inscrit dans la ligne de ces efforts ou de ces tentatives, cela dépend des cas, antérieures. Tout cela ne commence pas aujourd'hui et chaque responsable actuel de ce ministère peut légitimement éprouver le sentiment d'avoir pris toute sa part à l'action bien réelle menée jusqu'ici. Mais j'ai la ferme intention de faire passer cette modernisation à la vitesse supérieure. La situation n'est encore en effet complètement satisfaisante, ni sur le plan de la gestion, ni sur le plan de l'administration en général, ni sur le plan de la politique du personnel, ni sur le plan de la formation, ni sur le plan des méthodes de travail, ni sur le plan du travail avec les autres ministères, ni sur le plan de la communication, ni sur le plan de la capacité à traiter des questions globales, ni sur le plan de la capacité à évoluer. Sur chacun de ces plans, beaucoup de choses ont déjà été accomplies, et je ne doute pas, parce que je l'ai vérifié moi-même, de la disponibilité des agents de ce Département, de leur désir même, de participer à cette nouvelle phase de modernisation. Tout ce dont je vais vous parler devra se faire avec leur aide.
L'action que j'ai commencé à mener depuis un an et que je vais développer dans les directions que je vais vous exposer s'inscrit dans le cadre de la réforme de l'Etat présentée en novembre dernier par le Premier ministre. Elle s'accompagne, et s'accompagnera, d'une concertation régulière et d'une réflexion très large. Mon intervention n'est pas précipitée, je ne suis pas arrivé à ce poste avec des idées préconçues, et j'ai pris le temps de regarder et d'analyser, même si j'étais déjà familier de beaucoup de ces questions. Toute mon action vise à plus d'efficacité, à plus de transparence, à des procédures simplifiées, à des organigrammes plus clairs. L'idée centrale est de lancer un programme de modernisation s'étalant sur plusieurs années, intégrant une évaluation périodique de ce qui marche et de ce qui ne marche pas pour se corriger en avançant. Ce travail a bien sûr été mené depuis un an en liaison constante avec Pierre Moscovici et Charles Josselin dans les domaines qui les concernent ainsi qu'avec leurs Cabinets respectifs en, je crois qu'on peut le dire, parfaite entente.
Je voudrais maintenant vous donner quelques exemples plus précis sur 5 points :
1) - Les conséquences de la réforme de la Coopération décidée par le Premier ministre pour l'organisation de ce ministère, et notamment, de la direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques ;
2) - la modernisation profonde de la direction générale de l'Administration ;
3) - l'adaptation de l'organigramme sur plusieurs autres points que j'ai décidé de réaliser à l'occasion de ces deux réformes que je viens de citer, déjà importantes en elles-mêmes ;
4) - les méthodes de travail que j'entends faire évoluer ;
5) - et, enfin, le mouvement diplomatique qui est l'expression de ces choix, et le moyen de les mettre en oeuvre.
1 - Sur le premier point, la réforme de la Coopération, je serai bref parce que, à une date qui n'est pas encore fixée mais qui ne sera pas très lointaine, Charles Josselin et moi-même vous ferons une présentation détaillée de l'organisation que nous retenons. Je vous en rappelle le cadre : la réforme que voulait le Premier ministre, à laquelle il a personnellement travaillé avec Dominique Strauss-Kahn, Charles Josselin et moi de la formation du gouvernement jusqu'en janvier. En janvier, il a arbitré pour un regroupement des divers services chargés de coopération et de développement sous l'égide du ministère des Affaires étrangères. Nous sommes entrés depuis lors dans une seconde phase celle de la mise en oeuvre cette réforme. Charles Josselin et moi nous nous sommes réunis longuement, une bonne dizaine de fois, aidés dans cette tâche par un comité de pilotage composé de François Nicoullaud et de François Mimin qui ont en outre rencontré, écouté, consulté tous les intéressés Nous avons étudié toutes les modalités possibles de cette réforme. Car, à partir du même mot : "regroupement" nous pouvions choisir entre plusieurs options, allant de la simple juxtaposition de l'ancienne direction du développement du secrétariat d'Etat à la Coopération et d'une direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques maintenue, jusqu'à une réforme profonde. Nous préférons finalement une vraie réforme qui ne sera donc plus ni l'ancienne direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques, ce qui ne met pas en cause ses innombrables mérites et notamment le remarquable travail effectué avant 1995 par Jean-David Levitte, lorsqu'il était directeur général poursuivi ensuite avec conviction par Pierre Brochand, ni le bilan impressionnant de l'ancienne direction du Développement. Mais il y a eu une réforme, cette réforme a sa logique, sa dynamique. Nous allons donc créer un outil neuf ce qui suppose de régler des problèmes de répartition des compétences, d'efficacité et de gestion connus de tous depuis longtemps, mais jamais vraiment résolus. Un des éléments forts en sera une distinction claire, autour de laquelle on tournait depuis une bonne vingtaine d'années, entre les directions par métiers, dites "sectorielles" ou "fonctionnelles" (développement, action culturelle, enseignement du français, échanges scientifiques, audiovisuel etc...) et d'autre part, regroupées dans une direction les fonctions géographiques de programmation, d'évaluation, de contrôle de gestion. Tout ceci vous sera présenté en détail, ultérieurement, par Charles Josselin et moi-même. Vous verrez que cela va exactement dans le sens non seulement des arbitrages du Premier ministre, cela va sans dire, mais aussi de ce qui nous était demandé depuis de très longues années par le ministère des Finances, le Budget, la Cour des Comptes, par beaucoup d'audits y compris un audit que j'ai demandé moi-même, il y a quelques mois sur la direction générale, et qui a été conduit de façon conjointe par l'inspection générale des Finances et l'inspection des Affaires étrangères. Nous sommes, Charles Josselin et moi-même, très proches de nos conclusions. La préparation, le rodage dureront jusqu'à la fin de l'année. La nouvelle structure sera en place au 1er janvier.
2 - Le deuxième point d'application de cette politique de modernisation concerne la direction générale de l'Administration à la tête de laquelle Alain Catta vient d'être nommé, lors du dernier Conseil des ministres. Une tâche immense, l'attend, aussi considérable que celle qui est confiée à François Nicoullaud. Pour moderniser l'administration générale, il y a dans mon esprit deux grandes priorités. Il faut d'abord dynamiser la politique du personnel et des ressources humaines, ce qui signifie une meilleure adéquation dans les décisions entre les capacités, les besoins et les postes, des décisions prises plus tôt pour que les agents aient le temps de se préparer à leurs nouvelles affectations. Ce qui veut dire amplifier et transformer toute la politique de formation qui ne doit pas intervenir de façon occasionnelle mais de façon méthodique, complète, systématique dans le déroulement de carrières. Je demanderai, entre autre, à Alain Catta de regarder ce qui se passe sur ce plan dans la gestion des corps diplomatique américain, britannique et allemand. Il y a peut-être des idées à prendre ailleurs. Il faut que la formation soit une composante systématique des carrières, y compris en ce qui concerne la question délicate des conjoints sur laquelle on ne peut plus faire l'impasse. Je demanderai aussi à Alain Catta de développer les échanges avec les autres administrations comme avec le secteur privé et d'examiner comment on peut surmonter les obstacles qui ont empêché jusqu'ici qu'une telle politique d'ouverture, souhaitée par plusieurs de mes prédécesseurs, aboutisse vraiment.
La deuxième priorité pour l'administration générale sera de moderniser, et de rationaliser la gestion des moyens : marchés, conception et suivi des travaux, construction des nouvelles ambassades, restauration, décoration, entretien, fonctionnement quotidien.
J'ai déjà pris deux décisions précises sur ce point. D'une part, j'ai nommé une professionnelle de l'hôtellerie de haut niveau sélectionnée à partir de trente candidats, à la tête de ce que l'on appelle l'Hôtel du ministre, que vous connaissez un peu pour ceux qui sont familiers de la maison. Je rappelle que l'on y sert chaque année autant de repas qu'au Crillon. Pour nos hôtes étrangers, c'est un peu l'image de la France. Il n'empêche que cette machine devait être dirigée avec rigueur et professionnalisme.
D'autre part, j'ai créé une mission du patrimoine à la tête de laquelle j'ai nommé un conservateur du patrimoine, inspecteur des monuments historiques, pour modifier radicalement la façon dont on travaille et on intervient au ministère sur tout ce qui est patrimoine historique et décoration.
Dans le même esprit, j'ai décidé de recréer un vrai service de l'Equipement qui soit capable d'être à la fois, dans toutes les affaires immobilières et de construction, l'instrument de la politique immobilière du ministère, qui sera repensée, et l'interlocuteur dont nous avons besoin par rapport aux professionnels de toute nature. J'ai demandé au nouveau directeur général de l'Administration de me soumettre un plan sur un an sur ces points avec un premier bilan dans 6 mois concernant la façon dont on peut surmonter les obstacles à la modernisation. Ceux qui connaissent cette Maison savent que ce sont des petites révolutions.
Permettez-moi une incidente : la modernisation, tout le monde dit la souhaiter. Je pense qu'elle est indispensable, et je la ferai vraiment. Pour cela, j'ai pris mon temps, j'ai examiné en détail ces points pendant un an, j'ai fait relire tous les audits réalisés depuis des années sur ce ministère, j'en ai fait faire des nouveaux sur des points précis. J'ai beaucoup travaillé avec l'actuel Secrétaire général, comme avec les directeurs concernés, et avec mon cabinet sur ces différents plans. Nous avons maintenant une idée précise de ce qu'il faut faire, et nous mesurons les obstacles. Par exemple, dès que l'on parle politique du personnel et dès que l'on parle ouverture et mobilité dans les carrières, qui sont des concepts sympathiques et séduisants, on achoppe sur des obstacles extraordinairement compliqués. Certains relèvent de la fonction publique en général mais d'autre relèvent de cette administration. Nous y travaillerons et lorsque l'on parle de construction et de gestion, on voit que les mécanismes de conception et de suivi de la politique immobilière ne sont pas ici à la hauteur des enjeux, compte tenu de ce que l'on fait, de ce que l'on construit, de ce que l'on entretient et de l'importance qu'ont, pour ne prendre qu'un exemple, les constructions des grandes ambassades.
J'attends enfin de cette direction qu'elle devienne auprès du Secrétaire général et pour toute la Maison le pôle de la "modernisation managériale". Je n'aime pas beaucoup le terme mais c'est celui qui résume le mieux en plus dynamique, les mots de bonne administration, de bonne gestion.
3 - Le troisième point concerne l'adaptation du reste de l'organigramme. Là aussi j'ai pris mon temps, j'ai regardé ce qui fonctionnait, ce qui ne fonctionnait pas parmi les adaptations antérieures et j'en arrive à un système en 7 pôles : 1) le pôle management ; 2) le pôle coopération-action culturelle-développement ; 3) le pôle affaires politiques et de sécurité - qui comprendra d'ailleurs, issue de nos discussions avec Charles Josselin, une direction de la Coopération militaire et de Défense ; 4) un pôle européen qui traite de toutes les relations avec les Etats membres de l'Union européenne et avec l'ensemble des Etats candidats, que ce soit sous l'angle communautaire ou sous l'angle bilatéral classique, pôle considérable qui s'étend au fur et à mesure que cette réalité européenne s'étend ; 5) le pôle géographique classique qui se compose d'une série de directions géographiques que vous connaissez bien ; 6) un pôle économique à l'intérieur duquel je créé une cellule "entreprises". J'ai en effet développé, depuis que je suis ici, des relations régulières avec les entreprises, j'ai reçu chaque mois l'état-major d'un grand groupe. J'ai eu aussi l'occasion de m'exprimer sur le contenu que l'on peut donner à l'expression de diplomatie économique, et cela doit trouver sa traduction ; 7) le pôle des Français à l'étranger et des étrangers en France.
J'ajoute que cette adaptation de l'organigramme, à donné lieu à des consultations et des concertations nombreuses, non seulement au niveau des ministres mais aussi au niveau des Cabinets. J'ai également recueilli sur ces points les avis de tous les directeurs actuellement en poste, et les avis de nombreux anciens titulaires de ces différentes fonctions. L'idée générale concernant l'organigramme est de le simplifier, de raccourcir l'échelle hiérarchique. Certaines fonctions disparaîtront, par exemple celle du Secrétaire général adjoint pour les affaires économiques et européennes, dont il est apparu à l'usage, y compris par le titulaire actuel, qu'elle n'était pas la bonne réponse à un besoin véritable de coordination entre le pôle européen et le pôle économique. Nous opérerons un certain nombre de simplifications, de clarifications. Mais un organigramme ne vaut que par la façon dont on le fait vivre et dont les divers rouages qui le composent travaillent ensemble.
4 - Ce qui m'amène au point suivant : les méthodes de travail. J'ai commencé à les modifier et là aussi, je sais bien que je m'inscris dans une chaîne, une continuité et j'ai la plus grande considération pour ceux de mes prédécesseurs qui ont agi dans ce sens. Mais il est clair aussi que sur tous ces points, il faut faire beaucoup, beaucoup plus, et plus vite. Je distinguerai l'aspect interne de l'aspect externe, - les relations avec les autres administrations. Sur le plan interne, pour mettre en oeuvre cette politique, je crée un comité de "management" qu'animera le Secrétaire général, que je réunirai chaque mois, à mon niveau et qui comprendra outre le Secrétaire général le ou les Secrétaires généraux-adjoints, et tous les principaux directeurs concernés. C'est l'une de mes priorités, et mon intérêt pour ces questions ne sera pas épisodique. Je crois que tout est lié : la défense des positions françaises sur l'avenir de l'OTAN, la force de notre outil diplomatique, ces questions de méthode. Comme il n'y a pas d'organigramme parfait, sur tous les points qui nécessitent coopération entre plusieurs services ou directions, je mettrai en place dans les semaines qui viennent avec le nouveau secrétaire général, des méthodes de coopération, de coordination, d'échanges d'informations, de travail en commun..
Je prendrai deux exemples. Tout d'abord : comment articuler le travail de la direction d'Europe (et en son sein le traitement des questions bilatérales et des questions communautaires) et celui de la direction économique ? On peut les regrouper, on peut les séparer. Une décision d'organisation, même logique doit être complétée par de bonnes méthodes de travail.
Autre exemple, l'Asie centrale. On peut raccorder cette région de plus en plus stratégique à la direction d'Europe au titre de l'ancienne URSS, ou à l'Asie, puisque c'est l'Asie centrale. On peut enfin considérer que cette région pourrait relever de la direction d'Afrique du nord et du Moyen-Orient, à cause du voisinage de l'Iran, et parce que ce sont des pays musulmans. Dans les trois cas, cela se défendrait. L'essentiel est qu'il y ait régulièrement au moins une fois par mois, un point entre le directeur d'ANMO, le directeur d'Asie, le directeur d'Europe et le directeur économique. La modernisation, ce sont aussi des préoccupations de ce type appliquées à tous les niveaux.
J'attends aussi de ces nouvelles méthodes de travail une véritable et profitable insertion de l'ensemble Coopération/développement/action culturelle dans le ministère. Tout ceux qui connaissent bien le Département savent que cet objectif, toujours recherché, n'a jamais été complètement atteint. Or, il y a du côté de l'ancienne direction du développement et de l'ancienne direction générale des relations culturelles scientifiques et techniques un potentiel formidable, non seulement en matière de développement ou d'actions culturelles, mais aussi en terme politico-diplomatiques. Il y a un savoir-faire immense, une expérience des pays, une connaissance des gens, il y a des réseaux : ce potentiel est trop dormant. Non pas que les gens ne travaillent pas bien dans leurs domaines, au contraire, mais il est dormant parce qu'il n'est pas interconnecté et que, jusqu'ici, on n'a pas réussi à faire assez travailler ensemble les directions géographiques classiques et les spécialistes géographiques des anciennes directions thématiques dont j'ai parlé. On est encore loin de la synergie nécessaire sauf quand l'ambassadeur sur place est dynamique, débrouillard, et combine tous les éléments à son niveau. Ce qu'il faut réussir à faire aussi à l'administration centrale.
Je vais aussi poursuivre la politique de déconcentration des moyens, et de responsabilisation des chefs de poste dont j'avais déjà eu l'occasion de parler à l'occasion de la conférence des ambassadeurs de l'été dernier.
Ensuite, il y a la dimension externe de ces méthodes de travail. Pour moi, le ministère des Affaires étrangères doit être la plaque tournante de tout le système français des relations internationales. J'ai bien dit tout à l'heure que ce ministère ne prétendait pas conduire toutes les négociations sur tous les sujets tout le temps. Il y a des cas où nous les conduisons, y compris dans des domaines techniques, par exemple en matière aéronautique récemment avec les Etats-Unis, avec le succès que vous savez. Et il y a aussi beaucoup de négociations purement diplomatiques ou en matière de sécurité. Mais, il y a par ailleurs de nombreuses autres négociations, éléments, parties de négociations dans lesquelles nous sommes partie prenante avec d'autres,. Mais c'est à nous d'assurer la mise en cohérence de l'ensemble, la gestion des interactions et des répercussions et des arbitrages, et la gestion simultanée. Cela suppose que nous ayons, avec l'ensemble de nos partenaires dans l'administration, des relations confiantes, faciles, de travail, des relations modernes, sans formalisme et sans ridicules guérilla pour des territoires administratifs ou des préséances comme malheureusement l'Etat en est encore trop souvent affligé à tous les niveaux.
Pour dépasser les routines et les cloisonnements, nous avons réuni cette année tous les chefs de départements internationaux des ministères et administrations. C'était un début et nous continuerons pour qu'il ne s'agisse pas d'une initiative exceptionnelle ou purement conviviale et pour aboutir à une méthode de travail régulière. J'ai aussi noué avec les ministres et les ministères, qui sont les partenaires principaux de cette Maison des relations plus systématiques. Elles passent par des rencontres régulières entre les ministres, avec les Cabinets et la mise en contact direct des directeurs et chefs de services. Ces rencontres ont parfois dénoué des blocages qui s'étaient enkystés depuis des années. Les relations avec le ministère de l'Intérieur en sont un bon exemple. Il y a d'abord entre nous une concertation politico-diplomatique régulière sur les pays sensibles. Je vois régulièrement Jean-Pierre Chevènement, les Cabinets se voient aussi. Durant cette année, nous avons travaillé ensemble à assouplir et humaniser la politique des visas dont le nombre était tombé à un niveau dramatiquement trop faible, trop restrictif et dont la délivrance était en plus gérée, par manque de moyens ou de formation, dans des conditions souvent humainement blessantes et indéfendables. Nous avons fait évoluer ensemble cette politique des visas de façon à l'assouplir et à faciliter les conditions de délivrance tout en tenant compte évidemment des préoccupations légitimes de sécurité dont le ministère de l'Intérieur est le gardien. Il y a des travaux en cours dans beaucoup de consulats comme par exemple celui de Tunis.
Nous nous sommes spécialement préoccupés de l'Algérie. Il est clair que sur l'Algérie, quelle que soit la justesse des préoccupations de sécurité au moment où les décisions ont été prises, nous étions tombés à un niveau qui mettait en péril l'avenir de la Coopération et des échanges entre les deux pays, l'avenir de la relation entre la France et l'Algérie. Nous avons doublé cette année le nombre de visas. Je dois dire à cette occasion que le ministère de l'Intérieur nous a aidé à accroître les moyens du service des visas, qui pour l'Algérie est à Nantes pour des raisons de sécurité - vous vous rappelez dans quelles conditions la France a été amenée à fermer ses consulats. Nous réfléchissons à l'étape suivante, la réouverture des consulats le moment venu, quand toutes les conditions seront remplies. C'est notre perspective.
D'autre part, nous sommes engagés avec le ministère de l'Economie et des Finances dans une politique de rationalisation prospective des moyens de l'Etat à l'étranger. Là aussi nous voulons mettre fin aux cloisonnements administratifs excessifs et échanger les expériences entre corps de l'Etat, cela rejoint ce que je disais sur notre politique du personnel. Mais il existe un point d'application, les postes mixtes DREE/consulats. Il y en a aujourd'hui quatre, Houston, Osaka, Miami et Atlanta. Ce n'est pas beaucoup, mais il faut voir cela comme le début d'une politique, et nous sommes en train de travailler avec Bercy sur la suite de ce programme. Les directeurs concernés pensent qu'il y a un potentiel significatif de postes mixtes supplémentaires qui permettraient de regrouper nos moyens tout en restant aussi efficaces qu'avant. Evidemment il faut faire évoluer la carte de la présence française à l'étranger. Il y a des postes qui seront fermés, d'autres qui seront à ouvrir. La carte ne peut plus être figée et la question n'est pas celle de l'ouverture ou de la fermeture, mais celle de l'adaptation. Mais il faut qu'elle soit réfléchie et concertée.
Je prends ensuite l'exemple de l'éducation. En novembre dernier, Claude Allègre et moi avons mis en place quatre groupes de travail communs, les trois premiers sur 1) la promotion de l'offre et de l'expertise française, 2) l'accueil des étudiants étrangers en France 3) et la constitution notamment au sein du ministère de l'Education nationale et de la Recherche d'un vivier d'agents de qualité formés aux métiers de l'international. Nous allons sur ces trois points prendre des décisions précises sur la base des résultats des travaux effectués par les deux administrations. Nous avons trouvé un accord sur un sujet de différend traditionnel entre le Quai d'Orsay et l'Education : comment associer l'Education à la sélection, à la préparation et au choix, des personnels du réseau culturel, même si la décision finale continuera à se prendre ici, aux Affaires étrangères.
Le quatrième groupe de travail, que Claude Allègre et moi avons créé, concerne les missions et le fonctionnement de l'agence pour l'enseignement du français à l'étranger. Là, les conclusions ne sont pas encore rendues, mais nous avons l'intention d'aller de l'avant.
Avec le ministère de la Défense, la concertation est systématique. Il n'y a pas eu de sujet en un an sur lequel une vraie divergence d'approche ait été constatée. Il y a des différences d'analyse, ou de perception. Ce sont deux maisons différentes qui n'ont pas en charge les mêmes intérêts mais il n'y a pas eu entre elles un seul sujet de durable désaccord. Alain Richard et moi, nous nous voyons toutes les semaines.
En ce qui concerne la culture, je vous rappelle que j'ai présenté le 28 avril dernier une communication sur l'audiovisuel extérieur qui avait été préparée en parfaite entente et collaboration avec le ministère de la Culture et qui portait notamment sur le soutien à l'exportation des programmes audiovisuels français, sur l'aide au transport des chaînes françaises sur les bouquets satellitaires, et sur la rationalisation du dispositif public. Je serai amené prochainement à faire des propositions plus précises concernant TV5.
Ce ne sont là que les principaux exemples. Nous avons des relations du même type avec la Justice, l'Equipement et les Transports, l'Industrie, le Tourisme, les DOM-TOM, etc.
5 - Enfin, je voudrais vous dire pour conclure que le mouvement diplomatique récent est à la fois l'expression et un instrument de cette politique de modernisation dont je vous ai parlé, et qui devrait entraîner l'ensemble de ce ministère dans une véritable transformation. Vous connaissez les règles en matière de mouvement diplomatique. On ne rend pas publiques les nominations d'ambassadeurs faites par le Conseil des ministres dans des pays dont il est normal d'attendre l'agrément. De toute façon, sa part essentielle, c'est le staff qui est mis en place à l'administration centrale pour mener avec moi cette politique de modernisation. A cet égard, si j'ai choisi Loïc Hennekinne pour succéder au Secrétariat général du Quai d'Orsay à Bertrand Dufourcq malheureusement atteint par l'âge de la retraite et à qui je rends hommage, alors qu'il y avait trois, ou quatre autres personnalités remarquables susceptibles d'occuper cette fonction, c'est pour des motifs strictement professionnels et en raison de la carrière qu'il a eue. C'est quelqu'un qui a été au début de sa carrière en poste aux Affaires économiques, chef de l'Inspection, directeur du Personnel et de l'Administration générale, qui a effectué une partie de sa carrière à l'extérieur de ce ministère, ce qui est pour moi un plus, - il a été délégué à l'action extérieure du ministère de l'Industrie et directeur de Cabinet du ministre - il a été conseiller diplomatique à l'Elysée, ce qui, comme chacun sait, donne une large vue sur les choses, et il a été Secrétaire général du Sommet des Sept de 1989, le Sommet de l'Arche, et a occupé deux grands postes à l'étranger. Donc, c'est quelqu'un qui connaît vraiment les mécanismes et les rouages de cette maison. Et pour moi, nommer quelqu'un Secrétaire général, ce n'est pas, comme l'un d'entre vous l'a écrit, donner un bâton de maréchal parce que ce serait donner un côté un peu doré aux choses, ce n'est pas une "récompense", c'est confier à quelqu'un que l'on croit capable de la mener à bien une mission lourde, astreignante, passionnante, et ingrate en même temps. Je le crois capable de la réussir et je pense qu'il y est bien préparé. Ce commentaire s'étend à François Nicoullaud et à Alain Catta qui ont montré dans leur carrière antérieure un intérêt et une capacité sur ces sujets. Je crois qu'ils sont les hommes de la situation. C'est une équipe pour la modernisation. Ce raisonnement prévaudra pour le choix des différents directeurs ou chefs de services.
Ce travail va maintenant se poursuivre sur d'autres points. Nous allons ainsi avec Anne Gazeau-Secret poursuivre une réflexion déjà entamée mais dont il est trop tôt pour parler, sur la politique de communication du ministère. Nous allons poursuivre la réflexion sur la capacité de ce ministère à traiter les sujets globaux, comme l'environnement, qui sont à cheval sur toutes sortes de compétences. Je vais également reprendre la question des archives qui est compliquée. Nous allons poursuivre le travail pour amener l'ensemble de la machine du Quai d'Orsay à mieux croiser et combiner les approches bilatérales et multilatérales dont l'enchevêtrement marque les relations internationales d'aujourd'hui. J'ai fait faire cette année une journée de travail préparée par Philippe Guelluy avec nos représentants dans toutes les organisations internationales pour voir quel était le point de la situation, nos capacités, ce qui était à améliorer. D'ailleurs, le thème que j'ai choisi pour le débat de conclusion de la Conférence des ambassadeurs de cette année est : les stratégies modernes de négociation. C'est notre métier, nous sommes une machine à négocier, jour et nuit, avec de un à cent-quatre-vingt quatre autres pays, selon les cas, dans des procédures différentes. Il y a ici une expérience et un savoir faire, considérables. Je demanderai que l'on fasse parler dans cette discussion des diplomates, et d'autres responsables ayant des expériences diversifiées de négociations qui ont réussi, et d'autres qui ont échoué. Naturellement ce travail de modernisation, qui se fait ici à l'administration centrale, et depuis l'administration centrale, a vocation à irriguer l'ensemble des postes./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 septembre 2001)
Je commencerai par un constat qu'en professionnels du sujet vous avez en tête. La contrainte numéro un à laquelle notre politique étrangère a à faire face, c'est l'intensification exponentielle des relations internationales entre les 185 pays du monde en même temps qu'une multiplication des instances de négociations multilatérales et des obligations qui en découlent. Dans le même temps, nous sommes confrontés à un développement constant des relations internationales non gouvernementales et non publiques, que ce soit dans le domaine économique, culturel, humanitaire ou autre. Par ailleurs, tous les ministères intensifient leurs activités internationales. Ce qui fait que le cadre dans lequel notre ministère doit exercer sa mission, sa présence de tous les instants 24 heures sur 24 pour veiller sur tous les fronts aux intérêts de la France, à sa sécurité, à sa prospérité, à son influence dans les domaines de la langue, de la culture, de sa conception du monde, dans le domaine des grandes idées et des valeurs, comme en ce qui concerne sa contribution à la résolution des conflits, ce cadre est profondément modifié et rendu plus complexe.
La conclusion est simple : il nous faut un outil mieux adapté à ce nouveau contexte, un ministère des Affaires étrangères qui soit capable en permanence, partout dans le monde et sur tous les plans, d'analyser, d'alerter, de proposer, de mettre en oeuvre, de coordonner et qui soit en même temps capable de veiller aux interactions entre les négociations multiples qui sont menées au même moment sur différents fronts avec de multiples partenaires. Naturellement, il peut y avoir des négociations spécifiques, spécialisées, menées par tel ou tel autre ministère toujours en liaison avec nous. Nous ne sommes pas en position de leader tout le temps, mais il y a une fonction spécifique qui ne peut être exercée qu'ici, qui est la maîtrise de l'interaction entre toutes les négociations, qui interréagissent les unes sur les autres. Les arbitrages à faire dans une enceinte ou dans une autre peuvent être en contradiction. Tous ces éléments mis bout à bout ont des conséquences qui peuvent être déterminants sur les secteurs de la vie nationale comme sur nos relations avec nos grands partenaires, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, le Japon, les Etats-Unis ou tout autre.
C'est cette fonction très particulière que nous avons à l'esprit lorsque nous disons que notre tâche est de remettre le ministère des Affaires étrangères au coeur de l'action extérieure de la France. Cela demande une modernisation constante, qui évidemment ne commence pas aujourd'hui. Vous êtes tous ici des familiers de ce ministère. Au cours des dernières décennies, il y a déjà eu à plusieurs reprises des efforts importants de modernisation et d'adaptation. La modernisation dont je vous parle aujourd'hui s'inscrit dans la ligne de ces efforts ou de ces tentatives, cela dépend des cas, antérieures. Tout cela ne commence pas aujourd'hui et chaque responsable actuel de ce ministère peut légitimement éprouver le sentiment d'avoir pris toute sa part à l'action bien réelle menée jusqu'ici. Mais j'ai la ferme intention de faire passer cette modernisation à la vitesse supérieure. La situation n'est encore en effet complètement satisfaisante, ni sur le plan de la gestion, ni sur le plan de l'administration en général, ni sur le plan de la politique du personnel, ni sur le plan de la formation, ni sur le plan des méthodes de travail, ni sur le plan du travail avec les autres ministères, ni sur le plan de la communication, ni sur le plan de la capacité à traiter des questions globales, ni sur le plan de la capacité à évoluer. Sur chacun de ces plans, beaucoup de choses ont déjà été accomplies, et je ne doute pas, parce que je l'ai vérifié moi-même, de la disponibilité des agents de ce Département, de leur désir même, de participer à cette nouvelle phase de modernisation. Tout ce dont je vais vous parler devra se faire avec leur aide.
L'action que j'ai commencé à mener depuis un an et que je vais développer dans les directions que je vais vous exposer s'inscrit dans le cadre de la réforme de l'Etat présentée en novembre dernier par le Premier ministre. Elle s'accompagne, et s'accompagnera, d'une concertation régulière et d'une réflexion très large. Mon intervention n'est pas précipitée, je ne suis pas arrivé à ce poste avec des idées préconçues, et j'ai pris le temps de regarder et d'analyser, même si j'étais déjà familier de beaucoup de ces questions. Toute mon action vise à plus d'efficacité, à plus de transparence, à des procédures simplifiées, à des organigrammes plus clairs. L'idée centrale est de lancer un programme de modernisation s'étalant sur plusieurs années, intégrant une évaluation périodique de ce qui marche et de ce qui ne marche pas pour se corriger en avançant. Ce travail a bien sûr été mené depuis un an en liaison constante avec Pierre Moscovici et Charles Josselin dans les domaines qui les concernent ainsi qu'avec leurs Cabinets respectifs en, je crois qu'on peut le dire, parfaite entente.
Je voudrais maintenant vous donner quelques exemples plus précis sur 5 points :
1) - Les conséquences de la réforme de la Coopération décidée par le Premier ministre pour l'organisation de ce ministère, et notamment, de la direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques ;
2) - la modernisation profonde de la direction générale de l'Administration ;
3) - l'adaptation de l'organigramme sur plusieurs autres points que j'ai décidé de réaliser à l'occasion de ces deux réformes que je viens de citer, déjà importantes en elles-mêmes ;
4) - les méthodes de travail que j'entends faire évoluer ;
5) - et, enfin, le mouvement diplomatique qui est l'expression de ces choix, et le moyen de les mettre en oeuvre.
1 - Sur le premier point, la réforme de la Coopération, je serai bref parce que, à une date qui n'est pas encore fixée mais qui ne sera pas très lointaine, Charles Josselin et moi-même vous ferons une présentation détaillée de l'organisation que nous retenons. Je vous en rappelle le cadre : la réforme que voulait le Premier ministre, à laquelle il a personnellement travaillé avec Dominique Strauss-Kahn, Charles Josselin et moi de la formation du gouvernement jusqu'en janvier. En janvier, il a arbitré pour un regroupement des divers services chargés de coopération et de développement sous l'égide du ministère des Affaires étrangères. Nous sommes entrés depuis lors dans une seconde phase celle de la mise en oeuvre cette réforme. Charles Josselin et moi nous nous sommes réunis longuement, une bonne dizaine de fois, aidés dans cette tâche par un comité de pilotage composé de François Nicoullaud et de François Mimin qui ont en outre rencontré, écouté, consulté tous les intéressés Nous avons étudié toutes les modalités possibles de cette réforme. Car, à partir du même mot : "regroupement" nous pouvions choisir entre plusieurs options, allant de la simple juxtaposition de l'ancienne direction du développement du secrétariat d'Etat à la Coopération et d'une direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques maintenue, jusqu'à une réforme profonde. Nous préférons finalement une vraie réforme qui ne sera donc plus ni l'ancienne direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques, ce qui ne met pas en cause ses innombrables mérites et notamment le remarquable travail effectué avant 1995 par Jean-David Levitte, lorsqu'il était directeur général poursuivi ensuite avec conviction par Pierre Brochand, ni le bilan impressionnant de l'ancienne direction du Développement. Mais il y a eu une réforme, cette réforme a sa logique, sa dynamique. Nous allons donc créer un outil neuf ce qui suppose de régler des problèmes de répartition des compétences, d'efficacité et de gestion connus de tous depuis longtemps, mais jamais vraiment résolus. Un des éléments forts en sera une distinction claire, autour de laquelle on tournait depuis une bonne vingtaine d'années, entre les directions par métiers, dites "sectorielles" ou "fonctionnelles" (développement, action culturelle, enseignement du français, échanges scientifiques, audiovisuel etc...) et d'autre part, regroupées dans une direction les fonctions géographiques de programmation, d'évaluation, de contrôle de gestion. Tout ceci vous sera présenté en détail, ultérieurement, par Charles Josselin et moi-même. Vous verrez que cela va exactement dans le sens non seulement des arbitrages du Premier ministre, cela va sans dire, mais aussi de ce qui nous était demandé depuis de très longues années par le ministère des Finances, le Budget, la Cour des Comptes, par beaucoup d'audits y compris un audit que j'ai demandé moi-même, il y a quelques mois sur la direction générale, et qui a été conduit de façon conjointe par l'inspection générale des Finances et l'inspection des Affaires étrangères. Nous sommes, Charles Josselin et moi-même, très proches de nos conclusions. La préparation, le rodage dureront jusqu'à la fin de l'année. La nouvelle structure sera en place au 1er janvier.
2 - Le deuxième point d'application de cette politique de modernisation concerne la direction générale de l'Administration à la tête de laquelle Alain Catta vient d'être nommé, lors du dernier Conseil des ministres. Une tâche immense, l'attend, aussi considérable que celle qui est confiée à François Nicoullaud. Pour moderniser l'administration générale, il y a dans mon esprit deux grandes priorités. Il faut d'abord dynamiser la politique du personnel et des ressources humaines, ce qui signifie une meilleure adéquation dans les décisions entre les capacités, les besoins et les postes, des décisions prises plus tôt pour que les agents aient le temps de se préparer à leurs nouvelles affectations. Ce qui veut dire amplifier et transformer toute la politique de formation qui ne doit pas intervenir de façon occasionnelle mais de façon méthodique, complète, systématique dans le déroulement de carrières. Je demanderai, entre autre, à Alain Catta de regarder ce qui se passe sur ce plan dans la gestion des corps diplomatique américain, britannique et allemand. Il y a peut-être des idées à prendre ailleurs. Il faut que la formation soit une composante systématique des carrières, y compris en ce qui concerne la question délicate des conjoints sur laquelle on ne peut plus faire l'impasse. Je demanderai aussi à Alain Catta de développer les échanges avec les autres administrations comme avec le secteur privé et d'examiner comment on peut surmonter les obstacles qui ont empêché jusqu'ici qu'une telle politique d'ouverture, souhaitée par plusieurs de mes prédécesseurs, aboutisse vraiment.
La deuxième priorité pour l'administration générale sera de moderniser, et de rationaliser la gestion des moyens : marchés, conception et suivi des travaux, construction des nouvelles ambassades, restauration, décoration, entretien, fonctionnement quotidien.
J'ai déjà pris deux décisions précises sur ce point. D'une part, j'ai nommé une professionnelle de l'hôtellerie de haut niveau sélectionnée à partir de trente candidats, à la tête de ce que l'on appelle l'Hôtel du ministre, que vous connaissez un peu pour ceux qui sont familiers de la maison. Je rappelle que l'on y sert chaque année autant de repas qu'au Crillon. Pour nos hôtes étrangers, c'est un peu l'image de la France. Il n'empêche que cette machine devait être dirigée avec rigueur et professionnalisme.
D'autre part, j'ai créé une mission du patrimoine à la tête de laquelle j'ai nommé un conservateur du patrimoine, inspecteur des monuments historiques, pour modifier radicalement la façon dont on travaille et on intervient au ministère sur tout ce qui est patrimoine historique et décoration.
Dans le même esprit, j'ai décidé de recréer un vrai service de l'Equipement qui soit capable d'être à la fois, dans toutes les affaires immobilières et de construction, l'instrument de la politique immobilière du ministère, qui sera repensée, et l'interlocuteur dont nous avons besoin par rapport aux professionnels de toute nature. J'ai demandé au nouveau directeur général de l'Administration de me soumettre un plan sur un an sur ces points avec un premier bilan dans 6 mois concernant la façon dont on peut surmonter les obstacles à la modernisation. Ceux qui connaissent cette Maison savent que ce sont des petites révolutions.
Permettez-moi une incidente : la modernisation, tout le monde dit la souhaiter. Je pense qu'elle est indispensable, et je la ferai vraiment. Pour cela, j'ai pris mon temps, j'ai examiné en détail ces points pendant un an, j'ai fait relire tous les audits réalisés depuis des années sur ce ministère, j'en ai fait faire des nouveaux sur des points précis. J'ai beaucoup travaillé avec l'actuel Secrétaire général, comme avec les directeurs concernés, et avec mon cabinet sur ces différents plans. Nous avons maintenant une idée précise de ce qu'il faut faire, et nous mesurons les obstacles. Par exemple, dès que l'on parle politique du personnel et dès que l'on parle ouverture et mobilité dans les carrières, qui sont des concepts sympathiques et séduisants, on achoppe sur des obstacles extraordinairement compliqués. Certains relèvent de la fonction publique en général mais d'autre relèvent de cette administration. Nous y travaillerons et lorsque l'on parle de construction et de gestion, on voit que les mécanismes de conception et de suivi de la politique immobilière ne sont pas ici à la hauteur des enjeux, compte tenu de ce que l'on fait, de ce que l'on construit, de ce que l'on entretient et de l'importance qu'ont, pour ne prendre qu'un exemple, les constructions des grandes ambassades.
J'attends enfin de cette direction qu'elle devienne auprès du Secrétaire général et pour toute la Maison le pôle de la "modernisation managériale". Je n'aime pas beaucoup le terme mais c'est celui qui résume le mieux en plus dynamique, les mots de bonne administration, de bonne gestion.
3 - Le troisième point concerne l'adaptation du reste de l'organigramme. Là aussi j'ai pris mon temps, j'ai regardé ce qui fonctionnait, ce qui ne fonctionnait pas parmi les adaptations antérieures et j'en arrive à un système en 7 pôles : 1) le pôle management ; 2) le pôle coopération-action culturelle-développement ; 3) le pôle affaires politiques et de sécurité - qui comprendra d'ailleurs, issue de nos discussions avec Charles Josselin, une direction de la Coopération militaire et de Défense ; 4) un pôle européen qui traite de toutes les relations avec les Etats membres de l'Union européenne et avec l'ensemble des Etats candidats, que ce soit sous l'angle communautaire ou sous l'angle bilatéral classique, pôle considérable qui s'étend au fur et à mesure que cette réalité européenne s'étend ; 5) le pôle géographique classique qui se compose d'une série de directions géographiques que vous connaissez bien ; 6) un pôle économique à l'intérieur duquel je créé une cellule "entreprises". J'ai en effet développé, depuis que je suis ici, des relations régulières avec les entreprises, j'ai reçu chaque mois l'état-major d'un grand groupe. J'ai eu aussi l'occasion de m'exprimer sur le contenu que l'on peut donner à l'expression de diplomatie économique, et cela doit trouver sa traduction ; 7) le pôle des Français à l'étranger et des étrangers en France.
J'ajoute que cette adaptation de l'organigramme, à donné lieu à des consultations et des concertations nombreuses, non seulement au niveau des ministres mais aussi au niveau des Cabinets. J'ai également recueilli sur ces points les avis de tous les directeurs actuellement en poste, et les avis de nombreux anciens titulaires de ces différentes fonctions. L'idée générale concernant l'organigramme est de le simplifier, de raccourcir l'échelle hiérarchique. Certaines fonctions disparaîtront, par exemple celle du Secrétaire général adjoint pour les affaires économiques et européennes, dont il est apparu à l'usage, y compris par le titulaire actuel, qu'elle n'était pas la bonne réponse à un besoin véritable de coordination entre le pôle européen et le pôle économique. Nous opérerons un certain nombre de simplifications, de clarifications. Mais un organigramme ne vaut que par la façon dont on le fait vivre et dont les divers rouages qui le composent travaillent ensemble.
4 - Ce qui m'amène au point suivant : les méthodes de travail. J'ai commencé à les modifier et là aussi, je sais bien que je m'inscris dans une chaîne, une continuité et j'ai la plus grande considération pour ceux de mes prédécesseurs qui ont agi dans ce sens. Mais il est clair aussi que sur tous ces points, il faut faire beaucoup, beaucoup plus, et plus vite. Je distinguerai l'aspect interne de l'aspect externe, - les relations avec les autres administrations. Sur le plan interne, pour mettre en oeuvre cette politique, je crée un comité de "management" qu'animera le Secrétaire général, que je réunirai chaque mois, à mon niveau et qui comprendra outre le Secrétaire général le ou les Secrétaires généraux-adjoints, et tous les principaux directeurs concernés. C'est l'une de mes priorités, et mon intérêt pour ces questions ne sera pas épisodique. Je crois que tout est lié : la défense des positions françaises sur l'avenir de l'OTAN, la force de notre outil diplomatique, ces questions de méthode. Comme il n'y a pas d'organigramme parfait, sur tous les points qui nécessitent coopération entre plusieurs services ou directions, je mettrai en place dans les semaines qui viennent avec le nouveau secrétaire général, des méthodes de coopération, de coordination, d'échanges d'informations, de travail en commun..
Je prendrai deux exemples. Tout d'abord : comment articuler le travail de la direction d'Europe (et en son sein le traitement des questions bilatérales et des questions communautaires) et celui de la direction économique ? On peut les regrouper, on peut les séparer. Une décision d'organisation, même logique doit être complétée par de bonnes méthodes de travail.
Autre exemple, l'Asie centrale. On peut raccorder cette région de plus en plus stratégique à la direction d'Europe au titre de l'ancienne URSS, ou à l'Asie, puisque c'est l'Asie centrale. On peut enfin considérer que cette région pourrait relever de la direction d'Afrique du nord et du Moyen-Orient, à cause du voisinage de l'Iran, et parce que ce sont des pays musulmans. Dans les trois cas, cela se défendrait. L'essentiel est qu'il y ait régulièrement au moins une fois par mois, un point entre le directeur d'ANMO, le directeur d'Asie, le directeur d'Europe et le directeur économique. La modernisation, ce sont aussi des préoccupations de ce type appliquées à tous les niveaux.
J'attends aussi de ces nouvelles méthodes de travail une véritable et profitable insertion de l'ensemble Coopération/développement/action culturelle dans le ministère. Tout ceux qui connaissent bien le Département savent que cet objectif, toujours recherché, n'a jamais été complètement atteint. Or, il y a du côté de l'ancienne direction du développement et de l'ancienne direction générale des relations culturelles scientifiques et techniques un potentiel formidable, non seulement en matière de développement ou d'actions culturelles, mais aussi en terme politico-diplomatiques. Il y a un savoir-faire immense, une expérience des pays, une connaissance des gens, il y a des réseaux : ce potentiel est trop dormant. Non pas que les gens ne travaillent pas bien dans leurs domaines, au contraire, mais il est dormant parce qu'il n'est pas interconnecté et que, jusqu'ici, on n'a pas réussi à faire assez travailler ensemble les directions géographiques classiques et les spécialistes géographiques des anciennes directions thématiques dont j'ai parlé. On est encore loin de la synergie nécessaire sauf quand l'ambassadeur sur place est dynamique, débrouillard, et combine tous les éléments à son niveau. Ce qu'il faut réussir à faire aussi à l'administration centrale.
Je vais aussi poursuivre la politique de déconcentration des moyens, et de responsabilisation des chefs de poste dont j'avais déjà eu l'occasion de parler à l'occasion de la conférence des ambassadeurs de l'été dernier.
Ensuite, il y a la dimension externe de ces méthodes de travail. Pour moi, le ministère des Affaires étrangères doit être la plaque tournante de tout le système français des relations internationales. J'ai bien dit tout à l'heure que ce ministère ne prétendait pas conduire toutes les négociations sur tous les sujets tout le temps. Il y a des cas où nous les conduisons, y compris dans des domaines techniques, par exemple en matière aéronautique récemment avec les Etats-Unis, avec le succès que vous savez. Et il y a aussi beaucoup de négociations purement diplomatiques ou en matière de sécurité. Mais, il y a par ailleurs de nombreuses autres négociations, éléments, parties de négociations dans lesquelles nous sommes partie prenante avec d'autres,. Mais c'est à nous d'assurer la mise en cohérence de l'ensemble, la gestion des interactions et des répercussions et des arbitrages, et la gestion simultanée. Cela suppose que nous ayons, avec l'ensemble de nos partenaires dans l'administration, des relations confiantes, faciles, de travail, des relations modernes, sans formalisme et sans ridicules guérilla pour des territoires administratifs ou des préséances comme malheureusement l'Etat en est encore trop souvent affligé à tous les niveaux.
Pour dépasser les routines et les cloisonnements, nous avons réuni cette année tous les chefs de départements internationaux des ministères et administrations. C'était un début et nous continuerons pour qu'il ne s'agisse pas d'une initiative exceptionnelle ou purement conviviale et pour aboutir à une méthode de travail régulière. J'ai aussi noué avec les ministres et les ministères, qui sont les partenaires principaux de cette Maison des relations plus systématiques. Elles passent par des rencontres régulières entre les ministres, avec les Cabinets et la mise en contact direct des directeurs et chefs de services. Ces rencontres ont parfois dénoué des blocages qui s'étaient enkystés depuis des années. Les relations avec le ministère de l'Intérieur en sont un bon exemple. Il y a d'abord entre nous une concertation politico-diplomatique régulière sur les pays sensibles. Je vois régulièrement Jean-Pierre Chevènement, les Cabinets se voient aussi. Durant cette année, nous avons travaillé ensemble à assouplir et humaniser la politique des visas dont le nombre était tombé à un niveau dramatiquement trop faible, trop restrictif et dont la délivrance était en plus gérée, par manque de moyens ou de formation, dans des conditions souvent humainement blessantes et indéfendables. Nous avons fait évoluer ensemble cette politique des visas de façon à l'assouplir et à faciliter les conditions de délivrance tout en tenant compte évidemment des préoccupations légitimes de sécurité dont le ministère de l'Intérieur est le gardien. Il y a des travaux en cours dans beaucoup de consulats comme par exemple celui de Tunis.
Nous nous sommes spécialement préoccupés de l'Algérie. Il est clair que sur l'Algérie, quelle que soit la justesse des préoccupations de sécurité au moment où les décisions ont été prises, nous étions tombés à un niveau qui mettait en péril l'avenir de la Coopération et des échanges entre les deux pays, l'avenir de la relation entre la France et l'Algérie. Nous avons doublé cette année le nombre de visas. Je dois dire à cette occasion que le ministère de l'Intérieur nous a aidé à accroître les moyens du service des visas, qui pour l'Algérie est à Nantes pour des raisons de sécurité - vous vous rappelez dans quelles conditions la France a été amenée à fermer ses consulats. Nous réfléchissons à l'étape suivante, la réouverture des consulats le moment venu, quand toutes les conditions seront remplies. C'est notre perspective.
D'autre part, nous sommes engagés avec le ministère de l'Economie et des Finances dans une politique de rationalisation prospective des moyens de l'Etat à l'étranger. Là aussi nous voulons mettre fin aux cloisonnements administratifs excessifs et échanger les expériences entre corps de l'Etat, cela rejoint ce que je disais sur notre politique du personnel. Mais il existe un point d'application, les postes mixtes DREE/consulats. Il y en a aujourd'hui quatre, Houston, Osaka, Miami et Atlanta. Ce n'est pas beaucoup, mais il faut voir cela comme le début d'une politique, et nous sommes en train de travailler avec Bercy sur la suite de ce programme. Les directeurs concernés pensent qu'il y a un potentiel significatif de postes mixtes supplémentaires qui permettraient de regrouper nos moyens tout en restant aussi efficaces qu'avant. Evidemment il faut faire évoluer la carte de la présence française à l'étranger. Il y a des postes qui seront fermés, d'autres qui seront à ouvrir. La carte ne peut plus être figée et la question n'est pas celle de l'ouverture ou de la fermeture, mais celle de l'adaptation. Mais il faut qu'elle soit réfléchie et concertée.
Je prends ensuite l'exemple de l'éducation. En novembre dernier, Claude Allègre et moi avons mis en place quatre groupes de travail communs, les trois premiers sur 1) la promotion de l'offre et de l'expertise française, 2) l'accueil des étudiants étrangers en France 3) et la constitution notamment au sein du ministère de l'Education nationale et de la Recherche d'un vivier d'agents de qualité formés aux métiers de l'international. Nous allons sur ces trois points prendre des décisions précises sur la base des résultats des travaux effectués par les deux administrations. Nous avons trouvé un accord sur un sujet de différend traditionnel entre le Quai d'Orsay et l'Education : comment associer l'Education à la sélection, à la préparation et au choix, des personnels du réseau culturel, même si la décision finale continuera à se prendre ici, aux Affaires étrangères.
Le quatrième groupe de travail, que Claude Allègre et moi avons créé, concerne les missions et le fonctionnement de l'agence pour l'enseignement du français à l'étranger. Là, les conclusions ne sont pas encore rendues, mais nous avons l'intention d'aller de l'avant.
Avec le ministère de la Défense, la concertation est systématique. Il n'y a pas eu de sujet en un an sur lequel une vraie divergence d'approche ait été constatée. Il y a des différences d'analyse, ou de perception. Ce sont deux maisons différentes qui n'ont pas en charge les mêmes intérêts mais il n'y a pas eu entre elles un seul sujet de durable désaccord. Alain Richard et moi, nous nous voyons toutes les semaines.
En ce qui concerne la culture, je vous rappelle que j'ai présenté le 28 avril dernier une communication sur l'audiovisuel extérieur qui avait été préparée en parfaite entente et collaboration avec le ministère de la Culture et qui portait notamment sur le soutien à l'exportation des programmes audiovisuels français, sur l'aide au transport des chaînes françaises sur les bouquets satellitaires, et sur la rationalisation du dispositif public. Je serai amené prochainement à faire des propositions plus précises concernant TV5.
Ce ne sont là que les principaux exemples. Nous avons des relations du même type avec la Justice, l'Equipement et les Transports, l'Industrie, le Tourisme, les DOM-TOM, etc.
5 - Enfin, je voudrais vous dire pour conclure que le mouvement diplomatique récent est à la fois l'expression et un instrument de cette politique de modernisation dont je vous ai parlé, et qui devrait entraîner l'ensemble de ce ministère dans une véritable transformation. Vous connaissez les règles en matière de mouvement diplomatique. On ne rend pas publiques les nominations d'ambassadeurs faites par le Conseil des ministres dans des pays dont il est normal d'attendre l'agrément. De toute façon, sa part essentielle, c'est le staff qui est mis en place à l'administration centrale pour mener avec moi cette politique de modernisation. A cet égard, si j'ai choisi Loïc Hennekinne pour succéder au Secrétariat général du Quai d'Orsay à Bertrand Dufourcq malheureusement atteint par l'âge de la retraite et à qui je rends hommage, alors qu'il y avait trois, ou quatre autres personnalités remarquables susceptibles d'occuper cette fonction, c'est pour des motifs strictement professionnels et en raison de la carrière qu'il a eue. C'est quelqu'un qui a été au début de sa carrière en poste aux Affaires économiques, chef de l'Inspection, directeur du Personnel et de l'Administration générale, qui a effectué une partie de sa carrière à l'extérieur de ce ministère, ce qui est pour moi un plus, - il a été délégué à l'action extérieure du ministère de l'Industrie et directeur de Cabinet du ministre - il a été conseiller diplomatique à l'Elysée, ce qui, comme chacun sait, donne une large vue sur les choses, et il a été Secrétaire général du Sommet des Sept de 1989, le Sommet de l'Arche, et a occupé deux grands postes à l'étranger. Donc, c'est quelqu'un qui connaît vraiment les mécanismes et les rouages de cette maison. Et pour moi, nommer quelqu'un Secrétaire général, ce n'est pas, comme l'un d'entre vous l'a écrit, donner un bâton de maréchal parce que ce serait donner un côté un peu doré aux choses, ce n'est pas une "récompense", c'est confier à quelqu'un que l'on croit capable de la mener à bien une mission lourde, astreignante, passionnante, et ingrate en même temps. Je le crois capable de la réussir et je pense qu'il y est bien préparé. Ce commentaire s'étend à François Nicoullaud et à Alain Catta qui ont montré dans leur carrière antérieure un intérêt et une capacité sur ces sujets. Je crois qu'ils sont les hommes de la situation. C'est une équipe pour la modernisation. Ce raisonnement prévaudra pour le choix des différents directeurs ou chefs de services.
Ce travail va maintenant se poursuivre sur d'autres points. Nous allons ainsi avec Anne Gazeau-Secret poursuivre une réflexion déjà entamée mais dont il est trop tôt pour parler, sur la politique de communication du ministère. Nous allons poursuivre la réflexion sur la capacité de ce ministère à traiter les sujets globaux, comme l'environnement, qui sont à cheval sur toutes sortes de compétences. Je vais également reprendre la question des archives qui est compliquée. Nous allons poursuivre le travail pour amener l'ensemble de la machine du Quai d'Orsay à mieux croiser et combiner les approches bilatérales et multilatérales dont l'enchevêtrement marque les relations internationales d'aujourd'hui. J'ai fait faire cette année une journée de travail préparée par Philippe Guelluy avec nos représentants dans toutes les organisations internationales pour voir quel était le point de la situation, nos capacités, ce qui était à améliorer. D'ailleurs, le thème que j'ai choisi pour le débat de conclusion de la Conférence des ambassadeurs de cette année est : les stratégies modernes de négociation. C'est notre métier, nous sommes une machine à négocier, jour et nuit, avec de un à cent-quatre-vingt quatre autres pays, selon les cas, dans des procédures différentes. Il y a ici une expérience et un savoir faire, considérables. Je demanderai que l'on fasse parler dans cette discussion des diplomates, et d'autres responsables ayant des expériences diversifiées de négociations qui ont réussi, et d'autres qui ont échoué. Naturellement ce travail de modernisation, qui se fait ici à l'administration centrale, et depuis l'administration centrale, a vocation à irriguer l'ensemble des postes./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 septembre 2001)