Texte intégral
GERARD LECLERC
Marisol TOURAINE, j'allais dire votre tâche va être difficile, sinon presque impossible, nous dire en quoi François HOLLANDE a pu convaincre les Français. Avant l'émission 71 % d'entre eux disaient qu'ils n'étaient même pas intéressés par l'intervention.
MARISOL TOURAINE
Le président de la République, hier, s'est montré non seulement sincère, mais proche des réalités que vivent les Français, et il était important qu'il rappelle, qu'il réaffirme la cohérence de son action. Parce que, si comme le disait Guillaume TABARD, il y a un décalage, le décalage n'est pas dans l'action du gouvernement et du président de la République, elle est dans la perception qu'ont les Français de certaines actions, ou une partie de la gauche, par exemple, de ce qui est mené, et la réalité de l'action qui est portée. Et donc, le président de la République, hier, avait la volonté, et il l'a fait, de rappeler que sa tâche, sa mission, son cap, c'est à la fois la modernisation du pays et la protection de notre modèle social, et c'est dans ces termes-là, sur ces deux jambes-là, qu'avance la politique qui a été menée par le gouvernement sous sa responsabilité et c'est important de rappeler cette cohérence, et cette fermeté-là. Parce qu'il n'y a pas, contrairement à ce que j'entends parfois, des zigzags, il y a, au contraire, l'affirmation d'un cap, et ce cap il n'est pas je soutiens, les yeux fermés, les entreprises, je ne me préoccupe que de la compétitivité des entreprises, ou je maintiens le modèle social sous cloche, c'est je modernise, je modernise le modèle social, pour qu'il réponde aux préoccupations des Français aujourd'hui, qu'il réponde aux situations sociales d'aujourd'hui. Et en même temps, évidemment, je fais en sorte que nos entreprises soient prêtes, fortes, dans la compétitivité internationale.
GERARD LECLERC
Oui, mais quand il dit « la France va mieux », est-ce que vous pensez que c'est ce que ressentent les Français, avec un chômage qui, quand même, n'a pas cessé de progresser, qui continue à progresser ?
MARISOL TOURAINE
Mais, les Français sont dans une situation où ils ont l'impression qu'individuellement beaucoup de perspectives leur sont offertes, mais que collectivement nous n'y arrivons pas. Et, ce que le président de la République a fait hier soir, ce qu'il a dit, ce n'est pas que le pays va bien, qu'il n'y a rien à améliorer, c'est que nous allons beaucoup mieux que ce que nous pensons nous-mêmes, c'est que notre économie se redresse peu à peu. Nous sommes plus compétitifs aujourd'hui que nous ne l'étions il y a quelques années, et les entreprises, par exemple, ont un coût du travail qui a diminué et qui leur permet de reconstituer des marges, d'investir et, progressivement, d'embaucher. Mais sur le plan social aussi, il y a toute une série de situations qui se sont améliorées. Si je prends par exemple les sujets dont j'ai la responsabilité, l'accès aux droits, en termes de santé, cet accès il a augmenté. Il y a davantage de personnes qui peuvent compter sur une protection sociale élargie, que ce soit une complémentaire santé de base, une complémentaire santé complémentaire, ce que vous devez payer de votre poche a diminué depuis 2012, ça n'avait cessé d'augmenter entre 2008 et 2012. Donc, il y a incontestablement, moi je ne le nie pas, il y a incontestablement un décalage, ou une différence, dans l'appréciation, ou la perception, que les Français ont de la situation de la France et la réalité de la situation de notre pays. Et c'est cela que le président de la République a mis en avant, avec, je le répète, à la fois de la force, et de la cohérence, et pas du tout un optimisme qui serait déplacé par rapport aux difficultés que connaissent les Français.
GERARD LECLERC
Vous nous le dites, François HOLLANDE a fait de la pédagogie, le problème c'est que tout ça manquait un peu de souffle, un peu de vision, il était en permanence sur la défensive.
MARISOL TOURAINE
Le président de la République était présidentiel.
GERARD LECLERC
Présidentiel, mais presque dans le rôle d'un punching-ball face à ses interlocuteurs.
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, il aurait plus, comment dire, dans la contestation de ce que disaient ses interlocuteurs, vous m'auriez dit, ce matin, qu'il n'était pas respectueux de la parole des Français, qu'il n'entendait pas la vie que ressentaient les Français. Il a été clair, pédagogique, encore une fois, ferme dans la cohérence de son propos, et en même temps ferme pour rappeler la réalité de l'action qui a été portée. Face à cette jeune femme qui était chef d'entreprise, il a rappelé la réalité des choses, et j'ai trouvé ça très intéressant. Lorsque cette jeune femme disait « moi je ne peux pas embaucher en temps partiel à moins de 24 heures », par semaine, il a répondu « si, vous le pouvez, parce qu'il y a des dérogations qui existent. »
GERARD LECLERC
Est-ce qu'elle n'avait pas raison quand elle a dit « c'est plus difficile aujourd'hui d'embaucher des stagiaires, le temps, je ne peux pas embaucher en dessous de 24 heures. On va nous surtaxer les CDD alors que j'ai besoin de CDD »
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, franchement, franchement, quand dans notre pays vous avez 90 % des embauches qui se font en CDD, lorsque 70 % des embauches c'est des CDD de moins d'1 mois
GERARD LECLERC
Oui, mais si on les surtaxe ce n'est peut-être pas la meilleure façon de
MARISOL TOURAINE
Qu'on ne nous dise pas qu'il est impossible aujourd'hui d'embaucher en CDD. Et lorsque l'on sait qu'il y a des dérogations possibles, à l'embauche à temps partiel, à au moins 24 heures par semaine, on voit bien qu'il y a un décalage, là, entre ce que disent certains acteurs économiques, et la réalité de ce qui leur est proposé. Et l'objectif, pour le président de la République, il l'a dit avec force, et je m'en réjouis, je dois le dire, il a dit que notre objectif c'est aussi un modèle social solide, fort, et on ne peut pas considérer qu'il faudrait pouvoir embaucher 2 heures, 3 heures, sans aucune contrainte.
GERARD LECLERC
Alors justement, son objectif est-ce que ce n'était pas de renouer avec la gauche, avec son électorat ?
MARISOL TOURAINE
Renouer, en tout cas de rappeler que contrairement à ce que l'on entend parfois, la politique qui a été menée depuis 2012 est une politique qui est résolument progressiste, une politique qui fait de la protection sociale, de notre modèle social, un socle absolument incontournable, parce qu'on peut prendre toute une série de mesures. La droite a refusé d'apporter un soutien financier, notamment aux jeunes de moins de 25 ans, avec la Prime d'Activité qui se met en place, très bien, et qui est un grand succès, nous accompagnons
GERARD LECLERC
Oui, sauf qu'il a perdu la jeunesse, sauf qu'il a perdu l'électorat des jeunes.
MARISOL TOURAINE
Eh bien, nous disons ce que nous faisons. Les jeunes, aujourd'hui, lorsqu'ils travaillent, peuvent compter sur les mêmes droits que les moins jeunes, et ça c'est un progrès. La mise en place de la pénibilité, lorsqu'on part à la retraite et qu'on a eu des carrières difficiles, évidemment la droite ne l'aurait pas fait, la gauche a tenu ferme sur cet engagement et sur ses convictions. Je ne parle pas du tiers payant que, à l'évidence, la droite n'aurait pas mis en place. Donc, on ne peut pas dire que ce gouvernement n'a pas porté une politique résolument progressiste et sociale, et c'est cela que le président de la République a rappelé.
GERARD LECLERC
On retient également les recadrages de Manuel VALLS sur le voile, il n'y aura pas d'interdiction du voile dans l'université, et puis par rapport à Emmanuel MACRON, il doit être loyal, « il est sous mon autorité » a dit François HOLLANDE.
MARISOL TOURAINE
La loyauté c'est une évidence quand on est ministre.
GERARD LECLERC
Il vous agace un peu Emmanuel MACRON ?
MARISOL TOURAINE
Je ne doute pas qu'Emmanuel MACRON, comme chaque ministre, soit loyal. Le principe est évidemment que nous participons à un gouvernement, et nous sommes respectueux du Premier ministre, et loyal envers le président de la République, qui portent la politique dans laquelle nous nous inscrivons, nous inscrivons notre action. Donc, vous savez, les Français ils attendent de la solidarité, ils attendent un esprit collectif, ils attendent que, au fond tout le monde aille dans le même sens, il y a une élection présidentielle l'année prochaine, c'est pour faire gagner les idées que nous portons, que nous défendons, qu'incarne le président de la République, que nous devons aujourd'hui agir.
GERARD LECLERC
François HOLLANDE a dit qu'il donnerait sa réponse, sur sa candidature, à la fin de l'année et en fonction du chômage. Vous y croyez, vous, avec 14 % d'opinion publique, qu'il peut être candidat ?
MARISOL TOURAINE
Oui, et je le souhaite, parce que précisément le pays bouge, le pays se transforme, le pays se mobilise et il faut poursuivre cette action
GERARD LECLERC
Oui, mais il y a ce désaveu qui est terrible auprès de l'opinion.
MARISOL TOURAINE
Eh bien c'est le travail qui est engagé aujourd'hui, c'est un travail de conviction, un travail de pédagogie et, encore une fois, rappeler la cohérence de l'action qui est menée, qui doit être poursuivie, évidemment qui doit être poursuivie. Nous ne sommes pas au bout du chemin et de toute façon on ne peut pas considérer que la situation soit, aujourd'hui, complètement, ou même satisfaisante, il y a trop de chômage, il y a des difficultés économiques
GERARD LECLERC
Mais ça peut s'inverser, vous croyez toujours à l'inversion de la courbe ?
MARISOL TOURAINE
Moi je crois surtout que les actions qui sont menées portent des résultats, vont porter leurs fruits, et que le président de la République fera valoir la cohérence de ce qu'il a engagé.
GERARD LECLERC
Vous ne m'avez pas vraiment répondu sur Emmanuel MACRON, il vous intéresse ou il vous agace ?
MARISOL TOURAINE
Emmanuel MACRON est un ministre enthousiaste
GERARD LECLERC
Ça on le sait.
MARISOL TOURAINE
Enthousiaste, qui apporte des idées, donc c'est toujours intéressant, et c'est toujours intéressant qu'il y ait des débats, dès lors qu'ils servent l'action commune et l'action collective. Et moi je suis sûre que tous les ministres aujourd'hui n'ont qu'une idée en tête, c'est que notre gouvernement puisse faire valoir son bilan, que le président de la République puisse briguer les suffrages de nos concitoyens.
GERARD LECLERC
Je termine par un sujet qui vous concerne directement, parce que vous êtes ministre de la Santé, c'est la sortie qu'a fait Jean-Marie LE GUEN sur la dépénalisation du cannabis, en gros il dit « la France est le pays où les lois sont les plus sévères mais où il y a le plus de consommateurs, et en plus il y a tous les trafics dans les quartiers. Pourquoi ne pas poser la question, clairement, de la dépénalisation. » Vous en pensez quoi ?
MARISOL TOURAINE
Oui, lui-même, d'ailleurs, est allé plus loin que la dépénalisation, puisqu'il a même évoqué une légalisation encadrée. Vous savez, il faut quand même partir, et là c'est la ministre de la Santé aussi qui s'exprime, il faut partir d'une réalité, c'est que, contrairement à ce que l'on imaginait il y a quelques années, le cannabis est néfaste pour la santé, des troubles d'attention, des risques, à terme, psychologiques
GERARD LECLERC
Non, mais 4,5 millions de consommateurs existent
MARISOL TOURAINE
Non, mais attendez, les risques pour la santé, ils sont là, et c'est à partir de là que nous devons raisonner. Est-ce que la légalisation va permettre de réduire la consommation ? Parce que c'est quand même ça le sujet. Vous le dites vous-même, il y a, en France, trop de jeunes notamment, qui consomment du cannabis. Alors, on peut s'interroger sur les outils qui existent aujourd'hui, mais la réalité elle est que, il y a trop de jeunes qui consomment un produit qui est mauvais pour leur santé, et je ne crois pas que c'est en légalisant le cannabis qu'on va réduire la consommation des jeunes de ce produit mauvais pour leur santé.
GERARD LECLERC
Merci Marisol TOURAINE, bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 avril 2016