Interview de Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à France 2 le 27 avril 2016, sur la baisse du chômage et la croissance économique.

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Média : France 2

Texte intégral


ROLAND SICARD
Bonjour à tous. Bonjour Myriam El KHOMRI.
MYRIAM EL KHOMRI
Bonjour.
ROLAND SICARD
Il y a donc eu une forte baisse du chômage le mois dernier, - 60 000, c'est la plus forte baisse depuis 16 ans. Est-ce que la fameuse inversion de la courbe du chômage, dont on parle depuis longtemps, elle est amorcée, selon vous ?
MYRIAM EL KHOMRI
Eh bien écoutez, il y a des signaux, en effet, qui sont positifs. Cette inversion, on n'a pas eu une telle inversion… une telle diminution mensuelle depuis les années 2000. Ce qui est intéressant dans ce chiffre du mois de mars, c'est qu'il concerne toutes les catégories, je pense aux séniors, aux jeunes et aussi aux 25/49 ans. Ce qu'on regarde, et c'est ce que je dis tous les mois, c'est de regarder les choses, la tendance sur les trois derniers mois, et en effet, sur les trois derniers mois, nous sommes à une diminution de - 50 000 demandeurs d'emploi. Donc moi je pense d'abord à ces demandeurs d'emploi, à leurs familles, qui ont retrouvé un emploi, et ce que l'on peut dire, en effet, c'est que cette inversion elle est en cours, si on regarde cette tendance, c'est donc une évolution positive. Nous n'avons jamais été aussi près, et donc mon travail est justement de me battre au quotidien, pour faire que justement elle soit durable.
ROLAND SICARD
Alors, quand on regarde les chiffres de près, on s'aperçoit que quand même, ce sont des emplois précaires, des emplois pas très bien payés, qui sont découverts, est-ce que c'est pas quand même une tendance fragile ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, il y a des signaux positifs d'un point de vue économique, c'est ça qu'il faut regarder. Il y a une croissance de 1,2 % en 2015. En 2015, nous avons créé près de 100 000 emplois dans le secteur concurrentiel. Après plusieurs années de destructions d'emplois, les entreprises, grâce au pacte de responsabilité, au CICE, ont retrouvé des marges et le pouvoir d'achat augmente. C'est ces indicateurs-là qu'il faut regarder, et de ce point de vu là, en effet, ces signes positifs montrent justement qu'il y a beaucoup plus d'intentions d'embauches, donc bien évidemment, la reprise économique, elle est là, ces signaux le montrent, elle est encore timide, ce qui explique les basculements qu'il peut y avoir d'une catégorie à une autre, et que nous connaissons depuis plusieurs mois. Néanmoins, concrètement, on voit que les demandeurs d'emploi en catégorie A, ont diminué, ils sont peut-être allés sur d'autres catégories, en exerçant des contrats à temps plus partiels, mais je rappelle toujours que par exemple, s'agissant de la catégorie C, c'est-à-dire les personnes qui travaillent plus de 78 heures par mois, c'est dans cette catégorie, 38 % des demandeurs d'emploi sont à temps plein, sont à temps plein mais ils cherchent un autre emploi. Donc c'est vrai que les données Pôle emploi, contrairement aux chiffres, que l'on appelle du BIT, qui sont la seule donnée de comparaison internationale, sont différents, parce qu'il suffit pour le BIT de travailler une heure, dans le mois, pour sortir des chiffres du chômage, donc c'est cette réalité-là qu'il faut regarder. Donc il y a une reprise de l'activité économique, elle est encore timide…
ROLAND SICARD
Mais, la dernière fois…
MYRIAM EL KHOMRI
Elle est encore timide et je le conçois tout à fait, néanmoins nous sommes véritablement dans le bon sens, nous allons dans le bon sens.
ROLAND SICARD
La dernière fois qu'il y avait eu une baisse aussi importante, c'était en 2000, la croissance elle était de 4 %, aujourd'hui on est à 1,2, 1,5, ça montre quand même une relative fragilité.
MYRIAM EL KHOMRI
Mais, en effet, c'est la croissance qui est jouée, donc les prévisions de croissance pour 2016 sont meilleures qu'en 2015. Ça c'est essentiel. Ce qui est intéressant à regarder, c'est l'investissement, et on voit bien que l'investissement repart aussi. Donc nous avons des indicateurs positifs qui sont là. Après, quand on connait la difficulté, le nombre de Français qui sont confrontés à cette crise sociale, bien évidemment on ne peut pas se réjouir. Néanmoins, ces indicateurs sont là, et donc ils ont une conséquence sur le marché de l'emploi, et donc il faut bien sûr que ça se prolonge et que ça soit durable.
ROLAND SICARD
Ailleurs en Europe, ça baisse plus, et depuis plus longtemps. Est-ce que là, il n'y a pas un déficit français ?
MYRIAM EL KHOMRI
Eh bien il y a aussi une manière de comptabiliser les demandeurs d'emploi. Quand vous avez les mini-jobs à l'allemande ou les contrats zéro heure, il suffit de travailler dans le mois, pour sortir des chiffres du chômage, donc si on compare par exemple par rapport au taux de chômage du BIT, on voit bien que s'agissant du BIT, le chômage en France a diminué en 2015. Donc il faut toujours comparer les choses avec les mêmes indicateurs, donc on voit bien qu'on est dans une situation différente. Néanmoins, il faut que nous menions des mesures conjoncturelles, c'était le sens du plan pour l'emploi, le plan 500 000 actions de formation, mis en place par le président de la République, et également l'aide embauche PME…
ROLAND SICARD
Est-ce que ça, ça a joué dans le chiffre du mois de mars ?
MYRIAM EL KHOMRI
Je pense que l'aide embauche PME, oui, a joué dans les chiffres du mois de mars. Le plan 500 000 formations, non, puisque nous avons en effet des prescriptions de formations qui ont été mises en oeuvre, mais les personnes ne sortent de la catégorie A, puisque si vous me parlez notamment des statistiques, que lorsqu'ils entrent en formation. Or, sur la catégorie D, nous avons à peine ce mois-ci plus de 1 100 personnes qui sont entrées en formation.
ROLAND SICARD
Est-ce que les patrons ont joué le jeu ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, il y a, actuellement, on le voit bien, il y a une reprise de l'activité économique. Elle n'est pas suffisamment forte, c'est pour ça qu'il faut apporter aussi des mesures structurelles. Et le projet de loi, qui sera… le projet de loi travail, qui sera en discussions dès le 3 mai prochain à l'Assemblée nationale, vise justement à développer, à améliorer la compétitivité de notre économie, à donner plus de souplesse par la négociation, c'est-à-dire par la capacité d'adaptation des salariés et des employeurs, au plus près de l'entreprise, ce qui est un élément déterminant, donc des mesures structurelles sont importantes pour notre pays, on ne va pas se raconter d'histoires. Nous avons, nous sommes le deuxième pays utilisateur de CDD de moins d'un mois. Donc, cette réalité-là il faut la regarder en face, et il faut mettre en oeuvre à la fois des mesures conjoncturelles, c'est ce que nous avons fait avec le pacte de responsabilité et le CICE depuis le début du quinquennat, mais encore récemment avec le plan pour l'emploi, et l'aide embauche PME elle est utile, 225 000 entreprises l'ont demandé, et on voit bien qu'elle aide, notamment à 60 % des TPE, et nous savons bien que ce sont les TPE qui vont créer de l'emploi dans notre pays, les TPE et les PME. Donc voilà, avoir des aide lisibles, simples, et justement qui permettent de prolonger des contrats de travail en CDI ou des CDD de plus de six mois, on voit bien que ça a un effet également.
ROLAND SICARD
Ce projet de loi travail, ce projet de loi El Khomri, il y aura une manifestation contre, demain. Qu'est-ce qu'il va en rester à l'arrivée ?
MYRIAM EL KHOMRI
Eh bien écoutez, ce projet de loi a été enrichi, enrichi dans son passage aux commissions aux Affaires sociales…
ROLAND SICARD
Le patronat dit appauvri.
MYRIAM EL KHOMRI
Il a été enrichi, moi je pense qu'il faut regarder la réalité du texte, il a été enrichi…
ROLAND SICARD
Le patronat dit qu'il n'y a plus rien dedans.
MYRIAM EL KHOMRI
Vous savez, il y a un débat aussi sur un article qui est important pour le patronat, qui est la représentativité patronale, qui peut expliquer telle ou telle position. Aujourd'hui, ce… Il a été enrichi notamment en direction des TPE et des PME, ça a été la demande des députés, notamment au sein de la commission Affaires sociales, avec le rapporteur Christophe SIRUGUE et la présidente Catherine LEMORTON. Il a été également appuyé sur le compte personnel d'activités, c'est-à-dire donner des droits nouveaux aux salariés pour permettre des plus grandes transitions professionnelles, mettre en oeuvre le droit universel à la formation, pour ces personnes qui en ont le plus besoin, les salariés les moins qualifiés, les demandeurs d'emploi. Ça c'est essentiel, donc c'est une réforme qui est importante, une réforme structurante, et qui vise justement…
ROLAND SICARD
Elle aboutira, malgré les manifestations.
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, il n'y a jamais d'unanimité sur une réforme sociale, moi j'entends que ceux aujourd'hui qui manifestent sont contre les accords d'entreprises, alors même qu'il y a 40 000 accords d'entreprises qui sont signés dans notre pays et qu'une de ces organisations syndicales, notamment la CGT, les signe à près de 80 %. Donc, sortons un peu des slogans et regardons la réalité aussi du dialogue social au plus près de l'entreprise.
ROLAND SICARD
Les intermittents du spectacle, ils protestent contre la réforme de leur indemnisation du chômage, ils occupent deux théâtres, l'Odéon, et le Théâtre français. Est-ce que la négociation va aboutir ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, il y a une négociation, elle est en cours, il y a encore une réunion importante aujourd'hui, les partenaires sociaux, notamment du spectacle, doivent se mettre d'accord, d'une façon apaisée, c'est un élément déterminant, mais je pense que cette négociation va aboutir, bien évidemment. Elle doit se dérouler dans un débat serein.
ROLAND SICARD
Les festivals de l'été auront lieu ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, nous faisons tout, bien évidemment, pour que ce régime, qui est important, bien sûr, pour les intermittents du spectacle, avec ses spécialités culturelles, où nous sommes tous attachés, puissent se développer. Donc nous sommes bien sûr très vigilants, avec Audrey AZOULAY sur ce point là, et les négociations sont actuellement en cours et j'espère bien qu'elles vont aboutir.
ROLAND SICARD
Merci Myriam El KHOMRI.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 avril 2016