Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur les opérations militaires françaises en Afrique, à Abidjan le 29 avril 2016.

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Circonstance : Déplacement en République fédérale du Nigeria, en République du Tchad et en République de Côte d’Ivoire, du 28 au 30 avril 2016

Texte intégral


Mon colonel,
Officiers, sous-officiers et soldats des Forces Françaises en Côte d'Ivoire,
Je suis très heureux d'être avec vous aujourd'hui, pour vous rencontrer et saluer votre action. Les Forces Françaises en Côte d'Ivoire sont à mes yeux emblématiques des réussites passées et présentes, mais aussi des évolutions de l'armée française sur le continent africain.
Parmi les satisfactions, je citerai en premier lieu l'opération Licorne dont vous êtes les héritiers. Après neuf années d'une mission difficile, la bataille d'Abidjan, en 2011, a permis au vainqueur des élections, Monsieur Ouattara, d'être effectivement proclamé Président de la République. Cette bataille, par bien des aspects exemplaire côté français, préfigurait déjà les succès qui suivraient au Mali comme en Centrafrique : montée en puissance rapide de notre dispositif, s'appuyant sur les forces déjà présentes ; forces parfaitement adaptées à la situation, en étant à la fois réduites, puissantes et agiles ; rapidité et détermination de notre action ; et bien sûr coopération exemplaire avec la communauté internationale.
Le 30 mars dernier, j'annonçais à vos camarades de Bangui la fin prochaine de l'opération Sangaris et je les félicitais pour le travail accompli. A cette occasion, j'ai rendu hommage aux mêmes qualités, que peu d'autres armées dans le monde possèdent et qui font, à Bangui, à Gao ou à Abidjan, les succès des armes de la France.
Parmi les motifs de satisfaction, j'évoquerai également la coopération que vous et vos prédécesseurs avez su instaurer avec les Forces Républicaines de Côte d'Ivoire. Après les troubles de 2011, la reconstruction de l'armée ivoirienne est primordiale pour assurer la stabilité et la prospérité du pays. Cette reconstruction est d'autant plus importante que la Côte d'Ivoire est confrontée, au même titre que les autres Etats de la région, à la menace terroriste. L'attentat de Grand Bassam, il y a un peu plus d'un mois, est venu le rappeler tragiquement.
En contribuant à la formation de plus de 500 soldats ivoiriens à chaque mandat, vous apportez une contribution importante à cette reconstruction, et je tiens à vous en féliciter. Je veux en particulier rendre hommage au travail du détachement des forces spéciales. Je veux croire que leurs conseils ne sont pas totalement étrangers à l'efficacité des unités ivoiriennes à Grand Bassam.
Je suis donc heureux de constater tout cela, mais je ne suis pas surpris par la qualité de votre travail. A chaque fois que je me rends dans les forces, sur tous les théâtres, je vérifie la valeur de nos armées. J'ai si souvent entendu mes interlocuteurs leur rendre un hommage mérité – et encore il y a très peu de temps en Irak –, que je pourrais presque finir par m'y habituer, si je n'en mesurais pas aussi le prix. La semaine dernière, aux côtés du Président de la République, j'ai participé à l'hommage solennel de la Nation à vos trois camarades tombés au Mali. Licorne et Sangaris elles aussi, ont eu leurs lots de sacrifices. En tant que ministre de la Défense, c'est aussi dans ces moments dramatiques que je mesure avec le plus de gravité la valeur de votre engagement militaire.
Mais la condition du succès, je sais que c'est aussi, au quotidien, les efforts permanents, la fatigue, des conditions de vie spartiates. C'est également la réactivité dans les moments de crise et je sais là encore à quel point l'année 2015 aura sollicité nos armées, en particulier avec le déploiement de SENTINELLE au lendemain des attentats de Charlie Hebdo. Cette mobilisation se poursuit depuis lors, pour protéger nos concitoyens d'une menace qui reste à des niveaux particulièrement préoccupants. Partout, ici comme en métropole, je mesure le rythme opérationnel soutenu qui vous est imposé, autant que les conséquences sur la vie familiale de nos militaires.
Je veux redire ici que ce dévouement est au cœur de votre vocation militaire. Pouvoir compter dans les moments difficiles sur ses armées, voilà ce qui fait la force de la France et l'honneur de ses soldats. Mais ce dévouement appelle aussi des moyens à la hauteur des enjeux rencontrés. C'est le sens des décisions prises par le Président de la République pour augmenter le budget de la Défense et annuler toutes les déflations qui étaient encore prévues. C'est à mes yeux la juste récompense des efforts que vous avez fournis.
Je sais que certaines unités présentes ici, notamment celles de la 3ème Brigade Légère Blindée, seront concernées par ces changements cet été. La dissolution de votre brigade fait en effet partie d'une réorganisation qui va dans le bon sens et qui verra les forces terrestres se mettre en ordre de bataille pour passer, dans les années qui viennent, de 66 000 à 77 000 hommes. Elle permettra aux armées de faire face à leurs missions et de retrouver progressivement un rythme opérationnel équilibré. C'est un effort important de la Nation, qui reconnaît ainsi votre valeur et vient soutenir votre action.
Mais la réorganisation de nos armées ne se limite pas à la métropole. Lors de ma dernière venue ici, je m'étais adressé à la force Licorne. Aujourd'hui, ce sont les Forces Françaises en Côte d'Ivoire qui se trouvent devant moi. Car le dispositif français en Afrique évolue. L'enjeu de cette évolution est de pouvoir mieux faire face aux situations de crises imprévues.
Ainsi, cet été, les FFCI passeront d'un peu plus de 580 à 900 hommes et constitueront la Base Opérationnelle Avancée de la façade Ouest de l'Afrique. Avec les Forces Françaises de Djibouti et les Forces Françaises des Emirats Arabes Unis, vous et vos successeurs constituerez ainsi l'un des trois réservoirs de troupes françaises. Chacun dans sa région sera capable de soutenir et de renforcer notre dispositif militaire en déploiement ou capable d'intervenir sur une nouvelle crise, après avoir reçu si nécessaire les renforts appropriés de métropole. En d'autres termes, ces Bases opérationnelles avancées (BOA) seront les forces d'intervention immédiate et les points d'entrée de l'armée française dans ces différentes régions.
En plus de ces trois réservoirs de forces, notre dispositif en Afrique comprendra deux pôles opérationnels de coopération au Sénégal et au Gabon, chargés de mettre en œuvre les actions de formation et de conseil au profit des pays africains voisins.
Pour remplir ces missions, les armées ont réuni ici des unités très diverses. Bien sûr, celles de la 3e BLB : le 126e RI, le 1er RIMa le 31e RG et le 61e RA. Mais il y a aussi les nombreux détachements de soutien du service des essences, de la DIRISI, du service des munitions, du DETAIR et bien d'autres encore.
Sous l'autorité de vos chefs, vous avez su former un détachement cohérent. C'est bien ce concentré de compétences et de savoir-faire qui fait notre succès en opérations. Les FFCI ne sont pas si nombreuses par leur volume, mais elles sont complètes, autonomes, réactives et efficaces.
Avec la création cet été d'une compagnie du génie et d'une batterie d'artillerie, ainsi que d'un détachement de l'aviation légère de l'armée de Terre, cet aspect sera encore renforcé, car il est au cœur de la notion de base opérationnelle avancée que je viens d'évoquer. Tous ces petits détachements auxquels je tiens à rendre hommage sont absolument indispensables pour fournir aux Forces Françaises en Côte d'Ivoire leur puissance globale, leur agilité, leur autonomie et évidemment leur supériorité.
Le passage à ce nouveau format concernera davantage vos successeurs que vous-mêmes, mais je sais que vous assumez déjà les tâches qui seront les leurs : le renforcement des éléments au Sénégal par une section depuis novembre, les renforcements réguliers au Sahel – je crois savoir que la compagnie d'infanterie et quelques autres éléments se trouvent actuellement au Mali – les escortes de convois et, bien sûr, tout le soutien logistique au profit de l'opération Barkhane.
En remplissant, dans l'ombre de Barkhane, ces missions difficiles, qui sont indispensables à son bon fonctionnement, vous êtes un maillon essentiel de notre dispositif africain. Vos camarades au Sahel ont une tâche périlleuse. Votre aide leur est précieuse, et je voulais vous en remercier.
Ainsi, forts de votre diversité autant que de votre cohésion, rayonnant dans l'ensemble de la région au profit de vos camarades des autres théâtres, vous constituez déjà un détachement emblématique du savoir-faire et surtout de la capacité d'adaptation de nos armées. L'Afrique de l'Ouest est immense. Les défis, les menaces et les incertitudes y sont nombreuses. Mais je ne doute pas une seconde, en vous voyant ici, que les Forces Françaises en Côte d'Ivoire continueront de représenter, dans cet environnement si incertain, la puissance à la fois dissuasive et rassurante de nos armées.
Voilà pourquoi j'ai plaisir à me trouver ici parmi vous, à vous porter le message de reconnaissance et de confiance de la Nation pour les hommes et les femmes qui la défendent. Dans le Sahel, au Levant, à Abidjan ou dans les rues de Paris, vous faites honneur à votre pays.
Je vous souhaite à toutes et à tous une excellente fin de mission.
Vive la République ! Vive la France !Source http://www.defense.gouv.fr, le 10 mai 2016