Interview de M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, à La Chaîne Info le 4 octobre 2001, sur l'explosion d'une usine chimique à Toulouse et sur la réaction de la France suite aux attentats terroristes ayant touché les Etats-Unis.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser Je voudrais revenir à l'affaire de Toulouse : plusieurs journaux font état, ce matin, d'une possibilité d'attentat parce qu'une des victimes portait plusieurs épaisseurs de sous-vêtements et qu'il parait que c'est la tenue de certains kamikazes islamistes. Comment peut-on imaginer prévenir les risques industriels dans ce cas ?
- "Plusieurs enquêtes sont en cours, notamment l'enquête judiciaire qui déterminera les responsabilités exactes et l'origine malveillante ou non de ce dramatique accident. Ceci étant dit, une attaque du type terroriste plus ou moins organisée, plus ou moins artisanale, est toujours très difficile à dépister avant qu'elle ne se produise. On l'a vu, hélas, dans les attentats américains. Il se trouve que sur le sol français, on a arrêté deux personnes sur ce point en région parisienne. Pour ce qui s'est passé à Toulouse, nous examinons toutes les pistes. Une nouvelle information nous est en effet parvenue aujourd'hui et elle montre qu'il peut y avoir une origine terroriste. Mais nous n'écartons aucune hypothèse, pas plus, évidemment, celle de l'accident, soit une défaillance technologique, soit simplement un manque de vigilance à l'intérieur de l'entreprise."
Vous dites simplement "manque de vigilance", pas "négligence" comme certains enquêteurs le disent ?
- "Pour l'instant, les enquêtes ne sont pas finies. Nous menons avec nos services une enquête du type physico-chimique, industrielle proprement dite, pour voir comment le processus a pu aboutir à cette explosion. Mais sur l'origine humaine ou bien la défaillance technologique - humaine, c'est soit un manque de vigilance, soit une origine malveillante -, c'est l'enquête judiciaire qui déterminera exactement les responsabilités."
Le Premier ministre a décidé la remise à plat des sites industriels. Vous avez nommé un expert, M. Essig, qui sera chargé de conduire un débat autour de cela. Mais en cas d'acte terroriste, il peut y avoir toutes les précautions possibles et inimaginables, cela ne servirait à rien !
- "Ce que nous faisons, c'est essayer de renforcer la sécurité sur l'ensemble des sites du type Seveso, qui sont à peu près 1.250 en France, mais du point de vue du fonctionnement normal de ces industries à risques. Pour ce qui concerne les possibilités d'attaques terroristes, c'est une toute autre ampleur qu'il faudrait mettre en oeuvre et que nous mettons en oeuvre dans le cadre international, depuis les attentats du 11 septembre. Il est certain que, s'agissant des usines à risques ou d'autres installations, le Premier ministre peut vouloir renforcer la sécurité contre les attaques chimiques ou bactériologiques, tout cela est un phénomène général pour sécuriser notre société qui échappe aux risques proprement industriels. Une personne organisée et tout à fait déterminée à faire sauter quelque chose a évidemment la possibilité de le faire..."
On ne l'arrête pas ?
- "Pour l'instant, nous essayons d'abaisser le risque terroriste en mettant en place, du point de vue international et de manière coordonnée, toute une solidarité depuis les attentats du 11 septembre. A ce propos, je crois que la dimension militaire, sur laquelle beaucoup fonde des espoirs, est en fait une dimension mineure. La vraie réponse contre les terroristes, c'est l'organisation d'un système de sécurité international, basé sur le renseignement, sur la lutte contre la délinquance financière, par exemple."
Uniquement financière ou est-ce un ensemble de mesures psychologiques - c'est ce que vous avez l'air de dire ?
- "Non, il faut également, bien sûr, penser à une solidarité entre les pays tels que les nôtres - ceux de l'OCDE - et des pays qui ont pu ressentir comme injuste leur situation économique depuis une trentaine d'années. Là aussi, c'est l'ensemble de l'élévation de la solidarité et de la démocratie qui permettra de lutter contre le terrorisme. Ce n'est pas simplement le fait de faire une opération militaire, qui est évidemment justifiée par cette attaque contre les Etats-Unis, d'ailleurs la France s'en déclare solidaire, avec des indications très précise de la part du Premier ministre. Mais cela ne sera qu'un épisode dans cette lutte qui sera plus longue."
Vous avez assisté au discours du Premier ministre, hier, à l'Assemblée. Comment avez-vous trouvé ce débat ?
- "Le discours a été à la fois avec des perspectives internationales et aussi une précision sur l'engagement exact de la France. J'entends certains membres de l'opposition qui lui ont reproché une sorte de sérieux et de fadeur. Mais est-ce qu'il s'agissait, en cette occasion, de faire du lyrisme ? Je ne crois pas. Il faut exactement savoir quelle va être la position de la France à la suite de cette réaction de solidarité immédiate que nous avons eue. Le Premier ministre en a précisé exactement tous les contours. On ne peut pas lui faire reproche d'avoir donné ces précisions."
Les Verts sont-ils solidaires d'une action militaire éventuelle ?
- "Oui, nous avons dit tout de suite que nous serons solidaires du peuple américain, et ce qui est organisé actuellement par le gouvernement français n'est pas la participation directe à des manoeuvres opérationnelles sur le terrain : c'est simplement une aide logistique ou une aide du type renseignement."
Est-ce parce que la majorité n'adhère pas à ce type d'opérations qu'on s'est limité à une aide logistique ?
- "Non, c'est simplement que les Américains ont fait appel à l'OTAN, hier. C'est nouveau, puisque jusqu'à hier, on ne savait pas exactement quelles étaient leurs intentions. On ne pense pas, de toute façon, que le fait de débarquer ou d'être parachuté en Afghanistan pour une période très longue soit la bonne solution. Eux-mêmes ne le pensent pas. Je ne crois pas qu'il y ait dans cette dimension militaire la solution définitive à ces problèmes de terrorisme. Et de son côté, le Gouvernement a voulu montrer qu'il était solidaire, avec l'indépendance et la souveraineté qui est la nôtre."
Et en indiquant clairement que la solution militaire n'est pas la bonne ?
- "Non, on n'a pas dit cela. Il va y avoir une dimension militaire, mais on peut dire qu'elle n'est pas la dimension majeure pour la résolution de fond de ces problèmes."
Même si la question peut paraître dérisoire, après ce qu'on a évoqué, les Verts se débattent en ce moment dans un problème de candidat. La direction a organisé une nouvelle consultation, pour savoir si A. Lipietz est le bon candidat ou non. Votre candidat, ce serait qui aujourd'hui ? N. Mamère ?
- "Nous allons en effet organiser cette consultation, à la demande d'A. Lipietz lui-même, qui ressent bien le trouble et un certain désarroi de la part à la fois de l'opinion publique, pour une part, et puis de certains de nos militants. Il dit : "J'ai été élu il y a trois mois par les militants, si ceux-ci..."
Et "je n'y arrive pas" ?
- "Oui, il a une difficulté de début de campagne. J'aime beaucoup A. Lipietz, c'est un gars qui a évidemment beaucoup de courage et une intellection [sic] remarquable. Est-ce qu'il est bien à sa place en tant que candidat à la présidentielle ? Il semble que certains se posent la question."
Vous aussi ?
- "Je me pose la question aussi, bien sûr. Et c'est pourquoi, si les militants disent finalement : "Alain, ce n'est pas toi notre candidat", il semble que N. Mamère peut être un bon candidat pour les Verts."
L'âge adulte pour les Verts, c'est quand ?
- "C'est depuis lundi, puisque nous avons pris cette résolution de clarifier un petit peu notre posture présidentielle, et en ce qui concerne madame Voynet, de remettre un peu d'ordre interne dans la boutique. Je crois qu'on a une crise de croissance ; c'est quand même mieux qu'une dépression de décroissance."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 5 octobre 2001)