Texte intégral
Madame la ministre, chère Clotilde Valter,
Monsieur le Président du Conseil Régional de Normandie, Monsieur le Ministre,
Monsieur le préfet du Calvados,
Monsieur le questeur du Sénat, Président du Conseil Départemental du Calvados,
Messieurs et Madame les parlementaires,
Monsieur le maire de Falaise,
Monsieur le maire de Caen et président de la communauté d'agglomération Caen la mer,
Monsieur le président de la Communauté de communes du pays de Falaise,
Mesdames et messieurs,
Je voudrais commencer à mon tour par rendre hommage à Jean-Marie Girault, sénateur-maire de Caen, qui nous a quittés la semaine dernière. Il était un grand serviteur de la mémoire de la Normandie et a porté le projet du Mémorial de Caen dont il était le président d'honneur.
Nous sommes ici sur une terre qui a connu de trop près les tourments des bombardements. En quelques jours, la commune est soumise au feu des bombes et n'est bientôt plus que cendres et désolation. Les chiffres sont connus, ils ont à plusieurs reprises cet après-midi été rappelés, mais ils restent toujours aussi inconcevables aujourd'hui. 150 000 Normands furent contraints de quitter leurs domiciles. Près de 20 000 d'entre eux trouvèrent la mort.
La guerre a ravagé des familles, des villes, des régions. Elle a frappé sans discrimination l'officier comme l'artisan, le colonel comme le curé, le soldat comme l'ouvrier. Les civils étaient des cibles de choix. Ils étaient, eux aussi, en première ligne.
La cérémonie qui nous réunit est là pour nous faire prendre conscience et au-delà de ce rassemblement pour rappeler une vérité : comme dans la plupart des conflits, depuis que l'on est en capacité de donner cette compatibilité macabre, la Seconde Guerre mondiale a tué plus de civils que de militaires, en France comme dans bien d'autres pays.
Il ne s'agit pas de mettre des chiffres en concurrence. Mais il ne s'agit pas non plus d'occulter une mémoire au détriment d'une autre. Il s'agit de rappeler une vérité que l'on a parfois tendance à oublier, celle concernant le sort des populations civiles qui font les réfugiés, les morts et les blessés des conflits passés et contemporains.
La souffrance des civils a été pourtant délaissée par la mémoire traditionnelle, au profit de celle des faits d'armes et des grandes opérations militaires. A présent, il est temps de pleinement réintégrer dans notre mémoire nationale la souffrance des civils de 1939 à 1945. Il est temps d'écouter les voix jadis muettes du conflit.
Les civils ont connu non seulement les bombardements, mais encore, dans leur vie quotidienne, la faim et le froid, les privations, les pénuries et les vexations, et, pour nombre d'entre eux, l'humiliation des lois de Vichy. Certains sont devenus des héros, en ouvrant leurs portes aux résistants et soldats alliés ou en cachant des Juifs, malgré la propagande de Vichy qui n'avait de cesse de susciter dans la population la défiance à l'égard de l'action des Alliés.
Le 6 juin 2014, le Président de la République a rappelé à Caen, que « le sacrifice des populations normandes s'est longtemps effacé derrière l'héroïsme des soldats du Débarquement ».
Le Président avait également souhaité que ce sacrifice soit « pleinement reconnu » par la République. C'est aujourd'hui fait et c'est la belle ambition du Mémorial de Falaise. Jamais encore un musée n'avait choisi de traiter seulement du sort des civils durant la guerre. Bien sûr, la condition de la population civile est évoquée dans certains musées de la Résistance et au Mémorial de Caen.
Mais le Mémorial de Falaise a cette particularité d'être le premier du monde à raconter de l'intérieur le martyr silencieux des civils. Cette inauguration marque donc une nouvelle étape mémorielle de la Seconde Guerre mondiale.
Le Mémorial est appelé à devenir un pôle de référence mémoriel et pédagogique. Un conseil scientifique dirigé par Denis Peschanski et composé des plus grands spécialistes de la période a veillé à sa rigueur et à son authenticité historique.
Le Mémorial de Falaise a vocation à s'insérer dans l'abondante muséographie et à compléter les nombreux lieux de mémoire que compte la région normande, des plages du Débarquement au Mémorial de Caen. Sa réalisation et son inauguration renforcent la richesse du patrimoine historique de Normandie et le Mémorial s'inscrit dans la promotion du tourisme de mémoire que j'encourage depuis mon entrée en fonctions. La conservation et la valorisation du patrimoine historique sont en effet une richesse culturelle mais aussi une source d'opportunités économiques.
Le Mémorial de Falaise consacré aux civils durant la guerre marque désormais une nouvelle étape dans la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Il raconte l'histoire d'un pays occupé, et de son peuple humilié, mais il raconte aussi l'histoire de ces civils qui, malgré les privations, malgré les bombes, malgré les morts et les blessés, soutenaient l'action des Alliés et espéraient chaque jour retrouver la liberté et les valeurs de la démocratie.
C'est pourquoi l'État et le ministère de la Défense, à travers la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, a tenu à s'associer financièrement à sa construction. Cependant, rien n'aurait été possible sans l'implication de la Communauté de Communes du Pays de Falaise, avec son président Claude Leteurtre, de la Ville de Falaise et son maire Eric Macé, du Conseil Régional de Normandie représenté par son président Hervé Morin et du Conseil Départemental du Calvados présidé par Jean-Léonce Dupont, dont je veux ici saluer l'engagement de tous au service de la mémoire.
Je n'oublie pas non plus que si ce mémorial a vu le jour, en dehors des élus que je viens de citer, c'est grâce aussi à certaines personnalités alors en responsabilités. Je voudrais donc saluer le travail de mon prédécesseur et ami Kader Arif qui a joué un rôle moteur avec le préfet de l'époque Michel Lalande. Saluer aussi Laurent Beauvais alors président du Conseil Régional de Basse Normandie, l'ancien président de la Communauté de Communes de Falaise, Jean-Marie Gasnier qui a eu à gérer cette phase décisive de 2012 à 2014.
Je ne reviendrai pas sur le rôle que vous avez joué Madame la Ministre, chère Clotilde, alors députée de la 3èmecirconscription du Calvados. Bref, tous les échelons ont collaboré étroitement à cette réalisation.
Je voudrais conclure en rappelant que la terre de Normandie a connu des mois d'angoisse. Janine Adam, qui était encore enfant à l'été 44, se souvient en ces termes des bombardiers : « Ils arrivaient en formation triangulaire, comme à la parade. Ils resplendissaient. On aurait dit des avions en argent. On ne se rendait pas compte. Et puis on s'est retrouvés soufflés, projetés jusqu'au fond de la salle. »
Les épreuves que Janine Adam traversa furent celles de milliers de Normands, de milliers de Françaises et de Français.
Le Mémorial de Falaise rend enfin l'hommage que tous ces civils méritaient et contribue désormais à la prise de conscience des souffrances que peuvent endurer ces populations, souffrances qui ont aujourd'hui changé de continent ou de latitudes, mais qui nous font réaliser hier comme aujourd'hui que partout où règne le totalitarisme, le racisme, c'est l'humanité toute entière qui souffre et qui recule.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 11 mai 2016