Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur la politique du ministère de la défense à l'égard de la jeunesse, à Paris le 18 mai 2016.

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Circonstance : Clôture du colloque pour les 60 ans de la CAJ, à Paris le 18 mai 2016

Texte intégral


Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général pour l’administration,
Monsieur le chef d’état-major de la marine,
Mesdames et Messieurs les officiers généraux, officiers, sous-officiers et soldats,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d’être parmi vous ce soir. Ce colloque, qui célèbre les soixante ans de la Commission armées-jeunesse, et que je suis honoré de conclure, me donne l’occasion de m’exprimer sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : celui de la jeunesse.
Nous en sommes tous convaincus, la jeunesse est essentielle à la pérennité et au succès de nos armées ; elle l’est aussi à l’unité de la nation. Comme elle l’a fait par le passé, comme elle le fera demain, la jeunesse de notre pays prend aujourd’hui toute sa part des défis que notre pays doit relever pour sa défense. Votre présence à tous ici, ce soir, est un témoignage fort de cet engagement.
Je veux remercier tous les intervenants de ce colloque. Je salue tout particulièrement Marie Récalde, Dominique Schnapper, Tristan Lecoq.
Je veux aussi remercier ceux qui ont la responsabilité de faire vivre notre ambition pour la jeunesse au sein du ministère de la défense : Gérard Gachet, délégué ministériel à la jeunesse, et François Le Puloc’h, notre directeur du service national.
Je salue les élus, les autorités civiles et militaires qui œuvrent, chacun à leur place, au développement de l’esprit de défense et contribue ainsi à la cohésion dont notre nation a besoin.
Je veux aussi saluer les responsables et les représentants de tous les organismes qui siègent à la CAJ : ministères, syndicats, fédérations, associations, toutes celles et tous ceux qui portent le sujet jeunesse au sein de la Défense et qui portent la Défense auprès de la jeunesse.
Je veux aussi saluer les nombreux jeunes de tous horizons qui sont présents ce soir, et qui sont la raison d’être de cette Commission. La diversité de notre assemblée témoigne de l’esprit qui anime la CAJ depuis sa création, un esprit que je veux voir, moi aussi, perdurer dans les années à venir.
Il y a soixante ans, dans un après-guerre marqué par les efforts de la reconstruction, les épreuves de la décolonisation et les menaces de la guerre froide, cette Commission a été créée pour que la jeunesse puisse connaître les impératifs de la défense nationale, pour que notre institution puisse comprendre les aspirations de la jeunesse.
Cette Commission a été voulue par Pierre Mendès-France, à qui je souhaite rendre hommage. En 1955, il adressait à la jeunesse ce magnifique message : « penser constamment à vous, c’est la seule manière de construire toujours en fonction du futur, c’est la seule méthode pour être certain de ne jamais sacrifier l’avenir au présent, ce qui est en définitive le devoir suprême de l’homme d’Etat. » Ce message est, je le crois, la raison d’être de la CAJ et il continue à nous inspirer aujourd’hui.
Depuis six décennies, c’est avec conviction et énergie que la CAJ contribue à la politique de notre ministère en direction de la jeunesse. Son action s’est d’abord portée sur les conditions de réalisation du service militaire ; mais elle a aussi, dès sa création, imaginé, proposé et mis en œuvre de nombreux dispositifs complémentaires, qui ont tous permis de conforter le lien entre la jeunesse et nos armées.
Si la Commission a pu être, durant toutes ces années, une force de proposition et un véritable laboratoire d’idées au service de l’esprit de défense, c’est notamment grâce à la diversité de ses membres. Je veux ici rendre hommage à leur formidable travail. Composée de l’ensemble des organismes qui sont au contact de la jeunesse, les travaux de cette Commission se sont enrichis de cette pluralité de sensibilités. La Défense est le seul ministère à disposer, encore aujourd’hui, d’une telle institution capable de faire se rencontrer la diversité de la société civile, et de la faire travailler dans un véritable esprit collégial, avec pour objectif la recherche de l’intérêt général, afin d’améliorer notre action globale à l’égard de la jeunesse.
Face aux risques et aux menaces auxquels notre pays est confronté, la mission de la Commission armées-jeunesse est plus que jamais d’actualité. Elle agit, certes, dans un contexte bien différent de celui de sa création, le contexte d’une armée professionnalisée, d’une société et d’une jeunesse qui ont profondément évolué, le contexte de menaces d’un type nouveau. Mais ses missions fondamentales demeurent d’actualité : la nécessité pour nos armées de connaître et de comprendre de manière approfondie notre jeunesse ; la nécessité, en retour, pour nos jeunes de comprendre et de connaître les impératifs de la Défense nationale et la part qu’ils peuvent y prendre.
C’est pourquoi je souhaite à présent partager, avec vous, ma vision de la politique de ce ministère à l’égard de la jeunesse. Cette politique se décline selon deux axes.
Le premier axe est directement lié aux besoins de la Défense : c’est le défi de l’attractivité de notre institution. Les armées réclament du personnel jeune et dynamique, dans une multitude de métiers et selon des types d’engagement très variés. C’est la condition première du succès des opérations. C’est la garantie de l’avenir de nos armées et de la défense de la nation. Chaque année, le ministère dont j’ai la charge recrute environ 20000 jeunes, et jusqu’à 25000 actuellement. C’est donc une fraction importante d’une classe d’âge qui passe par cette institution, au sein d’un système de ressources humaines à peu près unique en son genre par sa diversité.
Ce constat est valable, bien sûr, pour l’active. Il l’est aussi pour la réserve. Je rappelle que conformément à la décision du Président de la République, nous allons passer de 28000 à 40000 réservistes opérationnels, afin de pouvoir disposer, dès 2019, d’une capacité de 1000 réservistes, employés au quotidien pour la protection du territoire national. Dans ce nouveau modèle de réserve, la jeunesse est appelée à prendre toute sa place.
C’est aussi la volonté d’engagement des jeunes qui doit être confortée. Nous devons y parvenir notamment en consolidant les dispositifs qui font connaître l’institution militaire et qui servent, bien souvent, de lieu pour mûrir un engagement futur. Je pense notamment aux cadets de la défense, aux périodes militaires, qui furent d’ailleurs proposées par la CAJ et créées dans les années 1960. J’ai aussi à l’esprit les stages, l’apprentissage ou les partenariats avec les filières professionnelles de l’Education nationale ; je pense aussi au domaine fondamental de la recherche stratégique, et aux partenariats existant entre les grandes écoles militaires et les établissements de l’enseignement supérieur et les centres de recherche.
Je souhaite que puissent être lancées des actions permettant d’encourager certains dispositifs, comme les préparations militaires. Ils œuvrent en effet pour l’attractivité des armées, tout en permettant à la défense de rester présente sur des territoires qui disposent moins, ou ne disposent plus d’implantations militaires.
Le deuxième axe de notre politique, c’est la transmission de la culture de défense. Cette exigence tient une place essentielle dans l’éducation civique et citoyenne de notre jeunesse. Le succès de nos armées, leur efficacité, implique en effet que chaque nouvelle classe d’âge soit sensibilisée à l’histoire de notre défense nationale comme à ses engagements présents. C’est la possession commune de cette culture de défense qui permet le maintien de l’esprit de défense au cœur de la nation.
Je me félicite à cet égard que l’enseignement de défense fasse désormais partie du socle fondamental de connaissances, de compétences et de culture défini par l’Education nationale.
C’est précisément le sens du parcours citoyen institué par la loi de 1997 portant réforme du Service national. Il inclut en effet l’enseignement de défense, le recensement et la Journée de défense et de citoyenneté dont le contenu a été recentré sur les enjeux de défense, conformément à la volonté du Président de la République. Je veux aussi souligner la contribution de cette Journée à la lutte contre l’illettrisme et le décrochage scolaire, par la détection des jeunes en difficulté et leur orientation vers des structures spécialisées.
En la matière, nous avons déjà beaucoup accompli : je pense, par exemple, aux trinômes académiques, ou aux classes de sécurité globale, créées en 2011. Il s’agit à présent, il s’agira demain, de consolider et d’élargir ce socle. C’est la raison pour laquelle, avec les ministres de l’Education nationale et de l’Agriculture, nous venons de signer un protocole qui vise notamment à développer cet enseignement de défense y compris dans l’enseignement supérieur et la recherche. Je tiens d’ailleurs à saluer les Recteurs et les référents défense des Universités et des établissements d’enseignements supérieurs qui sont présents aujourd’hui. Vous êtes, Mesdames et Messieurs, des ambassadeurs indispensables de la défense auprès de la jeunesse étudiante, et je tiens à vous remercier chaleureusement de votre engagement.
Je tiens aussi à souligner, à l’approche de l’anniversaire de la bataille de Verdun, l’importance de la politique mémorielle que le ministère de la défense met en œuvre. Savoir d’où nous venons, se souvenir des drames endurés et des heures glorieuses vécues, voilà la condition indispensable pour décider ensemble où nous souhaitons aller. Le Secrétaire d’Etat aux Anciens combattants et à la Mémoire est particulièrement actif dans ce domaine, à travers de nombreux partenariats : avec le monde éducatif, avec les associations d’anciens combattants, qui, heureusement, se tournent de plus en plus vers les jeunes. Et je me réjouis de ce dialogue entre générations ; c’est le gage de la cohésion nationale à laquelle la Défense doit contribuer.
La Défense s’engage aussi dans le grand chantier du Service civique voulu par le Président de la République. La Commission armées-jeunesse a été une véritable force de proposition pour que nous soyons pleinement acteurs de ce projet. Depuis le 7 janvier 2016, mon ministère est agréé par l’Agence du Service civique, qui fait désormais partie du Haut-commissariat à l’engagement. Depuis plusieurs semaines, nous accueillons des jeunes volontaires pour des missions de service civique au sein de tous les organismes de ce ministère. Ces missions contribuent à la fois à leur éducation citoyenne et à leur acculturation aux enjeux et aux réalités de la défense.
Outre des actions éducatives et des partenariats avec les établissements d’enseignement, la Défense développe de nombreuses actions visant à aller à la rencontre du public. C’est le cas des journées sport armées-jeunesse organisées par la CAJ, des journées portes ouvertes, des parrainages entre unités militaires et collectivités ou établissements scolaires. Nous devons ouvrir toutes grandes les portes de la Défense et aller résolument à la rencontre de la jeunesse. Il s’agit tout autant d’une action citoyenne que d’une nécessité pour une armée professionnelle qui doit se faire connaître et faire connaître ceux qui la servent, leurs missions, leurs qualités, la force de leur engagement.
L’attractivité et l’éducation civique et citoyenne sont les deux piliers de notre politique de la jeunesse. Ils soutiennent, je veux le dire avec force, une politique de l’égalité, de la diversité et de la solidarité. Vous le savez, les armées ont toujours eu cette vocation. Les armées ont toujours accueilli des jeunes sans qualification, des jeunes peu favorisés, avec pour ambition de leur donner accès aux mêmes espérances, aux mêmes possibilités professionnelles.
Chaque année sont promus jusqu’aux plus hautes responsabilités, des militaires qui ont commencé leur carrière comme simple soldat, marin ou aviateur. Cette politique-là doit être poursuivie et j’y veillerai.
Comment, en effet, une armée démocratique peut-elle rester reconnue, respectée et soutenue par la population si elle n’est pas inclusive, si elle ne donne pas à tous les mêmes opportunités ? Si elle ne reflète pas toutes les composantes de la jeunesse et de la société dans sa diversité ? Comment une armée, a fortiori professionnalisée, peut-elle rester attractive si elle ne reste pas le vecteur de promotion sociale qu’elle a toujours été? Cette ambition de justice sociale, qui passe à la fois par l’éducation civique et l’attractivité, c’est la part que le ministère de la Défense prend dans la politique nationale d’égalité des chances, de formation et d’intégration professionnelle de la jeunesse.
Héritières d’une longue histoire au sein de la défense, l’égalité des chances, la diversité et la promotion sociale qui y prévalent doivent être plus que jamais encouragées. La défense doit se tourner vers tous les jeunes qui sont confrontés à des difficultés de parcours scolaire afin de les aider à s’accomplir.
C’est pourquoi, nous devons renforcer ce qui a été créé ces dernières années, à travers notre plan « égalité des chances ». Je pense à l’admission de jeunes boursiers au sein des lycées de la défense, en leur permettant l’accès aux classes préparatoires aux grandes écoles, via une année spécifique de préparation à l’enseignement supérieur. J’ai à l’esprit les filières de recrutement spécifiques, en partenariat avec les missions locales d’insertion, à l’image de l’Ecole des mousses qui forment des jeunes connaissant des difficultés scolaires et sociales à devenir des quartiers-maîtres de la flotte embarquée et au-delà ! Fort de son succès, une deuxième école des mousses va d’ailleurs ouvrir cet été à Cherbourg. C’est un exemple d’intégration sociale qui contribue efficacement à la cohésion nationale.
Je pense aussi au réseau des réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté qui œuvrent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Je n’oublie pas le tutorat de jeunes élèves par des élèves officiers au sein du programme des « cordées de la réussite ». Je pense à la contribution au service militaire adapté outre-mer, proposé par la Commission armées-jeunesse dès 1960. Et bien sûr le service militaire volontaire, sujet sur lequel la Commission avait également travaillé, que j’ai créé l’an passé et dont les premières promotions ont intégré les centres de formation à l’automne dernier.
Mesdames, messieurs, la contribution de la défense à l’éducation civique et citoyenne et les actions visant à développer l’attractivité de la Défense sont les deux piliers de la politique jeunesse du ministère, politique pleinement ouverte sur la société civile d’aujourd’hui. Cette ambition n’a de sens et ne peut atteindre ses objectifs sans les acteurs extérieurs au ministère, eux qui ont à cœur de faire vivre l’esprit de défense, et dont je salue une fois encore la présence et l’action.
Les efforts conduits en interne au ministère au cours de ces dernières années pour répondre à ces nouveaux défis sont d’importance. Les besoins de la défense et les nécessités de la cohésion nationale exigent des efforts constants et une cohérence renforcée. La Défense doit encore aller de l’avant sur ce sujet. C’est pourquoi j’ai demandé que la politique jeunesse du ministère, ainsi que sa gouvernance, soient renforcées et rénovées. Ce renforcement devra favoriser la visibilité du sujet « jeunesse » dans tout le ministère, les synergies internes et externes et l’anticipation des actions pour le plus grand bénéfice de tous devront intégrer cette visibilité. J’ai d’ailleurs décidé de nommer dès cet été le général Pontiès, que je salue et que je remercie d’avoir accepté ce défi, à la tête d’une Direction du service national dont les attributions seront élargies. Cette nouvelle direction, qui intégrera les attributions de la délégation ministérielle à la jeunesse et à l’égalité des chances, et à laquelle je souhaite que la CAJ puisse être adossée, sera chargée du pilotage d’ensemble des actions jeunesse du ministère en étroite liaison avec tous les acteurs du ministère.
En 1955, date de création de la CAJ, les défis étaient considérables : maintenir un lien solide entre la jeunesse et les armées ; maintenir la culture de défense dans les générations qui allaient construire la nouvelle société, fondée par les grands pactes sociaux noués à la Libération.
En 2016, les défis sont autres, mais ils restent tout aussi majeurs : maintenir dans la durée le modèle de l’armée professionnelle ; préserver le pays des menaces multiples auxquelles nous sommes confrontés, par une culture de défense partagée par les jeunes générations ; fortifier la cohésion nationale par une politique de défense inclusive et soucieuse de ceux qui sont les moins favorisés. Je demande à la Commission armées-jeunesse de rester cette porte ouverte entre la Défense et tous les acteurs qui travaillent avec la jeunesse de notre pays, au bénéfice de tous les jeunes et au profit de chaque jeune.
La Défense a toujours été l’affaire de tous et de chacun, et notamment des jeunes. Elle doit le rester, c’est notre ambition commune.
Vive la République ! Vive la France !
Source http://www.defense.gouv.fr, le 27 mai 2016