Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur la poursuite du projet du Grand Louvre, la politique culturelle et l'accès au patrimoine et à la culture, Paris le 18 mai 1999.

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Circonstance : Inauguration de nouvelles salles au Musée du Louvre à Paris le 18 mai 1999

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être aujourd'hui parmi vous pour inaugurer les nouvelles salles du musée du Louvre. En l'absence de la ministre de la Culture et de la Communication, Mme Catherine TRAUTMANN, dont la présence est requise devant le Parlement où elle présente un important texte de loi sur l'audiovisuel, je voudrais marquer l'attachement du gouvernement au projet du Grand Louvre.
L'ouverture de ces salles marque en effet une nouvelle étape dans le projet du Grand Louvre. Oeuvres italiennes des XVIIème et XVIIIème siècles, peinture espagnole, icônes grecques et russes se voient offrir ici de nouveaux espaces. Voici maintenant dix ans, le Président François MITTERRAND inaugurait la pyramide. Le musée du Louvre vient de fêter brillamment cet anniversaire. Un temps décriée, aujourd'hui saluée, la pyramide offre aujourd'hui au Louvre son emblème : elle est devenue le coeur symbolique d'un ensemble dont elle était déjà géographiquement le centre. Au cours de cette décennie, le musée s'est métamorphosé. Il a grandi. Il a embelli. Il s'est modernisé sur tous les plans architectural, technique, administratif, pour offrir le meilleur des services aux six millions de visiteurs qui le fréquentent chaque année.
Le musée a su nouer une collaboration fructueuse avec l'Établissement public constructeur. Créé en mai 1998, l'Établissement Public de Maîtrise d'Ouvrage des Travaux Culturels a hérité du savoir-faire acquis par l'Établissement Public du Grand Louvre. D'autres chantiers en bénéficieront.
Cette collaboration a permis de créer de nouveaux liens entre le palais et la ville. La porte des Lions offrira depuis les jardins du Carrousel, ou depuis le quai des Tuileries, un deuxième accès direct aux visiteurs du musée. C'est aussi par la porte des Lions que l'on accédera aux nouvelles salles qui préfigurent le futur musée du quai Branly, consacré aux " arts premiers ". Les architectes Yves LION et Alan LEVITT ont réussi à ouvrir en ces lieux, comme ailleurs dans le palais, de nouvelles perspectives sur son environnement. La lumière entre ainsi plus généreusement dans l'ancienne salle VAN DYCK, qui s'ouvre désormais sur les jardins du Carrousel.
Dans ces importantes transformations, l'Etat a pleinement joué son rôle : l'État qui, seul, peut assurer, sur presque vingt années, la continuité des buts qu'il définit et des ressources qu'il accorde.
Nous poursuivrons avec conviction cette politique. Par ses dimensions exceptionnelles et sa richesse unique, le musée du Louvre est voué à demeurer et à devenir une oeuvre toujours inachevée. D'ores et déjà, des moyens sont donc engagés afin de poursuivre le projet du Grand Louvre. Après la restauration des façades du palais, la construction de la passerelle Solférino, la fin de l'aménagement des jardins du Carrousel et du musée des Arts décoratifs, d'autres surprises se préparent : dans la salle de la Joconde comme dans la galerie d'Apollon.
La maintenance d'équipements techniques complexes et la présence humaine, indispensable à la sécurité des oeuvres et à l'accueil d'un public diversifié, suscitent des besoins nouveaux. Nous devrons bien sûr y faire face, en tenant compte des limites qui sont celles des effectifs de la fonction publique.
L'ouverture de ces salles constitue aussi un nouveau pas en avant dans une politique de l'Etat qui entend démocratiser l'accès à notre patrimoine et à la culture. Dans cet esprit, le Louvre s'affirme, année après année, comme une référence. L'expérience de l'ouverture gratuite instaurée un dimanche par mois s'est avérée très positive et prometteuse. Le musée a mis en place un système original de modulation tarifaire. La carte " Louvre-jeunes " permet à 25.000 jeunes, pour une somme modique, de venir et de revenir au musée. D'étroites collaborations ont été instaurées avec l'Education nationale.
Cette démocratisation s'empare des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Le site Internet du musée a pris son essor. A cet égard, la numérisation des 130.000 dessins que conserve le département des Arts graphiques est presque achevée. Il serait souhaitable que cet ensemble si précieux soit sans tarder offert aux " internautes ". Mettre ainsi les oeuvres à la disposition d'un public plus large, c'est, pour le Louvre, comme pour d'autres institutions je pense notamment à l'Institut national d'histoire de l'art, apporter une contribution essentielle au rayonnement de notre patrimoine. Mais cette approche " numérique " des oeuvres ne remplacera jamais leur contemplation sans la médiation d'un écran.
Cette démocratisation doit embrasser l'ensemble du territoire de la République. L'État s'engage avec vigueur dans la rénovation et l'enrichissement des musées de nos régions, qui jouent un rôle irremplaçable dans l'accès de tous aux oeuvres de l'esprit. L'ouverture récente du musée d'Art moderne et contemporain de Strasbourg, celles du musée des Beaux-Arts de Nancy et du musée MALRAUX du Havre sont en ce sens d'excellentes nouvelles. C'est pourquoi Mme Catherine TRAUTMANN a décidé de renouer, en faveur de ces musées, avec l'heureuse tradition des dépôts d'oeuvres en provenance des collections nationales. Des prêts permettront en outre de présenter, dans les grands musées territoriaux, des chefs-d'oeuvre des collections de l'État.
En inaugurant ces salles, je souhaite enfin saluer tous ceux qui ont conjugué leurs efforts pour le service du public. De nombreux métiers ont apporté à ce projet leurs compétences : conservateurs du patrimoine, documentalistes, restaurateurs, architectes, ingénieurs, techniciens, ouvriers professionnels, agents de surveillance et d'accueil, agents comptables et administratifs. Qu'ils soient tous chaleureusement remerciés de leur contribution à ce succès.
Le musée expose au grand jour quelques acquisitions récentes. Il est allé chercher dans ses réserves des trésors enfouis. Des oeuvres ont retrouvé leur éclat, comme ces " Fêtes vénitiennes " de GUARDI, qui viennent d'être restaurées.
Les conservateurs ont noué avec des mécènes éclairés des liens de confiance. Si la collection présentée ici a été considérablement enrichie, c'est grâce à la générosité de Fiammetta et Fabrizio LEMME qui ont apporté à notre vision de l'Italie l'éclairage romain qui lui manquait, et des strasbourgeois Othon KAUFMANN et François SCHLAGETER à qui nous devons deux TIEPOLO et une " Vue de la Giudecca " de GUARDI. Je tiens à exprimer la reconnaissance de l'Etat à M. et Mme LEMME, présents parmi nous, ainsi qu'à Mme CINO DEL DUCA, qui a permis que soient réinstallés au sein du palais des bas-reliefs qui étaient entreposés depuis soixante ans aux Archives nationales.
Mesdames et Messieurs,
Pour amener au musée ceux de nos concitoyens qui en sont le plus éloignés, pour les encourager à oser franchir son seuil, pour les aider à faire leur ce patrimoine qui nous est commun, nous devrons bien sûr poursuivre nos efforts. Ce travail de longue haleine est celui des enseignants, des associations, des comités d'entreprises, des collectivités locales et de l'Etat. C'est surtout celui des conservateurs, celui du service culturel du musée du Louvre. Son personnel de grande qualité sait imaginer un langage propre à séduire ceux que leur situation sociale, leur culture, parfois leurs difficultés économiques, tiennent à l'écart.
Palais de monarques, le Louvre fut longtemps un lieu où se bâtissait la France. Aujourd'hui, ce lieu voué à l'art et à la beauté doit être offert à tous nos concitoyens, pour que chacun y puise aux richesses de notre civilisation.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 20 mai 1999)