Déclaration de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, sur la Résistance, à Béthincourt le 27 mai 2016.

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Circonstance : Cérémonie dans le cadre de la Journée nationale de la Résistance, à Béthincourt (Meuse) le 27 mai 2016

Texte intégral


Monsieur le préfet,
Messieurs les députés,
Monsieur le sénateur, ancien ministre,
Monsieur le président du Conseil Départemental de la Meuse,
Madame la maire de Béthincourt,
Monsieur le conseiller régional,
Monsieur le délégué militaire départemental,
Messieurs les présidents d'associations,
Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et messieurs,
Je me réjouis d'être parmi vous, aujourd'hui, dans cette commune chargée d'histoire, que les tragédies et les souffrances du XXème siècle n'ont pas épargnée. Béthincourt va connaître comme tous les villes et villages de France les affres de la guerre, avec son lot de privations, de destructions. Mais les événements qui ont eu lieu dans ce petit village, durant les deux conflits du XXème siècle, vont réserver un destin particulier à cette commune que rien ne prédestinait à rentrer dans l'histoire.
Durant la Grande Guerre, la commune, située à seulement vingt kilomètres de Verdun, subit un déchaînement de fer et de feu. Lorsque les troupes françaises reprennent enfin Béthincourt, le 26 septembre 1918, elles entrent dans un village totalement rasé par le pilonnage des obus.
La Seconde Guerre mondiale va faire à nouveau entrer Béthincourt dans l'histoire comme un haut-lieu de la Résistance intérieure française. C'est pour cette raison que j'ai souhaité venir ici à Béthincourt, en cette Journée Nationale de la Résistance.
Nous célébrons, en ce 27 mai 2016, le 73ème anniversaire de la première réunion du Conseil National de la Résistance, au 48 rue du Four, à Paris. Partout dans le pays, les citoyens sont invités à se rappeler du courage et de l'héroïsme de ceux qui luttèrent dans l'ombre pour le rétablissement de nos libertés.
La France compte plus de 36 000 communes et collectivités territoriales, mais seulement 18 d'entre elles ont reçu la médaille de la Résistance. La médaille a été instituée par l'ordonnance du 9 février 1943 du général de Gaulle.
Elle entend « reconnaître les actes remarquables de foi et de courage » qui ont contribué à la chute du nazisme en France. Par le décret en date du 15 octobre 1945, Béthincourt a reçu la médaille de la Résistance, aux côtés de la ville-martyre de Caen ou de l'île de Sein, d'où partirent les premiers résistants de juin 40.
A Béthincourt, la mémoire de la Résistance se confond avec celle de la commune. Les Bethincourtoises et les Bethincourtois, malgré les menaces, malgré la terreur qui régnait dans la France occupée, se distinguèrent en effet par leurs actes de vaillance et de résistance.
C'est dans le village que le colonel Grandval, chef de la Région C de la Résistance, région qui couvre alors huit départements du nord-est de la France, décide d'installer son poste de commandement d'où il coordonne l'action des Forces Française de l'Intérieur pendant un mois.
Le village devient un allié de la Résistance. Le maire de l'époque, Auguste Merland, héberge le colonel Grandval en personne. Mme Martin, l'institutrice, loge des « estafettes », Caroline Merland, propriétaire du café, et M.Garret, le garde-forestier, accueillent eux aussi des résistants. Ils deviennent à leur tour des soldats de l'ombre.
Dans le contexte que chacun connaît, les risques encourus sont immenses. Dans la nuit du 20 au 21 juillet 1944, cinq jours après le départ du colonel Grandval et de son état-major, Béthincourt est menacée par la Gestapo, qui enquête sur le meurtre d'un chauffeur allemand par les Francs-Tireurs et Partisans. Le maire de Béthincourt, Auguste Merland, est alors accusé par la Gestapo de soutenir la Résistance. Une telle accusation est à l'époque une menace de mort.
Les Allemands encerclent Béthincourt et essaient de faire parler tous les habitants, parfois par l'emploi de la torture.
Mais personne ne parle. Tous les Bethincourtois, dans un immense élan de vaillance et de solidarité, restent muets sur les faits d'armes des résistants dont ils avaient pourtant été les témoins et les acteurs.
Les hommes encore présents et les femmes dont les maris sont introuvables sont ensuite conduits dans les prisons de Verdun et de Nancy, où ils subissent à nouveau la cruauté des supplices de la Gestapo. Pendant toute une semaine, Béthincourt vit à l'heure de la terreur. Les fermes Merland sont par exemple incendiées en représailles.
Durant cette même nuit du 20 au 21 juillet, deux résistants, René Lardier, dit « Louvre », agent de liaison du colonel Grandval, et Cécile Gobet, sa secrétaire, revenus chercher des affaires personnelles sont également victimes des nazis. Cécile Gobet est froidement abattue tandis que René Lardier, blessé puis arrêté, est déporté dans un camp près de Sarrebrück où il mourra en 1945.
Je veux ici saluer le travail de mémoire de la commune de Béthincourt, qui a érigé, le 27 mai dernier, au moment même où Germaine Tillion, Geneviève De Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay entraient au Panthéon, une stèle en l'honneur de René Lardier et Cécile Gobet, deux grands résistants dont la mémoire doit être rappelée avec la même force et la même admiration.
Le village de Béthincourt peut être fier de son passé et des valeurs qu'il incarne, sans lesquelles il n'y aurait pas de vie démocratique possible. Le courage et la force de l'engagement, lorsqu'ils sont mis au service de la liberté comme à Béthincourt, nous offrent les pages les plus nobles de notre histoire. En cette Journée nationale de la Résistance, nous rendons hommage à toutes celles et à tous ceux qui les ont écrites.
La devise des médaillés de la Résistance nous dit : « Patria non immemor » (« La patrie n'oublie pas »). Oui, partout en ce jour, la patrie se souvient. Elle se souvient des héros de Béthincourt, du Vercors et des Glières, de tous ceux qui, comme le disait le général de Gaulle à propos de Jean Moulin, autre grand résistant qui lui aussi avait refusé de parler sous la torture, « sacrifièrent un long soir vide pour mieux remplir leur matin ».
N'oublions pas, n'oublions rien et continuons de célébrer avec constance et conviction ce devoir de résistance qui fait la grandeur des peuples à travers le courage de ces femmes et de ces hommes qui un jour se sont levés pour s'opposer à la barbarie et au totalitarisme.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 1er juin 2016