Déclaration de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, en hommage aux victimes du massacre d'Oradour-sur-Glane pendant la Deuxième Guerre mondiale, à Montoy-Flanville le 4 juin 2016.

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Circonstance : Cérémonie à Montoy-Flanville (Moselle) au monument du souvenir du massacre d'Oradour-sur-Glane, le 4 juin 2016

Texte intégral


Monsieur le préfet,
Monsieur le maire de Montoy-Flanville,
Monsieur le maire de Charly-Oradour,
Mesdames et messieurs,
« Ici des hommes firent à leurs mères et à toutes les femmes la plus grave injure. Ils n'épargnèrent pas les enfants ». Ce poème d'Eluard est inscrit devant le Centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane.
Le 10 juin prochain, je me rendrai sur les lieux mêmes de la tragédie, à Oradour, en cette terre martyre que l'on ne peut arpenter sans effroi.
C'était il y a soixante-douze ans. La division SS Das Reich, en route vers la Normandie, traverse le Limousin comme un cavalier de l'apocalypse. A Tulle, le 9 juin, 99 jeunes hommes sont pendus et 141 envoyés en camp de concentration.
Le 10 juin 1944, la division SS Das Reich pénètre dans le village d'Oradour-sur-Glane pour y semer la mort.
190 hommes et garçons âgés de plus de 14 ans sont arrêtés, enfermés dans des granges. Les SS déchaînent alors le feu des mitrailleuses. Les 245 femmes et 207 enfants sont assemblés dans l'église, parqués comme des bêtes qui vont à l'abattoir. Ils sont brûlés vifs et asphyxiés. Une seule femme survit : Marguerite Rouffanche. Son instinct la pousse à sauter par-delà le vitrail brisé. Après un saut de trois mètres, elle parvient à s'enfuir.
La gratuité du massacre perpétré à Oradour nous terrifie. Il nous effraye par son ampleur : 642 innocents ont trouvé la mort.
Parmi ces innocents, 25 avaient moins de cinq ans, 145 entre cinq et quatorze ans. Parmi eux encore, de nombreux réfugiés. Certains étaient venus de l'étranger, comme ces quinze Espagnols et ces huit Italiens, fauchés eux aussi.
Certains venaient de France et avaient été contraints de quitter leur région natale. Ils venaient pour la plupart de Moselle et de Lorraine, civils déracinés, chassés par la guerre et l'annexion de leurs régions par le Troisième Reich. Ils pensaient être à l'abri.
C'est pourquoi des habitants de Charly et de Montoy-Flanville figurent aussi parmi les victimes à Oradour. Le village de Charly perd ainsi, le 10 juin 1944, 39 de ses enfants. En hommage, Charly sera renommé Charly-Oradour.
Montoy-Flanville n'est pas non plus épargnée. A Oradour, la commune perd 5 de ses habitants, dont 3 enfants. C'est en leur mémoire que nous nous recueillons aujourd'hui, car à travers le massacre d'Oradour-sur-Glane, c'est aussi Montoy-Flanville qui a été atteint.
C'est pour ne jamais oublier cette tragédie qu'un monument du souvenir a été érigé square d'Oradour-sur-Glane à Montoy-Flanville, en mémoire des cinq Montévillions, en mémoire de toutes les victimes du massacre. Je salue le travail de mémoire de la commune de Montoy-Flanville. Chaque année, Montoy-Flanville se souvient, se recueille, se remémore l'innommable, Chaque année, la mairie de Charly-Oradour – et je salue la présence de son maire – organise une grande cérémonie du souvenir qui associe les jeunes du village. C'est aussi aux enfants de Charly, aux voisins de Montoy, assassinés à Oradour, que nous pensons ici.
Aujourd'hui, 72 ans après le massacre, Alsaciens, Limousins, Lorrains, Mosellans, Français et Allemands, commémorent ce drame dans la paix des mémoires.
Le village d'Oradour, symbole de l'atrocité de la barbarie nazie, est aujourd'hui devenu un autre symbole de la réconciliation franco-allemande. C'est à Oradour que se sont retrouvés François Hollande, et le président de la République Fédérale d'Allemagne, Joachim Gauck, le 4 septembre 2013.
A cette occasion, le Président de la République rappela la suprême nécessité du travail de mémoire : « Cette vigilance », déclara-t-il, « cette intransigeance, nous les devons aux suppliciés du 10 juin 1944. Ils nous rappellent à nos devoirs. Ils parlent à nos consciences, ils sont les témoins qui brisent l'indifférence quand elle devient lâcheté. »
Un arbre est ressorti, par miracle, sans dommage du massacre d'Oradour : l'arbre de la Liberté, planté en 1848 pour célébrer la République, l'abolition de l'esclavage et le suffrage universel. Il n'y a pas de symbole plus émouvant.
Oui, aujourd'hui, souvenons-nous que la guerre fut, pendant plusieurs décennies, le lot commun d'un continent et de ses habitants. C'est pour qu'une telle horreur ne puisse jamais se répéter que le projet européen est né. Il a été longtemps une utopie. Il est aujourd'hui une réalité et grâce à cette construction historique, nous vivons aujourd'hui, et depuis plus de soixante-dix ans, en paix. Sachons préserver cet héritage à l'avenir.
« Souviens-toi ». C'est l'inscription qui figure sur le mur d'enceinte d'Oradour. « Souviens-toi ». C'est le sens du message que nous délivrons tous ensemble.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 9 juin 2016