Texte intégral
* Royaume-Uni - Relations bilatérales - Référendum britannique
C'est une relation assez étrange entre la France et la Grande-Bretagne, qui est assez originale et qui est très liée à notre histoire commune. Chacun des pays est membre permanent du conseil de sécurité des Nations unies, et a toujours eu une vocation mondiale, universelle. Cela se ressent dans l'approche des questions, des problèmes. On a souvent des convergences même si on a des divergences.
Nous avons abordé beaucoup de sujets d'actualité, on a parlé beaucoup de l'Afrique, des interventions que pouvaient avoir les uns et les autres, on a échangé sur nos déplacements, j'ai parlé de ma visite au Mali et au Niger avec Frank-Walter Steinmeier. On a parlé aussi de la relation franco-allemande et de ce qu'on pouvait faire dans le format E3 [ndr : Allemagne, France, Royaume-Uni), que le Royaume-Uni apprécie beaucoup, et souhaite qu'on le pousse le plus loin possible ensemble. Bien sûr on a parlé de la Syrie, de la Libye, de toutes les questions évidemment qui sont dans l'actualité.
Et puis bien sûr on a parlé aussi du referendum. Les positions françaises sont connues, nous souhaitons que les Britanniques choisissent le maintien dans l'Union européenne. Nous pensons sincèrement que c'est à la fois l'intérêt de l'Europe et l'intérêt de la Grande-Bretagne. Je dis sincèrement parce que parfois on nous prête des arrières pensées quand on dit ça dans certains milieux, mais je crois vraiment que c'est nécessaire pour la Grande-Bretagne.
Ce que je disais tout à l'heure, c'est que l'Union européenne - j'en ai discuté avec mon homologue britannique ; il en est convenu aussitôt - n'affaiblit pas notre influence internationale, aussi bien Britanniques que Français, et c'est même le contraire. Le fait d'être membre permanent du conseil de sécurité, d'avoir l'histoire que j'évoquais à l'instant, pour nos vieilles nations, «universelles» on va dire, l'Union européenne nous donne un levier de plus pour jouer notre influence politique. Je dis cela comme un argument de plus pour rester dans l'Union européenne pour les Britanniques et Philip Hammond en était tout à fait d'accord. On le vérifie tous les jours, c'est évident ! Cela veut dire que nous ne pouvons pas tout faire à deux, c'est pour cela qu'on vient de l'évoquer, et là-dessus on était en totale convergence, pour travailler autant que possible par exemple en format E3, ce qu'on a fait déjà sur la Syrie à plusieurs reprises aussi bien à Paris qu'à Berlin, et on peut le faire aussi sur d'autres sujets.
Q - Monsieur le Ministre, on est à un moment où, selon les sondages, la balance est en train de tourner vers le Brexit, qu'est-ce que la France prépare pour cette éventualité ? En quoi est-elle prête à cette éventualité ?
R - D'abord ce n'est pas fait. Le vote aura lieu le 23 juin et on ne sait rien du résultat. Disons que, nous qui avons l'expérience des référendums, nous savons que c'est une campagne qui va être menée jusqu'au bout, jusqu'à la dernière minute car les électeurs sont hésitants quand il s'agit d'un choix aussi lourd. Donc il faut convaincre, entraîner, veiller à ce qu'on ne passe pas trop du rationnel à l'émotionnel. Et si on prend le rationnel, c'est-à-dire tous les critères d'intérêt économiques et sociaux, c'est évident que le maintien est indispensable pour le peuple britannique et pour toutes les classes sociales et pas seulement la finance comme certains le disent. Je crois que c'est vraiment important de continuer à argumenter. Tous les arguments sont sur la table et je pense que c'est bien que les Britanniques aient le choix serein.
Après, évidemment, si on aborde des questions plus sensibles comme les migrations, on peut passer effectivement dans l'émotionnel et, là, des polémiques peuvent s'enclencher et c'est toujours dangereux au moment du choix. Mais ma conviction, c'est que lorsque le peuple britannique voudra prendre sa décision pour son propre avenir, son propre destin, sa propre histoire, c'est le sens de l'intérêt du pays qui l'emportera. J'ai confiance.
Vous me posez la question : on n'est pas certain non plus du Brexit. Que peut-il se passer ? Nous avons les deux options.
Il peut y avoir le maintien, c'est ce que nous souhaitons, et là les engagements qui ont été pris devront être respectés, ni plus ni moins. Il ne s'agit pas de s'engager dans une énième négociation, il ne s'agit pas d'aller au-delà de ce qui a été décidé en février. Au fond, on a acté l'Europe différenciée, et l'Europe différenciée, cela veut dire que certains veulent aller moins loin, d'autres peuvent aller plus loin. C'est la condition de la France, mais on n'oblige pas les Britanniques ou d'autres à s'y engager s'ils ne le veulent pas.
Et puis, il y a le cas du Brexit et je lisais dans Le Monde «Oh la la, l'Europe est en train de préparer un scénario de sortie, de Brexit». Je dirais que c'est un titre pour vendre, parce que c'est évident que la commission européenne ne peut pas ne pas examiner tous les cas de figure, c'est le contraire qui serait invraisemblable. C'est normal qu'elle regarde, cela ne veut pas dire qu'elle le souhaite, cela ne veut pas dire qu'elle le prévoit. Mais il faut tout examiner et si la sortie l'emporte, il y a un traité qui s'applique, avec l'article 50 du traité sur l'Union européenne et l'on rentre dans ce processus défini par le traité, celui de la sortie, comme l'a dit Jean-Claude Juncker. À ce moment-là la Grande-Bretagne devient un pays tiers, c'est vrai que c'est lourd de conséquences pour eux.
Q - Les Britanniques s'intéressent aussi à ce qui se passerait en cas de maintien, ils s'attendent évidemment à ce que les engagements soient respectés, mais au-delà de cela, quelle impulsion politique voyez-vous pour l'Union européenne si la Grande-Bretagne décide de rester ? Est-ce qu'il y a des initiatives qui peuvent être prises pour relancer la construction européenne dans un sens ou dans l'autre ou est-ce qu'à court terme il faut s'en tenir aux engagements ?
R - Je vous le dis : l'Europe différenciée ; cela veut dire qu'on acte la situation britannique. Cela ne veut pas dire qu'on ne fait plus rien, notamment dans le cadre de la croissance pour l'ensemble de l'Europe, c'est le contraire, il y a quand même des choses à faire de ce côté-là. Mais on ne va pas ouvrir tous les chantiers aujourd'hui. Après, pour les autres pays qui veulent aller plus loin, ce sera à eux de décider s'il faut aller plus loin. On y réfléchit avec nos partenaires, notamment dans le cadre franco-allemand. C'est normal qu'on réfléchisse à tout cela, l'Europe a besoin de clarifications.
Q - Justement, ce référendum qui fait trembler quand même un petit peu tout le monde, est-ce que ce n'est pas le moment d'enclencher un nouveau mouvement en Europe ? Parce que ce sentiment anti-européen n'est pas spécifique au Royaume-Uni, le Royaume-Uni tient ce syndrome, mais il est présent en France, il est présent partout.
R - Je crois qu'il y a besoin de «ré-habiter» aussi l'idée européenne, de redonner du sens, sans doute un peu de souffle qui a été perdu ces dernières années. Et, en même temps, l'Europe n'a pas à rougir de tout ce qu'elle fait, et elle fait beaucoup de choses. Peut-être qu'il faut remettre en valeur ce qui est fait. Si on réfléchit à moyen terme et à long terme, il faut se dire que si l'Europe n'existait plus, dans quelle situation seraient les nations qui la composent aujourd'hui et pas seulement les Britanniques.
On représente 7% de la population mondiale et ce pourcentage va diminuer dans les années à venir. Des grandes puissances sont maintenant en marche et ce sont nos partenaires, la Chine et l'Inde. C'est une nouvelle donne. Il y a l'Afrique, dont la population va doubler et qui doit recueillir toutes nos attentions, notre mobilisation. Il faut expliquer aussi les défis du monde. C'est vrai que l'Europe doit assumer le fait qu'elle est différenciée. Si vous me demandez ce que j'en pense comme français, je pense effectivement que ceux qui veulent aller plus loin, il faut le faire, et réfléchir aux manières dont on peut le faire. Ce n'est pas fait pour heurter les Britanniques, on ne leur demande pas de le faire puisqu'on a acté cette différence. Si cela peut les rassurer c'est évident, on ne leur demande pas d'aller aussi loin que nous.
Ce référendum il se fait aussi sur une base claire. Mais à nous par ailleurs de ne pas rester en retrait. On a beaucoup de choses en commun, je pense à la question de la sécurité en Europe, ce sont des questions qui reviennent souvent, sur la protection des Européens, à l'intérieur et aux frontières, sur les nouveaux risques qui se présentent à nous, il faut donc avoir des réponses à tout cela. Et puis quelle place, quel projet de société avons-nous dans la mondialisation ? Donc, il faut apporter des réponses qui font sens, qui sont entraînantes et politiques.
(...)
Q - Pardon, c'est notre obsession, mais pour revenir à cette hypothèse du Brexit, le gouvernement doit prévoir toutes les hypothèses, qu'est-ce que fait la France le 24 juin ?
R - Mais ce n'est pas la France toute seule qui va répondre, c'est aussi une question qui doit être évoquée avec nos partenaires européens. Elle sera évoquée et traitée bien sûr. Il y a un Conseil européen qui va avoir lieu, on va le préparer. On le prépare nous-mêmes, et on le préparera avec nos partenaires, notamment avec l'Allemagne. Mais il ne s'agit pas de faire des déclarations dans tous les sens. Il y a une étape qui est celle du vote, et on prendra acte du vote des citoyens britanniques. Et on espère qu'il sera pour le maintien dans l'Europe.
Q - Donc il n'y a pas de danger immédiat, pour vous, sur les marchés financiers par exemple ?
R - Une sortie de l'Union européenne n'est pas sans conséquence. Si c'est le cas on fera tout pour éviter que l'ensemble de l'Europe en soit affecté. Il y aura des dispositions à prendre, des déclarations à faire, mais c'est vrai que c'est un fait historique, si c'est la sortie de l'Union européenne. Cela sera la première fois qu'un pays décide de sortir. C'est pour cela que je crois que le peuple britannique prendra ses responsabilités dans le bon sens, mais je ne veux pas lui faire la leçon. Parce que la campagne qui a lieu est une campagne assez vive, c'est vrai, mais en même temps elle donne des arguments. Je sais que c'est difficile un référendum, je suis bien placé pour le savoir.
* Euro 2016 - Mesures de sécurité - Royaume-Uni
(...)
Q - Est-ce que vous avez évoqué l'Euro 2016 et la sécurité ?
R - Oui, on en a parlé bien sûr. Les Britanniques vont être sans doute le pays qui va envoyer le plus de visiteurs. Comme je le disais à Philip Hammond, vous auriez pu avoir quatre équipes, vous n'en avez que trois, mais c'est quand même beaucoup par rapport à d'autres et il ne faut pas vous plaindre ! C'est positif. Il y a l'envie de venir en France, et j'ai rassuré en rappelant toutes les mesures qui avaient été prises, je me suis félicité aussi de l'excellente coopération entre nos services de renseignements, mais aussi entre les services de police français et britanniques avec, notamment, la présence des personnels des deux pays autour des stades. Il y a à la fois les risques qui sont les risques terroristes mais aussi les risques liés aux hooligans et cætera. D'ailleurs, ils ont déjà pris des précautions, des interdictions de sortie du territoire d'un certain nombre de personnes, 3.500 personnes. Eux aussi prennent leurs responsabilités, j'ai remercié Philip Hammond pour tout cela. Cela s'est passé tout à fait sereinement, on a analysé ce qu'ils avaient mis sur leur site Conseils aux voyageurs.
Q - Et l'avertissement qui a été lancé aujourd'hui, qui est un peu spectaculaire, par les autorités britanniques, de risques, c'est un peu spectaculaire ?
R - Comme dit Philip Hammond, son ministère a écrit cette mise en garde car on sait qu'il y aura beaucoup de monde ce qui demande d'être vigilant et de regarder autour de soi. Mais, on ne va pas empêcher les 500.000 personnes qui veulent y aller d'y aller. Ils souhaitent même que ce soit une belle fête évidemment aussi. Je lui ai expliqué que les fan-zones, c'était justement au contraire pour contrôler plus, plutôt que l'organisation spontanée pour assister à des matchs dans la rue. Personne n'est à l'abri d'un risque, lui-même il m'a dit que nous sommes menacés. Donc on est conscients de tout ça, mais on ne va pas s'arrêter de vivre. (...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juin 2016
C'est une relation assez étrange entre la France et la Grande-Bretagne, qui est assez originale et qui est très liée à notre histoire commune. Chacun des pays est membre permanent du conseil de sécurité des Nations unies, et a toujours eu une vocation mondiale, universelle. Cela se ressent dans l'approche des questions, des problèmes. On a souvent des convergences même si on a des divergences.
Nous avons abordé beaucoup de sujets d'actualité, on a parlé beaucoup de l'Afrique, des interventions que pouvaient avoir les uns et les autres, on a échangé sur nos déplacements, j'ai parlé de ma visite au Mali et au Niger avec Frank-Walter Steinmeier. On a parlé aussi de la relation franco-allemande et de ce qu'on pouvait faire dans le format E3 [ndr : Allemagne, France, Royaume-Uni), que le Royaume-Uni apprécie beaucoup, et souhaite qu'on le pousse le plus loin possible ensemble. Bien sûr on a parlé de la Syrie, de la Libye, de toutes les questions évidemment qui sont dans l'actualité.
Et puis bien sûr on a parlé aussi du referendum. Les positions françaises sont connues, nous souhaitons que les Britanniques choisissent le maintien dans l'Union européenne. Nous pensons sincèrement que c'est à la fois l'intérêt de l'Europe et l'intérêt de la Grande-Bretagne. Je dis sincèrement parce que parfois on nous prête des arrières pensées quand on dit ça dans certains milieux, mais je crois vraiment que c'est nécessaire pour la Grande-Bretagne.
Ce que je disais tout à l'heure, c'est que l'Union européenne - j'en ai discuté avec mon homologue britannique ; il en est convenu aussitôt - n'affaiblit pas notre influence internationale, aussi bien Britanniques que Français, et c'est même le contraire. Le fait d'être membre permanent du conseil de sécurité, d'avoir l'histoire que j'évoquais à l'instant, pour nos vieilles nations, «universelles» on va dire, l'Union européenne nous donne un levier de plus pour jouer notre influence politique. Je dis cela comme un argument de plus pour rester dans l'Union européenne pour les Britanniques et Philip Hammond en était tout à fait d'accord. On le vérifie tous les jours, c'est évident ! Cela veut dire que nous ne pouvons pas tout faire à deux, c'est pour cela qu'on vient de l'évoquer, et là-dessus on était en totale convergence, pour travailler autant que possible par exemple en format E3, ce qu'on a fait déjà sur la Syrie à plusieurs reprises aussi bien à Paris qu'à Berlin, et on peut le faire aussi sur d'autres sujets.
Q - Monsieur le Ministre, on est à un moment où, selon les sondages, la balance est en train de tourner vers le Brexit, qu'est-ce que la France prépare pour cette éventualité ? En quoi est-elle prête à cette éventualité ?
R - D'abord ce n'est pas fait. Le vote aura lieu le 23 juin et on ne sait rien du résultat. Disons que, nous qui avons l'expérience des référendums, nous savons que c'est une campagne qui va être menée jusqu'au bout, jusqu'à la dernière minute car les électeurs sont hésitants quand il s'agit d'un choix aussi lourd. Donc il faut convaincre, entraîner, veiller à ce qu'on ne passe pas trop du rationnel à l'émotionnel. Et si on prend le rationnel, c'est-à-dire tous les critères d'intérêt économiques et sociaux, c'est évident que le maintien est indispensable pour le peuple britannique et pour toutes les classes sociales et pas seulement la finance comme certains le disent. Je crois que c'est vraiment important de continuer à argumenter. Tous les arguments sont sur la table et je pense que c'est bien que les Britanniques aient le choix serein.
Après, évidemment, si on aborde des questions plus sensibles comme les migrations, on peut passer effectivement dans l'émotionnel et, là, des polémiques peuvent s'enclencher et c'est toujours dangereux au moment du choix. Mais ma conviction, c'est que lorsque le peuple britannique voudra prendre sa décision pour son propre avenir, son propre destin, sa propre histoire, c'est le sens de l'intérêt du pays qui l'emportera. J'ai confiance.
Vous me posez la question : on n'est pas certain non plus du Brexit. Que peut-il se passer ? Nous avons les deux options.
Il peut y avoir le maintien, c'est ce que nous souhaitons, et là les engagements qui ont été pris devront être respectés, ni plus ni moins. Il ne s'agit pas de s'engager dans une énième négociation, il ne s'agit pas d'aller au-delà de ce qui a été décidé en février. Au fond, on a acté l'Europe différenciée, et l'Europe différenciée, cela veut dire que certains veulent aller moins loin, d'autres peuvent aller plus loin. C'est la condition de la France, mais on n'oblige pas les Britanniques ou d'autres à s'y engager s'ils ne le veulent pas.
Et puis, il y a le cas du Brexit et je lisais dans Le Monde «Oh la la, l'Europe est en train de préparer un scénario de sortie, de Brexit». Je dirais que c'est un titre pour vendre, parce que c'est évident que la commission européenne ne peut pas ne pas examiner tous les cas de figure, c'est le contraire qui serait invraisemblable. C'est normal qu'elle regarde, cela ne veut pas dire qu'elle le souhaite, cela ne veut pas dire qu'elle le prévoit. Mais il faut tout examiner et si la sortie l'emporte, il y a un traité qui s'applique, avec l'article 50 du traité sur l'Union européenne et l'on rentre dans ce processus défini par le traité, celui de la sortie, comme l'a dit Jean-Claude Juncker. À ce moment-là la Grande-Bretagne devient un pays tiers, c'est vrai que c'est lourd de conséquences pour eux.
Q - Les Britanniques s'intéressent aussi à ce qui se passerait en cas de maintien, ils s'attendent évidemment à ce que les engagements soient respectés, mais au-delà de cela, quelle impulsion politique voyez-vous pour l'Union européenne si la Grande-Bretagne décide de rester ? Est-ce qu'il y a des initiatives qui peuvent être prises pour relancer la construction européenne dans un sens ou dans l'autre ou est-ce qu'à court terme il faut s'en tenir aux engagements ?
R - Je vous le dis : l'Europe différenciée ; cela veut dire qu'on acte la situation britannique. Cela ne veut pas dire qu'on ne fait plus rien, notamment dans le cadre de la croissance pour l'ensemble de l'Europe, c'est le contraire, il y a quand même des choses à faire de ce côté-là. Mais on ne va pas ouvrir tous les chantiers aujourd'hui. Après, pour les autres pays qui veulent aller plus loin, ce sera à eux de décider s'il faut aller plus loin. On y réfléchit avec nos partenaires, notamment dans le cadre franco-allemand. C'est normal qu'on réfléchisse à tout cela, l'Europe a besoin de clarifications.
Q - Justement, ce référendum qui fait trembler quand même un petit peu tout le monde, est-ce que ce n'est pas le moment d'enclencher un nouveau mouvement en Europe ? Parce que ce sentiment anti-européen n'est pas spécifique au Royaume-Uni, le Royaume-Uni tient ce syndrome, mais il est présent en France, il est présent partout.
R - Je crois qu'il y a besoin de «ré-habiter» aussi l'idée européenne, de redonner du sens, sans doute un peu de souffle qui a été perdu ces dernières années. Et, en même temps, l'Europe n'a pas à rougir de tout ce qu'elle fait, et elle fait beaucoup de choses. Peut-être qu'il faut remettre en valeur ce qui est fait. Si on réfléchit à moyen terme et à long terme, il faut se dire que si l'Europe n'existait plus, dans quelle situation seraient les nations qui la composent aujourd'hui et pas seulement les Britanniques.
On représente 7% de la population mondiale et ce pourcentage va diminuer dans les années à venir. Des grandes puissances sont maintenant en marche et ce sont nos partenaires, la Chine et l'Inde. C'est une nouvelle donne. Il y a l'Afrique, dont la population va doubler et qui doit recueillir toutes nos attentions, notre mobilisation. Il faut expliquer aussi les défis du monde. C'est vrai que l'Europe doit assumer le fait qu'elle est différenciée. Si vous me demandez ce que j'en pense comme français, je pense effectivement que ceux qui veulent aller plus loin, il faut le faire, et réfléchir aux manières dont on peut le faire. Ce n'est pas fait pour heurter les Britanniques, on ne leur demande pas de le faire puisqu'on a acté cette différence. Si cela peut les rassurer c'est évident, on ne leur demande pas d'aller aussi loin que nous.
Ce référendum il se fait aussi sur une base claire. Mais à nous par ailleurs de ne pas rester en retrait. On a beaucoup de choses en commun, je pense à la question de la sécurité en Europe, ce sont des questions qui reviennent souvent, sur la protection des Européens, à l'intérieur et aux frontières, sur les nouveaux risques qui se présentent à nous, il faut donc avoir des réponses à tout cela. Et puis quelle place, quel projet de société avons-nous dans la mondialisation ? Donc, il faut apporter des réponses qui font sens, qui sont entraînantes et politiques.
(...)
Q - Pardon, c'est notre obsession, mais pour revenir à cette hypothèse du Brexit, le gouvernement doit prévoir toutes les hypothèses, qu'est-ce que fait la France le 24 juin ?
R - Mais ce n'est pas la France toute seule qui va répondre, c'est aussi une question qui doit être évoquée avec nos partenaires européens. Elle sera évoquée et traitée bien sûr. Il y a un Conseil européen qui va avoir lieu, on va le préparer. On le prépare nous-mêmes, et on le préparera avec nos partenaires, notamment avec l'Allemagne. Mais il ne s'agit pas de faire des déclarations dans tous les sens. Il y a une étape qui est celle du vote, et on prendra acte du vote des citoyens britanniques. Et on espère qu'il sera pour le maintien dans l'Europe.
Q - Donc il n'y a pas de danger immédiat, pour vous, sur les marchés financiers par exemple ?
R - Une sortie de l'Union européenne n'est pas sans conséquence. Si c'est le cas on fera tout pour éviter que l'ensemble de l'Europe en soit affecté. Il y aura des dispositions à prendre, des déclarations à faire, mais c'est vrai que c'est un fait historique, si c'est la sortie de l'Union européenne. Cela sera la première fois qu'un pays décide de sortir. C'est pour cela que je crois que le peuple britannique prendra ses responsabilités dans le bon sens, mais je ne veux pas lui faire la leçon. Parce que la campagne qui a lieu est une campagne assez vive, c'est vrai, mais en même temps elle donne des arguments. Je sais que c'est difficile un référendum, je suis bien placé pour le savoir.
* Euro 2016 - Mesures de sécurité - Royaume-Uni
(...)
Q - Est-ce que vous avez évoqué l'Euro 2016 et la sécurité ?
R - Oui, on en a parlé bien sûr. Les Britanniques vont être sans doute le pays qui va envoyer le plus de visiteurs. Comme je le disais à Philip Hammond, vous auriez pu avoir quatre équipes, vous n'en avez que trois, mais c'est quand même beaucoup par rapport à d'autres et il ne faut pas vous plaindre ! C'est positif. Il y a l'envie de venir en France, et j'ai rassuré en rappelant toutes les mesures qui avaient été prises, je me suis félicité aussi de l'excellente coopération entre nos services de renseignements, mais aussi entre les services de police français et britanniques avec, notamment, la présence des personnels des deux pays autour des stades. Il y a à la fois les risques qui sont les risques terroristes mais aussi les risques liés aux hooligans et cætera. D'ailleurs, ils ont déjà pris des précautions, des interdictions de sortie du territoire d'un certain nombre de personnes, 3.500 personnes. Eux aussi prennent leurs responsabilités, j'ai remercié Philip Hammond pour tout cela. Cela s'est passé tout à fait sereinement, on a analysé ce qu'ils avaient mis sur leur site Conseils aux voyageurs.
Q - Et l'avertissement qui a été lancé aujourd'hui, qui est un peu spectaculaire, par les autorités britanniques, de risques, c'est un peu spectaculaire ?
R - Comme dit Philip Hammond, son ministère a écrit cette mise en garde car on sait qu'il y aura beaucoup de monde ce qui demande d'être vigilant et de regarder autour de soi. Mais, on ne va pas empêcher les 500.000 personnes qui veulent y aller d'y aller. Ils souhaitent même que ce soit une belle fête évidemment aussi. Je lui ai expliqué que les fan-zones, c'était justement au contraire pour contrôler plus, plutôt que l'organisation spontanée pour assister à des matchs dans la rue. Personne n'est à l'abri d'un risque, lui-même il m'a dit que nous sommes menacés. Donc on est conscients de tout ça, mais on ne va pas s'arrêter de vivre. (...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juin 2016