Texte intégral
Je tiens tout d'abord à féliciter WECF pour l'organisation de ce colloque.
Cette initiative, qui rappelle d'autres initiatives telles que l'action de sensibilisation lancée le 12 mai par l'association Alerte des médecins sur les pesticides (et qui a rassemblé plus de 2 000 médecins français), illustre l'engagement de la société civile, que je tiens ici à saluer.
Cet engagement de la société civile vient conforter les efforts du gouvernement en matière de santé-environnement, dont j'ai fait une priorité de mon action à la tête du ministère de l'Environnement, en particulier s'agissant de la réduction de l'exposition aux produits chimiques de la population, et tout particulièrement des femmes enceintes et des jeunes enfants.
* Perturbateurs endocriniens
J'ai fait de la lutte contre les perturbateurs endocriniens une priorité, en faisant adopter en avril 2014 la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens qui place la France en pointe pour ce qui concerne les actions visant à prévenir les risques et limiter l'exposition, en particulier celle des populations sensibles, femmes enceintes et jeunes enfants.
La France est ainsi à l'avant-garde en matière de réglementation du bisphénol A.
Après avoir interdit le bisphénol A dans les biberons, interdiction ensuite reprise au niveau européen, la France a étendu cette interdiction à tous les matériaux au contact alimentaire à partir du 1er janvier 2015. J'ai écrit à la Commission européenne pour porter cette interdiction au niveau européen et je défendrai cette position au cours des prochaines discussions communautaires.
Sur proposition de la France, le bisphénol A a été classé au niveau européen comme substance présumée toxique pour la reproduction humaine. J'ai demandé que la France dépose, de plus, cette année à l'agence européenne des produits chimiques un dossier pour identifier la substance comme « extrêmement préoccupante » (règlement REACH) ce qui permettra à terme de limiter drastiquement son usage. La France a également proposé une restriction du bisphénol A dans les tickets de caisse afin de protéger les populations sensibles face à cette substance.
Conformément à la feuille de route issue de table ronde issue de la Conférence environnementale que j'ai organisée en 2014, une révision du carnet de santé de l'enfant et du carnet de maternité est en cours en vue de réduire l'exposition des femmes enceintes et des jeunes enfants aux perturbateurs endocriniens. Un message de prévention sur l'exposition aux perturbateurs endocriniens sera inséré dans le carnet de santé de l'enfant. Le Haut Conseil de la santé publique devrait donner ses conclusions en 2016 et le nouveau carnet sera édité fin 2016-début 2017. De plus, des messages de réduction de l'exposition aux produits chimiques ont été introduits dans le nouveau carnet de maternité qui sera publié prochainement.
J'ai souhaité en 2016 accélérer le travail d'expertise, en demandant à l'Anses d'expertiser sur 3 ans 20 substances suspectées perturbatrices endocriniennes. Ces travaux doivent notamment porter sur les pesticides, comme le chlortoluron, largement utilisé comme herbicide pour les céréales.
L'industrie a un rôle majeur à jouer dans la recherche via la mise en oeuvre de solutions de substitution viables. Il faut l'inciter et la soutenir dans cette voie. Afin d'aider l'industrie à sécuriser le développement de ces nouveaux produits et procédés, j'ai souhaité que soit organisé un colloque qui se tiendra le 30 juin prochain sur la mise en place d'une plate-forme pour valider les méthodes de caractérisation des perturbateurs endocriniens.
En décembre 2015, la Commission européenne a été condamnée pour avoir manqué à son obligation de mettre en place des critères réglementaires d'identification des perturbateurs endocriniens, suite à un recours que j'ai soutenu.
La Commission doit présenter prochainement une proposition. Plusieurs règlements européens prévoient des mesures indispensables de protection des populations et de l'environnement face aux risques présentés par les perturbateurs endocriniens. C'est notamment le cas du règlement relatif aux pesticides. Ces mesures réglementaires restent néanmoins conditionnées à l'adoption formelle de la définition par la Commission européenne. C'est pourquoi je considère qu'il n'est désormais plus possible d'encore attendre pour adopter une définition ainsi que des critères d'identification pour les perturbateurs endocriniens. J'ai personnellement porté ce message fort auprès de la Commission européenne et de la Présidence néerlandaise de l'Union européenne.
Le 17 mai, j'ai reçu des scientifiques de renommée internationale impliqués sur les perturbateurs endocriniens, en particulier Rémy Slama, président du comité scientifique du Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens. J'ai entendu la position des scientifiques sur les critères de perturbateurs endocriniens publiée dans la revue « Environmental Health Perspectives ». Ils confirment la position française que j'avais fait adopter en avril 2014, sur la définition des perturbateurs endocriniens et que les autorités françaises soutiennent aujourd'hui auprès de la Commission européenne.
Le commissaire européen chargé de la santé a assuré que la Commission proposerait avant l'été une proposition de critères réglementaires pour définir les perturbateurs endocriniens et leur rendre ainsi applicables les règlements relatifs aux pesticides et aux biocides. Si ces critères ne sont pas conformes au consensus scientifique (en particulier s'ils intègrent la notion de « puissance »), la Suède a l'intention de poursuivre le contentieux contre la Commission et la France s'y associera.
J'ai écrit le 25 mai dernier au Président de la Commission européenne pour défendre une position française ambitieuse, qui permet notamment d'interdire utilisation des perturbateurs endocriniens dans les pesticides. J'ai rappelé cette position lors de ma rencontre avec Monsieur Jean-Claude Juncker le 2 juin.
* Usage des produits phytosanitaires
J'ai engagé des mesures concrètes pour la réduction de l'impact de l'usage des produits phytosanitaires, telles que l'interdiction de l'épandage aérien de ces produits, l'interdiction de la vente en libre-service des pesticides pour les jardiniers amateurs et la démarche zéro phytosanitaire dans les communes.
J'ai adressé le 3 février 2016 aux préfets une instruction pour qu'ils réglementent l'épandage des produits phytopharmaceutiques aux abords des lieux accueillant des personnes vulnérables. Un bilan sera rendu public.
Parallèlement, je suis intervenue au niveau européen pour étendre le moratoire relatif à certaines molécules néonicotinoïdes et pour restreindre la période d'approbation de certaines substances phytosanitaires dangereuses.
Je mène un combat pour empêcher la réapprobation du glyphosate, classé cancérigène probable par le Centre international de recherche sur le Cancer. La Commission n'a toujours pas obtenu lundi dernier de majorité qualifiée sur sa nouvelle proposition de règlement.
La Commission européenne doit aujourd'hui traduire au niveau européen les exigences de la convention internationale de Minamata qui vise à protéger la santé humaine et l'environnement des effets néfastes du mercure. Je milite pour une transcription ambitieuse, protectrice des populations les plus sensibles que sont les femmes enceintes et les enfants, notamment sur la question de l'utilisation des amalgames dentaires.
* Qualité de l'air intérieur
J'ai fait de l'amélioration de la qualité de l'air dans les crèches, les écoles, les collèges ou les lycées, un engagement fort de mon action à la tête du ministère de l'Écologie. En effet, les enfants sont particulièrement sensibles à la qualité de l'air intérieur, compte-tenu du temps qu'ils passent dans les lieux clos, 90 % de leur journée en moyenne. Les polluants chimiques émanant du mobilier et les désodorisants à combustion qui contribuent à la pollution de l'air intérieur doivent être réglementés ; dans ce but je vais prochainement organiser une consultation du public sur des projets de textes.
Des actions de prévention simples et peu coûteuses permettent des progrès importants. Dans cet objectif, j'ai fait élaborer un guide pratique permettant de faciliter le déploiement d'actions d'amélioration de la qualité de l'air par les gestionnaires d'écoles et de crèches et par les collectivités. Afin de sensibiliser les enfants aux bons gestes pour la qualité de l'air intérieur, en particulier dans leur salle de classe, j'ai également confié à une association (l'Institut Français des Formateurs « Risques Majeurs et protection de l'Environnement ») l'élaboration d'un livret pédagogique.
Afin d'améliorer la prise en charge des personnes présentant des pathologies respiratoires ou allergiques, en particulier les nombreux enfants asthmatiques, j'ai décidé de financer et d'encourager le développement du métier de conseillers en environnement intérieur (CEI). Ces conseillers interviennent à domicile sur demande d'un médecin afin d'identifier les diverses sources d'allergènes et de polluants.
* Les ondes électromagnétiques
Je souhaite également réduire les expositions aux ondes électromagnétiques, notamment des populations les plus vulnérables comme les enfants, selon un principe de sobriété. Il est important de rappeler que des gestes simples, tel que le recours à une oreillette lorsque l'on téléphone, et le fait de privilégier l'acquisition de téléphones portables affichant les niveaux les plus faibles (DAS) permettent d'éviter des surexpositions inutiles. Plusieurs décrets d'application de la loi sur la sobriété des ondes, portée par la députée Laurence Abeille, seront publiés dès cet été afin d'améliorer la transparence de l'information des maires, des habitants en amont de l'implantation d'antennes relais, mais aussi afin de mieux informer les consommateurs de l'exposition des équipements radioélectriques utilisés près du corps (téléphones portables, tablettes, objets connectés...).
* Programmes de biosurveillance
Les expositions environnementales de la population, notamment aux polluants chimiques, sont observables via des mesures d'imprégnation (mesures réalisées sur des prélèvements de liquides et tissus biologiques : sang, urine, cheveux ). Les résultats de cette observation, appelée biosurveillance humaine, permettent de définir les mesures de gestion les plus pertinentes.
En France, un important de biosurveillance a été lancé en 2011. J'ai décidé en 2015 de soutenir ce programme en accordant à l'agence nationale de santé publique (ex InVS) une subvention de 942 k pour la période 2016-2018.
Le programme de biosurveillance français s'appuie principalement sur deux études nationales de grande échelle :
- la cohorte ELFE (étude longitudinale française depuis l'enfance), lancée en mars 2011, est une grande étude de santé publique portant sur le suivi de 20 000 enfants de la naissance jusqu'à l'âge de 20 ans ; elle a pour but de connaître l'exposition des enfants aux polluants chimiques (en particulier les polluants dits émergents) et de mesurer notamment les effets à long terme de la pollution atmosphérique et de la pollution de l'air intérieur sur les enfants et les femmes enceintes,
- l'étude ESTEBAN (Environnement, SanTé, Biosurveillance, Activité physique, Nutrition), lancée en 2014, est une enquête transversale de biosurveillance couplée à des examens de santé et un volet nutritionnel ; son objectif est de décrire et de suivre les niveaux d'exposition de la population (1 000 enfants de 6 à 17 ans et 4 000 adultes) résidant en France métropolitaine, pour une centaine de substances, y compris certains agents cancérigènes ou potentiellement cancérigènes et des pesticides.
Les premiers résultats de ce programme ont montré que l'exposition à des polluants de l'environnement est en baisse pour les femmes enceintes et leurs enfants à naître. En particulier, les expositions au plomb, au mercure et au bisphénol A sont en diminution, en comparaison avec celles observées dans des études antérieures et dans d'autres pays, notamment européens. Ces premiers résultats nous encouragent à poursuivre notre action.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 14 juin 2016