Texte intégral
Madame l'adjointe à la maire de Paris,
Madame la maire du 5e arrondissement,
Messieurs les conseillers municipaux de Bordeaux et de Chartres,
Madame la directrice générale de l'Office National des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre,
Madame la directrice de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives,
Monsieur le Président de l'Association Nationale des Amis de Jean Moulin,
Monsieur l'Administrateur du Panthéon,
Monsieur Morel, vice-président de la Fondation de la Résistance,
Messieurs les porte-drapeaux,
Chers élèves ici présents,
Mesdames et messieurs.
Nous célébrerons demain le 76ème anniversaire de l'appel du 18 juin du Général de Gaulle. Lors de la cérémonie commémorative au Mont-Valérien, le Président de la République honorera la mémoire du chef de la France libre et de tous les Résistants qui l'ont rejoint dans la lutte pour la liberté.
Je remercie tous ceux qui font vivre la mémoire de Jean Moulin et qui ont soutenu la cérémonie de ce matin : l'Association des amis de Jean Moulin, la mairie de Bordeaux et la mairie de Paris ainsi que la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la Défense.
Parmi les Résistants les plus illustres, un homme est passé à la postérité pour son destin tragique et pour son courage héroïque. Un homme qui, dès le 17 juin 1940, était déjà animé de l'esprit de la Résistance.
Un homme qui repose aujourd'hui aux côtés des grands serviteurs de la République, au Panthéon où nous sommes rassemblés aujourd'hui.
Le 17 juin 1940, le maréchal Pétain, sonnant le glas du défaitisme, appelle sans même avoir signé d'armistice les soldats français à « cesser le combat ». Dès ce jour de juin, comme Jean Moulin incarne l'honneur et l'audace, le maréchal Pétain incarne la défaite et la soumission.
Le 17 juin 1940, Jean Moulin, alors préfet de l'Eure-et-Loir, est arrêté pour avoir refusé de plier devant les exigences des Nazis. Ils veulent lui faire signer un document accusant à tort des tirailleurs sénégalais de l'armée française d'avoir commis des meurtres de civils au hameau de La Taye. En réalité les civils ont été victimes de bombardements allemands.
Il refuse. Ce sont alors les coups de poings, de bottes, de fusils, de crosses qui se déchaînent pour le faire céder. Blessé, il tombe à terre une première fois. On le relève. On recommence à le battre. Toujours en vain.
« Signez ! » hurle son tortionnaire, selon le récit qu'en a fait la femme de Jean Moulin, Marguerite Cerruti. « J'ai bien vu les victimes, rétorque Jean Moulin, mais cela ne désigne pas les bourreaux. »
Maltraité, malmené, molesté, Jean Moulin saisit un débris de verre qui jonche le sol de sa cellule et choisit de se trancher la gorge plutôt que de céder aux tortures de l'ennemi.
Le lendemain, il demande à quitter l'hôpital où il a été admis. Non pas pour fuir l'avancée allemande. Mais pour reprendre, en ces circonstances dramatiques, ses fonctions de préfet en Eure-et-Loir. Début novembre, il est révoqué par Vichy.
L'acte de courage de Jean Moulin, ce 17 juin 1940, symbolise, avec une journée d'avance, ce que sera l'esprit de la Résistance : la vaillance, la volonté, la bravoure. Le refus de transiger face à l'ennemi.
Jean Moulin était un esprit brillant, dont l'audace n'égalait que la précocité. Plus jeune sous-préfet de France, à Albertville, en 1925 puis plus jeune préfet de France à 38 ans, en Aveyron, en 1937, il était également un citoyen engagé et convaincu, un homme de gauche, profondément républicain. Il fut le chef de cabinet de Pierre Cot, ministre de l'Air du Front Populaire.
Il s'alarma de la montée des fascismes et participa à l'aide clandestine des Républicains lors de la guerre civile espagnole.
Jean Moulin, c'est bien sûr un profil hors du commun mais aussi le résistant héroïque, le paladin de la Résistance, un brave parmi les braves. Grâce à son action et à ses qualités d'organisation, « Rex », de son nom de code, réussit à unir les mouvements de Résistance dans le Conseil National de Résistance, dont la première réunion s'est tenue à Paris, au 48 rue du Four, le 27 mai 1943.
Il rappelle alors les buts de la France Libre : « Faire la guerre ; rendre la parole au peuple français ; rétablir les libertés républicaines ; travailler avec les Alliés à l'établissement d'une collaboration internationale réelle sur le plan économique et social, dans un monde où la France aura regagné son prestige ».
Cette date du 27 mai 1943 est depuis devenue la Journée Nationale de la Résistance.
Moins d'un mois plus tard, le 21 juin 1943, Jean Moulin est arrêté à Caluire et torturé à la prison de Montluc puis à l'Ecole de Santé des Armées de Lyon. Il savait ! Mais il ne dit rien.
Comme le 17 juin 1940, Jean Moulin préserva la destinée des siens malgré des traitements barbares et inhumains.
Transféré en Allemagne comme otage, il meurt probablement dans le train, en gare de Metz, le 8 juillet 1943.
Jean Moulin fut tout à la fois un républicain résolu, un homme de gauche engagé et un martyr héroïque. Son parcours est riche de leçons pour nous.
Il est une leçon de courage et de dévouement. Il est aussi une exhortation permanente à tout faire pour respecter l'héritage du Conseil National de la Résistance : la lutte pour la liberté, le refus du renoncement, des haines et des racismes, la préservation de notre pacte démocratique et de la République sociale dont les grands principes furent mis en uvre dans l'immédiat après-guerre.
En des heures tragiques la France eut souvent besoin de grands hommes pour la relever. Jean Moulin fut un de ceux-là.
Il a toute sa place dans ce temple des grands hommes, dans lequel il repose depuis le 19 décembre 1964, dans lequel il entra avec son « terrible cortège », celui de ses frères d'armes.
Dans son discours prononcé à l'occasion de la panthéonisation de Jean Moulin, André Malraux lui rendit un hommage passé à la postérité : « Pauvre roi supplicié des ombres », dit alors Malraux, « regarde ton peuple d'ombres se lever dans la nuit de Juin constellée de tortures. »
Nous sommes les héritiers de Jean Moulin et d'André Malraux. Sur nous incombe le devoir d'éveiller les générations futures.
C'est pourquoi le gouvernement soutiendra le projet de rénovation du musée du Général Leclerc de Hauteclocque et de la Libération-de-Paris - musée Jean-Moulin.
A l'occasion de cette cérémonie commémorative, je tiens à réaffirmer que nous devons rester vigilants contre toutes les récupérations, les falsifications historiques et les instrumentalisations mensongères de Jean Moulin
L'esprit de Jean Moulin, c'est la foi républicaine, c'est l'humanisme, c'est la tolérance. L'esprit de Jean Moulin, c'est l'opposition à tous ceux qui sèment les ferments de l'exclusion, c'est l'opposition à la division, c'est l'opposition à la xénophobie.
Puissions-nous méditer, en cette période de doute, cette leçon aujourd'hui.
Car Jean Moulin incarne une grande tradition, la grande tradition, celle du patriotisme républicain dont il a pris le relais en un moment crucial de notre Histoire pour la transmettre aux générations futures. C'est cette tradition, mesdames et messieurs, dont nous avons la garde et nous en sommes collectivement comptables.
Veillons à transmettre, aujourd'hui et demain, l'esprit de la Résistance, l'esprit de Jean Moulin, et ne restons pas sans réaction face à ceux qui se réclament de lui pour des desseins et projets qui sont aux antipodes de ce pourquoi Jean Moulin s'est battu.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 juin 2016