Texte intégral
FABIENNE SINTES
Thierry BRAILLARD, avec nous, ce matin, secrétaire d'Etat chargé des Sports, en duplex de Marseille, où vous avez évidemment assisté au match, monsieur BRAILLARD, avec Matteu MAESTRACCI qui est resté avec nous, et puis Guy BIRENBAUM, bien sûr. Bonjour.
THIERRY BRAILLARD
Bonjour.
FABIENNE SINTES
On va parler un peu de cette équipe de France, quand même, monsieur BRAILLARD, vous êtes un grand fan de foot, même si vous devez vous tenir dans les tribunes. Est-ce que vous avez eu chaud comme tout le monde ou pas ?
THIERRY BRAILLARD
On a eu chaud, c'est vrai que l'équipe d'Albanie a montré d'ailleurs que dans cet Euro il n'y a pas de petites équipes, que le niveau, quand même, aujourd'hui, est beaucoup plus équilibré qu'il ne pouvait l'être il y a une vingtaine d'années, dans ce genre de compétition et qu'il a fallu aller au bout du suspense pour avoir cette victoire qui nous envoie en huitième de finale, donc il est de bonne augure pour la suite de la compétition.
FABIENNE SINTES
Et finalement, puisque vous êtes un peu connaisseur, GRIEZMANN et POGBA qui rentrent après être restés sur le banc, est-ce que vous dites, comme les 66 millions d'autres sélectionneurs : « Eh ben je l'avais dit, il ne fallait pas les faire sortir » ?
THIERRY BRAILLARD
Je laisse vraiment à Didier DESCHAMPS mener à bien cette équipe et on a pu voir qu'il a vraiment la compétence pour créer les conditions d'un groupe, où les uns, les autres, sont inter-remplaçables, et l'essentiel c'est qu'à la fin, comme il l'a expliqué, il y a la victoire, il y a les trois points, et puis il y a surtout une très belle ambiance hier au stade Vélodrome.
FABIENNE SINTES
Matteu MAESTRACCI.
MATTEU MAESTRACCI
Oui, justement, on retient finalement cette victoire débloquée dans les dernières secondes, on retient cette ambiance, et l'euphorie, finalement, de ce scénario nous fait quand même peut-être un peu oublier que ça n'a pas été terrible au moins pendant 50 ou 60 minutes, du coup on se pose forcément des questions qui sont légitimes sur le potentiel de cette équipe pour aller loin dans la compétition. J'ai pas l'impression que vous ne vous voulez pas les accabler, mais quand même, est-ce que vous pensez que l'équipe de France a des limites ?
THIERRY BRAILLARD
Vous savez, si vous avez bien regardé la façon dont l'Albanie jouait, ils avaient décidé de faire un 5/3/2, avec notamment un milieu défensif qui repliait, donc parfois ils étaient six en défense. Quand on a ce genre de schéma, c'est très difficile de pouvoir déployer un jeu fluide, et on sait qu'à l'instar de la Roumanie, l'Albanie est une équipe qui est, comme on dit, difficile à jouer, et d'ailleurs il n'y a qu'à voir, ce sont des équipes qui ne prennent pas beaucoup de buts et qui donc bloquent le jeu. C'est la raison pour laquelle je crois qu'il fallait gagner, et que c'est parfois sur des victoires comme celles-ci, qu'on va au bout d'une compétition. Vous savez, le football champagne, on ne peut pas l'avoir à chaque match, l'essentiel c'est que si on peut l'avoir le 10 juillet, le jour de la finale, eh bien je serais très heureux que le 11 on fête ensemble sur votre antenne la victoire des Bleus.
FABIENNE SINTES
Et nous donc ! Thierry BRAILLARD, je vous pose la question, parce que ça peut monter aussi dans la journée, on a vu beaucoup de photos sur les réseaux sociaux, est-ce que vous l'avez vu, vous, dans la tribune, ce bras d'honneur de POGBA à la fin ?
THIERRY BRAILLARD
Non, très sincèrement, moi j'ai suivi votre préféré, Dimitri PAYET, qui est a marqué un but, et... j'écoute France Info...
FABIENNE SINTES
Oui, je vois bien.
THIERRY BRAILLARD
... donc j'ai compris que Dimitri PAYET avait complètement séduit Fabienne SINTES, et non, j'ai regardé, et puis on était tellement heureux dans la tribune, avec le président, que non, sincèrement, je n'ai pas vu, on m'en a parlé ce matin, mais je n'ai pas vu cette image.
GUY BIRENBAUM
Justement, le président, on l'a beaucoup vu à la télévision, il était vraiment très très heureux, il y a une vraie métaphore politique, c'est qu'avant la fin de la campagne, ce n'est jamais fini. On l'a bien vu ça.
THIERRY BRAILLARD
Non, et puis ça va mieux.
FABIENNE SINTES
Ça va mieux dans les arrêts de jeux.
GUY BIRENBAUM
Ça va mieux pendant les arrêts de jeux, oui.
THIERRY BRAILLARD
Et l'essentiel à la fin, comme il le dirait, c'est la victoire.
GUY BIRENBAUM
C'est ça.
MATTEU MAESTRACCI
Je reviens juste rapidement sur ce geste supposé de POGBA. Alors on rappelle le contexte, c'est une caméra isolée de Bein Sport, qui était à ce moment-là, et ça change tous les quarts d'heures de joueurs, manque de bol pour POGBA, à ce moment-là, la caméra était sur lui. L'image a été diffusée sur les réseaux sociaux, il semble, on ne va pas rentrer dans le débat, mais il semble, on va rester au conditionnel, faire un bras d'honneur en direction de journalistes qui l'ont pour certain pas beaucoup ménagé ces derniers jours. On ne sait pas s'il a voulu faire ce geste. Si jamais c'était avéré, quelle serait votre réaction ?
THIERRY BRAILLARD
Eh bien déjà vous me posez une question en mettant trois si dans la question, donc c'est pas du conditionnel, c'est même pas du super conditionnel, donc c'est trois parasols que vous ouvrez. Donc, bien entendu, s'il avait fallu un geste comme celui-ci, comme n'importe quel joueur, on condamne, on condamne, on est sur un stade, on doit être exemplaire. Et on a beaucoup parlé d'exemplarité, elle en vient aussi sur des attitudes comme celle-ci. Maintenant, très sincèrement, je n'ai pas vu ce geste-là et je crois qu'il va falloir attendre de voir, si ça se trouve c'est un autre geste, et faisons attention toujours de vouloir créer des polémiques où peut-être il n'y en a pas...
MATTEU MAESTRACCI
C'était peut-être juste une Macarena en fait.
THIERRY BRAILLARD
En tout cas, le comportement d'un joueur, sur le terrain, doit être exemplaire.
FABIENNE SINTES
Thierry BRAILLARD, pour parler de choses un peu moins festives, les choses s'enveniment entre la France et la Russie ? On en est quand même à une convocation de l'ambassadeur de France à Moscou, on a peut-être dépassé des bornes. Est-ce qu'on est au bord de l'incident diplomatique ?
THIERRY BRAILLARD
Je pense qu'il a fallu que l'ambassadeur explique, comme on lui a demandé, que la France est un état de droits et que les interpellations qui ont eu lieu, faisaient suite à des dommages causés sur la voie publique, des faits extrêmement graves, que l'on a pu voir, et dans le cadre des procédures françaises, démocratiques, il fallait interpeler ces personnes, qui l'ont été, par rapport à ce que pourraient être les accusations qui leur sont portées. Donc on est, je vous dis, dans le respect de la procédure pénale et il n'y a rien d'exagéré, en tout cas de l'attitude des forces de police et de justice dans notre pays.
FABIENNE SINTES
Et du coup, est-ce que vous dites aussi, parce que ça, pour le coup, ça risque d'envenimer les choses, est-ce que vous dites aussi que s'il le faut, il faudra expulser les Russes de l'Euro, en cas de nouveaux incidents ? Alors, c'est de la responsabilité de l'UEFA, certes, mais...
THIERRY BRAILLARD
Attention, là, voilà, excusez-moi, c'est parce que là je vous parlais quand même de procédures qui sont en cours. En ce qui concerne l'UEFA, moi je souhaite que l'UEFA soit extrêmement dure sur toute attitude qui viendrait causer préjudice au bon fonctionnement de l'Euro. Depuis le début on répète à l'envie que nous souhaitons que l'Euro soit une fête, c'est pas les images que nous avons pu voir le week-end dernier qui vont dans ce sens. Donc je crois que l'UEFA a montré déjà dans des compétitions qu'elle organise, je pense à la Ligue des champions, qu'elle était capable, lorsqu'il y avait de graves débordements de supporters, de prendre des sanctions et je crois qu'elle a laissé planer le doute, mais qu'elle a dit quand même que si ce genre de comportement venait à se reproduire, elle pourrait exclure la Russie. J'allais dire, le but d'un Euro c'est que ça soit la fête. Voyez, hier soir, ça fait trois soirs de suite que je vois trois matchs et trois moments de fête. J'ai vu la Belgique et l'Italie avec des comportements exemplaires des Belges et des Italiens. Portugal Islande, vous vous rendez-compte, un pays de 300 000 habitants, il y avait plus de 12 000 Islandais. Si vous faites la proportion, c'est comme s'il y avait 300 000 Français qui venaient dans une compétition. Donc c'est assez extraordinaire. Et hier, donc sincèrement, on peut quand même vraiment remercier, féliciter, les Albanais, les joueurs bien sûr mais aussi les supporters qui ont été exemplaires, parce que perdre de cette façon-là, dans les dernières minutes d'un match, c'est toujours délicat, et on n'a vu que des moments de fraternité, et c'est ça l'image de l'Euro, donc si des supporters se comportent très mal, l'UEFA a les moyens de prendre des sanctions.
FABIENNE SINTES
Alors c'est ça l'image de l'Euro, effectivement, mais on surveille aussi les Anglais, qui ont encore une fois été passablement alcoolisés à Lille hier soir, on les surveille de près aujourd'hui à Lens. Heureusement, j'allais dire, c'est un match de l'après-midi, mais il y a quand même des écoles qui sont fermées, c'est pas très festif ça non plus, monsieur BRAILLARD.
THIERRY BRAILLARD
Non, ça, je ne voulais pas qu'on ferme les écoles, parce que là aussi ça n'a strictement rien à voir. Bon, maintenant, si l'ordre public est en cause, la décision s'impose et on ne peut pas s'y opposer. On ne peut simplement que le regretter, que des supporters, finalement, ne soient pas, ne portent pas le vrai non d'un supporter.
MATTEU MAESTRACCI
Sur l'interpellation des hooligans, il y a eu 43 arrestations dans les Alpes Maritimes, il y a deux jours, il y en a eu 36 à Lille, dont six Russes qui étaient impliqués dans les violences de Marseille, plus ces 4 000 policiers mobilisés à Lille, donc on sent qu'il y a quand même une réaction des pouvoirs publics. Est-ce que c'est aussi une réaction par rapport aux images de Marseille, qui avaient un petit peu choquées tout le monde et où il semblerait que tout le monde se soit renvoyé la balle, et où on a l'impression que les pouvoirs publics ont un petit peu failli ce week-end-là ?
THIERRY BRAILLARD
Pas du tout. Simplement là encore c'est le code des procédures, et vous savez, on fait parfois des...il y a des lois qui sont votées, qui passent un peu inaperçues. On a voté une loi, une loi du 10 mai 2016, qui renforce la lutte contre le hooliganisme, et qui d'ailleurs crée aussi les conditions de discussion et de dialogue avec les supporters, et donc c'est un sujet qui pour nous est extrêmement prémenant, est c'est la raison pour laquelle on n'a pas à être tolérant vis-à-vis de ceux qui viennent à des compétitions de football pour faire autre chose que voir et supporter une équipe. Un hooligan, il vient pour casser, il vient pour frapper, il ne vient pas pour voir du football, donc il n'a rien à faire ici, et on prendra toutes les dispositions que nous devons prendre, pour éradiquer bien sûr ce phénomène, et puis faire en sorte que ceux qui n'ont pas à être là, ne le soient pas. Vous savez, il y a une coopération qui a été lancée entre les différents pays, elle a peut-être été défaillante, plus avec la Russie qu'avec d'autres, mais par exemple avec l'Angleterre, il y a déjà plus de 3 000 hooligans qui ont été interdits de venir en France pour l'Euro, et on a eu ces échange avec les différentes nations, les différentes polices.
FABIENNE SINTES
Est-ce que vous pensez que c'est en partie pour ça, que les fan-zones, alors, hier, étaient remplies, c'est le match de l'équipe de France, mais depuis le début de la compétition, ne sont pas non plus autant remplies qu'on pouvait l'espérer, il y a ça et puis il y a un contexte, évidemment, qui est extrêmement compliqué, un attentat qui a eu lieu il y a deux jours, là aussi vous parliez du football fête, ça reste un peu compliqué. Regardez, il y a des scores exemplaires à la télévision, moins dans les tribunes, moins dans les fan-zones.
THIERRY BRAILLARD
Fabienne SINTES, ça va faire des mois que j'explique qu'il faut que l'Euro soit une fête et ça fait des mois qu'on me pose des questions, systématiquement sur les fan-zones, sont-elles sécurisées, sont-elles... alors que bien sûr elles sont entièrement sécurisées et qu'on doit inciter tout le monde à... Ils ont envie de partager un moment, de pouvoir y aller sans aucune difficulté. Après, c'est vrai qu'il y a un succès et puis chacun a envie de vivre l'Euro comme il l'entend.
FABIENNE SINTES
Et c'est vrai aussi que personne n'a échappé, Monsieur le Ministre, à cette phrase qu'on a entendue, prononcer par un terroriste, qui dit : « Nous allons faire de l'Euro un cimetière », enfin, tout ça, et j'entends bien que les supporters sont le plus loin possible de ça, et heureusement, et en même temps, vous, j'imagine que ça vous préoccupe, ça veut dire qu'il y a d'autres mesures qui sont prises, ça veut dire que la compétition est compliquée.
THIERRY BRAILLARD
Ça me préoccupe depuis le début. Vous savez, la menace terroriste a été incluse dans toutes les réflexions, dans toutes les réunions de travail, depuis des mois et des mois, voire des années, et le ministre de l'Intérieur, Bernard CAZENEUVE, le rappelait encore récemment, bien sûr toutes les mesures sont prises et il y en a certaines qui sont bien sûre exposées, d'autres qui ne le sont pas, mais sachez que toutes les mesures sont prises, car cette menace existe et nous ne faisons pas comme si elles n'existaient pas.
FABIENNE SINTES
Je voudrais qu'on fasse un saut dans le temps, pardonnez-moi, dans un an on va décider des Jeux olympiques de 2024, quand on voit que, à la fois on est capable de jouer, on est capable de faire du foot et de s'amuser dans les fan-zones et dans les stades, et qu'il y a aussi des images qui sont celles des grèves, même si ça se calme un peu aujourd'hui, s'il y a une crainte des hooligans, s'il y a une crainte du terrorisme aussi, est-ce que ça joue contre nous, sincèrement, pour l'organisation des J.O ?
THIERRY BRAILLARD
Il est clair que l'organisation de l'Euro, on en tirera les bilans à la fin de la compétition, est un élément important de la candidature de Paris 2024 pour les Jeux olympiques et paralympiques, c'est notre savoir-faire qui est regardé, notre activité bien sûr, notre attractivité, et c'est la raison pour laquelle plus l'Euro se passera mieux, mieux ça sera pour cette candidature. Il faut quand même savoir qu'on a organisé, il y a quelques mois seulement, l'Euro de Basket, qui s'est passé dans d'excellentes conditions, que la France est le pays qui ces dernières années a organisé le plus de compétitions internationales, donc nous avons quand même ce savoir-faire. Après, c'est à nous à montrer aussi les images qui sont celles qu'on a pu voir hier au stade Vélodrome et qui donnent vraiment envie de cette compétition et envie de voir des gens heureux. Moi j'ai retenu hier, j'ai vu beaucoup de sourires, beaucoup de regards et de regards joyeux, d'esprits heureux, et quelque part ça fait du bien et c'est aussi ce que nous apporte une compétition comme l'Euro et une victoire de l'équipe de France.
FABIENNE SINTES
Thierry BRAILLARD, une dernière question, puisque vous êtes aussi membre de ce gouvernement. Dans le conflit social sur la loi travail, on songe à interdire les manifestations à cause des casseurs, et l'argument de la CGT, c'est de dire : « Ah ben est-ce qu'ont interdit l'Euro à cause des hooligans ? ». Qu'est-ce que vous en pensez, vous, de cet argument ?
THIERRY BRAILLARD
Déjà cette interdiction, le Premier ministre l'a précisé hier, se ferait au cas par cas si les biens et les personnes pouvaient être mis en danger. Quant à la CGT, je crois qu'aujourd'hui le gouvernement a déjà depuis longtemps dit son intention de discuter, le problème c'est que quand il y a eu des discussions, la CGT n'était pas là, donc c'est facile aujourd'hui à monsieur MARTINEZ de dire qu'il n'y a pas de dialogue, mais c'est comme si quand on lui propose de venir discuter il ne vient pas, et il dit « on ne veut pas dialoguer avec moi ». Donc je pense qu'il faut maintenant que les uns et les autres prennent leurs responsabilités, en tout cas le gouvernement est très clair et très ferme sur cette question, il va y avoir une seconde lecture, il y a une lecture actuellement au Sénat, il y a une seconde lecture à l'Assemblée nationale, je crois qu'il faut croire à la démocratie représentative et croire au travail des parlementaires, pour, s'ils le souhaitent encore, améliorer ce texte et que, enfin, ce texte soit voté et appliqué, car que crois que, et les entreprises, notamment les Petites et les moyennes entreprises qui sont très bénéficiaires de ce texte, ainsi que les salariés qui voient leur protection renforcée, en ont bien besoin.
FABIENNE SINTES
Voilà, la pelouse est grasse pour tout le monde apparemment. Merci beaucoup Thierry BRAILLARD.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 juin 2016