Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour Myriam EL KHOMRI.
MYRIAM EL KHOMRI
Bonjour.
PATRICK COHEN
Demain, nouvelle journée de mobilisation des syndicats opposés à la loi travail, peut-être la dernière, c'est un baroud d'honneur, vous considérez que c'est plié ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non, je respecte tout à fait le droit de manifester dans notre pays, c'est une journée de mobilisation. Moi je ne suis pas là pour faire du pronostic sur le nombre de manifestants qui seront rendus demain mais néanmoins, moi je continue à échanger avec l'ensemble des numéros 1 des organisations syndicales. Je les ai tous vus récemment avec la ligne du gouvernement qui est connue, c'est-à-dire : le texte peut toujours être amélioré mais il est hors de question de le dénaturer, de le détricoter.
PATRICK COHEN
Donc vous verrez Philippe MARTINEZ
MYRIAM EL KHOMRI
Vendredi.
PATRICK COHEN
De la CGT vendredi, après avoir beaucoup valsé sur la date de ce rendez-vous, c'était tout de suite, demain, pourquoi pas maintenant
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez ! Ces questions de calendrier ont un petit côté un peu ridicule et puéril
PATRICK COHEN
C'était important de savoir si vous pourriez vous voir avant la manifestation de mardi.
MYRIAM EL KHOMRI
Je veux dire les choses très clairement. La CGT a opté pour la politique de la chaise vide depuis plusieurs mois, ils ne se sont pas rendus aux réunions qui étaient prévues soit avec moi soit avec mon équipe, en janvier et encore en mars dernier. Leur position
PATRICK COHEN
Donc quand la CGT dit
MYRIAM EL KHOMRI
Leur position a évolué
PATRICK COHEN
Qu'il n'y a pas eu de négociations, elle ne dit pas la vérité ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ils ne sont pas venus, ils ne se sont pas rendus justement au ministère alors qu'il y avait plusieurs rencontres qui étaient menées dans ce cadre-là. Alors que d'autres organisations syndicales sont venues et ont fait des propositions. La position de la CGT a évolué et c'est une bonne chose. Philippe MARTINEZ la semaine dernière disait : je ne souhaite pas bloquer l'Euro. A partir de là, je lui ai proposé, je lui ai dit que j'étais disponible à le rencontrer dans la minute si ça permettait justement de lever les blocages. Il a répondu une fin de non-recevoir en disant que la mobilisation continue, dont acte. L'agenda est maintenu, on se verra le 17 juin prochain
PATRICK COHEN
En quoi la position de la CGT a-t-elle évolué sur le fond ?
MYRIAM EL KHOMRI
Le préalable de la CGT était le retrait du texte, aujourd'hui ce n'est plus ce que dit Philippe MARTINEZ. Donc moi j'attends, vendredi j'aurai les propositions de la CGT. Si le mot d'ordre aujourd'hui de la CGT, c'est le retrait de tous les articles qui font le sens dans ce texte, ça ne sera pas possible.
PATRICK COHEN
Est-ce qu'il est imaginable Myriam EL KHOMRI d'écrire dans la loi qu'en aucun cas, un accord d'entreprise ne pourra être moins favorable qu'un accord de branche préexistant ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez ! Cette question de moins favorable, plus favorable, depuis 2004 il y a eu de nombreuses modifications. Par exemple, si vous avez un contingent d'heures supplémentaires, qui peut dire si c'est plus favorable ou moins favorable pour le salarié. Ce que nous considérons dans ce projet de loi, c'est que les salariés dans l'entreprise et leurs représentants les syndicats sont les plus à même justement de dire ce qui est plus favorable ou moins favorable
PATRICK COHEN
Enfin il y a des critères objectifs, quand vous avez 10 % de majoration sur les heures supplémentaires au lieu de 25 %, c'est moins favorable !
MYRIAM EL KHOMRI
Mais alors prenons cet exemple justement des heures supplémentaires. Le projet de loi que je porte rappelle que le taux de majoration des heures supplémentaires c'est de 25 % ; et puis 50 % pour les 8 prochaines. La réalité c'est que nous donnons la possibilité au niveau de l'accord d'entreprise, si et seulement si les syndicats le souhaitent des syndicats représentant 50 % des salariés en échange de contreparties, s'ils le souhaitent de pouvoir avoir un taux de majoration qui ne devra pas être en deçà de 10 %. C'est-à-dire qu'on élargit l'objet de la négociation, en gros il pourra être décidé par des organisations syndicales qu'en effet, on mettra 10 % de majoration d'heures supplémentaires contre des jours de récupération. Quand vous avez par exemple une Convention nationale qui a été prise, une Convention collective sur l'audiovisuel, les syndicats ont jugé en effet qu'on pouvait majorer à 10 %, mais ils ont obtenu des contreparties. Donc ce que nous considérons, il y a 3 ingrédients dans ce projet de loi qui sont essentiels et qui fonctionnent ensemble : on élargit l'objet de la négociation, pas sur tout, la loi restera garante bien sûr des salaires, la loi restera garante de la durée légale des conditions de sécurité, des conditions de santé, mais nous élargissons sur des sujets relatifs à l'organisation du travail, à la question du temps de travail. Et donc nous élargissons l'objet de la négociation mais nous mettons un verrou qui est une vraie garantie pour les salariés qui est que l'accord doit être majoritaire. C'est-à-dire que l'accord doit être signé par des organisations syndicales qui représentent plus de 50 % des salariés ; et en plus dans ce projet de loi, nous donnons plus de moyens aux syndicats et aux négociateurs à la fin en termes de formation, mais en leur donnant 20 % de moyens supplémentaires afin justement qu'ils aient les capacités de jouer ce rôle de la négociation. Donc en effet, nous considérons qu'il faut décentraliser sur certaines thématiques, celles qui relèvent du quotidien des salariés. Décentraliser, c'est-à-dire permettre aux acteurs de l'entreprise de pouvoir s'adapter et de juger justement l'intérêt d'un accord.
PATRICK COHEN
Qu'est-ce que vous attendez de l'examen du texte au Sénat cette semaine, à partir d'aujourd'hui ?
MYRIAM EL KHOMRI
L'examen va durer à peu près 15 jours au Sénat, le projet de loi que je porte a été beaucoup détricoté dans le cadre de la Commission des affaires sociales. Il a été traité pour ce qu'il est, une loi de gauche, c'est-à-dire que les sénateurs dont la majorité est à droite au Sénat les sénateurs ont donné par exemple... pour moi la loi a une garantie très forte, par exemple sur la durée légale du travail, la durée légale c'est 35 h 00, à partir de la 36ème heure elle doit être considérée comme une heure supplémentaire, donc majorée. Les sénateurs par exemple très concrètement ont mis une durée de référence du temps de travail qui est de 39 h 00 et que par accord d'entreprise, on peut aller à 40, 41, 42 h 00, c'est-à-dire moins de pouvoir d'achat pour les salariés. Les sénateurs
PATRICK COHEN
Oui mais dans le cadre d'un accord d'entreprise aussi. Pourquoi ne pas étendre à la durée du travail ce que vous proposez pour l'organisation du temps de travail ou pour les heures supplémentaires ?
MYRIAM EL KHOMRI
Parce que je considère que tout ne doit pas aller au niveau de l'entreprise. Ce que nous avons mis dans ce projet de loi, c'est ce qui fait le quotidien des salariés : la question des temps d'habillage, de déshabillage, des heures de récupération, les heures perdues, des choses très concrètes de la vie quotidienne.
PATRICK COHEN
De la semaine de travail aussi, la durée
MYRIAM EL KHOMRI
La durée légale, je considère que la question du salaire, des classifications, de la durée légale, des conditions de sécurité et de santé au travail relèvent de la loi et doivent relever de la loi.
PATRICK COHEN
Analyse du conflit par votre collègue Jean-Marie LE GUEN, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement ce matin dans Les Echos : ce sont les convulsions d'une gauche radicale qui n'a jamais digéré l'échec du communisme et qui a l'impression que le monde lui échappe. Il a raison ?
MYRIAM EL KHOMRI
C'est les propos de c'est les propos de Jean-Marie LE GUEN. Moi je crois qu'il y a en effet une culture une bataille culturelle autour de ce projet de loi. Je considère en effet que dans une économie mondialisée, il faut réussir à trouver des nouvelles formes de régulation sociale, qu'aujourd'hui un cadre rigide ne nous permet pas de répondre par exemple dans une entreprise très concrètement à un pic de commandes et pic d'activité. Alors est-ce que la compétitivité c'est un mot tabou ? Non et est-ce que lorsqu'on dit qu'on veut développer l'activité, développer les entreprises on passe du côté obscure de la force ? Non plus. Donc moi, je porte un projet de loi qui veut, qui montre bien que progrès social et progrès économique sont partie liés dans un même mouvement.
PATRICK COHEN
L'analyse de Jean-Marie LE GUEN était plus politique, si je peux me permettre : la gauche radicale, les convulsions, la nostalgie du communisme !
MYRIAM EL KHOMRI
Mais moi je crois que si être révolutionnaire, c'est le statu quo, je ne considère pas cela de cette manière-là. Et je crois qu'aujourd'hui, on doit trouver les capacités justement nous, nous aimons les entreprises et nous aimons les syndicats. Permettez-moi peut-être de rester sur le projet de loi, mais je crois qu'il est essentiel aussi de rappeler à chaque instant ce qu'il permet aussi dans notre pays.
PATRICK COHEN
Myriam EL KHOMRI, ministre du Travail, vous serez interpellée dans quelques minutes par les auditeurs d'Inter.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 juin 2016