Déclaration de Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes, sur l'égalité et la parité entre les femmes et les hommes, Paris le 15 juin 2016.

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Je souhaite tout d'abord remercier la présidente pour son engagement total en faveur des droits des femmes et le haut conseil à l'égalité ainsi que toutes les personnalités qui ont contribuées à l'élaboration de ce rapport sur un sujet capital. Les principales batailles que je conduis ont trait aux violences faites aux femmes, au harcèlement, aux stéréotypes sexistes, aux luttes contre les violences faites aux enfants et donc à la protection de l'enfant.
L'éducation à la sexualité ne doit pas se comprendre comme étant simplement un enseignement biologique, mécanique. L'éducation à la sexualité, c'est d'abord l'éducation à l'autre, à son désir, à son consentement.
Aujourd'hui, le rapport du HCE qui s'appuie sur les nombreuses recherches internationales sur le sujet, montre que la majorité des adolescent.e.s n'ont souvent pas les connaissances requises pour aborder sereinement les périodes charnières de sa vie.
Ce manque d'information les expose à des risques sérieux en matière de violences, de santé (Infections Sexuellement Transmissibles et grossesses non désirées), de bien-être physique et mental.
Le droit à une information complète en matière de santé sexuelle et reproductive est un droit universel, faisant partie du droit au meilleur état de santé physique et mental possible, reconnu dans la déclaration universelle des droits humains, et dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Il s'agit d'un droit fondamental de toute personne et à ce titre, en tant que gouvernement nous avons la responsabilité et le devoir de mettre en oeuvre les programmes d'éducation à la sexualité, dans et hors de l'école, de former les professionnels à partir des standards internationaux, notamment ceux définis par l'organisation mondiale de la santé (OMS).
Les programmes incluent des informations scientifiques précises sur l'anatomie, la reproduction et la sexualité, mais les besoins des adolescents et des jeunes vont bien au-delà de ces informations (…). Ils doivent pouvoir s'exprimer sur ces sujets, ils doivent pouvoir en parler avec leurs mots. Ils doivent pouvoir trouver des réponses à leurs questions à l'école et dans leur famille, auprès des professionnels de santé, ou des encadrants des dispositifs de d'accueil des jeunes mineurs.
La France en matière de santé sexuelle et reproductive pour les adolescent.e.s et les jeunes poursuit des objectifs clairs : la diminution des risques de grossesses non désirées, des IVG évitables, desIST, des rapports violents ne respectant pas l'intégrité physique et/ou morale des personnes.
Pour être efficace, cette stratégie de prévention passe d'abord et avant tout par l'information et l'éducation sexuelle dans les établissements scolaires mais aussi à travers les actions d'accompagnement dans les lieux extra-scolaires et en direction des populations en situation difficile. En effet, les difficultés sociales, scolaires et financières ont une influence importante sur les comportements face à la sexualité et à la grossesse. (Je reprends à mon compte le constat dressé par un grand gynécologue : trop de jeunes ne connaissent la sexualité que par la pornographie ou l'interdit religieux.
Ces actions sont d'autant plus nécessaires qu'une quantité d'informations non fiables circulent sur ces questions, facilement accessibles sur les sites internet ou les forums de discussion.
Madame la Présidente, le rapport dresse un état des lieux nuancé de la mise en oeuvre de la politique d'éducation à la sexualité en France.
Les principaux obstacles relevés sur le terrain dans la mise en oeuvre de cette politique prennent des formes diverses.
Je souligne tout d'abord que le cadre légal concernant l'information et l'éducation à la sexualité parait adapté dans son économie générale et les recommandations du rapport n'impliquent pas de modifications législatives ou réglementaires majeures.
Les enjeux se situent ailleurs et pour ma part, j'en soulignerai trois qui me semblent particulièrement décisifs.
1- Tout d'abord, l'approche trop restrictive de l'éducation à la sexualité. En mettant l'accent sur les droits et les questions d'égalité des sexes, les programmes d'éducation à la sexualité permettent de réduire la violence et l'intimidation sexistes, donnent aux jeunes les moyens de défendre leurs droits et font progresser l'égalité entre les femmes et les hommes. Il est d'ailleurs prouvé que les programmes fondés sur l'égalité des sexes dans les relations sexuelles sont cinq fois plus efficaces dans la réduction des infections sexuellement transmissibles et des grossesses non désirées que ceux qui n'insistent pas sur cette égalité.
2- Ensuite, des marges de progrès importantes existent pour que l'éducation à la sexualité soit mieux prise en compte dans les différents lieux de prise en charge et de socialisation des jeunes : ainsi, à titre d'exemple, les actions engagées par le ministère de la justice sur ce volet concernant les jeunes accueillis par la protection judiciaire de la jeunesse seraient à conforter, la formation et l'outillage des personnels encadrant des centres de vacances et des encadrant sportifs également, ainsi que le développement des séances d'éducation à la sexualité dans les établissements sociaux et médico-sociaux. En France, des sites d'information sur la sexualité destinés aux jeunes, émanant d'institutions publiques ou d'associations reconnues (INPES, Mouvement français pour le planning familial, CHU de Strasbourg par exemple), coexistent avec de très nombreux sites de vulgarisation en santé. Certains sites, forums ou blogs ont un rôle délétère par la diffusion d'informations erronées. La littérature concernant les conséquences de l'accès massif à la pornographie sur les connaissances, attitudes et représentations des jeunes est alarmante. Comme l'écrit Israël Nisand : «La pornographie éduque les enfants à notre place»
3- Enfin, il importe de maintenir une impulsion politique forte sur les questions relatives aux questions de santé sexuelle et reproductive, qui suscitent de réelles préoccupations et qu'on aurait tort de croire résolues. Il faut le rappeler fermement. Il faut également lutter sans cesse contre les fausses idées qui circulent sur ces sujets. Les programmes d'éducation à la sexualité ne promeuvent pas une activité sexuelle plus précoce chez les jeunes. L'éducation en matière de sexualité est un moyen efficace et peu coûteux de prévenir, plutôt que de guérir. Il s'agit de l'une des interventions présentant le meilleur rapport coût-efficacité.
1- Nous devons avancer vers une véritable approche globale en matière d'éducation à la sexualité qui implique avec une coordination impliquant tous les ministères concernés. Il s'agit de veiller à ce que les sources et les outils d'information soient adaptées aux différents publics, mais aussi de favoriser le bon usages des technologies de l'information et de la communication, d'impliquer les acteurs locaux, de faire connaître les ressources et structures de recours, de créer une base de données publique de partage des supports de communication, de mettre en place des programmes complets et adaptés aux différents âges en milieux scolaire et non scolaire, avec un langage et un mode d'expression adapté à chaque public et en insistant sur la lutte contre les discriminations.
De nombreuses institutions sont impliquées dans l'offre d'éducation à la sexualité en France : les ministères chargés de la Santé, des Familles, de l'Enfance, des Droits des femmes, de l'Education nationale, de la Justice, de l'Intérieur. En France, un rôle primordial est confié à l'Education nationale avec une approche comprenant la prévention en matière de violences sexuelles, de sexisme, d'homophobie. De nombreux plans nationaux de santé publique et des dispositions juridiques comportent une part d'objectifs et d'actions en rapport avec l'éducation et l'information en matière de santé sexuelle et reproductive. Les dispositifs d'information et de sensibilisation des jeunes sont nombreux, et je souhaite particulièrement souligner l'importance et la valeur des campagnes de l'Inpes notamment à travers le site onsexprime.fr. L'information en matière de sexualité est également couverte par les centres de planification et d'éducation familiale (CPEF) et les établissements d'information, de consultation et de conseil familial (EICCF) et aussi par de nombreuses structures associatives comme le planning familial, l'association « je, tu, il », etc.
2- Ainsi, un plan d'action interministériel dédié à l'éducation à la sexualité pourrait prendre toute sa place dans le cadre du prochain comité interministériel aux droits des femmes et à l'égalité, dédié à la lutte contre le sexisme. Nous y travaillerons en lien avec les principaux ministères concernés. Il s'agira de renforcer les synergies entre les dispositifs existants mais aussi d'étudier de nouvelles pistes telles que l'expérimentation des interventions, en milieu scolaire, par les étudiants en médecine, en pharmacie, les élèves sages-femmes ou infirmiers.
Pour conclure et avant de te laisser la parole, chère Najat Vallaud Belkacem, je souhaite une nouvelle fois vous réaffirmer ma détermination. L'éducation à la sexualité, qui est d'abord l'éducation au respect est un enjeu politique.
Ce rapport permettra de donner un nouvel élan à la mise en oeuvre d'une pleine éducation à la sexualité en France portée par une politique interministérielle ambitieuse, pertinente et efficace.
L'éducation à la sexualité est un impératif éthique, un droit fondamental, l'un des meilleurs outils de prévention en matière de santé, de violence et un formidable vecteur de promotion de l'égalité et de la tolérance. Bref, pour résumer, l'éducation à la sexualité est tout simplement une question de bon sens.
Je vous remercie.
Source http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr, le 17 juin 2016