Interview de M. Alain Madelin, président de Démocratie libérale et candidat à l'élection présidentielle, dans "Le Parisien" du 29 novembre 2001, sur son voyage en Afghanistan et sur l'importance d'une aide humanitaire française.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Le Parisien

Texte intégral

Question : Etiez-vous en Afghanistan à titre privé ou en mission officielle ?
Alain Madelin : Je me suis rendu à Kaboul et dans la vallée du Panchir à l'invitation des forces du défunt commandant Massoud. J'étais l'un de ses amis, et j'ai toujours soutenu l'Alliance du Nord. Aujourd'hui, ce qui est frappant, c'est la juxtaposition du bonheur de la libération et du malheur au quotidien. Il y a des enfants qui souffrent, des maisons détruites, des villages rasés par les talibans, des écoles et des hôpitaux à reconstruire, des colonnes de réfugiés... Tout cela nécessite une aide humanitaire d'urgence. C'est ce qu'on attend de la France, plus qu'une aide militaire.
Question : Pour l'instant, l'aide humanitaire est toujours bloquée à la frontière ouzbeke...
Alain Madelin : Il va y avoir, très vite, des moyens d'envoyer une aide massive en Afghanistan. En passant par l'Iran ou le Pakistan, peut-être bientôt l'Ouzbékistan, et en utilisant les aéroports afghans. Celui de Bagram fonctionne déjà : on peut y établir immédiatement un pont aérien.
Question : Avez-vous évoqué le sort des 58 soldats français immobilisés en Ouzbékistan ?
Alain Madelin : Oui. J'ai soulevé ce problème avec mon ami le général Fahim (NDLR : chef militaire de l'Alliance) et le docteur Abdullah Abdullah, ministre des Affaires étrangères. Il faut des militaires français, mais pas plus que nécessaire. Les forces de feu Massoud ont contribué à libérer le pays et sont capables de sécuriser l'ensemble de l'Afghanistan. A condition, évidemment, que se mette en place très rapidement un gouvernement élargi et représentatif. Il n'y a pas besoin d'une présence occidentale trop massive.
Question : Cinquante-huit marsouins, ce serait trop ?
Alain Madelin : Cela paraît raisonnable. Ce qui ne serait pas acceptable, ce serait de voir débarquer des soldats occidentaux par milliers, alors que la bataille est en passe d'être gagnée. Une telle présence serait de nature à souffler sur les braises partout dans le monde musulman.
Question : L'Alliance du Nord fait un peu peur...
Alain Madelin : On lui fait un mauvais procès. Cela sert d'alibi à notre aveuglement d'hier. Massoud, encore vivant dans le coeur de beaucoup d'Afghans, était partisan d'un islam modéré, tolérant, ouvert aux droits de l'homme... et des femmes. Sa femme n'était pas voilée. Dans la vallée du Panchir, le voile n'était pas obligatoire (même si, du fait de la tradition, beaucoup de femmes portent le voile). Les gamins de nos banlieues feraient mieux de prendre Massoud pour héros que Ben Laden.
Question : Dénoncez-vous toujours l'absence de Paris dans cette guerre ?
Alain Madelin : Je maintiens qu'une présence de la France en Afghanistan, à un niveau élevé, serait la bienvenue. Je regrette vivement que le ministre de la Coopération, Charles Josselin, ait accompli un tour des pays de la région sans faire l'étape de Kaboul. Maintenant, un geste de Paris permettrait de dissiper les malentendus : Bernard Kouchner, par exemple, serait accueilli avec beaucoup de plaisir.
Propos recueillis par Henri Vernet
(source http://www.alainmadelin.com, le 30 novembre 2001)