Texte intégral
* Arabie Saoudite - Relations bilatérales - Lutte contre le terrorisme - Syrie - Liban
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d'accueillir une nouvelle fois à Paris mon homologue et collègue Adel al-Jubeir. Nous nous connaissons bien maintenant et nous échangeons régulièrement, dans un climat de confiance, et à l'image du climat qui existe entre nos deux pays.
Ce matin, nous avons poursuivi avec Adel al-Jubeir, les échanges que nous avons eus hier avec son altesse royale le prince Mohammed ben Salmane, vice-prince héritier et ministre de la défense du royaume d'Arabie Saoudite. La rencontre d'hier était particulièrement riche et utile, puisque son altesse est venue présenter aux autorités françaises et aux acteurs économiques français sa vision pour l'avenir de l'Arabie Saoudite, incarnée dans l'ambitieux plan de réformes qui s'appelle «Vision 2030».
C'est donc un moment très important pour bien comprendre les nouvelles priorités de l'Arabie Saoudite, pour bien comprendre aussi la stratégie d'adaptation du pays à la transition énergétique et à la mutation économique et technologique du monde, afin de donner à l'Arabie Saoudite toutes ses chances d'engager et de réussir son avenir, en particulier à travers la mise en oeuvre de cet ambitieux plan de réformes. C'était donc important et utile.
Cette visite témoigne de l'excellence des relations franco-saoudiennes, elle traduit aussi l'attachement personnel du vice-prince héritier au renforcement des relations particulières qui existent entre nos deux pays. Nous l'avons encore mentionnée ce matin, je vous remercie donc, Monsieur le Ministre de cette marque de confiance.
Nous avons abordé les questions régionales, comme nous le faisons souvent, et qui sont très importantes. Nous avons bien sûr évoqué la lutte commune que nous menons contre Daech en Irak et en Syrie, nous avons abordé tous les aspects de cette lutte. Nous nous retrouverons d'ailleurs à Washington les 20 et 21 juillet pour la réunion de la coalition contre Daech.
Concernant les questions régionales, nous avons partagé une large convergence de vues pour continuer à tout faire pour le rétablissement de la paix et de la sécurité.
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Nous avons aussi évoqué le conflit syrien, la situation en Irak, en Libye, au Liban et au Yémen. Sur tous ces dossiers, je le répète, nous partageons le même constat : c'est-à-dire que la voie politique est la seule voie possible pour trouver une solution à ces conflits, qui sont une véritable épreuve pour les populations concernés, en particulier en Syrie où, malheureusement, le cessez-le-feu est désormais interrompu et où l'aide humanitaire arrive au compte-gouttes. À nouveau, les réfugiés sont sur le chemin du départ et le processus de paix à Genève est stoppé. Nous avons donc décidé de joindre encore davantage nos efforts pour faire bouger cette situation dramatique.
Q - Monsieur le Ministre, vous recevez demain M. Lavrov ici-même. Quel est votre message à la Russie concernant le dossier syrien et quel levier pourrait-on actionner pour faire avancer les choses alors que, comme vous le dites, le cessez-le-feu est interrompu et que l'aide humanitaire n'arrive pas ?
R - En effet, demain je reçois mon homologue et collègue Sergueï Lavrov avec lequel nous ferons un large tour d'horizon, mais bien sûr nous consacrerons un moment important à la situation en Syrie.
Mon message est toujours le même lorsque nous discutons ensemble - c'était encore le cas lors de la réunion du groupe de soutien à Vienne, et nous avons échangé depuis - il n'y a pas de solution autre qu'une solution politique au conflit syrien. La Russie en est d'accord comme l'Iran d'ailleurs ; simplement, une fois que l'on a dit cela, que fait-on ? Si on veut que le processus politique puisse réussir, il faut que les négociations aient lieu et jusqu'à présent, ces négociations étaient conduites par l'envoyé spécial des Nations unies, M. Staffan de Mistura, à Genève, mais elles sont interrompues. C'est une réalité, c'est un fait.
Ma question à mon collègue Lavrov sera très claire : «Puisque vous êtes pour une solution politique, pourquoi ne créez-vous pas les conditions pour faire pression sur le régime de Damas et arrêter les frappes aériennes, en particulier contre l'opposition modérée, notamment à Alep ? Des frappes qui font des milliers de morts, des victimes, des destructions et qui, vous le voyez bien, ont pour conséquence d'arrêter l'accès de l'aide humanitaire et aussi d'arrêter le processus politique. Vous avez donc dans les mains une partie de la solution».
Je ne dis pas que c'est facile, il y a des négociations et des discussions qui sont complexes sur l'organisation de l'État syrien dont nous ne souhaitons pas d'ailleurs la destruction, puisque nous avons l'exemple irakien pour nous rappeler qu'il faut effectivement une stabilité. Mais cela commence par le cessez-le-feu. Il y avait eu un espoir après la déclaration de Munich en février dernier, où beaucoup pensaient que le cessez-le-feu n'était qu'une intention qui ne verrait jamais le jour. En réalité, il y a eu un résultat pendant plusieurs semaines mais depuis, les combats ont repris. C'est cette question essentielle, cette question centrale que je poserai : «Si vous voulez la paix, alors il faut un cessez-le-feu, c'est le préalable à tout le reste».
Je me rendrai moi-même au Liban les 11 et 12 juillet, où je ferai le tour de l'ensemble des parties, avec l'espoir d'être utile pour qu'enfin, une solution politique voie le jour et que le Liban se dote d'un président. (...).
* Israël - Territoires palestiniens
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Nous avons eu un long échange sur l'initiative française de paix au Proche-Orient. Adel al-Jubeir a confirmé le soutien de son pays à la démarche française. J'ai d'ailleurs salué le rôle particulier que l'Arabie Saoudite a joué le 3 juin, lorsque nous étions réunis ici à Paris, rôle particulièrement utile et constructif pour rapprocher les points de vue et affirmer la volonté commune de relancer un processus de paix, recréer les conditions d'une négociation entre les parties en réaffirmant très fortement la perspective de deux États, et pour redonner de l'espoir, en particulier aux Palestiniens.
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Q - Depuis la conférence de Paris, les Égyptiens ont fait une offre pour aider de manière directe. J'aimerais comprendre ce qu'est cette offre exactement, fait-elle partie de l'offre française ou est-ce en concurrence ?
R - Il n'y a pas de concurrence, il y a une complémentarité. Ce que nous souhaitons, c'est qu'il y ait une vraie sincérité pour changer la situation de blocage dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Le gouvernement israélien, qui n'est pas favorable à cette approche de la communauté internationale pour recréer un climat favorable au processus de paix, propose des négociations directes. Mais nous savons bien que les conditions ne sont absolument pas réunies pour que ces négociations aient lieu. C'est la raison pour laquelle il y a une attitude de blocage. Tout ce qui peut aider à faire bouger le point de vue israélien sera utile.
L'Égypte a proposé d'aider et ce n'est pas contradictoire avec la démarche que nous avons entreprise et qui se poursuit. En effet, depuis le 3 juin, nous avons préparé une nouvelle étape avec des groupes de travail qui vont se réunir juste après le Ramadan. J'ai écrit à tous les participants pour leur faire une proposition de méthode, une proposition thématique. Par ailleurs, le rapport du Quartet devrait enfin être rendu public et je pense qu'il montrera à quel point la situation est bloquée sur le terrain et notamment à cause de la colonisation. Il faut donc que les choses changent.
Et puis nous aurons, c'est une proposition que j'ai faite, une autre rencontre après celle du 3 juin, à l'occasion et en marge de l'assemblée générale des Nations unies, au cours de laquelle nous pourrons réunir tous les participants du 3 juin pour faire un nouveau point d'étape. (...).
* Union européenne - Référendum britannique
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Q - Concernant le Brexit, compte tenu de l'ambiance et des déclarations que l'on entend outre-Manche, vous paraît-il envisageable que le Royaume-Uni ne demande jamais à sortir de l'Union européenne et n'active jamais le processus ?
R - Sur cette question qui intéresse tout le monde, le vote du peuple britannique n'est pas sans provoquer des échanges entre nous et sans exprimer aussi des inquiétudes. Mais c'est un fait, les Britanniques ont choisi, et il faut respecter le vote du peuple britannique. Ce sera l'objet de la réunion du Conseil européen aujourd'hui : définir très clairement la méthode, dans le cadre de l'article 50 du Traité sur l'Union européenne qui permet, une fois que la notification aura été faite par les autorités britanniques, d'engager cette négociation.
Je pense que quand on prend la décision, comme l'a fait le Premier ministre David Cameron, d'organiser un référendum de cette importance, j'imagine que l'on mesure la responsabilité que l'on prend. Il n'y a aucun doute sur la volonté d'assumer les conséquences, c'est-à-dire le choix des citoyens, et donc, de respecter ce choix.
Respecter le choix des citoyens britanniques, c'est respecter la décision de sortir de l'Union européenne. Cela ne veut pas dire que, pour autant, qu'il n'y aura plus de relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. C'est justement l'objet des négociations qui doivent s'ouvrir et je souhaite, je le répète, que cela se fasse le plus vite possible, parce que c'est un intérêt commun.
Toute période d'incertitude qui durerait serait gravement préjudiciable, aussi bien aux Britanniques, au Royaume-Uni dans sa cohérence, mais aussi à tous les Européens. Nous respectons le vote du peuple britannique, comme nous demandons que les autorités en charge du gouvernement et les futures autorités respectent aussi la volonté des 27 autres pays européens de poursuivre, et même d'améliorer le projet européen.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juin 2016