Texte intégral
Monsieur le député-maire de Forcalquier, cher Christophe Castaner,
Monsieur le député et Président du Conseil Départemental des Alpes-de-Haute-Provence, cher Gilbert Sauvan,
Monsieur le sénateur, cher Jean-Yves Roux,
Monsieur le préfet des Alpes-de-Haute-Provence
Madame la sous-préfète de Forcalquier,
Madame la maire d'Ongles, chère Maryse Blanc,
Monsieur le Président de l'association des rapatriés d'anciens combattants d'Afrique du Nord,
Mesdames, Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et messieurs,
« Il y a cinquante ans, la France a abandonné ses propres soldats, ceux qui lui avaient fait confiance, ceux qui s'étaient placés sous sa protection, ceux qui l'avaient choisie et qui l'avaient servie. » Ainsi s'exprimait le Président de la République, François Hollande, dans un message aux Anciens Combattants en septembre 2012.
La France, des décennies après, admet officiellement sa responsabilité directe dans les tragédies vécues par les anciens membres des forces suprématies et par leurs familles. Cette reconnaissance et ce travail de reconnaissance mémorielle ne doivent pas attiser les rancurs et les ressentiments.
La réconciliation des mémoires doit être la fille de la vérité. C'est la paix qu'il faut partout rechercher désormais, au nom de la fraternité qui nous unit, et de la vérité historique qu'il faut regarder en face.
La France a donc reconnu aujourd'hui que lui incombe un devoir de mémoire et un devoir de réparation.
Pour les harkis déracinés qui eurent, après l'indépendance, à fuir les massacres et les répressions revanchardes, les hameaux de forestage furent des lieux d'accueil, des lieux de vie, des lieux aussi de révoltes sociales. Au total, 69 hameaux ont été construits. Au milieu des années 1980, on en dénombrait encore une vingtaine.
Cette mémoire, parfois oubliée, doit être pleinement honorée. Depuis juillet 2015, je visite les lieux où ont été installés des hameaux de forestage pour veiller à ce que partout où le devoir nous l'impose, une plaque du souvenir soit posée. J'étais ainsi dans le Gard, hier, au camp de Saint-Maurice l'Ardoise.
Le 6 septembre 1962, la vie d'Ongles, petit village rural de 237 habitants, connaît une nouvelle dimension avec l'accueil de 25 familles de harkis, soit 133 personnes au total, en provenance du camp de transit du Larzac. Ces familles étaient, pour la majorité, originaires de la région de Palestro, en Grande Kabylie.
Tandis que les hommes sont employés comme ouvriers forestiers, les épouses et les jeunes enfants tentent de s'adapter à une nouvelle cohabitation sociale.
Les conditions de vies sont dures. Dans les premières semaines, les réfugiés vivent dans des tentes. Des préfabriqués sont installés à la hâte pour assurer un accueil un peu plus digne. La vie est réglementée, encadrée.
Avant 1962, le petit village d'Ongles était en voie de dépeuplement. L'arrivée des familles de harkis permet de sauver de la fermeture l'école de la commune. La plupart des habitants voient avec l'arrivée de ces nouvelles familles une source de renouveau. Le journal Le Provençal décrit des « vrais gars du pays ».
Dès le 26 décembre 1962, les anciens harkis font acte de reconnaissance de la nationalité française à la mairie d'Ongles, en présence du juge du tribunal d'instance de Forcalquier.
En 1964, le hameau est transformé pour devenir un centre de préformation pour les jeunes issus des familles harkis. Au milieu des épreuves, il y a néanmoins des rayons de soleil, comme par exemple en 1966. Le Centre, où l'activité sportive était intense, est alors sacré champion départemental des établissements d'enseignement.
Le souvenir du camp vit encore aujourd'hui grâce au dévouement du personnel de la Maison d'Histoire et de Mémoire. La maison présente une exposition permanente qui attire de nombreux visiteurs. Elle montre les péripéties et parfois les tragédies du parcours des harkis, leurs conditions de vie dans le hameau.
Elle montre les visages de la mémoire d'Ongles. Le courage du lieutenant Yvan Durand, qui réussit à conclure un accord pour l'installation dans la commune des familles harkies.
Le lieutenant décède en 1986, dans un accident de circulation alors qu'il allait aider un descendant de supplétif en difficulté.
Ongles, c'est aussi la générosité du maire de l'époque, André Laugier et de son adjoint, Raymond Raybaud, comme la générosité de toute une population. Le dévouement de la monitrice, Mme Compas, qui organise de nombreuses activités pour les jeunes du camp.
En hommage à ces figures d'engagement, le ministère de la Défense est particulièrement attaché à la promotion de la mémoire des harkis. C'est pourquoi je tiens à vous annoncer ici que, conformément à la convention triennale que nous avons signée en 2014, la troisième tranche de 12 000 va être versée à la Maison d'Histoire et de Mémoire d'Ongles. Et je veux réaffirmer ici que la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, direction rattachée au ministère de la Défense, aide et continuera d'aider la Maison d'Histoire et de Mémoire d'Ongles.
Je félicite l'association des amis de la Maison pour leur travail de mémoire. L'association mène de nombreuses actions au service de la mémoire harkie, dont l'organisation de voyages scolaires et de journées d'études. Je suis très attaché à la transmission de la mémoire harkie aux jeunes générations. Ce sont elles qui permettront à cette mémoire de ne pas s'éteindre. Il s'agit d'un devoir moral envers ceux dont la confiance n'a pas été honorée.
Je remercie aussi la mairie d'Ongles, qui a tenu par exemple à organiser dès 2003 l'exposition « Ils arrivent demain » sur le site historique du Château de la commune.
Partout dans le pays, dans le cadre du « plan harkis » voulu par le Premier Ministre et qui se met en place activement sous mon autorité, des témoignages de confiance et de solidarité sont adressés aux anciens supplétifs. Le plan prévoit des mesures matérielles, comme la revalorisation de l'allocation de reconnaissance. Dans l'optique d'une simplification des démarches, l'Office National des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre est également devenu pour les harkis le guichet unique.
Le plan « harkis » prévoit également des actes de reconnaissance mémorielle, par la pose des stèles, par la promotion de l'exposition « Parcours de harkis » qui a été présentée aux élèves du département à travers la mise en place de partenariats. De plus, dans tout le département, les services de l'ONAC-VG enregistrent les témoignages oraux des harkis.
C'est ainsi que nous faisons et que nous continuerons de faire vivre la mémoire des harkis.
C'est ainsi que nous honorons et que nous continuerons d'honorer la mémoire de leur sacrifice.
C'est ainsi que nous faisons face, avec courage et fraternité, à la vérité et à l'histoire.
Comme le déclarait le Premier Ministre en septembre 2014, « c'est cela la République : ne rien oublier du passé, mais toujours ensemble envisager l'avenir. Avec reconnaissance. Avec confiance. »
C'est un message que je fais mien et que je suis venu renouveler devant vous ce jour.
Pour conclure, je voudrais vous remercier Madame la maire, chère Maryse Blanc, pour tout ce que vous faites en faveur de l'entretien de cette mémoire des harkis qui nous est commune. Merci aussi pour votre investissement et celui de toute votre équipe, investissement remarquable dans la vie locale. Grâce à vous, votre secteur est plein de vitalité et d'énergie.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 7 juillet 2016