Texte intégral
JEROME CHAPUIS
Bonjour Matthias FEKL.
MATTHIAS FEKL
Bonjour Jérôme CHAPUIS.
JEROME CHAPUIS
Alors je l'ai dit, vous avez la double nationalité franco-allemande, vous êtes né en Allemagne, membre du gouvernement français. Ce soir, pas de dilemme ?
MATTHIAS FEKL
Non, aucun, je n'ai jamais eu de dilemme là-dessus, j'ai toujours soutenu l'Equipe de France, mais c'est deux très belles équipes qui vont s'affronter et se faire face, malheureusement
JEROME CHAPUIS
Vous voyez la France gagner ?
MATTHIAS FEKL
J'espère, j'espère que la France fera mentir l'adage selon lequel le foot est un sport qui se joue à 11, et où, à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne.
JEROME CHAPUIS
Alors, vous avez les deux cultures, vous avez grandi en Allemagne jusqu'à vos 18 ans, je crois. Un match comme celui-ci, ce soir, ça représente autant du côté français que du côté allemand ?
MATTHIAS FEKL
Ah oui, il y a un aspect de mobilisation nationale quasiment derrière les deux équipes, et le foot, c'est un peu la continuation de la politique par d'autres moyens, sans faire trop de métaphores, c'est pour un pays l'occasion de se retrouver, de soutenir une équipe, d'avoir vraiment des réflexes extrêmement forts, et ça, ça vaut en France, ça vaut en Allemagne, où, vous savez, le pays s'est aussi retrouvé autour de son équipe, après la réunification, il y a eu des moments vraiment quasiment de communion nationale autour de l'équipe, nous avons connu ça aussi en 98, et j'espère que ce soir sera un très beau match, et ensuite, une très belle victoire pour la France.
JEROME CHAPUIS
Alors, une compétition comme celle-ci, ça joue aussi un rôle sur notre économie. Vous êtes chargé du tourisme, il y a beaucoup de touristes qui viennent à l'occasion de cet Euro, on est à quatre jours de la fin de la compétition, est-ce qu'on peut déjà faire un premier bilan ?
MATTHIAS FEKL
Non, il est trop tôt pour faire le bilan, on le fera, mais aujourd'hui, je ne peux pas communiquer de chiffres, ce qui est sûr, c'est qu'il y a eu un grand succès, alors que certains voulaient annuler les fan-zones, voulaient mettre un terme à cette grande fête, nous avons réussi à ce que ça se déroule bien, dans des conditions par ailleurs difficiles, et donc la fête a été au rendez-vous, c'est effectivement un événement touristique, c'est aussi un moment où les regards sont braqués sur notre pays, et je crois qu'il a montré quand même, malgré les difficultés, sa capacité à accueillir, à ce que les matchs dans la plus grande majorité se passent bien, ça, c'est positif.
JEROME CHAPUIS
Alors, il y a un autre match France-Allemagne qui se joue en coulisses, depuis une quinzaine de jours, sur les conséquences du Brexit, on en parlait à l'instant avec François LENGLET, Paris et Berlin ne semblent pas sur la même ligne, nous sommes, pile, deux semaines après le vote, et on a l'impression que l'Europe n'a pas de stratégie.
MATTHIAS FEKL
Non, alors, d'abord, c'est quelque chose d'inédit, c'est la première fois dans l'histoire européenne qu'un Etat fait le choix de sortir
JEROME CHAPUIS
Non, mais, les Français veulent aller vite, que Londres, que les Anglais s'en aillent, les Allemands, il semble qu'il soit urgent d'attendre
MATTHIAS FEKL
Non, je crois qu'il y a un accord, et le Conseil européen l'a montré, sur le fait qu'il faut clarifier les choses, parce qu'il y a une grande incertitude économique, ça a été rappelé dans la chronique tout à heure, et il faut que les choses soient claires, il faut notifier rapidement maintenant, de la part des Britanniques, la volonté de sortir, ensuite, il faut engager les négociations de sortie, et puis, il faut engager une autre série de négociations en parallèle, c'est comment associer le Royaume-Uni économiquement à l'Europe ; le Royaume-Uni, pour la France, c'est 30.000 entreprises qui exportent là-bas, c'est 8 % de nos exportations, et c'est notre premier excédent commercial à 14 milliards d'euros d'excédent en 2015. Donc vous voyez les enjeux. Et il faut donner là-dessus de la visibilité, de la stabilité, et de la sécurité. C'est ça la stratégie française et c'est pour ça que le président a dit : il faut aller vite pour que les choses soient claires, c'est tout. Et on ne peut pas être dedans et dehors et trop faire traîner les choses, sinon, il y a un risque de blocage sur l'Union européenne tout entière.
JEROME CHAPUIS
Donc vous avez entendu François LENGLET, vous craignez une crise financière, et une éventuelle contagion sur le reste de l'Europe ?
MATTHIAS FEKL
Non, je ne crois pas qu'il faille être là-dessus alarmiste, mais il faut prendre les décisions qui permettent d'éviter ça, parce que, effectivement, il y a de la déstabilisation, il y a du doute des deux côtés de la Manche, et même de a part des investisseurs dans le monde entier, donc il faut prendre les bonnes décisions, aller vite sur les négociations de sortie pour que ce soit clair, voir rapidement comment associer le Royaume-Uni à l'économie européenne, voilà ; il faut juste de la clarté, et c'est ça la stratégie européenne.
JEROME CHAPUIS
Et cette association avec le Royaume-Uni, elle peut se faire sur la base d'une concurrence et d'un dumping fiscal, un impôt sur les sociétés deux fois inférieur au nôtre, comme on en prend le chemin là-bas ?
MATTHIAS FEKL
C'est le risque, le risque, c'est que maintenant, le Royaume-Uni soit acculé à se transformer en paradis fiscal, ce qui serait évidemment désastreux pour
JEROME CHAPUIS
Ce risque existe ?
MATTHIAS FEKL
Je pense que le risque existe, et que ça peut être une des stratégies, après avoir eu comme stratégie de construire une industrie financière extrêmement robuste, qui était une porte d'entrée dans le marché européen, maintenant que cette porte d'entrée va être fermée, et que d'ailleurs, nous sommes en France en train de regarder comment nous-mêmes attirer des sièges sociaux, comment attirer aussi des talents qui souhaitent travailler chez nous, ce risque existe. Donc l'Europe
JEROME CHAPUIS
Alors, Paris a les moyens de devenir une capitale européenne de la finance ?
MATTHIAS FEKL
Incontestablement, le Premier ministre était hier à Paris Europlace pour échanger là-dessus, avec toute une série d'annonces qui sont faites
JEROME CHAPUIS
Ce n'est pas complètement contradictoire avec le message de François HOLLANDE au Bourget : mon adversaire, c'est la finance ?
MATTHIAS FEKL
Ça n'empêche pas de vouloir établir des règles sur la finance, de vouloir ce que je fais d'ailleurs, notamment dans les négociations avec les Etats-Unis avoir un degré extrêmement exigeant sur la transparence, sur la fiscalité, ce n'est pas contradictoire, et il ne s'agit pas de faire n'importe quoi, de dire : vous n'allez plus jamais payer d'impôts, etc. Non, mais dire que la France est au coeur de l'Europe un pays qui peut attirer des entreprises, des sièges sociaux, ça, ça me semble une évidence, et faire le contraire serait une faute.
JEROME CHAPUIS
Alors, ce n'est pas du football, mais il y a un jeu en ce moment dans les rédactions, ces derniers temps, les journalistes cherchent au sein du gouvernement des amis d'Emmanuel MACRON, est-ce que vous en faites partie ?
MATTHIAS FEKL
D'abord, la politique, ce n'est pas un jeu, et en particulier dans les situations aussi graves que celle de notre pays. Et donc on n'est pas ami, on est collègue, on travaille d'ailleurs bien ensemble sur toute une série de dossiers, donc c'est ça la situation.
JEROME CHAPUIS
Vous avez eu une phrase cette semaine à l'Assemblée nationale, vous disiez : il n'est pas possible d'être dedans et dehors, c'était à propos du Brexit, mais vous avez ajouté : c'est comme au gouvernement, d'ailleurs.
MATTHIAS FEKL
Oui, d'ailleurs, il était frappant de voir que
JEROME CHAPUIS
Vous visiez Emmanuel MACRON ?
MATTHIAS FEKL
Eh bien, en tout cas, tout le monde l'a compris comme ça, ce qui prouve qu'il y a un problème. Moi, je considère sur cette situation qu'il faut aujourd'hui clarifier les choses, on ne peut pas être dedans et dehors.
JEROME CHAPUIS
Ça veut dire qu'il est temps qu'Emmanuel MACRON quitte le gouvernement ?
MATTHIAS FEKL
Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Ça veut dire qu'il faut clarifier, et soit, on est dedans, on est dedans, soit, on est dehors, on est dehors, mais il ne peut pas y avoir les deux.
JEROME CHAPUIS
Il est probable qu'il annonce très prochainement une candidature à la présidentielle, au moment où il le fera, il faudra qu'il ait quitté le gouvernement.
MATTHIAS FEKL
Mais à partir du moment où on entre en campagne, comme cela semble être dit maintenant, il faut en tirer les conséquences, le gouvernement de la France, c'est quelque chose de sérieux, ça implique beaucoup de responsabilités, beaucoup de travail, beaucoup de décisions, en particulier sur les dossiers économiques, et donc encore une fois, il faut clarifier, ça ne veut pas dire dehors, ça veut dire dedans ou dehors.
JEROME CHAPUIS
Merci Matthias FEKL d'avoir été l'invité de RTL ce matin.
(Jingle)
Alors Matthias FEKL, vous restez avec nous, car Cyprien CINI, qui est à mes côtés, vous a écouté, et alors, il a tout compris.
CYPRIEN CINI
Oui, enfin, j'ai surtout compris pourquoi on vous avait invité, vous, ce matin, Matthias FEKL, eh oui, parce que si je vous dis qu'en fait, c'était pour parler TAFTA, TTI, PME, mais que malheureusement, dommage pris par le temps, on n'a pas pu en dire un mot, vous
MATTHIAS FEKL
J'aurais répondu à toutes vos questions
CYPRIEN CINI
C'est gentil
MATTHIAS FEKL
Ce que j'ai fait longuement à l'Assemblée nationale
CYPRIEN CINI
Ça aurait été gentil, mais bon, on n'a pas eu le temps, voilà, vous avez raison, en fait, entre une banderille sur votre collègue, pas votre ami, vous l'avez dit, Emmanuel MACRON, qui doit être crevé d'ailleurs ce matin, il était à l'anniversaire de Line RENAUD hier soir, vous avez raté ça, vous n'avez pas été invité, dites donc, et le fait d'être franco-allemand, et ministre un jour d'Allemagne-France de foot, on ne pouvait pas vraiment faire autrement, oui, c'est un peu comme si la droite déposait une motion de censure, et que du coup, elle soit privée de match à cause des débats, tiens, d'ailleurs, c'est peut-être pour ça qu'elle n'a pas déposé de motion de censure, non, enfin, encore une preuve de l'épuisement de nos institutions, que vous rêvez de changer, surtout cette 5ème République et son 49.3, mais vous êtes quand même dans un gouvernement qui l'utilise, le 49.3, ce n'est pas toujours simple, la politique. Alors, vous réfléchissez à l'avenir, et pour élaborer une nouvelle Constitution, vous verriez bien la création d'un groupe représentatif de la population, c'est ce que vous appelez l'exemple islandais. D'ailleurs, avant de s'occuper de la réforme, pour l'instant, l'exemple islandais, ça serait surtout pas mal qu'il inspire vos amis allemands pour le foot, parce qu'une défaite 5-2 face aux Bleus, ça nous irait, c'est peut-être ça l'important aujourd'hui.
MATTHIAS FEKL
C'est important, la réforme démocratique aussi, il y a une crise démocratique, c'est pour ça que j'ai fait des propositions sur de nouvelles institutions, une nouvelle République, et y compris au sujet du 49.3, mais aujourd'hui, on est dans un système institutionnel qui est ce qu'il est, et le 49.3 résume bien le rapport complexe de la gauche avec la 5ème République, c'est pour ça que moi, je propose de changer de République, d'aller vers une nouvelle République qui réponde à la crise démocratique que nous traversons.
JEROME CHAPUIS
Et on va se pencher, grâce à vous, Matthias FEKL, ce matin, et grâce à Cyprien CINI, sur l'exemple islandais, ils sont un peu moins nombreux que nous, c'est moins difficile d'organiser une démocratie dans un petit pays, mais merci d'avoir été avec nous en tout cas ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 juillet 2016