Texte intégral
Merci, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les Députés, pour votre invitation. C'est toujours un plaisir et un honneur pour moi que de m'exprimer devant votre commission, dans le cadre d'auditions conjointes ou pas ; je suis, en tout cas, à la disposition du Parlement.
Je vais essayer d'évoquer en une vingtaine de minutes les différents sujets que vous avez abordés, Madame la présidente. Ils sont tout de même très vastes ; aussi pourrai-je préciser mon propos ensuite, à la faveur de vos questions.
Représentant 8% de notre richesse nationale, et avec 2 millions d'emplois qui y sont liés, le tourisme est un secteur majeur de notre économie, en pleine expansion. Selon les projections de l'Organisation mondiale du tourisme, agence spécialisée de l'Organisation des Nations unies (ONU), le nombre de touristes aura presque doublé en 2030, passant d'un milliard actuellement à 1,8 milliard en 2030. La France est la première destination touristique au monde, avec 85 millions de touristes accueillis l'an dernier. L'objectif est d'en accueillir 100 millions par an à l'horizon 2020. Le tourisme, ce sont des métiers magnifiques, partout, dans nos régions, dans nos territoires, dans les territoires que vous connaissez. La volonté du gouvernement est donc forte, même s'il s'agit évidemment de mener cette politique en lien avec les acteurs de terrain. M. Laurent Fabius l'a pilotée au Quai d'Orsay à partir de 2014 ; c'est désormais M. Jean-Marc Ayrault qui le fait. Au niveau des secrétaires d'État, je travaille étroitement avec Mme Martine Pinville, plutôt chargée des aspects internes, notamment le suivi des métiers, tandis que je m'occupe plutôt de la promotion, à l'international.
L'actualité est contrastée. Des faits que je ne mets évidemment pas sur le même plan, mais qui se conjuguent, ont pu dissuader des touristes de venir et compromettre l'organisation d'événements : les attentats qui ont frappé notre pays, un certain nombre de phénomènes météorologiques, etc. Les chiffres ne sont donc pas bons, notamment à Paris et dans la région capitale. Il est un peu tôt pour un bilan exhaustif et précis ; je le ferai dès que nous aurons des données fiables. Il faut, bien sûr, distinguer selon les secteurs, les types de tourisme, etc., mais nous savons que la tendance n'est pas très bonne. La situation est globalement meilleure dans les autres régions. Des gens souhaitent visiter la France mais évitent, pour les raisons que j'ai indiquées, Paris. La mobilisation est très forte, notamment de la part de la maire de Paris et de la présidente du conseil régional d'Île-de-France.
J'ai réuni hier les acteurs des contrats de destination. Il s'agit là de marques touristiques à vocation internationale que nous avons contractualisées, avec les acteurs territoriaux, au ministère des affaires étrangères. Au-delà de la qualité des projets, les contrats de destination devaient remplir deux grands critères. Le premier était d'avoir une lisibilité à l'international. S'il y a une chose dont les touristes se moquent, ce sont les limites administratives françaises : quand on va quelque part, on ne se demande pas en permanence dans le ressort de quelle entité administrative on se trouve. Il faut travailler ensemble, c'est l'idée de ces contrats de destination, et cela fonctionne. Le deuxième critère, c'est la lisibilité depuis l'international. Chaque territoire doit s'en sortir, pouvoir jouer sa carte, mais, en même temps, quand on présente quelque chose, il faut que ce soit lisible, que les gens découvrent de grandes destinations. Lors de chacun de mes déplacements à l'étranger, j'ai à coeur de faire la promotion de ces contrats de destination.
Je lance d'ailleurs une invitation par votre intermédiaire : que tous les acteurs du tourisme qui le souhaitent m'accompagnent dans les déplacements à l'international. Chaque fois, nous organisons des rendez-vous très précis, avec des relais, que ce soit des tour-opérateurs, des journalistes ou des blogueurs qui font la tendance. Nous avons ciblé, bien sûr, les pays au très fort potentiel mais aussi ceux dont les ressortissants ont été moins nombreux à visiter notre pays l'an dernier - le Japon, les États-Unis, la Chine ainsi qu'un certain nombre de nos voisins européens. Il ne faut pas hésiter. Cela fonctionne, et cela peut apporter un plus. Nous continuons à travailler la question, et nous préparons en ce moment la conférence annuelle du tourisme, qui se tiendra à la fin de l'année. L'idée est aussi d'actualiser la feuille de route issue des Assises du tourisme et de travailler avec tous les professionnels. Il s'agit non pas de décréter une politique depuis Paris mais, au contraire, d'associer les acteurs du tourisme - collectivités territoriales, opérateurs publics et entreprises - à cette construction. Vraiment, Mesdames et Messieurs les députés, n'hésitez pas, c'est extrêmement porteur.
Un fonds d'investissement d'un milliard d'euros est mis en place à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Il n'est pas si fréquent, pour moi, d'annoncer quelque part qu'il y a de l'argent : j'en profite donc. En l'occurrence, il y a de l'argent pour accompagner la montée en gamme de notre offre touristique, l'innovation, les hébergements. Il ne faut pas hésiter. Le directeur général de la CDC fait en ce moment un tour de France pour présenter ce fonds et les critères d'éligibilité. Cela peut intéresser beaucoup de monde, y compris dans vos territoires. Nous savons qu'il faut adapter l'offre. Les différents axes de travail que nous avions identifiés avec les professionnels, autour de l'accueil, de l'hébergement, du numérique, exigent aussi un accompagnement financier. C'est l'idée de ce fonds, qui peut par ailleurs être complété par des fonds du programme d'investissements d'avenir (PIA), qui s'orientent aussi vers le tourisme - il faut respecter un critère d'innovation assez exigeant, mais qui permet aussi de faire entrer les projets «dans les clous».
Nous pouvons évidemment parler des aspects numériques de la question, mais le Parlement y a déjà beaucoup travaillé. Une étape importante a été franchie. L'idée est double. Il s'agit tout d'abord de veiller à ce que la concurrence entre les nouveaux acteurs du tourisme - les plateformes - et les acteurs traditionnels soit équitable. Des règles, des normes très exigeantes s'appliquent aux professionnels du tourisme. Toute concurrence déloyale est évidemment hors de question. Votre assemblée y a travaillé et la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour une République numérique est parvenue à un bon équilibre. Dans le même temps, il faut aussi s'inscrire dans les tendances. L'objectif de 100 millions de touristes ne pourra être atteint que si de nouveaux types d'hébergement y contribuent et si, par ailleurs, les professionnels du tourisme s'engagent totalement dans le numérique - ils le font effectivement. Il faut marcher sur ses deux jambes, tout en veillant vraiment à une grande équité de la concurrence et, bien sûr, en luttant contre les abus et les fraudes.
Sur le commerce extérieur, je ferai le point sur un certain nombre de négociations en cours, avant de vous dire un mot sur le «Brexit» et ses conséquences, telles que nous pouvons aujourd'hui les anticiper. Je répondrai aussi à vos interrogations sur les petites et moyennes entreprises (PME).
En ce qui concerne ce fameux CETA, dont la négociation s'est achevée au mois de septembre 2014, lors du sommet entre l'Union européenne et le Canada, plusieurs aspects doivent être évoqués. Sur le fond, le gouvernement considère que c'est globalement un bon accord pour notre économie, car il porte à un niveau très élevé la reconnaissance de nos indications géographiques et de nos appellations. Ce que j'ai appelé la «diplomatie des terroirs» y est largement reconnue. Vous savez que notre diplomatie est mobilisée : si nous voulons défendre les terroirs de France, il faut aussi les défendre avec beaucoup de force dans les négociations internationales pour faire reconnaître ce concept d'indication géographique. Récemment, aux États-Unis, j'ai rencontré des producteurs eux-mêmes attachés à ce système d'indications géographiques. Ne cédons donc rien sur ce point. Chaque fois qu'un État accepte d'entrer vraiment dans le jeu des indications géographiques, il faut regarder cela de très près. Quarante-deux nouvelles indications géographiques sont reconnues par le Canada, qui concernent notamment les produits laitiers et la charcuterie, et s'ajoutent aux indications géographiques déjà reconnues en 2004 dans les vins et spiritueux. Il y a donc là une très forte protection de nos indications géographiques. J'entends dire que toutes nos indications géographiques ne sont pas reconnues par le Canada. C'est vrai, mais nous avons centré nos demandes sur celles pour lesquelles il y avait des problèmes, celles qui étaient le plus fortement l'objet d'une concurrence. Certes, l'Osso Iraty n'est pas reconnu par l'accord avec le Canada, mais il n'y est l'objet d'aucune concurrence ; je réexaminerai la question lorsque l'on m'aura présenté un producteur canadien d'Osso Iraty ! Il faut aller jusqu'au bout des raisonnements commerciaux, et la France se concentre évidemment sur les indications géographiques confrontées à des difficultés.
Par ailleurs, le Canada a très largement ouvert ses marchés publics, notamment à nos PME. La réciprocité est un enjeu très fort. La France défend l'idée de réciprocité dans les échanges. L'Europe est très ouverte en ce qui concerne l'accès à ses marchés publics ; d'autres le sont beaucoup moins. Le Canada a fait des efforts d'ouverture importants, y compris en impliquant les provinces, qui sont liées par cet accord.
Le Canada est en outre le premier État à reprendre la proposition française de cour de justice commerciale internationale pour remplacer l'arbitrage privé, que j'avais élaborée. Il y a eu beaucoup de débats ces derniers temps, et vous-mêmes avez travaillé sur ces sujets. L'arbitrage privé permet à de grandes entreprises d'attaquer des règles démocratiques devant des tribunaux privés ; ce n'est évidemment pas acceptable, et l'Assemblée nationale avait émis des souhaits extrêmement précis. J'avais élaboré une proposition dont l'objet était notamment de remplacer les arbitres privés par des juges publics, rémunérés par les États et non par les entreprises, soumis à des règles déontologiques très strictes prévenant les conflits d'intérêts, et aussi d'interdire que des choix de politique publique soient contestés - les États ont le droit d'édicter des règles et de les faire respecter. Le Canada a été le premier État à accepter cette cour. Je signale à ceux qui aiment la politique qu'il l'a fait après les élections et la nomination du nouveau gouvernement. Sous le gouvernement de M. Stephen Harper, la position canadienne était très claire : c'était un refus pur et simple d'entendre parler du sujet. C'est sous le gouvernement de M. Justin Trudeau que les choses ont évolué.
En ce qui concerne la ratification du CETA, disons les choses poliment : la Commission européenne a essayé tout au long des dernières semaines de contourner les parlements nationaux. Je m'étais cependant engagé devant vous, en commission comme dans l'hémicycle : la France considère que cet accord porte sur des compétences européennes et des compétences nationales, et qu'il nécessite donc une double ratification parlementaire, au niveau européen et au niveau national. La Commission a essayé, y compris au plus haut niveau, de contourner cette réalité, considérant que cela présentait des difficultés. C'est d'ailleurs vrai : doivent se prononcer à la fois les vingt-huit parlements nationaux et, dans certains pays, les parlements régionaux, mais, à l'heure où la légitimité de ces discussions commerciales est contestée, le pire serait précisément de vouloir régler le problème en «zappant» des lieux de légitimité, en particulier le Parlement. La Commission a finalement changé d'avis hier, après que plusieurs États membres, dont la France, se sont exprimés avec force, voire virulence ; je m'en réjouis. Il aurait été impensable que les choses ne se déroulent pas ainsi. La France considère que c'est un bon accord, et le gouvernement vous invitera à le ratifier, mais vous déciderez.
L'accord avec les États-Unis est négocié depuis 2013. J'ai été le premier membre d'un gouvernement à émettre, dès l'année dernière, des réserves très fortes, à formuler des exigences très fortes, à définir des critères très forts. Le président de la République a confirmé cette stratégie au cours des derniers mois ; le Premier ministre s'est également exprimé à ce propos, notamment ces tout derniers jours. La stratégie de la France est très claire. Elle n'a pas varié depuis que je suis chargé de ce dossier, et elle ne variera pas : nous souhaitons la transparence des négociations, nous souhaitons que la proposition d'une cour de justice commerciale internationale soit reprise, comme elle l'a été par le Canada, l'idée étant, à terme, de nous doter d'une cour de justice multilatérale et non pas simplement bilatérale, compétente entre des pays précis ; nous souhaitons que nos entreprises, notamment nos PME, puissent avoir accès aux marchés publics américains ; nous souhaitons de la réciprocité. C'est bien de prôner le libéralisme en permanence, mais, très sincèrement, il n'y a plus maintenant que la Commission européenne qui l'envisage de manière dogmatique et béate. Les États-Unis, eux, font preuve d'une très forte réactivité et mettent en oeuvre des instruments de défense commerciale de manière extrêmement efficace. C'est positif ; je respecte cela, et je le dis franchement. Ce n'est pas moi qui jetterai la pierre à un État qui applique des procédures et des règles pour se défendre. Simplement, l'Europe doit être à la hauteur des enjeux. Si la méfiance se répand, c'est aussi parce que toutes les promesses, parfois faramineuses, des accords commerciaux n'ont pas été tenues dans leur intégralité - pour l'exprimer en termes diplomatiques. Soyons très exigeants sur ce point.
Nous avons un rendez-vous très important, les 22 et 23 septembre prochains à Bratislava : le conseil informel des ministres du commerce extérieur. La Commission européenne fera alors un rapport sur l'avancement des négociations. Nous attendons un rapport d'étape extrêmement précis, non des généralités lénifiantes. Ce sera pour le gouvernement un temps d'analyse extrêmement important, ce que n'a pas été le Conseil européen. Contrairement à ce que la Commission a essayé de faire croire, il n'y a eu absolument aucune «reconfirmation de mandat», ou que sais-je : il n'existe pas de procédure de «reconfirmation de mandat» en droit européen. Ce sont donc des manoeuvres extrêmement grossières, et peu intéressantes, visant sans doute à rejeter la responsabilité sur tel ou tel. Au Conseil européen, nous avons eu droit à une présentation très «synthétique» - soyons polis - de l'état d'avancement des négociations et, ensuite, à une quasi-absence de débat, mais il était prévu qu'il en soit ainsi au lendemain du Brexit. Le président de la République a rappelé une nouvelle fois les exigences françaises, et la Commission a demandé aux États de lui signer un chèque en blanc, ce qu'ils ont refusé. Voilà très exactement où nous en sommes. Prochain rendez-vous à la rentrée.
Le Brexit est évidemment un événement très important. Politiquement, c'est la première fois qu'un État membre décide - en l'occurrence, par voie de référendum - de quitter l'Union européenne. Aux conséquences économiques s'ajoutent des conséquences politiques. L'effet de souffle peut, en effet, être extrêmement puissant sur d'autres États européens, comme à l'intérieur même du Royaume-Uni.
Du strict point de vue du commerce extérieur, d'abord, à court terme, rien ne change sur le plan juridique. Le Royaume-Uni reste membre de l'Union européenne. La France souhaite que les autorités britanniques notifient rapidement leur demande de sortie au titre de l'article 50 du traité sur l'Union européenne - ce choix leur appartient et, si nous souhaitons que cette notification soit faite rapidement, ce n'est pas dans un esprit répressif, c'est dans un souci de clarification. Deux séries de négociation commenceront dès la notification : d'une part, des négociations de sortie de l'Union européenne, dont le traité dispose qu'elles doivent être conclues dans un délai de deux ans ; d'autre part, des négociations sur les modalités d'association économique du Royaume-Uni à l'Union européenne, pour lesquelles aucun délai n'est fixé. Plusieurs scénarios sont possibles, mais la situation est inédite, les choses vont donc s'inventer au fur et à mesure. Selon un premier scénario, de forte intégration, le Royaume-Uni rejoindrait l'Espace économique européen, comme l'a fait, par exemple, la Norvège. Un autre scénario, intégré aussi, mais selon d'autres modalités, serait celui d'une adhésion du Royaume-Uni à l'Union douanière ; ce sont là les termes de l'association de la Turquie à l'Union européenne. Les accords commerciaux s'appliquent aux pays membres de l'Union douanière, mais sans qu'ils participent de quelque manière que ce soit aux négociations. Dans un troisième scénario, seraient conclus des accords de libre-échange avec le Royaume-Uni, comme c'est déjà le cas avec d'autres pays du monde. Dans un dernier scénario, aucun accord spécifique ne serait conclu et le Royaume-Uni serait considéré comme tout État membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Tels sont les grands scénarios juridiques.
Nous tenons évidemment à garder des liens très étroits. C'est avec le Royaume-Uni que nous faisons notre premier excédent commercial : 14 milliards d'euros l'an dernier. Ce sont 30 000 entreprises françaises qui exportent vers le Royaume-Uni, lequel reçoit 8% de nos exportations. Ces quelques chiffres illustrent bien l'étroitesse des liens qui existent. Nous aurons évidemment à coeur de suivre la question de très près.
À court terme, c'est au cours de la livre sterling que nous devons être le plus attentifs. C'est là que se situe l'impact, qui peut se transmettre par deux courroies. La première est le tourisme, avec les parités de pouvoir d'achat des Britanniques. Ceux qui avaient décidé de venir en vacances en France cet été reviendront-ils sur leur décision ? Nous suivons cela de près. La situation varie d'une région à l'autre, mais il peut y avoir un impact. La deuxième courroie est celle des exportations. Nous suivons aussi cela.
J'en viens aux exportations des PME, dossier auquel j'attache énormément d'importance et sur lequel je travaille beaucoup. J'ai organisé l'an dernier, au Quai d'Orsay, le premier forum des PME à l'international. La deuxième édition a eu lieu le mois dernier, toujours au Quai d'Orsay, avec encore plus de participants. Je me suis engagé dans un tour de France des PME exportatrices, avec ces forums des PME qui se mettent en place dans chacune des grandes régions, nouvellement créés ou issus de partenariats avec des forums préexistants qui fonctionnent déjà très bien. J'étais ainsi lundi à Vannes, où 1.400 entreprises bretonnes étaient présentes.
L'idée est, à chaque fois, de présenter notre feuille de route autour de la simplification. L'an dernier, les travaux étaient centrés autour de la simplification du dispositif. Il y avait beaucoup de travail, et il en reste, je le reconnais très volontiers. Business France, à la demande du président de la République, est devenu réalité en moins d'un an, avec la fusion d'Ubifrance et de l'Agence française des investissements internationaux (AFII), pour lier exportations et attractivité du pays - cette même attractivité devra être envisagée au regard du Brexit. Nous avons énormément travaillé avec les douanes, qui sont engagées dans un plan de quarante mesures de simplification extrêmement apprécié des PME, notamment le guichet unique douanier, maintenant dématérialisé à plus de 95%, dont des PME nous ont encore fait l'éloge. Nous travaillons aussi à la simplification du parcours à l'export. Pour la première fois, nous avons réussi à mettre en place un parcours cohérent pour les PME, qui articule les différents intervenants de l'accompagnement et permette à chaque PME de savoir à chaque étape à qui s'adresser. Tout cela donne de premiers résultats et en France et à l'international, avec les conventions signées entre Business France et les chambres de commerce et d'industrie (CCI).
Les VIE sont également très importants. Il y en avait 8.000 il y a deux ans, il y en aura 10.000 à l'horizon 2017. Ce dispositif représente une chance extraordinaire pour les jeunes qui en bénéficient et pour les entreprises qui l'utilisent. Pour que les PME y aient davantage accès, nous avons mis en place des formules de portage par les grands groupes ou de mutualisation entre PME. Cela commence à vraiment monter en puissance, et je ne saurais trop encourager les uns et les autres à y recourir chaque fois que cela leur semble opportun. Les PME sont vraiment l'objet d'une très grande attention. En la matière, nous pouvons parler d'une continuité, puisque c'est l'un de mes prédécesseurs, appartenant à une autre majorité, M. François Loos, qui avait inventé l'expression «chasser en meute». C'est vraiment un travail de long terme qu'il faut mener, car nous sommes en retard, notamment par rapport aux Allemands. Cela suppose la structuration de filières liées à un grand groupe. Cela suppose aussi une montée en puissance des PME, pour qu'un plus grand nombre d'entre elles deviennent des entreprises de taille intermédiaire (ETI), mais cela implique des réformes qui ne dépendent pas de moi. C'est cet échelon, très robuste, exportateur, innovant, qui peut donner encore plus de force à une économie.
Un dernier mot, sur les chiffres du commerce extérieur. La situation est très dégradée, avec plus de 45 milliards d'euros de déficit l'an dernier. Certes, le déficit était supérieur à 70 milliards d'euros en 2011 et l'amélioration a été continue, mais elle procède largement de facteurs exogènes : le cours de l'euro et le prix de l'énergie. Cette année, la tendance sera sans doute à nouveau à la dégradation de notre solde, à cause non pas du ralentissement des exportations mais de l'augmentation des importations. Le début de reprise constaté se traduit en effet, dans certains secteurs, par une demande adressée à l'étranger ; mécaniquement, le déficit commercial s'aggrave. Il faut donc poursuivre tout le travail entrepris sur la compétitivité, c'est extrêmement important - mais le sujet ne relève pas de ma compétence.
En ce qui concerne les leviers d'action dont je dispose, j'ai été très heureux de l'augmentation du nombre d'entreprises exportatrices : de 2014 à 2015, il est passé de 121.000 à 125.000 ; 4.000 nouvelles PME se sont donc lancées à l'export. C'est très positif, d'autant que nous avons un retard à rattraper par rapport à l'Allemagne, qui compte trois fois plus d'entreprises exportatrices, mais aussi par rapport à l'Italie, qui en compte deux fois plus. Il s'agit d'un problème structurel de notre économie. Poursuivons le travail, en cohérence avec l'objectif que j'ai assigné à Business France : accompagner, de manière individualisée, 3.000 nouvelles entreprises à l'export.
Je suis à votre disposition pour tenter de répondre à vos questions.
(Interventions des parlementaires)
Je souhaite vraiment répondre à chacun. Cependant, si cela vous convient, je ne répéterai pas ma rponse lorsqu'une question m'a été posée plusieurs fois.
Vous m'avez interrogé, Madame Marie-Hélène Fabre, sur l'impact du Brexit sur les filières viticoles, question qui relève de la prospective. Je ne suis pas partisan d'affoler les différents secteurs. À court terme, la situation est juridiquement inchangée. La baisse de la livre sterling depuis plusieurs années, plus forte encore depuis le Brexit, a un impact sur les exportations, mais il n'y a pas d'urgence juridique. Nous souhaitons que les choses soient clarifiées rapidement, mais, juridiquement, tout n'est pas bouleversé du jour au lendemain. Il faut regarder les choses à tête reposée. Nous suivons évidemment de très près la question, pour ce secteur comme pour tous les autres. Il faut être vigilant et nous sommes en contact avec les professionnels des différentes filières. Avec MM. Michel Sapin et Emmanuel Macron, après le Brexit, nous avons réuni la cellule de continuité économique. Elle se réunira autant que nécessaire. Le gouvernement et l'ensemble de notre diplomatie économique sont totalement mobilisés.
Je suis longuement revenu sur le TTIP dans mon propos liminaire. La position du gouvernement est extrêmement claire, elle n'a pas varié d'un iota depuis que j'ai l'honneur d'être chargé de cette question, et elle ne changera pas. Tout le monde a été d'une parfaite clarté, et tous ceux qui essaient d'instiller le doute, notamment du côté de la Commission européenne, soit n'ont pas bien écouté tout ce que j'ai dit dans l'ensemble des réunions, y compris à Bruxelles, depuis ma nomination, soit n'ont pas travaillé leurs dossiers, soit sont de mauvaise foi, soit sont entrés dans une nouvelle phase - tout le monde a maintenant compris que les négociations ne fonctionnaient pas bien, ce que j'ai été le premier à dénoncer dès l'année 2015, et ils seraient donc maintenant à la recherche d'un éventuel bouc émissaire à qui faire porter la responsabilité d'un éventuel échec. J'assume parfaitement le fait que la France a été la première à tirer la sonnette d'alarme dans ces négociations et à dire la vérité sur tout ce qui n'allait pas. S'il en est, dans le système, que cela dérange - et nous sentons effectivement un certain affolement ici ou là -, moi, cela ne me dérange pas. Ma position est constante, elle a été élaborée en lien permanent avec vous, parlementaires, et j'insiste sur le fait que les parlementaires de la majorité comme de l'opposition ont travaillé sur ce sujet à l'Assemblée comme au Sénat. Beaucoup de résolutions ont été adoptées à une très large majorité, parfois à la quasi-unanimité. Essayer d'enfoncer le coin est absurde. Je me suis efforcé de bâtir une position française cohérente qui puisse faire largement consensus. Et, à écouter les prises de position des principaux responsables de l'opposition, j'ai le sentiment que nous pouvons nous retrouver bien plus qu'il ne semble à première vue - que Bruxelles considère donc bien cela.
J'ai aussi élaboré cette position en lien permanent avec la société civile, les syndicats, les organisations non gouvernementales et les filières économiques, c'est-à-dire les représentants des entreprises, secteur par secteur. Encore hier, j'ai réuni au Quai d'Orsay le comité de suivi stratégique de la politique commerciale, qui réunit des parlementaires, dont certains d'entre vous, la société civile - syndicats, organisations non gouvernementales (ONG) - et les filières économiques. Personne, même dans le milieu économique, ne m'a dit que je faisais fausse route et qu'il fallait, en l'état, conclure l'accord, négocié dans des «conditions formidables». Qu'on ne fasse donc aucun procès d'intention à la France, ni à moi, ni aux deux têtes de l'exécutif, ni aux différentes personnalités politiques qui se sont exprimées. Ce n'est pas acceptable et, chaque fois que la France sera attaquée sur sa position sur ce sujet, je répondrai comme je l'ai encore fait hier. Encore une fois, c'est une position sérieuse, qui répond à des valeurs, à des préoccupations démocratiques et citoyennes et aussi à des intérêts économiques bien compris, qui sont défendus dans cette négociation. Que les choses soient parfaitement claires. Pour ma part, je ne dévierai pas d'un iota de cette position. Nous suivons le dossier de très près, et nous considérons que nous avons des raisons très précises de poser nos exigences. Dès lors que cette position nous paraît juste, nous la défendons, et ce jusqu'au bout.
Je me suis également efforcé de travailler avec d'autres partenaires européens, en particulier l'Allemagne, en la personne de mon homologue et de celle du vice-chancelier Sigmar Gabriel. Avec ce dernier, nous avons encore récemment écrit à la Commission européenne pour rappeler un certain nombre de nos exigences ; cela concernait en particulier le processus de ratification du CETA. Que chacun considère attentivement la chronologie et le fond des prises de position : depuis bientôt deux ans, il n'y a pas eu de variation sur ce point. Je ne suis pas le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur qui viendra devant vous essayer de vous faire ratifier à tout prix un accord qu'il trouverait mauvais pour les intérêts économiques et pour la stratégie commerciale de la France. Je suis désolé d'être un peu solennel et dur sur ce point, mais cela me semble indispensable. Au vu de ce qui se passe par ailleurs en Europe, que chacun assume ses responsabilités. Un certain nombre de faits, y compris en Grande-Bretagne, confirment ce que j'ai écrit dans la stratégie du commerce extérieur de la France que j'ai tenu à présenter devant vous, au mois de décembre dernier - c'est la première fois qu'un tel document était présenté devant le Parlement. Je ne retire pas une ligne à ce texte, connu de tous. Que l'on ne vienne pas dire qu'il y a des changements de position, de la fluctuation ou de la «friture» sur la ligne. Tout cela, c'est n'importe quoi ! Je répondrai chaque fois qu'il le faudra, dans ce sens, à tous ceux qui pensent pouvoir faire les malins. Il n'y a pas à faire le malin là-dessus. J'entends que ces sujets sérieux soient traités avec sérieux.
Vous avez été très nombreux à m'interroger sur la diplomatie des terroirs, notamment sur la question des quotas de viande. Plusieurs professionnels m'ont écrit à ce sujet. Je sais que cela préoccupe les filières viande, particulièrement dans le contexte actuel, car leur situation est très compliquée. Les quotas de viande négociés avec le Canada ne sont pas négligeables, je ne prétendrai pas le contraire. Nous considérons cependant qu'ils peuvent être absorbés par le marché européen et national, à la condition que la Commission européenne soit très attentive à la question des quotas globaux, car plusieurs négociations en cours se juxtaposent. Je n'ai cessé de relayer l'idée qu'il fallait que les quotas globalement octroyés dans les différentes négociations respectent l'équilibre des marchés internes, français et européens. Le message est passé, la Commission européenne l'a entendu, en particulier pour les négociations en cours avec le Mercosur. Le président argentin, s'exprimant hier à Berlin, a ainsi insisté sur le fait qu'il voulait que la France bouge sur ces questions. Il a déploré l'attitude dure de notre pays sur ces questions agricoles, mais la France restera vigilante, et le président de la République a été extrêmement clair lors de ses différents entretiens avec ses homologues, dans le cadre de visites d'État en Amérique latine au mois de mars dernier. La chancelière Angela Merkel a d'ailleurs confirmé que l'Allemagne suivrait elle aussi de très près ces questions agricoles. La diplomatie des terroirs, dans le cadre de la diplomatie économique, est donc totalement mobilisée sur la question.
Nous sommes également mobilisés pour une reconnaissance toujours plus forte des indications géographiques, qui méritent d'être protégées. Un pas très important a été fait avec la révision de l'Arrangement de Lisbonne pour améliorer cette protection : de nouveaux États sont entrés dans le dispositif et le nombre d'appellations et d'indications protégées est plus élevé. Nous continuerons d'y travailler, c'est une constante de notre diplomatie. La question justifie un travail de fond très important, de long terme, par-delà les alternances.
En ce qui concerne le nautisme et les ports de plaisance, nous sommes en train de bâtir une politique spécifique avec les professionnels du secteur. Lors de plusieurs déplacements, j'ai eu l'occasion de présenter à des professionnels étrangers ce qui existe en la matière - vous savez que nous avons pris toute une série de décisions. Cela fait partie des nouvelles formes de tourisme : slow tourisme, écotourisme, navigation fluviale. Des choses extraordinaires se font. J'ai fait plusieurs déplacements en France, et beaucoup de déplacements à l'étranger pour présenter cette offre, que nous continuerons à structurer. Je suis évidemment à votre disposition si vous souhaitez poursuivre cet échange sur ce point.
Avec M. Laurent Fabius, nous avons confié une mission sur l'oenotourisme au viticulteur Michel Bernard, qui a beaucoup travaillé avec les professionnels de la filière. Je sais que beaucoup d'entre vous sont mobilisés sur cette question, et s'inquiètent d'une possible contradiction entre la promotion du vin et un certain nombre d'autres règles. Le président de la République avait pris l'engagement, à Vinexpo, de revenir à l'équilibre initial de la loi Évin, et c'est ce qui a été fait ; le Parlement y a travaillé, de manière transpartisane. L'équilibre actuel me semble bon, et je ne suggère pas de rouvrir le débat sur la loi Évin : ce serait la pire des choses, y compris pour le secteur viticole. Il faut faire de la prévention, lutter contre l'alcoolisme, faire de la prévention routière, mais cela ne signifie pas qu'il faille s'acheminer vers une société aseptisée où tout serait interdit. Je ne fais pas partie des membres du gouvernement qui craignent d'être photographiés un verre de vin à la main. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de valoriser, avec un certain nombre d'entre vous, des destinations oenotouristiques. Ce sont des métiers magnifiques, ancrés depuis très longtemps dans notre pays, le vin est un produit de civilisation, et il doit être défendu comme tel. Je me suis ainsi rendu à Vinexpo, à Hong Kong, pour soutenir à la fois la filière vitivinicole et l'oenotourisme français. Le président de la République a été le premier président à se rendre à Vinexpo, à Bordeaux, pour inaugurer la manifestation. C'était un engagement extrêmement fort, y compris sur le plan symbolique, reconnu comme tel par les professionnels. Il a récidivé, si j'ose dire, en inaugurant, avec le maire de Bordeaux, la Cité du vin dans cette ville. Je sais qu'il y a d'autres projets, y compris en Bourgogne : évidemment, le gouvernement regardera attentivement les différents aspects. Nous avons, par ailleurs, mis en place le site en anglais VisitFrenchWine, qui permet de recenser les différentes initiatives. Je vous invite à populariser ce site, porte d'entrée très forte sur l'oenotourisme français. Nous travaillons - mais cela suppose que les professionnels l'acceptent - sur la possibilité d'indiquer, le cas échéant, par une étiquette sur les bouteilles, que le domaine viticole est visitable, une étiquette dans la langue du pays où est vendue la bouteille : «Domaine visitable dans le cadre de VisitFrenchWine». C'est tout simple, tout bête, mais redoutablement efficace. C'est une préconisation du rapport de M. Michel Bernard, qui me semble très opportune.
Nous n'avons pas de chiffres fiables quant à l'impact du Brexit sur le tourisme, mais nous avons quelques remontées, provenant de Bretagne. Les professionnels indiquent que beaucoup de réservations étaient déjà faites et prévoient plutôt une neutralité du Brexit de ce point de vue - c'est un sentiment, non une donnée chiffrée. Il est certain qu'il y aura un impact, c'est mécanique. Nous suivons donc évidemment cela d'extrêmement près, mais nous ne disposons pas d'outils pour agir sur le cours de la livre sterling. Nous souhaitons aussi, dans le cadre de la clarification rapide des relations du Royaume-Uni avec l'Union européenne, que la situation puisse se rétablir. Il est tout de même assez probable que la Grande-Bretagne, grande économie, rétablisse ses équilibres.
Nous sommes très mobilisés sur la question des investissements étrangers et de l'attractivité, mais nous souhaitons agir de manière élégante. Contrairement à d'autres pays qui ont pu se comporter ainsi chaque fois que la France connaissait des difficultés, nous ne sommes pas des vautours, et vous n'entendrez pas de déclarations fracassantes tous azimuts. Nous n'en examinons pas moins de très près, en lien avec Bercy, les moyens d'attirer des sièges sociaux dans notre pays et de tirer les conséquences du fait que le Royaume-Uni ne sera plus une porte d'entrée dans le marché commun. On ne peut être à la fois dedans et dehors. Bercy, le Quai d'Orsay et Business France sont donc mobilisés. La France est une très bonne porte d'entrée dans le marché européen parce que située au coeur de ce marché.
Pour cette même raison, elle est peut-être plus traversée que d'autres pays par le tourisme, je le reconnais très volontiers, et le gouvernement ne propose pas de déplacer la France ailleurs en Europe. Cependant, les touristes comptabilisés dans les statistiques passent au moins une nuit en France, et nous avons plutôt eu tendance à sous-évaluer leur nombre qu'à le surévaluer. Par exemple, pendant longtemps, l'outre-mer n'a pas été comptabilisé dans les chiffres du tourisme. C'est à la fois absurde et choquant : les outre-mer font pleinement partie de notre pays, ils attirent beaucoup de touristes, ils développent souvent des politiques touristiques très fortes. Nous travaillons d'ailleurs sur leur insertion dans leurs contextes régionaux respectifs, et nous essayons de bâtir sur cette base, entre les outre-mer et les pays étrangers qui leur sont proches, des destinations communes. J'ai eu l'occasion de le faire à Cuba et en Afrique du Sud. Monsieur Philippe Naillet, nous pourrons examiner la question pour La Réunion. Nous essayons d'y organiser un déplacement en lien avec des pays limitrophes, et nous pourrons regarder ensemble, avec tous les élus de terrain, comment avancer. Le travail sur l'insertion des outre-mer dans le contexte régional est prometteur, il y a là un potentiel.
À la demande de l'exécutif, notre ambassadrice à Londres est en contact permanent avec la communauté française. Elle a adressé, au nom de l'exécutif, des messages. Il s'agit d'informer sur la situation mais aussi de ne pas affoler tout le monde. Je le répète : juridiquement, aujourd'hui, la situation n'est pas modifiée. Elle le sera, et les droits de nos ressortissants au Royaume-Uni feront évidemment partie du paquet des négociations ; nous demanderons des protections et des droits extrêmement forts. Leur situation juridique va donc changer, mais pas du jour au lendemain. Cela laisse le temps de bien expertiser. La communauté française de Londres est effectivement une de nos toutes premières communautés d'expatriés : nous comptons 120.000 résidents londoniens inscrits au registre des Français établis hors de France ; il y en a sans doute 200.000 ou 300.000 au total. C'est une communauté très forte, très jeune, très dynamique, très mobile, et nous sommes très attentifs à cette question.
Beaucoup de choses sont faites pour la promotion du tourisme et l'image de la France. M. Jean-Marc Ayrault a décidé le lancement d'une campagne, notamment sur les réseaux sociaux, pilotée par Atout France. J'ai déjà réuni à plusieurs reprises des prescripteurs en matière de tourisme au Quai d'Orsay : des journalistes, des blogueurs, des tour-opérateurs. Je le fais lors de chacun de mes déplacements, pour aller directement vers ceux qui font les tendances et travailler avec eux. Par ailleurs, lorsque M. Laurent Fabius était au Quai d'Orsay, nous avons assoupli les politiques de visa, ceux-ci sont désormais délivrés en quarante-huit heures en Chine - bientôt en vingt-quatre heures. Plus d'un tiers des visas dans le monde sont désormais délivrés en quarante-huit heures. La grande mobilisation des consulats en la matière fait sentir ses effets : le nombre de touristes venant de certains pays a explosé.
Le comité d'urgence économique se réunira la semaine prochaine autour de M. Jean-Marc Ayrault. L'idée est de faire le point sur les résultats chiffrés à Paris et en Île-de-France. La situation y est plus compliquée qu'ailleurs, compte tenu des différents événements intervenus. Il s'agit de faire le lien avec les différents professionnels. Je me permets par ailleurs d'appeler votre attention sur un déplacement que je ferai à la rentrée, à Macao, car nous souhaitons évidemment nouer toujours plus de liens en matière touristique. S'y tiendra un grand forum touristique dont la France sera l'invitée d'honneur. Je souhaite pouvoir conduire la délégation la plus étoffée, la plus qualitative possible, sur tous les aspects de notre tourisme, à la fois les simplifications administratives, les différentes destinations - les contrats de destination et les différents territoires s'inscrivent dans ce déplacement à un niveau de représentation le plus élevé possible. Nous rencontrerons tous les décideurs chinois en matière de tourisme : investisseurs, décideurs politiques, des opérateurs, etc. C'est une opération très importante, que nous préparons activement. Je me permets de le dire parce que, dans les différents territoires, cela peut vraiment avoir un impact fort.
L'impact de la situation russe est très concentré sur certains secteurs, mais très fort. J'étais à Moscou il y a quelques semaines, pour faire le point. Il s'agissait à la fois de faire lever un certain nombre d'embargos qui ne nous semblent pas justifiés et de faire le point avec les autorités russes. C'est la France qui, avec l'Allemagne, est à l'origine du format dit «Normandie», et c'est nous qui avons rouvert les négociations avec la Russie. La France, en tant que membre permanent du conseil de sécurité, a pour vocation d'être le garant de la paix aux frontières de l'Union européenne. Elle suit donc de très près la situation en Ukraine. Elle tient à ce que toutes les parties - je dis bien : toutes - mettent en oeuvre l'accord de Minsk ; M. Jean-Marc Ayrault l'a encore confirmé très récemment. Il s'agissait aussi de discuter, d'échanger et de faire en sorte d'avancer. Nous souhaitons évidemment que les sanctions puissent être levées dans les meilleurs délais. Cela n'en suppose pas moins le respect des accords de Minsk. Il y a un certain nombre de questions essentielles qui se posent, aux portes de l'Union européenne. Nous travaillons aussi sur l'accès à des débouchés alternatifs, Monsieur Thierry Benoit - j'ai réuni au Quai d'Orsay des ambassadeurs de pays d'Asie, de pays du Golfe, en fonction des productions concernées. Nous avons déjà obtenu plusieurs levées d'embargo, notamment sanitaires, et vous savez que la France bénéficie maintenant, sur les viandes, du meilleur statut de risque possible à l'Organisation mondiale de la santé animale : le statut de pays à «risque négligeable» vis-à-vis de l'encéphalopathie spongiforme bovine. Dans plusieurs pays du Golfe, dans plusieurs pays d'Asie, il y a des débouchés très concrets. Nous travaillons étroitement avec M. Stéphane Le Foll.
Les investissements chinois dans le lait sont suivis de très près, car la question est sensible. L'État et Business France suivent chaque investissement, au regard de la sensibilité de la filière. Je suis à votre disposition, si vous souhaitez, que l'on regarde tel ou tel investissement précis.
Vous avez été nombreux à m'interroger sur le rôle des régions dans le tourisme ; il est indispensable. J'ai réuni hier, au Quai d'Orsay, les vice-présidents chargés du tourisme des différentes régions, qui allaient, par ailleurs, travailler à l'Association des régions de France (ARF), et j'ai rencontré la semaine dernière le président de celle-ci, M. Philippe Richert. La région est chef de file. C'est une compétence partagée, parce qu'il a été considéré que certains territoires avaient besoin de continuer à pouvoir se battre sur leur tourisme. Cela me paraît juste. Il faut un chef de file identifié, mais il ne s'agit pas non plus d'encourager des phénomènes de concentration, de métropolisation ou d'accentuation du caractère touristique de zones déjà touristiques. La stratégie française vise à ce que l'ensemble des territoires français bénéficient du tourisme, à la fois de grands sites réputés, mais aussi des territoires qui développent de nouvelles formes touristiques, plus tournées vers le tourisme familial, le tourisme de l'authenticité, l'oenotourisme, le slow tourisme, la navigation, le vélo, et qui répondent à des demandes très fortes. Huit Européens sur dix indiquent vouloir changer de rythme de vie. Ce type de tourisme participe à cela.
Je souhaitais réunir les nouveaux vice-présidents chargés du tourisme maintenant que les élus régionaux ont pris leurs marques, pour que nous avancions ensemble. Évidemment, sans les régions, rien ne peut se faire ; c'est une évidence. Ce niveau territorial est aussi un niveau d'impulsion. Quant au fonds de un milliard d'euros, c'est la Caisse des dépôts et consignations qui s'en occupe. Son directeur général présente le dispositif dans les régions, mais si vous le souhaitez, je peux organiser une réunion d'information avec lui, avec les professionnels et avec vous, parlementaires, pour que vous soient indiqués les critères d'éligibilité et précisés les différents aspects, pour que vous puissiez ensuite relayer l'information. Cela répondrait sans doute à une demande assez importante.
Monsieur le président André Chassaigne, j'ai passé quatre jours aux États-Unis récemment - c'était mon plus long déplacement depuis ma nomination. J'ai eu un très long entretien avec mon homologue, l'ambassadeur Michael Froman, représentant spécial du président Barack Obama sur les questions de commerce. Ce fut un entretien très approfondi, très constructif. L'un et l'autre sommes fermes sur nos positions, mais le ton n'était absolument pas aux menaces. Dans ces négociations, chacun défend un certain nombre de principes et d'intérêts, mais je suis le premier à considérer que nous avons besoin de négocier beaucoup de choses avec les États-Unis. Les Américains sont des partenaires très forts pour la France : en matière diplomatique, en matière de lutte contre le terrorisme, en matière économique. De très nombreuses entreprises américaines travaillent ici, 450.000 emplois ont été créés en France par des entreprises américaines. De très nombreuses entreprises françaises travaillent aux États-Unis dans tous les domaines, et près d'un demi-million d'emplois ont été créés là-bas aussi. Il faut cependant que ce soient de bonnes négociations, des négociations d'avenir, qui intègrent les nouveaux sujets : l'environnement, les droits sociaux, les règles, la sécurité. C'est cela qui est en jeu. Quand les négociations se passent mal, je le dis et le déplore, mais il ne s'agit pas dire que nous ne négocierons plus jamais rien avec les États-Unis. Ce serait absurde, et ce serait une faute, mais il faut tenir fermement sur nos positions. C'est ce que les États-Unis font, c'est ce que nous faisons aussi.
Merci, Monsieur André Chassaigne, pour les propos élogieux que vous m'avez adressés en évoquant Cuba. Nous y avons consacré beaucoup de temps parce que le moment est historique. Je suis le premier membre d'un gouvernement occidental qui se soit rendu à Cuba après les annonces américano-cubaines de levée d'embargo et M. François Hollande a ét le premier chef d'État à s'y rendre, au mois de mai dernier. Nous avons négocié avec le Club de Paris un accord tout à fait substantiel d'allégement de la dette, avec un mécanisme «allégement de dette contre projets» - pour résumer. J'aurai l'occasion de me rendre au cours des prochains mois à Cuba pour constater les progrès, pour installer la commission mixte économique qui examinera les différents dossiers et pour vérifier que l'accord de Paris est respecté et que les projets sont au rendez-vous. Il y a déjà beaucoup d'entreprises au travail, dans la construction, dans le bâtiment, dans le tourisme, dans différents secteurs, y compris la santé, l'agriculture. Un certain nombre sont emblématiques. Il s'agit de construire, à un moment où Cuba souhaite diversifier ses relations économiques, pour ne pas être du jour au lendemain dépendant économiquement d'un seul pays, voisin, légèrement au Nord... Les opportunités sont fortes, la concurrence européenne aussi, mais nous avons répondu présents. Nous avons étoffé notre service économique et nous avons installé le bureau de Business France à Cuba. La diplomatie économique travaille donc là-bas de manière extrêmement sérieuse, mais je sais que le président du groupe d'amitié que vous êtes, qui était de la visite d'État, suit cela de près.
Madame Annick Le Loch, le gouvernement considère que le principe de précaution n'est pas remis en cause par l'accord avec le Canada. J'ai reçu, la semaine dernière, un rapport d'experts mandatés par une ONG, Foodwatch. Nous sommes en train de regarder cela, évidemment. Un certain nombre de droits, de préférences collectives sont respectés. La reconnaissance par le droit de l'Union européenne et de la France du principe de précaution et leur droit à le faire appliquer ne nous semblent pas remis en cause.
Monsieur Antoine Herth, il n'y a pas de date limite pour trouver un accord. Simplement, il y aura un rendez-vous important en septembre, à Bratislava. Ce qui est sûr, c'est que certains voudraient conclure hâtivement, mais j'ai toujours dit qu'un accord rapide serait un accord mauvais pour la France, parce que toutes les demandes françaises nécessitent de longues négociations. Nous sommes exigeants, nous ne souhaitons pas un accord à tout prix ni un accord au rabais. Nous avons des demandes très précises, élaborées avec les filières économiques.
Je le répète, il n'y a pas de «reconfirmation» de mandat. Dans le droit européen actuel, le mandat ne peut pas non plus être retiré. Les États donnent mandat à la Commission européenne, qui négocie et revient avec un projet d'accord, puis les États l'acceptent ou le refusent. Politiquement, il est évident que, lorsque certains États demandent la fin d'une négociation, personne n'imagine de continuer à négocier - certains États comme la France plus que d'autres, c'est la réalité, même si on peut le regretter sur le plan des principes. La réalité politique est donc distincte de la réalité juridique. Je suis en train de réfléchir, par ailleurs, à un processus de réactualisation des mandats. Un certain nombre de négociations se fondent sur des mandats qui ont dix ou quinze ans, alors même que les réalités économiques des pays ont changé. Il faudrait envisager soit la caducité des mandats en l'absence d'accord au bout d'un certain nombre d'années, soit une obligation de réactualisation.
Je m'exprimerai bientôt sur les propositions françaises de remise à plat de la politique commerciale européenne. Il y a beaucoup à faire. La stratégie du commerce extérieur que nous avions élaborée et qui a fait l'objet d'un débat parlementaire comportait beaucoup de propositions, mais le Brexit confirme qu'il est urgent de retravailler beaucoup de sujets ; je ferai donc des propositions.
Les parlements seront consultés sur le CETA, c'est incontestable et c'est maintenant - enfin - officiel, y compris du côté de la Commission européenne. Nous en avons discuté hier dans le cadre du comité stratégique de suivi, et je peux vous adresser une note très précise, secteur par secteur, précisant ce qui concerne le niveau européen et ce qui concerne le niveau national. Je suis même disposé à rendre publique cette note sur la page du site internet du Quai d'Orsay que j'ai mise en place pour rendre compte des négociations commerciales internationales.
Je pense avoir été suffisamment clair sur ce qu'on dit à Paris et ce qu'on dit à Bruxelles. Tous les verbatim sont disponibles, et personne ne peut prétendre découvrir la position française. Je renvoie ceux qui font semblant à mes interventions du 27 septembre 2015 et à tout ce qui a précédé. Ils liront noir sur blanc exactement ce que le président de la République et le Premier ministre ont reconfirmé encore récemment. Pas de mauvaise foi ni de jeu politicien en la matière : c'est pénible et désobligeant et ce n'est pas sérieux !
Comment favoriser encore l'exportation des PME ? Une feuille de route est en place. De nombreuses régions sont également en train de regrouper leurs opérateurs, et les grandes régions joueront un rôle leader.
J'étais en Bretagne lundi. Il y a là un modèle qui fonctionne, parce que tout le monde a joué le jeu. Autour de la région et de l'opérateur régional, les chambres consulaires, les conseillers du commerce extérieur de la France, les différents intervenants ont décidé de travailler ensemble, laissant un peu de côté leur ego et leurs préoccupations propres. Cela fonctionne bien dans beaucoup d'autres régions. Il faut vraiment « y aller » ensemble ; vu la gravité de la situation, nous ne pouvons nous permettre des querelles intestines, parfois picrocholines. J'examine la question pays par pays, région par région, mais ce n'est pas l'État qui va décréter pour les régions ce qui doit être fait, ce n'est pas du tout l'esprit de la loi NOTRe. Chacun doit assumer sa part du travail.
Monsieur Philippe Le Ray, vous avez été rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits de la mission « Tourisme ». Le prélèvement spécifique sur les visas abonde le budget d'Atout France de 5 millions d'euros. La question des recettes d'Atout France est évidemment importante, mais la question des recettes de Business France a aussi été posée. Que nous aurait-on dit si, après une fusion, nous avions augmenté les budgets ? Que nous aurait dit l'opposition, Monsieur Laurent Furst ? On nous aurait accusés de nous moquer du monde : «Vous avez procédé à cette fusion en annonçant que cela permettrait des économies et, ensuite, vous augmentez les budgets ! Vous n'êtes pas respectueux, et, d'ailleurs, nous proposons, nous, de réduire deux, trois, quatre, cinq fois plus la dépense publique que vous !». Il faut être un brin cohérent, mais les Français sont souverains et nous verrons quel est leur choix. Simplement, nous attendons de connaître, très précisément, ce que vous augmenterez et ce que vous diminuerez, en matière d'export mais aussi en ce qui concerne toute une série d'autres services publics qui intéressent les Français. Quand on lance des polémiques, il faut les assumer jusqu'au bout, et regarder les implications jusqu'au bout. Un certain nombre de vos collègues proposent purement et simplement la suppression de Business France. Soit il faut augmenter les recettes, soit il faut supprimer ! Mettez-vous au moins d'accord sur ce sujet, cela donnera beaucoup de lisibilité à ceux qui travaillent sur l'export.
Madame Jacqueline Maquet, en tant que présidente du groupe d'amitié France-Australie, vous suivez de très près la question de l'accord de libre-échange. Il est possible qu'un mandat soit donné au début de l'année prochaine. Des contrats très importants avec l'Australie ont été annoncés récemment, notamment en matière de défense ; le ministre de la défense est extrêmement mobilisé. Nous serons attentifs aux sensibilités et aux points offensifs et défensifs classiques de la France dans ces ngociations, en particulier en matière agricole - avec l'Australie comme avec la Nouvelle-Zélande, les enjeux sont très importants.
M. Julien Aubert a raison sur la question de l'influence du Royaume-Uni. La France, par la voix du président de la République, a dit vouloir une clarification rapide. On ne peut pas être à la fois dedans et dehors. Je le répète, à court terme, juridiquement, rien n'est changé, mais il faut une clarification rapide. Nous devrons examiner comment le Royaume-Uni sera associé à l'Union européenne - je vous ai indiqué les différents scénarios envisageables. Par ailleurs, mais je m'exprime à titre personnel, je crois qu'une fois le Royaume-Uni sorti de l'Union européenne, les hauts fonctionnaires britanniques n'auront plus leur place dans les institutions communautaires - je parle de ceux qui ont un pouvoir de décision ou une influence sur la décision. Il n'est pas possible d'être dedans et dehors, c'est comme dans un gouvernement, il faut être extrêmement clair. Il n'est pas possible d'être dehors et de conserver une influence substantielle sur les décisions qui seront prises. Il faudra aller au bout de la logique du Brexit, non dans un esprit revanchard ou punitif mais dans un esprit de cohérence. Je suis en désaccord, à ce propos, avec les prises de position récentes du président Jean-Claude Juncker, mais je ne parle que des fonctionnaires britanniques qui ont un pouvoir de décision ; la situation des autres est évidemment différente.
Nous verrons quel est l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur l'accord de libre-échange avec Singapour. Ce qui est sûr, c'est qu'une remise à plat des politiques européennes est nécessaire, y compris des différents processus d'élaboration et de validation. Il y a un problème quand toute politique commerciale de l'Union peut être bloquée sur n'importe quel accord. Il y a là un véritable enjeu de crédibilité de l'Union européenne sur la scène commerciale internationale, mais la question ne peut être réglée en sortant, au détour d'un accord, les parlements nationaux du processus de validation. Il faut que les différents lieux de représentation démocratique soient associés dès le début des négociations et même dès la fixation du mandat, et tout au long du processus. Je réfléchirai à des propositions avec mes homologues européens, mais les choses ne peuvent se faire en catimini. Cela doit se faire sur des bases solides, rigoureuses, sérieuses, respectueuses de la démocratie.
Je suis en lien direct avec beaucoup de filières agricoles, qui m'interpellent et qui suivent ces questions. Elles ont reconnu que les questions agricoles étaient l'objet d'un suivi très précis et très rigoureux. J'y travaille en lien avec M. Stéphane Le Foll.
En ce qui concerne le Buy American Act, l'analyse française est que les États-Unis ne souhaiteront pas bouger sur ce sujet, symboliquement très important pour eux. C'est par ailleurs respectable, et il serait souhaitable qu'un Buy European Act puisse aussi être mis en oeuvre. Réciprocité, lucidité, sur ce qu'est la mondialisation et réalisme : nous avons beaucoup à gagner, nous avons aussi beaucoup à perdre. Ne soyons pas naïfs. Prêcher naïvement et de manière dogmatique le libéralisme sans regarder la réalité du monde d'aujourd'hui, avec un capitalisme financiarisé et des dérives oligarchiques à tous les étages de l'économie mondiale, c'est ne pas regarder la réalité en face.
Monsieur Dominique Potier, vous avez fait un certain nombre de remarques à ce propos. Ne soyons pas gentils et naïfs, car cela se paye, dans les filières économiques, dans les régions, au niveau de l'emploi et, ensuite, avec un vote extrémiste à force de détresse. C'est aussi ce que nous avons vu récemment, avec un certain nombre d'événements en Europe. Chacun doit vraiment être lucide.
Nous regardons comment pourrait s'articuler la cour de justice commerciale internationale que nous appelons de nos voeux avec la Cour de La Haye, qui est une institution du droit international public. Ce qui est sûr, c'est que la France veut bâtir une cour de justice commerciale internationale multilatérale. Un premier jalon est posé avec le Canada. C'est vraiment un tournant dans le droit commercial : pour la première fois un État accepte cela - le Vietnam l'a également fait. Sur cette base, nous pouvons bâtir une cour qui, à terme, sera multilatérale et gérera les 3.600 accords qui existent dans le monde en matière d'arbitrage privé. Cela prendra évidemment du temps, mais la diplomatie française a fait une proposition très offensive, innovante, volontariste, réaliste, pour remettre des règles dans la mondialisation, remettre du choix démocratique. Nous espérons évidemment que cela puisse voir le jour.
Dans le numérique, il n'y a aucune frilosité. C'est même l'un des axes des Assises du tourisme portées par le Quai d'Orsay. Nous travaillons étroitement sur la question. Simplement, nous souhaitons de l'équité, de la réciprocité dans les différents échanges. On ne peut nous dire d'un côté qu'il faut respecter les hôteliers et de l'autre qu'il faut tout ouvrir sur le numérique. Il faut être raisonnable sur ces deux piliers, que le tourisme classique aille sur le numérique, et c'est ce qu'il fait, et, par ailleurs, que les autres respectent les règles. La loi a posé des critères qui me semblent extrêmement intéressants, et c'est un secteur en grand mouvement. J'ai même indiqué que nous ne pourrions pas atteindre nos objectifs sans le secteur du numérique et les évolutions en cours. Nous suivons cela précisément.
Quant à la propreté d'un certain nombre de lieux, je suis preneur de toute réflexion susceptible de nous éclairer. N'hésitez donc pas, Madame Sophie Rohfritsch, à adresser une note au gouvernement. Elle sera lue attentivement.
J'ai répondu sur l'oenotourisme. D'après les sondages, les raisons de venir en France sont, d'abord, culture et patrimoine et, ensuite, gastronomie et vin. Je soupçonne un peu d'hypocrisie dans l'ordre des préférences, mais, après tout, cela va ensemble.
Votre proposition sur l'accueil des retraités est très intéressante, Monsieur Laurent Furst. Sur ma proposition, le Premier ministre a confié à votre collègue Christophe Bouillon une mission sur le tourisme des seniors. Il aura donc à coeur, très certainement, d'aborder sur ce sujet, qui peut paraître anecdotique mais ne l'est pas du tout ; vous avez raison de le souligner. Nous attendons avec beaucoup d'impatience les conclusions de M. Christophe Bouillon.
Nous avons débattu dans l'hémicycle de la question des intercommunalités. Nous cherchons les bonnes formules, notamment en montagne, où se rencontrent des situations très spécifiques. Nous examinons la question très attentivement, en lien avec les parlementaires qui se mobilisent par rapport à cette question des stations classées et des intercommunalités.
Évidemment, l'oenotourisme, nouvelle forme, extrêmement offensive, de tourisme, doit être valorisée. C'est l'excellence française qui est en jeu. Les vins et les spiritueux sont par ailleurs l'un de nos principaux excédents commerciaux, juste après l'aéronautique. Nous sommes en train de mettre au point une mesure - après la mesure en Airbus, la mesure en Rafale, une mesure en fûts ou en bouteilles.
Monsieur Dominique Potier, vous suivez de très près la crise de l'acier. Avec le ministre de l'économie, nous sommes mobilisés sur la réciprocité, en cette matière comme en d'autres, sur les instruments de défense commerciale. Vous avez raison, il s'agit d'une vision de la mondialisation. C'est pour cela que la France défend maintenant dans les négociations commerciales l'idée que les accords commerciaux doivent comporter des clauses environnementales et sociales de même effet juridique que les stipulations de droit commercial. Tout cela va ensemble. Il faut construire une cohérence de notre diplomatie : la COP21 et les différents accords qui suivent doivent former un ensemble cohérent. Conclure l'accord de Paris n'a aucun sens s'il s'agit de le détricoter ensuite par d'autres accords. Le président de la République a confirmé, lors de la Conférence environnementale, que la France ne signerait désormais que des accords commerciaux dans lesquels le droit environnemental était considéré au même titre que le reste. Et nous défendons l'idée, chère à plusieurs ONG, que le droit environnemental puisse être invoqué devant les mécanismes d'arbitrage d'État à État - qui n'ont rien à voir avec l'arbitrage évoqué précédemment - et donc être opposables et contraignants.
Sincèrement, Monsieur Jean-Luc Laurent, en matière d'administration du tourisme et du commerce extérieur, il y a eu des frictions au départ, mais elles ne me semblent vraiment plus d'actualité. Les directions de Bercy et du Quai d'Orsay travaillent étroitement ensemble, et je veux les en remercier. Hier, j'étais à la réunion sur les contrats de destination organisée par la direction générale des entreprises ; c'était une réunion intéressante, d'une portée opérationnelle tout à fait réelle. Vous savez que M. Jean-Paul Huchon mène en ce moment une réflexion sur la gouvernance en matière de tourisme. Ce sera toujours un sujet interministériel, et il y aura toujours différentes compétences à mobiliser. Il faut donc avancer, mais la conférence annuelle sur le tourisme, à la fin de l'année, est aussi un rendez-vous de mobilisation de tous les acteurs publics et privés en la matière.
Le dossier d'Hinkley Point est suivi par le ministre de l'économie. Je suis l'ensemble des sujets, mais il suit cette question de très près. Il n'y avait absolument aucune raison que je m'exprime de manière différente sur ce thème. Le dossier est suivi par Bercy et le gouvernement de très près et très précisément, et notre diplomatie économique est cohérente. Nous n'avons pas à prendre des positions contradictoires sur les différents sujets, mais si vous souhaitez des précisions sur tel ou tel aspect, nous sommes évidemment l'un comme l'autre à votre disposition.
Pardon d'avoir été trop long. Je suis à votre disposition chaque fois que vous le souhaitez.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juillet 2016
Je vais essayer d'évoquer en une vingtaine de minutes les différents sujets que vous avez abordés, Madame la présidente. Ils sont tout de même très vastes ; aussi pourrai-je préciser mon propos ensuite, à la faveur de vos questions.
Représentant 8% de notre richesse nationale, et avec 2 millions d'emplois qui y sont liés, le tourisme est un secteur majeur de notre économie, en pleine expansion. Selon les projections de l'Organisation mondiale du tourisme, agence spécialisée de l'Organisation des Nations unies (ONU), le nombre de touristes aura presque doublé en 2030, passant d'un milliard actuellement à 1,8 milliard en 2030. La France est la première destination touristique au monde, avec 85 millions de touristes accueillis l'an dernier. L'objectif est d'en accueillir 100 millions par an à l'horizon 2020. Le tourisme, ce sont des métiers magnifiques, partout, dans nos régions, dans nos territoires, dans les territoires que vous connaissez. La volonté du gouvernement est donc forte, même s'il s'agit évidemment de mener cette politique en lien avec les acteurs de terrain. M. Laurent Fabius l'a pilotée au Quai d'Orsay à partir de 2014 ; c'est désormais M. Jean-Marc Ayrault qui le fait. Au niveau des secrétaires d'État, je travaille étroitement avec Mme Martine Pinville, plutôt chargée des aspects internes, notamment le suivi des métiers, tandis que je m'occupe plutôt de la promotion, à l'international.
L'actualité est contrastée. Des faits que je ne mets évidemment pas sur le même plan, mais qui se conjuguent, ont pu dissuader des touristes de venir et compromettre l'organisation d'événements : les attentats qui ont frappé notre pays, un certain nombre de phénomènes météorologiques, etc. Les chiffres ne sont donc pas bons, notamment à Paris et dans la région capitale. Il est un peu tôt pour un bilan exhaustif et précis ; je le ferai dès que nous aurons des données fiables. Il faut, bien sûr, distinguer selon les secteurs, les types de tourisme, etc., mais nous savons que la tendance n'est pas très bonne. La situation est globalement meilleure dans les autres régions. Des gens souhaitent visiter la France mais évitent, pour les raisons que j'ai indiquées, Paris. La mobilisation est très forte, notamment de la part de la maire de Paris et de la présidente du conseil régional d'Île-de-France.
J'ai réuni hier les acteurs des contrats de destination. Il s'agit là de marques touristiques à vocation internationale que nous avons contractualisées, avec les acteurs territoriaux, au ministère des affaires étrangères. Au-delà de la qualité des projets, les contrats de destination devaient remplir deux grands critères. Le premier était d'avoir une lisibilité à l'international. S'il y a une chose dont les touristes se moquent, ce sont les limites administratives françaises : quand on va quelque part, on ne se demande pas en permanence dans le ressort de quelle entité administrative on se trouve. Il faut travailler ensemble, c'est l'idée de ces contrats de destination, et cela fonctionne. Le deuxième critère, c'est la lisibilité depuis l'international. Chaque territoire doit s'en sortir, pouvoir jouer sa carte, mais, en même temps, quand on présente quelque chose, il faut que ce soit lisible, que les gens découvrent de grandes destinations. Lors de chacun de mes déplacements à l'étranger, j'ai à coeur de faire la promotion de ces contrats de destination.
Je lance d'ailleurs une invitation par votre intermédiaire : que tous les acteurs du tourisme qui le souhaitent m'accompagnent dans les déplacements à l'international. Chaque fois, nous organisons des rendez-vous très précis, avec des relais, que ce soit des tour-opérateurs, des journalistes ou des blogueurs qui font la tendance. Nous avons ciblé, bien sûr, les pays au très fort potentiel mais aussi ceux dont les ressortissants ont été moins nombreux à visiter notre pays l'an dernier - le Japon, les États-Unis, la Chine ainsi qu'un certain nombre de nos voisins européens. Il ne faut pas hésiter. Cela fonctionne, et cela peut apporter un plus. Nous continuons à travailler la question, et nous préparons en ce moment la conférence annuelle du tourisme, qui se tiendra à la fin de l'année. L'idée est aussi d'actualiser la feuille de route issue des Assises du tourisme et de travailler avec tous les professionnels. Il s'agit non pas de décréter une politique depuis Paris mais, au contraire, d'associer les acteurs du tourisme - collectivités territoriales, opérateurs publics et entreprises - à cette construction. Vraiment, Mesdames et Messieurs les députés, n'hésitez pas, c'est extrêmement porteur.
Un fonds d'investissement d'un milliard d'euros est mis en place à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Il n'est pas si fréquent, pour moi, d'annoncer quelque part qu'il y a de l'argent : j'en profite donc. En l'occurrence, il y a de l'argent pour accompagner la montée en gamme de notre offre touristique, l'innovation, les hébergements. Il ne faut pas hésiter. Le directeur général de la CDC fait en ce moment un tour de France pour présenter ce fonds et les critères d'éligibilité. Cela peut intéresser beaucoup de monde, y compris dans vos territoires. Nous savons qu'il faut adapter l'offre. Les différents axes de travail que nous avions identifiés avec les professionnels, autour de l'accueil, de l'hébergement, du numérique, exigent aussi un accompagnement financier. C'est l'idée de ce fonds, qui peut par ailleurs être complété par des fonds du programme d'investissements d'avenir (PIA), qui s'orientent aussi vers le tourisme - il faut respecter un critère d'innovation assez exigeant, mais qui permet aussi de faire entrer les projets «dans les clous».
Nous pouvons évidemment parler des aspects numériques de la question, mais le Parlement y a déjà beaucoup travaillé. Une étape importante a été franchie. L'idée est double. Il s'agit tout d'abord de veiller à ce que la concurrence entre les nouveaux acteurs du tourisme - les plateformes - et les acteurs traditionnels soit équitable. Des règles, des normes très exigeantes s'appliquent aux professionnels du tourisme. Toute concurrence déloyale est évidemment hors de question. Votre assemblée y a travaillé et la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour une République numérique est parvenue à un bon équilibre. Dans le même temps, il faut aussi s'inscrire dans les tendances. L'objectif de 100 millions de touristes ne pourra être atteint que si de nouveaux types d'hébergement y contribuent et si, par ailleurs, les professionnels du tourisme s'engagent totalement dans le numérique - ils le font effectivement. Il faut marcher sur ses deux jambes, tout en veillant vraiment à une grande équité de la concurrence et, bien sûr, en luttant contre les abus et les fraudes.
Sur le commerce extérieur, je ferai le point sur un certain nombre de négociations en cours, avant de vous dire un mot sur le «Brexit» et ses conséquences, telles que nous pouvons aujourd'hui les anticiper. Je répondrai aussi à vos interrogations sur les petites et moyennes entreprises (PME).
En ce qui concerne ce fameux CETA, dont la négociation s'est achevée au mois de septembre 2014, lors du sommet entre l'Union européenne et le Canada, plusieurs aspects doivent être évoqués. Sur le fond, le gouvernement considère que c'est globalement un bon accord pour notre économie, car il porte à un niveau très élevé la reconnaissance de nos indications géographiques et de nos appellations. Ce que j'ai appelé la «diplomatie des terroirs» y est largement reconnue. Vous savez que notre diplomatie est mobilisée : si nous voulons défendre les terroirs de France, il faut aussi les défendre avec beaucoup de force dans les négociations internationales pour faire reconnaître ce concept d'indication géographique. Récemment, aux États-Unis, j'ai rencontré des producteurs eux-mêmes attachés à ce système d'indications géographiques. Ne cédons donc rien sur ce point. Chaque fois qu'un État accepte d'entrer vraiment dans le jeu des indications géographiques, il faut regarder cela de très près. Quarante-deux nouvelles indications géographiques sont reconnues par le Canada, qui concernent notamment les produits laitiers et la charcuterie, et s'ajoutent aux indications géographiques déjà reconnues en 2004 dans les vins et spiritueux. Il y a donc là une très forte protection de nos indications géographiques. J'entends dire que toutes nos indications géographiques ne sont pas reconnues par le Canada. C'est vrai, mais nous avons centré nos demandes sur celles pour lesquelles il y avait des problèmes, celles qui étaient le plus fortement l'objet d'une concurrence. Certes, l'Osso Iraty n'est pas reconnu par l'accord avec le Canada, mais il n'y est l'objet d'aucune concurrence ; je réexaminerai la question lorsque l'on m'aura présenté un producteur canadien d'Osso Iraty ! Il faut aller jusqu'au bout des raisonnements commerciaux, et la France se concentre évidemment sur les indications géographiques confrontées à des difficultés.
Par ailleurs, le Canada a très largement ouvert ses marchés publics, notamment à nos PME. La réciprocité est un enjeu très fort. La France défend l'idée de réciprocité dans les échanges. L'Europe est très ouverte en ce qui concerne l'accès à ses marchés publics ; d'autres le sont beaucoup moins. Le Canada a fait des efforts d'ouverture importants, y compris en impliquant les provinces, qui sont liées par cet accord.
Le Canada est en outre le premier État à reprendre la proposition française de cour de justice commerciale internationale pour remplacer l'arbitrage privé, que j'avais élaborée. Il y a eu beaucoup de débats ces derniers temps, et vous-mêmes avez travaillé sur ces sujets. L'arbitrage privé permet à de grandes entreprises d'attaquer des règles démocratiques devant des tribunaux privés ; ce n'est évidemment pas acceptable, et l'Assemblée nationale avait émis des souhaits extrêmement précis. J'avais élaboré une proposition dont l'objet était notamment de remplacer les arbitres privés par des juges publics, rémunérés par les États et non par les entreprises, soumis à des règles déontologiques très strictes prévenant les conflits d'intérêts, et aussi d'interdire que des choix de politique publique soient contestés - les États ont le droit d'édicter des règles et de les faire respecter. Le Canada a été le premier État à accepter cette cour. Je signale à ceux qui aiment la politique qu'il l'a fait après les élections et la nomination du nouveau gouvernement. Sous le gouvernement de M. Stephen Harper, la position canadienne était très claire : c'était un refus pur et simple d'entendre parler du sujet. C'est sous le gouvernement de M. Justin Trudeau que les choses ont évolué.
En ce qui concerne la ratification du CETA, disons les choses poliment : la Commission européenne a essayé tout au long des dernières semaines de contourner les parlements nationaux. Je m'étais cependant engagé devant vous, en commission comme dans l'hémicycle : la France considère que cet accord porte sur des compétences européennes et des compétences nationales, et qu'il nécessite donc une double ratification parlementaire, au niveau européen et au niveau national. La Commission a essayé, y compris au plus haut niveau, de contourner cette réalité, considérant que cela présentait des difficultés. C'est d'ailleurs vrai : doivent se prononcer à la fois les vingt-huit parlements nationaux et, dans certains pays, les parlements régionaux, mais, à l'heure où la légitimité de ces discussions commerciales est contestée, le pire serait précisément de vouloir régler le problème en «zappant» des lieux de légitimité, en particulier le Parlement. La Commission a finalement changé d'avis hier, après que plusieurs États membres, dont la France, se sont exprimés avec force, voire virulence ; je m'en réjouis. Il aurait été impensable que les choses ne se déroulent pas ainsi. La France considère que c'est un bon accord, et le gouvernement vous invitera à le ratifier, mais vous déciderez.
L'accord avec les États-Unis est négocié depuis 2013. J'ai été le premier membre d'un gouvernement à émettre, dès l'année dernière, des réserves très fortes, à formuler des exigences très fortes, à définir des critères très forts. Le président de la République a confirmé cette stratégie au cours des derniers mois ; le Premier ministre s'est également exprimé à ce propos, notamment ces tout derniers jours. La stratégie de la France est très claire. Elle n'a pas varié depuis que je suis chargé de ce dossier, et elle ne variera pas : nous souhaitons la transparence des négociations, nous souhaitons que la proposition d'une cour de justice commerciale internationale soit reprise, comme elle l'a été par le Canada, l'idée étant, à terme, de nous doter d'une cour de justice multilatérale et non pas simplement bilatérale, compétente entre des pays précis ; nous souhaitons que nos entreprises, notamment nos PME, puissent avoir accès aux marchés publics américains ; nous souhaitons de la réciprocité. C'est bien de prôner le libéralisme en permanence, mais, très sincèrement, il n'y a plus maintenant que la Commission européenne qui l'envisage de manière dogmatique et béate. Les États-Unis, eux, font preuve d'une très forte réactivité et mettent en oeuvre des instruments de défense commerciale de manière extrêmement efficace. C'est positif ; je respecte cela, et je le dis franchement. Ce n'est pas moi qui jetterai la pierre à un État qui applique des procédures et des règles pour se défendre. Simplement, l'Europe doit être à la hauteur des enjeux. Si la méfiance se répand, c'est aussi parce que toutes les promesses, parfois faramineuses, des accords commerciaux n'ont pas été tenues dans leur intégralité - pour l'exprimer en termes diplomatiques. Soyons très exigeants sur ce point.
Nous avons un rendez-vous très important, les 22 et 23 septembre prochains à Bratislava : le conseil informel des ministres du commerce extérieur. La Commission européenne fera alors un rapport sur l'avancement des négociations. Nous attendons un rapport d'étape extrêmement précis, non des généralités lénifiantes. Ce sera pour le gouvernement un temps d'analyse extrêmement important, ce que n'a pas été le Conseil européen. Contrairement à ce que la Commission a essayé de faire croire, il n'y a eu absolument aucune «reconfirmation de mandat», ou que sais-je : il n'existe pas de procédure de «reconfirmation de mandat» en droit européen. Ce sont donc des manoeuvres extrêmement grossières, et peu intéressantes, visant sans doute à rejeter la responsabilité sur tel ou tel. Au Conseil européen, nous avons eu droit à une présentation très «synthétique» - soyons polis - de l'état d'avancement des négociations et, ensuite, à une quasi-absence de débat, mais il était prévu qu'il en soit ainsi au lendemain du Brexit. Le président de la République a rappelé une nouvelle fois les exigences françaises, et la Commission a demandé aux États de lui signer un chèque en blanc, ce qu'ils ont refusé. Voilà très exactement où nous en sommes. Prochain rendez-vous à la rentrée.
Le Brexit est évidemment un événement très important. Politiquement, c'est la première fois qu'un État membre décide - en l'occurrence, par voie de référendum - de quitter l'Union européenne. Aux conséquences économiques s'ajoutent des conséquences politiques. L'effet de souffle peut, en effet, être extrêmement puissant sur d'autres États européens, comme à l'intérieur même du Royaume-Uni.
Du strict point de vue du commerce extérieur, d'abord, à court terme, rien ne change sur le plan juridique. Le Royaume-Uni reste membre de l'Union européenne. La France souhaite que les autorités britanniques notifient rapidement leur demande de sortie au titre de l'article 50 du traité sur l'Union européenne - ce choix leur appartient et, si nous souhaitons que cette notification soit faite rapidement, ce n'est pas dans un esprit répressif, c'est dans un souci de clarification. Deux séries de négociation commenceront dès la notification : d'une part, des négociations de sortie de l'Union européenne, dont le traité dispose qu'elles doivent être conclues dans un délai de deux ans ; d'autre part, des négociations sur les modalités d'association économique du Royaume-Uni à l'Union européenne, pour lesquelles aucun délai n'est fixé. Plusieurs scénarios sont possibles, mais la situation est inédite, les choses vont donc s'inventer au fur et à mesure. Selon un premier scénario, de forte intégration, le Royaume-Uni rejoindrait l'Espace économique européen, comme l'a fait, par exemple, la Norvège. Un autre scénario, intégré aussi, mais selon d'autres modalités, serait celui d'une adhésion du Royaume-Uni à l'Union douanière ; ce sont là les termes de l'association de la Turquie à l'Union européenne. Les accords commerciaux s'appliquent aux pays membres de l'Union douanière, mais sans qu'ils participent de quelque manière que ce soit aux négociations. Dans un troisième scénario, seraient conclus des accords de libre-échange avec le Royaume-Uni, comme c'est déjà le cas avec d'autres pays du monde. Dans un dernier scénario, aucun accord spécifique ne serait conclu et le Royaume-Uni serait considéré comme tout État membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Tels sont les grands scénarios juridiques.
Nous tenons évidemment à garder des liens très étroits. C'est avec le Royaume-Uni que nous faisons notre premier excédent commercial : 14 milliards d'euros l'an dernier. Ce sont 30 000 entreprises françaises qui exportent vers le Royaume-Uni, lequel reçoit 8% de nos exportations. Ces quelques chiffres illustrent bien l'étroitesse des liens qui existent. Nous aurons évidemment à coeur de suivre la question de très près.
À court terme, c'est au cours de la livre sterling que nous devons être le plus attentifs. C'est là que se situe l'impact, qui peut se transmettre par deux courroies. La première est le tourisme, avec les parités de pouvoir d'achat des Britanniques. Ceux qui avaient décidé de venir en vacances en France cet été reviendront-ils sur leur décision ? Nous suivons cela de près. La situation varie d'une région à l'autre, mais il peut y avoir un impact. La deuxième courroie est celle des exportations. Nous suivons aussi cela.
J'en viens aux exportations des PME, dossier auquel j'attache énormément d'importance et sur lequel je travaille beaucoup. J'ai organisé l'an dernier, au Quai d'Orsay, le premier forum des PME à l'international. La deuxième édition a eu lieu le mois dernier, toujours au Quai d'Orsay, avec encore plus de participants. Je me suis engagé dans un tour de France des PME exportatrices, avec ces forums des PME qui se mettent en place dans chacune des grandes régions, nouvellement créés ou issus de partenariats avec des forums préexistants qui fonctionnent déjà très bien. J'étais ainsi lundi à Vannes, où 1.400 entreprises bretonnes étaient présentes.
L'idée est, à chaque fois, de présenter notre feuille de route autour de la simplification. L'an dernier, les travaux étaient centrés autour de la simplification du dispositif. Il y avait beaucoup de travail, et il en reste, je le reconnais très volontiers. Business France, à la demande du président de la République, est devenu réalité en moins d'un an, avec la fusion d'Ubifrance et de l'Agence française des investissements internationaux (AFII), pour lier exportations et attractivité du pays - cette même attractivité devra être envisagée au regard du Brexit. Nous avons énormément travaillé avec les douanes, qui sont engagées dans un plan de quarante mesures de simplification extrêmement apprécié des PME, notamment le guichet unique douanier, maintenant dématérialisé à plus de 95%, dont des PME nous ont encore fait l'éloge. Nous travaillons aussi à la simplification du parcours à l'export. Pour la première fois, nous avons réussi à mettre en place un parcours cohérent pour les PME, qui articule les différents intervenants de l'accompagnement et permette à chaque PME de savoir à chaque étape à qui s'adresser. Tout cela donne de premiers résultats et en France et à l'international, avec les conventions signées entre Business France et les chambres de commerce et d'industrie (CCI).
Les VIE sont également très importants. Il y en avait 8.000 il y a deux ans, il y en aura 10.000 à l'horizon 2017. Ce dispositif représente une chance extraordinaire pour les jeunes qui en bénéficient et pour les entreprises qui l'utilisent. Pour que les PME y aient davantage accès, nous avons mis en place des formules de portage par les grands groupes ou de mutualisation entre PME. Cela commence à vraiment monter en puissance, et je ne saurais trop encourager les uns et les autres à y recourir chaque fois que cela leur semble opportun. Les PME sont vraiment l'objet d'une très grande attention. En la matière, nous pouvons parler d'une continuité, puisque c'est l'un de mes prédécesseurs, appartenant à une autre majorité, M. François Loos, qui avait inventé l'expression «chasser en meute». C'est vraiment un travail de long terme qu'il faut mener, car nous sommes en retard, notamment par rapport aux Allemands. Cela suppose la structuration de filières liées à un grand groupe. Cela suppose aussi une montée en puissance des PME, pour qu'un plus grand nombre d'entre elles deviennent des entreprises de taille intermédiaire (ETI), mais cela implique des réformes qui ne dépendent pas de moi. C'est cet échelon, très robuste, exportateur, innovant, qui peut donner encore plus de force à une économie.
Un dernier mot, sur les chiffres du commerce extérieur. La situation est très dégradée, avec plus de 45 milliards d'euros de déficit l'an dernier. Certes, le déficit était supérieur à 70 milliards d'euros en 2011 et l'amélioration a été continue, mais elle procède largement de facteurs exogènes : le cours de l'euro et le prix de l'énergie. Cette année, la tendance sera sans doute à nouveau à la dégradation de notre solde, à cause non pas du ralentissement des exportations mais de l'augmentation des importations. Le début de reprise constaté se traduit en effet, dans certains secteurs, par une demande adressée à l'étranger ; mécaniquement, le déficit commercial s'aggrave. Il faut donc poursuivre tout le travail entrepris sur la compétitivité, c'est extrêmement important - mais le sujet ne relève pas de ma compétence.
En ce qui concerne les leviers d'action dont je dispose, j'ai été très heureux de l'augmentation du nombre d'entreprises exportatrices : de 2014 à 2015, il est passé de 121.000 à 125.000 ; 4.000 nouvelles PME se sont donc lancées à l'export. C'est très positif, d'autant que nous avons un retard à rattraper par rapport à l'Allemagne, qui compte trois fois plus d'entreprises exportatrices, mais aussi par rapport à l'Italie, qui en compte deux fois plus. Il s'agit d'un problème structurel de notre économie. Poursuivons le travail, en cohérence avec l'objectif que j'ai assigné à Business France : accompagner, de manière individualisée, 3.000 nouvelles entreprises à l'export.
Je suis à votre disposition pour tenter de répondre à vos questions.
(Interventions des parlementaires)
Je souhaite vraiment répondre à chacun. Cependant, si cela vous convient, je ne répéterai pas ma rponse lorsqu'une question m'a été posée plusieurs fois.
Vous m'avez interrogé, Madame Marie-Hélène Fabre, sur l'impact du Brexit sur les filières viticoles, question qui relève de la prospective. Je ne suis pas partisan d'affoler les différents secteurs. À court terme, la situation est juridiquement inchangée. La baisse de la livre sterling depuis plusieurs années, plus forte encore depuis le Brexit, a un impact sur les exportations, mais il n'y a pas d'urgence juridique. Nous souhaitons que les choses soient clarifiées rapidement, mais, juridiquement, tout n'est pas bouleversé du jour au lendemain. Il faut regarder les choses à tête reposée. Nous suivons évidemment de très près la question, pour ce secteur comme pour tous les autres. Il faut être vigilant et nous sommes en contact avec les professionnels des différentes filières. Avec MM. Michel Sapin et Emmanuel Macron, après le Brexit, nous avons réuni la cellule de continuité économique. Elle se réunira autant que nécessaire. Le gouvernement et l'ensemble de notre diplomatie économique sont totalement mobilisés.
Je suis longuement revenu sur le TTIP dans mon propos liminaire. La position du gouvernement est extrêmement claire, elle n'a pas varié d'un iota depuis que j'ai l'honneur d'être chargé de cette question, et elle ne changera pas. Tout le monde a été d'une parfaite clarté, et tous ceux qui essaient d'instiller le doute, notamment du côté de la Commission européenne, soit n'ont pas bien écouté tout ce que j'ai dit dans l'ensemble des réunions, y compris à Bruxelles, depuis ma nomination, soit n'ont pas travaillé leurs dossiers, soit sont de mauvaise foi, soit sont entrés dans une nouvelle phase - tout le monde a maintenant compris que les négociations ne fonctionnaient pas bien, ce que j'ai été le premier à dénoncer dès l'année 2015, et ils seraient donc maintenant à la recherche d'un éventuel bouc émissaire à qui faire porter la responsabilité d'un éventuel échec. J'assume parfaitement le fait que la France a été la première à tirer la sonnette d'alarme dans ces négociations et à dire la vérité sur tout ce qui n'allait pas. S'il en est, dans le système, que cela dérange - et nous sentons effectivement un certain affolement ici ou là -, moi, cela ne me dérange pas. Ma position est constante, elle a été élaborée en lien permanent avec vous, parlementaires, et j'insiste sur le fait que les parlementaires de la majorité comme de l'opposition ont travaillé sur ce sujet à l'Assemblée comme au Sénat. Beaucoup de résolutions ont été adoptées à une très large majorité, parfois à la quasi-unanimité. Essayer d'enfoncer le coin est absurde. Je me suis efforcé de bâtir une position française cohérente qui puisse faire largement consensus. Et, à écouter les prises de position des principaux responsables de l'opposition, j'ai le sentiment que nous pouvons nous retrouver bien plus qu'il ne semble à première vue - que Bruxelles considère donc bien cela.
J'ai aussi élaboré cette position en lien permanent avec la société civile, les syndicats, les organisations non gouvernementales et les filières économiques, c'est-à-dire les représentants des entreprises, secteur par secteur. Encore hier, j'ai réuni au Quai d'Orsay le comité de suivi stratégique de la politique commerciale, qui réunit des parlementaires, dont certains d'entre vous, la société civile - syndicats, organisations non gouvernementales (ONG) - et les filières économiques. Personne, même dans le milieu économique, ne m'a dit que je faisais fausse route et qu'il fallait, en l'état, conclure l'accord, négocié dans des «conditions formidables». Qu'on ne fasse donc aucun procès d'intention à la France, ni à moi, ni aux deux têtes de l'exécutif, ni aux différentes personnalités politiques qui se sont exprimées. Ce n'est pas acceptable et, chaque fois que la France sera attaquée sur sa position sur ce sujet, je répondrai comme je l'ai encore fait hier. Encore une fois, c'est une position sérieuse, qui répond à des valeurs, à des préoccupations démocratiques et citoyennes et aussi à des intérêts économiques bien compris, qui sont défendus dans cette négociation. Que les choses soient parfaitement claires. Pour ma part, je ne dévierai pas d'un iota de cette position. Nous suivons le dossier de très près, et nous considérons que nous avons des raisons très précises de poser nos exigences. Dès lors que cette position nous paraît juste, nous la défendons, et ce jusqu'au bout.
Je me suis également efforcé de travailler avec d'autres partenaires européens, en particulier l'Allemagne, en la personne de mon homologue et de celle du vice-chancelier Sigmar Gabriel. Avec ce dernier, nous avons encore récemment écrit à la Commission européenne pour rappeler un certain nombre de nos exigences ; cela concernait en particulier le processus de ratification du CETA. Que chacun considère attentivement la chronologie et le fond des prises de position : depuis bientôt deux ans, il n'y a pas eu de variation sur ce point. Je ne suis pas le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur qui viendra devant vous essayer de vous faire ratifier à tout prix un accord qu'il trouverait mauvais pour les intérêts économiques et pour la stratégie commerciale de la France. Je suis désolé d'être un peu solennel et dur sur ce point, mais cela me semble indispensable. Au vu de ce qui se passe par ailleurs en Europe, que chacun assume ses responsabilités. Un certain nombre de faits, y compris en Grande-Bretagne, confirment ce que j'ai écrit dans la stratégie du commerce extérieur de la France que j'ai tenu à présenter devant vous, au mois de décembre dernier - c'est la première fois qu'un tel document était présenté devant le Parlement. Je ne retire pas une ligne à ce texte, connu de tous. Que l'on ne vienne pas dire qu'il y a des changements de position, de la fluctuation ou de la «friture» sur la ligne. Tout cela, c'est n'importe quoi ! Je répondrai chaque fois qu'il le faudra, dans ce sens, à tous ceux qui pensent pouvoir faire les malins. Il n'y a pas à faire le malin là-dessus. J'entends que ces sujets sérieux soient traités avec sérieux.
Vous avez été très nombreux à m'interroger sur la diplomatie des terroirs, notamment sur la question des quotas de viande. Plusieurs professionnels m'ont écrit à ce sujet. Je sais que cela préoccupe les filières viande, particulièrement dans le contexte actuel, car leur situation est très compliquée. Les quotas de viande négociés avec le Canada ne sont pas négligeables, je ne prétendrai pas le contraire. Nous considérons cependant qu'ils peuvent être absorbés par le marché européen et national, à la condition que la Commission européenne soit très attentive à la question des quotas globaux, car plusieurs négociations en cours se juxtaposent. Je n'ai cessé de relayer l'idée qu'il fallait que les quotas globalement octroyés dans les différentes négociations respectent l'équilibre des marchés internes, français et européens. Le message est passé, la Commission européenne l'a entendu, en particulier pour les négociations en cours avec le Mercosur. Le président argentin, s'exprimant hier à Berlin, a ainsi insisté sur le fait qu'il voulait que la France bouge sur ces questions. Il a déploré l'attitude dure de notre pays sur ces questions agricoles, mais la France restera vigilante, et le président de la République a été extrêmement clair lors de ses différents entretiens avec ses homologues, dans le cadre de visites d'État en Amérique latine au mois de mars dernier. La chancelière Angela Merkel a d'ailleurs confirmé que l'Allemagne suivrait elle aussi de très près ces questions agricoles. La diplomatie des terroirs, dans le cadre de la diplomatie économique, est donc totalement mobilisée sur la question.
Nous sommes également mobilisés pour une reconnaissance toujours plus forte des indications géographiques, qui méritent d'être protégées. Un pas très important a été fait avec la révision de l'Arrangement de Lisbonne pour améliorer cette protection : de nouveaux États sont entrés dans le dispositif et le nombre d'appellations et d'indications protégées est plus élevé. Nous continuerons d'y travailler, c'est une constante de notre diplomatie. La question justifie un travail de fond très important, de long terme, par-delà les alternances.
En ce qui concerne le nautisme et les ports de plaisance, nous sommes en train de bâtir une politique spécifique avec les professionnels du secteur. Lors de plusieurs déplacements, j'ai eu l'occasion de présenter à des professionnels étrangers ce qui existe en la matière - vous savez que nous avons pris toute une série de décisions. Cela fait partie des nouvelles formes de tourisme : slow tourisme, écotourisme, navigation fluviale. Des choses extraordinaires se font. J'ai fait plusieurs déplacements en France, et beaucoup de déplacements à l'étranger pour présenter cette offre, que nous continuerons à structurer. Je suis évidemment à votre disposition si vous souhaitez poursuivre cet échange sur ce point.
Avec M. Laurent Fabius, nous avons confié une mission sur l'oenotourisme au viticulteur Michel Bernard, qui a beaucoup travaillé avec les professionnels de la filière. Je sais que beaucoup d'entre vous sont mobilisés sur cette question, et s'inquiètent d'une possible contradiction entre la promotion du vin et un certain nombre d'autres règles. Le président de la République avait pris l'engagement, à Vinexpo, de revenir à l'équilibre initial de la loi Évin, et c'est ce qui a été fait ; le Parlement y a travaillé, de manière transpartisane. L'équilibre actuel me semble bon, et je ne suggère pas de rouvrir le débat sur la loi Évin : ce serait la pire des choses, y compris pour le secteur viticole. Il faut faire de la prévention, lutter contre l'alcoolisme, faire de la prévention routière, mais cela ne signifie pas qu'il faille s'acheminer vers une société aseptisée où tout serait interdit. Je ne fais pas partie des membres du gouvernement qui craignent d'être photographiés un verre de vin à la main. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de valoriser, avec un certain nombre d'entre vous, des destinations oenotouristiques. Ce sont des métiers magnifiques, ancrés depuis très longtemps dans notre pays, le vin est un produit de civilisation, et il doit être défendu comme tel. Je me suis ainsi rendu à Vinexpo, à Hong Kong, pour soutenir à la fois la filière vitivinicole et l'oenotourisme français. Le président de la République a été le premier président à se rendre à Vinexpo, à Bordeaux, pour inaugurer la manifestation. C'était un engagement extrêmement fort, y compris sur le plan symbolique, reconnu comme tel par les professionnels. Il a récidivé, si j'ose dire, en inaugurant, avec le maire de Bordeaux, la Cité du vin dans cette ville. Je sais qu'il y a d'autres projets, y compris en Bourgogne : évidemment, le gouvernement regardera attentivement les différents aspects. Nous avons, par ailleurs, mis en place le site en anglais VisitFrenchWine, qui permet de recenser les différentes initiatives. Je vous invite à populariser ce site, porte d'entrée très forte sur l'oenotourisme français. Nous travaillons - mais cela suppose que les professionnels l'acceptent - sur la possibilité d'indiquer, le cas échéant, par une étiquette sur les bouteilles, que le domaine viticole est visitable, une étiquette dans la langue du pays où est vendue la bouteille : «Domaine visitable dans le cadre de VisitFrenchWine». C'est tout simple, tout bête, mais redoutablement efficace. C'est une préconisation du rapport de M. Michel Bernard, qui me semble très opportune.
Nous n'avons pas de chiffres fiables quant à l'impact du Brexit sur le tourisme, mais nous avons quelques remontées, provenant de Bretagne. Les professionnels indiquent que beaucoup de réservations étaient déjà faites et prévoient plutôt une neutralité du Brexit de ce point de vue - c'est un sentiment, non une donnée chiffrée. Il est certain qu'il y aura un impact, c'est mécanique. Nous suivons donc évidemment cela d'extrêmement près, mais nous ne disposons pas d'outils pour agir sur le cours de la livre sterling. Nous souhaitons aussi, dans le cadre de la clarification rapide des relations du Royaume-Uni avec l'Union européenne, que la situation puisse se rétablir. Il est tout de même assez probable que la Grande-Bretagne, grande économie, rétablisse ses équilibres.
Nous sommes très mobilisés sur la question des investissements étrangers et de l'attractivité, mais nous souhaitons agir de manière élégante. Contrairement à d'autres pays qui ont pu se comporter ainsi chaque fois que la France connaissait des difficultés, nous ne sommes pas des vautours, et vous n'entendrez pas de déclarations fracassantes tous azimuts. Nous n'en examinons pas moins de très près, en lien avec Bercy, les moyens d'attirer des sièges sociaux dans notre pays et de tirer les conséquences du fait que le Royaume-Uni ne sera plus une porte d'entrée dans le marché commun. On ne peut être à la fois dedans et dehors. Bercy, le Quai d'Orsay et Business France sont donc mobilisés. La France est une très bonne porte d'entrée dans le marché européen parce que située au coeur de ce marché.
Pour cette même raison, elle est peut-être plus traversée que d'autres pays par le tourisme, je le reconnais très volontiers, et le gouvernement ne propose pas de déplacer la France ailleurs en Europe. Cependant, les touristes comptabilisés dans les statistiques passent au moins une nuit en France, et nous avons plutôt eu tendance à sous-évaluer leur nombre qu'à le surévaluer. Par exemple, pendant longtemps, l'outre-mer n'a pas été comptabilisé dans les chiffres du tourisme. C'est à la fois absurde et choquant : les outre-mer font pleinement partie de notre pays, ils attirent beaucoup de touristes, ils développent souvent des politiques touristiques très fortes. Nous travaillons d'ailleurs sur leur insertion dans leurs contextes régionaux respectifs, et nous essayons de bâtir sur cette base, entre les outre-mer et les pays étrangers qui leur sont proches, des destinations communes. J'ai eu l'occasion de le faire à Cuba et en Afrique du Sud. Monsieur Philippe Naillet, nous pourrons examiner la question pour La Réunion. Nous essayons d'y organiser un déplacement en lien avec des pays limitrophes, et nous pourrons regarder ensemble, avec tous les élus de terrain, comment avancer. Le travail sur l'insertion des outre-mer dans le contexte régional est prometteur, il y a là un potentiel.
À la demande de l'exécutif, notre ambassadrice à Londres est en contact permanent avec la communauté française. Elle a adressé, au nom de l'exécutif, des messages. Il s'agit d'informer sur la situation mais aussi de ne pas affoler tout le monde. Je le répète : juridiquement, aujourd'hui, la situation n'est pas modifiée. Elle le sera, et les droits de nos ressortissants au Royaume-Uni feront évidemment partie du paquet des négociations ; nous demanderons des protections et des droits extrêmement forts. Leur situation juridique va donc changer, mais pas du jour au lendemain. Cela laisse le temps de bien expertiser. La communauté française de Londres est effectivement une de nos toutes premières communautés d'expatriés : nous comptons 120.000 résidents londoniens inscrits au registre des Français établis hors de France ; il y en a sans doute 200.000 ou 300.000 au total. C'est une communauté très forte, très jeune, très dynamique, très mobile, et nous sommes très attentifs à cette question.
Beaucoup de choses sont faites pour la promotion du tourisme et l'image de la France. M. Jean-Marc Ayrault a décidé le lancement d'une campagne, notamment sur les réseaux sociaux, pilotée par Atout France. J'ai déjà réuni à plusieurs reprises des prescripteurs en matière de tourisme au Quai d'Orsay : des journalistes, des blogueurs, des tour-opérateurs. Je le fais lors de chacun de mes déplacements, pour aller directement vers ceux qui font les tendances et travailler avec eux. Par ailleurs, lorsque M. Laurent Fabius était au Quai d'Orsay, nous avons assoupli les politiques de visa, ceux-ci sont désormais délivrés en quarante-huit heures en Chine - bientôt en vingt-quatre heures. Plus d'un tiers des visas dans le monde sont désormais délivrés en quarante-huit heures. La grande mobilisation des consulats en la matière fait sentir ses effets : le nombre de touristes venant de certains pays a explosé.
Le comité d'urgence économique se réunira la semaine prochaine autour de M. Jean-Marc Ayrault. L'idée est de faire le point sur les résultats chiffrés à Paris et en Île-de-France. La situation y est plus compliquée qu'ailleurs, compte tenu des différents événements intervenus. Il s'agit de faire le lien avec les différents professionnels. Je me permets par ailleurs d'appeler votre attention sur un déplacement que je ferai à la rentrée, à Macao, car nous souhaitons évidemment nouer toujours plus de liens en matière touristique. S'y tiendra un grand forum touristique dont la France sera l'invitée d'honneur. Je souhaite pouvoir conduire la délégation la plus étoffée, la plus qualitative possible, sur tous les aspects de notre tourisme, à la fois les simplifications administratives, les différentes destinations - les contrats de destination et les différents territoires s'inscrivent dans ce déplacement à un niveau de représentation le plus élevé possible. Nous rencontrerons tous les décideurs chinois en matière de tourisme : investisseurs, décideurs politiques, des opérateurs, etc. C'est une opération très importante, que nous préparons activement. Je me permets de le dire parce que, dans les différents territoires, cela peut vraiment avoir un impact fort.
L'impact de la situation russe est très concentré sur certains secteurs, mais très fort. J'étais à Moscou il y a quelques semaines, pour faire le point. Il s'agissait à la fois de faire lever un certain nombre d'embargos qui ne nous semblent pas justifiés et de faire le point avec les autorités russes. C'est la France qui, avec l'Allemagne, est à l'origine du format dit «Normandie», et c'est nous qui avons rouvert les négociations avec la Russie. La France, en tant que membre permanent du conseil de sécurité, a pour vocation d'être le garant de la paix aux frontières de l'Union européenne. Elle suit donc de très près la situation en Ukraine. Elle tient à ce que toutes les parties - je dis bien : toutes - mettent en oeuvre l'accord de Minsk ; M. Jean-Marc Ayrault l'a encore confirmé très récemment. Il s'agissait aussi de discuter, d'échanger et de faire en sorte d'avancer. Nous souhaitons évidemment que les sanctions puissent être levées dans les meilleurs délais. Cela n'en suppose pas moins le respect des accords de Minsk. Il y a un certain nombre de questions essentielles qui se posent, aux portes de l'Union européenne. Nous travaillons aussi sur l'accès à des débouchés alternatifs, Monsieur Thierry Benoit - j'ai réuni au Quai d'Orsay des ambassadeurs de pays d'Asie, de pays du Golfe, en fonction des productions concernées. Nous avons déjà obtenu plusieurs levées d'embargo, notamment sanitaires, et vous savez que la France bénéficie maintenant, sur les viandes, du meilleur statut de risque possible à l'Organisation mondiale de la santé animale : le statut de pays à «risque négligeable» vis-à-vis de l'encéphalopathie spongiforme bovine. Dans plusieurs pays du Golfe, dans plusieurs pays d'Asie, il y a des débouchés très concrets. Nous travaillons étroitement avec M. Stéphane Le Foll.
Les investissements chinois dans le lait sont suivis de très près, car la question est sensible. L'État et Business France suivent chaque investissement, au regard de la sensibilité de la filière. Je suis à votre disposition, si vous souhaitez, que l'on regarde tel ou tel investissement précis.
Vous avez été nombreux à m'interroger sur le rôle des régions dans le tourisme ; il est indispensable. J'ai réuni hier, au Quai d'Orsay, les vice-présidents chargés du tourisme des différentes régions, qui allaient, par ailleurs, travailler à l'Association des régions de France (ARF), et j'ai rencontré la semaine dernière le président de celle-ci, M. Philippe Richert. La région est chef de file. C'est une compétence partagée, parce qu'il a été considéré que certains territoires avaient besoin de continuer à pouvoir se battre sur leur tourisme. Cela me paraît juste. Il faut un chef de file identifié, mais il ne s'agit pas non plus d'encourager des phénomènes de concentration, de métropolisation ou d'accentuation du caractère touristique de zones déjà touristiques. La stratégie française vise à ce que l'ensemble des territoires français bénéficient du tourisme, à la fois de grands sites réputés, mais aussi des territoires qui développent de nouvelles formes touristiques, plus tournées vers le tourisme familial, le tourisme de l'authenticité, l'oenotourisme, le slow tourisme, la navigation, le vélo, et qui répondent à des demandes très fortes. Huit Européens sur dix indiquent vouloir changer de rythme de vie. Ce type de tourisme participe à cela.
Je souhaitais réunir les nouveaux vice-présidents chargés du tourisme maintenant que les élus régionaux ont pris leurs marques, pour que nous avancions ensemble. Évidemment, sans les régions, rien ne peut se faire ; c'est une évidence. Ce niveau territorial est aussi un niveau d'impulsion. Quant au fonds de un milliard d'euros, c'est la Caisse des dépôts et consignations qui s'en occupe. Son directeur général présente le dispositif dans les régions, mais si vous le souhaitez, je peux organiser une réunion d'information avec lui, avec les professionnels et avec vous, parlementaires, pour que vous soient indiqués les critères d'éligibilité et précisés les différents aspects, pour que vous puissiez ensuite relayer l'information. Cela répondrait sans doute à une demande assez importante.
Monsieur le président André Chassaigne, j'ai passé quatre jours aux États-Unis récemment - c'était mon plus long déplacement depuis ma nomination. J'ai eu un très long entretien avec mon homologue, l'ambassadeur Michael Froman, représentant spécial du président Barack Obama sur les questions de commerce. Ce fut un entretien très approfondi, très constructif. L'un et l'autre sommes fermes sur nos positions, mais le ton n'était absolument pas aux menaces. Dans ces négociations, chacun défend un certain nombre de principes et d'intérêts, mais je suis le premier à considérer que nous avons besoin de négocier beaucoup de choses avec les États-Unis. Les Américains sont des partenaires très forts pour la France : en matière diplomatique, en matière de lutte contre le terrorisme, en matière économique. De très nombreuses entreprises américaines travaillent ici, 450.000 emplois ont été créés en France par des entreprises américaines. De très nombreuses entreprises françaises travaillent aux États-Unis dans tous les domaines, et près d'un demi-million d'emplois ont été créés là-bas aussi. Il faut cependant que ce soient de bonnes négociations, des négociations d'avenir, qui intègrent les nouveaux sujets : l'environnement, les droits sociaux, les règles, la sécurité. C'est cela qui est en jeu. Quand les négociations se passent mal, je le dis et le déplore, mais il ne s'agit pas dire que nous ne négocierons plus jamais rien avec les États-Unis. Ce serait absurde, et ce serait une faute, mais il faut tenir fermement sur nos positions. C'est ce que les États-Unis font, c'est ce que nous faisons aussi.
Merci, Monsieur André Chassaigne, pour les propos élogieux que vous m'avez adressés en évoquant Cuba. Nous y avons consacré beaucoup de temps parce que le moment est historique. Je suis le premier membre d'un gouvernement occidental qui se soit rendu à Cuba après les annonces américano-cubaines de levée d'embargo et M. François Hollande a ét le premier chef d'État à s'y rendre, au mois de mai dernier. Nous avons négocié avec le Club de Paris un accord tout à fait substantiel d'allégement de la dette, avec un mécanisme «allégement de dette contre projets» - pour résumer. J'aurai l'occasion de me rendre au cours des prochains mois à Cuba pour constater les progrès, pour installer la commission mixte économique qui examinera les différents dossiers et pour vérifier que l'accord de Paris est respecté et que les projets sont au rendez-vous. Il y a déjà beaucoup d'entreprises au travail, dans la construction, dans le bâtiment, dans le tourisme, dans différents secteurs, y compris la santé, l'agriculture. Un certain nombre sont emblématiques. Il s'agit de construire, à un moment où Cuba souhaite diversifier ses relations économiques, pour ne pas être du jour au lendemain dépendant économiquement d'un seul pays, voisin, légèrement au Nord... Les opportunités sont fortes, la concurrence européenne aussi, mais nous avons répondu présents. Nous avons étoffé notre service économique et nous avons installé le bureau de Business France à Cuba. La diplomatie économique travaille donc là-bas de manière extrêmement sérieuse, mais je sais que le président du groupe d'amitié que vous êtes, qui était de la visite d'État, suit cela de près.
Madame Annick Le Loch, le gouvernement considère que le principe de précaution n'est pas remis en cause par l'accord avec le Canada. J'ai reçu, la semaine dernière, un rapport d'experts mandatés par une ONG, Foodwatch. Nous sommes en train de regarder cela, évidemment. Un certain nombre de droits, de préférences collectives sont respectés. La reconnaissance par le droit de l'Union européenne et de la France du principe de précaution et leur droit à le faire appliquer ne nous semblent pas remis en cause.
Monsieur Antoine Herth, il n'y a pas de date limite pour trouver un accord. Simplement, il y aura un rendez-vous important en septembre, à Bratislava. Ce qui est sûr, c'est que certains voudraient conclure hâtivement, mais j'ai toujours dit qu'un accord rapide serait un accord mauvais pour la France, parce que toutes les demandes françaises nécessitent de longues négociations. Nous sommes exigeants, nous ne souhaitons pas un accord à tout prix ni un accord au rabais. Nous avons des demandes très précises, élaborées avec les filières économiques.
Je le répète, il n'y a pas de «reconfirmation» de mandat. Dans le droit européen actuel, le mandat ne peut pas non plus être retiré. Les États donnent mandat à la Commission européenne, qui négocie et revient avec un projet d'accord, puis les États l'acceptent ou le refusent. Politiquement, il est évident que, lorsque certains États demandent la fin d'une négociation, personne n'imagine de continuer à négocier - certains États comme la France plus que d'autres, c'est la réalité, même si on peut le regretter sur le plan des principes. La réalité politique est donc distincte de la réalité juridique. Je suis en train de réfléchir, par ailleurs, à un processus de réactualisation des mandats. Un certain nombre de négociations se fondent sur des mandats qui ont dix ou quinze ans, alors même que les réalités économiques des pays ont changé. Il faudrait envisager soit la caducité des mandats en l'absence d'accord au bout d'un certain nombre d'années, soit une obligation de réactualisation.
Je m'exprimerai bientôt sur les propositions françaises de remise à plat de la politique commerciale européenne. Il y a beaucoup à faire. La stratégie du commerce extérieur que nous avions élaborée et qui a fait l'objet d'un débat parlementaire comportait beaucoup de propositions, mais le Brexit confirme qu'il est urgent de retravailler beaucoup de sujets ; je ferai donc des propositions.
Les parlements seront consultés sur le CETA, c'est incontestable et c'est maintenant - enfin - officiel, y compris du côté de la Commission européenne. Nous en avons discuté hier dans le cadre du comité stratégique de suivi, et je peux vous adresser une note très précise, secteur par secteur, précisant ce qui concerne le niveau européen et ce qui concerne le niveau national. Je suis même disposé à rendre publique cette note sur la page du site internet du Quai d'Orsay que j'ai mise en place pour rendre compte des négociations commerciales internationales.
Je pense avoir été suffisamment clair sur ce qu'on dit à Paris et ce qu'on dit à Bruxelles. Tous les verbatim sont disponibles, et personne ne peut prétendre découvrir la position française. Je renvoie ceux qui font semblant à mes interventions du 27 septembre 2015 et à tout ce qui a précédé. Ils liront noir sur blanc exactement ce que le président de la République et le Premier ministre ont reconfirmé encore récemment. Pas de mauvaise foi ni de jeu politicien en la matière : c'est pénible et désobligeant et ce n'est pas sérieux !
Comment favoriser encore l'exportation des PME ? Une feuille de route est en place. De nombreuses régions sont également en train de regrouper leurs opérateurs, et les grandes régions joueront un rôle leader.
J'étais en Bretagne lundi. Il y a là un modèle qui fonctionne, parce que tout le monde a joué le jeu. Autour de la région et de l'opérateur régional, les chambres consulaires, les conseillers du commerce extérieur de la France, les différents intervenants ont décidé de travailler ensemble, laissant un peu de côté leur ego et leurs préoccupations propres. Cela fonctionne bien dans beaucoup d'autres régions. Il faut vraiment « y aller » ensemble ; vu la gravité de la situation, nous ne pouvons nous permettre des querelles intestines, parfois picrocholines. J'examine la question pays par pays, région par région, mais ce n'est pas l'État qui va décréter pour les régions ce qui doit être fait, ce n'est pas du tout l'esprit de la loi NOTRe. Chacun doit assumer sa part du travail.
Monsieur Philippe Le Ray, vous avez été rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits de la mission « Tourisme ». Le prélèvement spécifique sur les visas abonde le budget d'Atout France de 5 millions d'euros. La question des recettes d'Atout France est évidemment importante, mais la question des recettes de Business France a aussi été posée. Que nous aurait-on dit si, après une fusion, nous avions augmenté les budgets ? Que nous aurait dit l'opposition, Monsieur Laurent Furst ? On nous aurait accusés de nous moquer du monde : «Vous avez procédé à cette fusion en annonçant que cela permettrait des économies et, ensuite, vous augmentez les budgets ! Vous n'êtes pas respectueux, et, d'ailleurs, nous proposons, nous, de réduire deux, trois, quatre, cinq fois plus la dépense publique que vous !». Il faut être un brin cohérent, mais les Français sont souverains et nous verrons quel est leur choix. Simplement, nous attendons de connaître, très précisément, ce que vous augmenterez et ce que vous diminuerez, en matière d'export mais aussi en ce qui concerne toute une série d'autres services publics qui intéressent les Français. Quand on lance des polémiques, il faut les assumer jusqu'au bout, et regarder les implications jusqu'au bout. Un certain nombre de vos collègues proposent purement et simplement la suppression de Business France. Soit il faut augmenter les recettes, soit il faut supprimer ! Mettez-vous au moins d'accord sur ce sujet, cela donnera beaucoup de lisibilité à ceux qui travaillent sur l'export.
Madame Jacqueline Maquet, en tant que présidente du groupe d'amitié France-Australie, vous suivez de très près la question de l'accord de libre-échange. Il est possible qu'un mandat soit donné au début de l'année prochaine. Des contrats très importants avec l'Australie ont été annoncés récemment, notamment en matière de défense ; le ministre de la défense est extrêmement mobilisé. Nous serons attentifs aux sensibilités et aux points offensifs et défensifs classiques de la France dans ces ngociations, en particulier en matière agricole - avec l'Australie comme avec la Nouvelle-Zélande, les enjeux sont très importants.
M. Julien Aubert a raison sur la question de l'influence du Royaume-Uni. La France, par la voix du président de la République, a dit vouloir une clarification rapide. On ne peut pas être à la fois dedans et dehors. Je le répète, à court terme, juridiquement, rien n'est changé, mais il faut une clarification rapide. Nous devrons examiner comment le Royaume-Uni sera associé à l'Union européenne - je vous ai indiqué les différents scénarios envisageables. Par ailleurs, mais je m'exprime à titre personnel, je crois qu'une fois le Royaume-Uni sorti de l'Union européenne, les hauts fonctionnaires britanniques n'auront plus leur place dans les institutions communautaires - je parle de ceux qui ont un pouvoir de décision ou une influence sur la décision. Il n'est pas possible d'être dedans et dehors, c'est comme dans un gouvernement, il faut être extrêmement clair. Il n'est pas possible d'être dehors et de conserver une influence substantielle sur les décisions qui seront prises. Il faudra aller au bout de la logique du Brexit, non dans un esprit revanchard ou punitif mais dans un esprit de cohérence. Je suis en désaccord, à ce propos, avec les prises de position récentes du président Jean-Claude Juncker, mais je ne parle que des fonctionnaires britanniques qui ont un pouvoir de décision ; la situation des autres est évidemment différente.
Nous verrons quel est l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur l'accord de libre-échange avec Singapour. Ce qui est sûr, c'est qu'une remise à plat des politiques européennes est nécessaire, y compris des différents processus d'élaboration et de validation. Il y a un problème quand toute politique commerciale de l'Union peut être bloquée sur n'importe quel accord. Il y a là un véritable enjeu de crédibilité de l'Union européenne sur la scène commerciale internationale, mais la question ne peut être réglée en sortant, au détour d'un accord, les parlements nationaux du processus de validation. Il faut que les différents lieux de représentation démocratique soient associés dès le début des négociations et même dès la fixation du mandat, et tout au long du processus. Je réfléchirai à des propositions avec mes homologues européens, mais les choses ne peuvent se faire en catimini. Cela doit se faire sur des bases solides, rigoureuses, sérieuses, respectueuses de la démocratie.
Je suis en lien direct avec beaucoup de filières agricoles, qui m'interpellent et qui suivent ces questions. Elles ont reconnu que les questions agricoles étaient l'objet d'un suivi très précis et très rigoureux. J'y travaille en lien avec M. Stéphane Le Foll.
En ce qui concerne le Buy American Act, l'analyse française est que les États-Unis ne souhaiteront pas bouger sur ce sujet, symboliquement très important pour eux. C'est par ailleurs respectable, et il serait souhaitable qu'un Buy European Act puisse aussi être mis en oeuvre. Réciprocité, lucidité, sur ce qu'est la mondialisation et réalisme : nous avons beaucoup à gagner, nous avons aussi beaucoup à perdre. Ne soyons pas naïfs. Prêcher naïvement et de manière dogmatique le libéralisme sans regarder la réalité du monde d'aujourd'hui, avec un capitalisme financiarisé et des dérives oligarchiques à tous les étages de l'économie mondiale, c'est ne pas regarder la réalité en face.
Monsieur Dominique Potier, vous avez fait un certain nombre de remarques à ce propos. Ne soyons pas gentils et naïfs, car cela se paye, dans les filières économiques, dans les régions, au niveau de l'emploi et, ensuite, avec un vote extrémiste à force de détresse. C'est aussi ce que nous avons vu récemment, avec un certain nombre d'événements en Europe. Chacun doit vraiment être lucide.
Nous regardons comment pourrait s'articuler la cour de justice commerciale internationale que nous appelons de nos voeux avec la Cour de La Haye, qui est une institution du droit international public. Ce qui est sûr, c'est que la France veut bâtir une cour de justice commerciale internationale multilatérale. Un premier jalon est posé avec le Canada. C'est vraiment un tournant dans le droit commercial : pour la première fois un État accepte cela - le Vietnam l'a également fait. Sur cette base, nous pouvons bâtir une cour qui, à terme, sera multilatérale et gérera les 3.600 accords qui existent dans le monde en matière d'arbitrage privé. Cela prendra évidemment du temps, mais la diplomatie française a fait une proposition très offensive, innovante, volontariste, réaliste, pour remettre des règles dans la mondialisation, remettre du choix démocratique. Nous espérons évidemment que cela puisse voir le jour.
Dans le numérique, il n'y a aucune frilosité. C'est même l'un des axes des Assises du tourisme portées par le Quai d'Orsay. Nous travaillons étroitement sur la question. Simplement, nous souhaitons de l'équité, de la réciprocité dans les différents échanges. On ne peut nous dire d'un côté qu'il faut respecter les hôteliers et de l'autre qu'il faut tout ouvrir sur le numérique. Il faut être raisonnable sur ces deux piliers, que le tourisme classique aille sur le numérique, et c'est ce qu'il fait, et, par ailleurs, que les autres respectent les règles. La loi a posé des critères qui me semblent extrêmement intéressants, et c'est un secteur en grand mouvement. J'ai même indiqué que nous ne pourrions pas atteindre nos objectifs sans le secteur du numérique et les évolutions en cours. Nous suivons cela précisément.
Quant à la propreté d'un certain nombre de lieux, je suis preneur de toute réflexion susceptible de nous éclairer. N'hésitez donc pas, Madame Sophie Rohfritsch, à adresser une note au gouvernement. Elle sera lue attentivement.
J'ai répondu sur l'oenotourisme. D'après les sondages, les raisons de venir en France sont, d'abord, culture et patrimoine et, ensuite, gastronomie et vin. Je soupçonne un peu d'hypocrisie dans l'ordre des préférences, mais, après tout, cela va ensemble.
Votre proposition sur l'accueil des retraités est très intéressante, Monsieur Laurent Furst. Sur ma proposition, le Premier ministre a confié à votre collègue Christophe Bouillon une mission sur le tourisme des seniors. Il aura donc à coeur, très certainement, d'aborder sur ce sujet, qui peut paraître anecdotique mais ne l'est pas du tout ; vous avez raison de le souligner. Nous attendons avec beaucoup d'impatience les conclusions de M. Christophe Bouillon.
Nous avons débattu dans l'hémicycle de la question des intercommunalités. Nous cherchons les bonnes formules, notamment en montagne, où se rencontrent des situations très spécifiques. Nous examinons la question très attentivement, en lien avec les parlementaires qui se mobilisent par rapport à cette question des stations classées et des intercommunalités.
Évidemment, l'oenotourisme, nouvelle forme, extrêmement offensive, de tourisme, doit être valorisée. C'est l'excellence française qui est en jeu. Les vins et les spiritueux sont par ailleurs l'un de nos principaux excédents commerciaux, juste après l'aéronautique. Nous sommes en train de mettre au point une mesure - après la mesure en Airbus, la mesure en Rafale, une mesure en fûts ou en bouteilles.
Monsieur Dominique Potier, vous suivez de très près la crise de l'acier. Avec le ministre de l'économie, nous sommes mobilisés sur la réciprocité, en cette matière comme en d'autres, sur les instruments de défense commerciale. Vous avez raison, il s'agit d'une vision de la mondialisation. C'est pour cela que la France défend maintenant dans les négociations commerciales l'idée que les accords commerciaux doivent comporter des clauses environnementales et sociales de même effet juridique que les stipulations de droit commercial. Tout cela va ensemble. Il faut construire une cohérence de notre diplomatie : la COP21 et les différents accords qui suivent doivent former un ensemble cohérent. Conclure l'accord de Paris n'a aucun sens s'il s'agit de le détricoter ensuite par d'autres accords. Le président de la République a confirmé, lors de la Conférence environnementale, que la France ne signerait désormais que des accords commerciaux dans lesquels le droit environnemental était considéré au même titre que le reste. Et nous défendons l'idée, chère à plusieurs ONG, que le droit environnemental puisse être invoqué devant les mécanismes d'arbitrage d'État à État - qui n'ont rien à voir avec l'arbitrage évoqué précédemment - et donc être opposables et contraignants.
Sincèrement, Monsieur Jean-Luc Laurent, en matière d'administration du tourisme et du commerce extérieur, il y a eu des frictions au départ, mais elles ne me semblent vraiment plus d'actualité. Les directions de Bercy et du Quai d'Orsay travaillent étroitement ensemble, et je veux les en remercier. Hier, j'étais à la réunion sur les contrats de destination organisée par la direction générale des entreprises ; c'était une réunion intéressante, d'une portée opérationnelle tout à fait réelle. Vous savez que M. Jean-Paul Huchon mène en ce moment une réflexion sur la gouvernance en matière de tourisme. Ce sera toujours un sujet interministériel, et il y aura toujours différentes compétences à mobiliser. Il faut donc avancer, mais la conférence annuelle sur le tourisme, à la fin de l'année, est aussi un rendez-vous de mobilisation de tous les acteurs publics et privés en la matière.
Le dossier d'Hinkley Point est suivi par le ministre de l'économie. Je suis l'ensemble des sujets, mais il suit cette question de très près. Il n'y avait absolument aucune raison que je m'exprime de manière différente sur ce thème. Le dossier est suivi par Bercy et le gouvernement de très près et très précisément, et notre diplomatie économique est cohérente. Nous n'avons pas à prendre des positions contradictoires sur les différents sujets, mais si vous souhaitez des précisions sur tel ou tel aspect, nous sommes évidemment l'un comme l'autre à votre disposition.
Pardon d'avoir été trop long. Je suis à votre disposition chaque fois que vous le souhaitez.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juillet 2016