Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur les relations entre la France et le Liban, à Beyrouth le 11 juillet 2016.

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Circonstance : Déplacement au Liban, les 11 et 12 juillet 2016

Texte intégral


Merci, Mesdames et Messieurs les Ministres et les Parlementaires d'avoir accepté mon invitation. Je remercie toutes les personnes qui sont présentes ce soir, représentant les institutions et aussi la société civile. Je salue aussi les délégués consulaires. Je voudrais vous dire combien je suis heureux d'être ici aujourd'hui à l'occasion de ces deux jours au Liban, accompagné d'une délégation formée de mon cabinet et de la direction d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient du ministère des affaires étrangères et du développement international, ainsi que de deux parlementaires : Henri Jibrayel, que vous connaissez, président du groupe d'amitié France-Liban de l'Assemblée nationale, et Catherine Génisson, sénatrice représentant le groupe d'amitié France-Liban au Sénat. Je suis donc heureux d'être là ce soir dans ce magnifique lieu qui est la maison des Français, mais qui est, j'ai bien compris, la maison des Libanais. C'est un symbole de notre histoire commune et, comme on le voit ce soir encore, un lieu où il est toujours bon nous rassembler.
C'est d'abord l'amitié qui me conduit aujourd'hui à Beyrouth. Celle que la France porte depuis toujours au Liban. Celle que Français et Libanais continuent de faire vivre mais aussi grandir, une génération après l'autre. Celle que le président de la République vous a une nouvelle fois témoignée lorsqu'il vous a rendu visite les 16 et 17 avril. Je devais moi-même l'accompagner mais j'étais alors en déplacement à l'étranger, dans le cadre du G7. En tout cas, ce qui est sûr et je n'en ai aucun doute, c'est qu'entre la France et le Liban, c'est le coeur qui parle.
Nous avons une longue histoire faite d'échanges humains et d'affinités multiples, de culture et d'éducation, d'aventure et de commerce.
En témoignent aujourd'hui la force de nos liens, notre francophonie commune, l'ancrage des Français au Liban et le beau succès des Libanais en France est une réalité. Une réalité qui est toujours aussi forte qu'ils soient entrepreneurs tel que Jacques Saadé, Carlos Ghosn, Marwan Lahoud, ou innovateurs comme Oussama Ammar, des artistes comme Ibrahim Maalouf, Pierre Audi, Wajdi Mouawad, cinéastes ou écrivains tels que Salah Stetié, auquel le président de la République vient de remettre les insignes de Grand officier de la Légion d'Honneur, mais aussi Lamia Ziadé, Rabih Jaber, Vénus Khoury et bien d'autres.
Pour la France, il est capital de préserver la souveraineté, l'intégrité et l'unité de l'État libanais. Il est essentiel de faire prospérer les valeurs démocratiques qu'incarne le Liban. Car ce pays est un modèle, une référence de pluralité et de liberté qu'il faut toujours défendre et soutenir.
Dans une région marquée par tant de drames, de guerres et de violences, le modèle libanais a une valeur toute particulière. Le Liban porte un message fort de convivialité, de tolérance et de coexistence à l'heure où nous faisons face aux menaces du terrorisme, du sectarisme et de la haine ethnique et religieuse. C'est cette haine qui a frappé récemment al Qaa et qui me conduit, à nouveau, à exprimer les condoléances les plus sincères de la France.
La détermination de la France à ce que le Liban sorte des difficultés actuelles est totale. C'est, j'en suis sûr, l'objectif des Libanais qui aspirent, comme les peuples de la région, à la paix. Dans cette période difficile, la communauté internationale a d'abord un devoir de solidarité à l'égard du Liban, durement éprouvé par les conséquences de la guerre en Syrie. La France y prend toute sa part.
Dans le domaine de la sécurité, 10 ans après la guerre de juillet et l'adoption de la résolution 1701 à son initiative, la France reste pleinement engagée au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban, qui est un facteur essentiel à la stabilité au sud du Liban, c'est d'ailleurs le message que j'ai adressé à l'occasion de ma visite à Naqoura aujourd'hui.
Nous développons aussi notre coopération avec les Forces armées libanaises à laquelle nous souhaitons accorder matériels et formations. L'objectif demeure que les équipements prévus, dans le cadre du don saoudien, soient livrés le moment venu à l'armée libanaise. C'est d'ailleurs le message que nous n'avons cessé de redire à nos amis saoudiens.
Enfin, la qualité de la coopération franco-libanaise en matière de lutte contre le terrorisme est exceptionnelle. La France est pleinement engagée dans la lutte contre le terrorisme, et souhaite, pour la Syrie, la fin des combats, l'accès pour les populations à l'aide humanitaire et l'urgence d'une transition politique qui, seule, permettra de ramener durablement la paix et de permettre sa reconstruction.
Le peuple syrien a beaucoup trop souffert. La sécurité exige la fin des violences. Le Liban est le premier à en être convaincu.
Dans le domaine humanitaire, nous avons relevé le niveau de notre aide au Liban pour faire face aux conséquences de la crise syrienne. Nous poursuivons aussi notre programme de réinstallation en France de réfugiés syriens que votre pays a généreusement accueillis.
Nous avons bien conscience de la contribution immense du Liban et savons que l'aide internationale n'est pas une réponse suffisante aux défis auxquels il fait face. La guerre en Syrie doit cesser pour que les réfugiés puissent retourner chez eux en sécurité.
Je vous le dis très clairement : les réfugiés syriens n'ont pas vocation à rester dans la durée au Liban, mais il faut dans l'immédiat assurer leur subsistance, scolariser les enfants, prévenir les violences, assurer un revenu aux familles. C'est notre devoir mais aussi notre intérêt collectif car il faut éviter que les réfugiés plongent dans le désespoir, car les frustrations sont toujours porteuses de danger.
Il n'y a aucun doute sur l'onde de choc que représente pour le Liban la crise syrienne, aucun doute sur la nécessité de régler cette crise.
Pour autant, je vous le dis avec force : la crise syrienne ne peut à elle seule justifier l'absence de solution à la crise institutionnelle qui dure depuis trop longtemps au Liban.
Le Liban fait face aux menaces avec un admirable courage mais il faut qu'il ait tous les moyens d'assurer son avenir. Cela nécessite d'abord qu'une solution soit trouvée au blocage politique qui le fragilise.
Là encore, je veux m'exprimer en toute amitié et avec franchise : il appartient aux partis libanais de trouver les voies d'un compromis politique qui permettra d'élire un président, qui sera celui de tous les Libanais, de former un gouvernement, qui incarnera l'unité nationale, et de renouveler un parlement dans lequel chacun sera justement représenté.
C'est la seule façon de rétablir un fonctionnement normal des institutions de l'État, dans l'intérêt direct de tous les citoyens, quelle que soit leur appartenance politique ou confessionnelle. C'est cela qui permettra aussi à la communauté internationale de mieux aider le Liban.
Comme vous le savez, c'est toujours la France qui prend l'initiative de parler du Liban à ses partenaires internationaux. Comme le président de la République l'a promis lors de sa visite au Liban, nous dialoguons avec tous les pays qui exercent, au Liban, une influence.
Il convient d'en retenir quelques messages : la solution ne viendra pas de l'étranger et personne ne fera obstacle à un accord des Libanais entre eux. Donc, c'est ici qu'il faut négocier un tel accord, global, solide, durable, pour mettre le Liban à l'abri des risques et lui donner toutes les chances de prospérer et de se tourner vers l'avenir.
C'est un choix souverain que vous avez à faire. La France est prête à vous y aider - je l'ai dit, nous sommes des facilitateurs - mais l'initiative vous appartient. Un compromis ouvrira la voie au meilleur soutien international possible. C'est en tout cas l'approche, la vision qu'a la France du Liban.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Les difficultés paraissent parfois insurmontables mais la France a confiance dans les capacités du Liban. Elle restera donc engagée à vos côtés. C'est aussi le sens de ma visite, après celle du président de la République.
La force de l'engagement français auprès du Liban, c'est en effet d'être celui de tous mes compatriotes qui, une génération après l'autre, découvrent le Liban, font l'expérience de son hospitalité, de sa générosité, de sa diversité et de sa complexité aussi, et lui sont à jamais fidèles.
Dans cette période de grands risques pour la culture, la tolérance et la paix, le Liban nous est d'autant plus cher qu'il y a ici une citoyenneté active, une pluralité vivante, un goût d'entreprendre et une ouverture assumée au monde et à ses différences. S'il faut donc, comme le disait Gramsci, allier «le pessimisme de l'intelligence à l'optimisme de la volonté», je n'ai aucun doute que la volonté l'emportera au Liban.
Vive le Liban et vive l'amitié franco-libanaise.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juillet 2016