Texte intégral
Cette réunion a lieu après le nouveau drame qui vient frapper la France, le 14 juillet, jour de la fête nationale. Je voudrais remercier tous les Européens qui ont adressé immédiatement un message de solidarité et de sympathie. Je n'oublie pas non plus que, parmi les victimes, il y a des Européens. La cellule interministérielle de crise est en lien permanent avec les ambassades. Chaque ambassade, avec une cellule dédiée, est informée en temps réel de la situation des ressortissants de l'Union européenne. C'est bien le moins que nous leurs devons. Je voudrais rappeler aussi que ce drame est intervenu quelques mois après celui qui a frappé la Belgique. C'est la raison pour laquelle la question du terrorisme figure en première ligne à l'ordre du jour de cette réunion. Nous aurons une discussion pour voir comment nous pouvons amplifier encore ensemble notre action à l'échelle européenne et à l'échelle internationale.
Ce matin, nous recevons le secrétaire d'État américain John Kerry. Ce sera l'occasion de parler de la situation en Syrie, de la situation en Irak, donc de la lutte contre Daech, mais aussi de tout faire pour la paix en Syrie. Et puis nous aborderons bien sûr la situation en Libye et l'initiative de paix pour le Proche Orient.
Nous aurons ensuite la réunion du conseil des affaires étrangères de l'UE, avec la présence du nouveau ministre des affaires étrangères britannique, M. Boris Johnson. J'ai eu un échange téléphonique avec lui samedi. Cet échange a été franc, mais utile. Je crois que c'est important que nous puissions, ensemble, travailler à l'avenir des relations entre l'UE et la Grande-Bretagne. S'agissant de la France, nous avons toujours nos relations bilatérales avec la Grande-Bretagne qui sont des relations exceptionnelles, que nous voulons poursuivre, notamment en matière de défense, en matière d'immigration - avec l'accord du Touquet - et puis, sur le plan économique et notamment le dossier nucléaire.
Il y a beaucoup de choses à faire avec la Grande-Bretagne. Je parlerai toujours avec Boris Johnson avec le plus grand sens de sincérité et de franchise. C'est comme cela que nous devons avancer, et en ce qui concerne la France avec un but : éviter que l'Europe ne s'installe dans une situation d'incertitude s'agissant de l'avenir des relations entre la Grande-Bretagne et l'Europe. Donc plus tôt les négociations auront commencé, mieux ce sera.
Q - Et s'agissant de la Turquie ?
R - La France a, bien sûr, condamné cette tentative de coup d'État militaire. On ne peut pas accepter que les militaires prennent le pouvoir face à un pouvoir élu par les citoyens. On ne peut pas accepter la dictature militaire.
En même temps, comme je l'ai déjà dit, nous devons être vigilants pour que les autorités turques ne mettent pas en place un système politique qui se détourne de la démocratie. La Turquie a fait beaucoup d'avancées, beaucoup de progrès, beaucoup de réformes ces dernières années. Le danger serait celui d'un retour en arrière qui tournerait le dos à la démocratie. Nous serons donc vigilants pour rappeler que l'État de droit doit prévaloir. Si des personnes portent atteinte à cet État de droit, la justice doit passer, mais dans le cadre institutionnel, et non par des mesures qui pourraient conduire à un pouvoir autoritaire.
Nous avons besoin d'autorité mais nous avons besoin aussi de démocratie. C'est aussi à l'Europe de le rappeler constamment.
Q - Après l'attentat de Nice, le risque subsiste-t-il ?
R - Nous devons continuer la mobilisation contre le terrorisme. Il y a l'action internationale : cette semaine aura lieu à Washington la réunion de la coalition contre Daech. Il faut continuer ce combat, plus que jamais, et réunir toutes nos forces. La France est engagée, mais nous souhaitons que la communauté internationale le soit davantage. C'est une action qui doit être menée à l'échelle des Européens qui doivent faire preuve d'une plus grande solidarité, ensemble. Ils l'ont déjà fait. Je suis sûr qu'ils vont continuer à le faire. Je suis très reconnaissant d'ailleurs pour tous les messages que j'ai reçus de mes homologues européens après l'attentat de Nice.
Et puis il y a l'action dans chacun de nos pays. L'action pour la déradicalisation. L'action aussi pour protéger les citoyens. Cette action il faut la mener dans le cadre démocratique, en fonction de nos valeurs car, au fond, ce que veut Daech, c'est la «daechisation» des esprits, c'est-à-dire conduire à la division, à des divisions artificielles entre communautés.
Ce que nous voulons, c'est préserver nos valeurs, préserver notre mode de vie. Pour cela il faut savoir nous protéger, mais ne pas céder à Daech. Daech est une organisation installée au Moyen-Orient mais qui a des adeptes qui spontanément reprennent ses mots d'ordre. Il faut se battre contre cette idéologie - car c'est une idéologie - mais ne pas tomber dans son piège. Plus nous serons divisés, plus nous donnerons raison à Daech. C'est ce combat qui doit être mené sur tous les fronts. À la fois sur le front de la sécurité : tout faire pour protéger. Et en même temps sur le front des idées : pour dénoncer cette idéologie mortifère qui peut conduire à la dislocation de nos sociétés.
Merci.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juillet 2016