Déclaration de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, en hommage au résistant Jean Moulin, à Metz le 8 juillet 2016.

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Circonstance : Hommage à Jean Moulin, à Metz le 8 juillet 2016

Texte intégral


Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire de Metz,
Madame la directrice départementale de l'Office National des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre,
Monsieur le président de la Fédération nationale des cheminots, anciens combattants et prisonniers, déportés et victimes de guerre,
Monsieur le délégué général du souvenir français pour la Moselle,
Monsieur le directeur régional de la SNCF,
Mesdames, messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et messieurs,
Jean Moulin, selon les mots du général de Gaulle, est mort « comme tant de bons soldats qui (…) sacrifièrent un long soir vide pour mieux remplir leur matin ».
De mai à juillet 1943, l'existence de « Rex » passe de la vie à la nuit, du zénith au nadir.
Le 27 mai 1943, Jean Moulin réunit l'ensemble des mouvements de Résistants dans le Conseil National de la Résistance, au 48 de la Rue du Four à Paris. C'est pourquoi le Président de la République a décidé, en juillet 2013, que le 27 mai serait en France la Journée Nationale de la Résistance.
Trois semaines plus tard, le 21 juin 1943, Jean Moulin est arrêté par la Gestapo à Caluire, aux côtés de sept autres frères d'armes.
Désormais, Jean Moulin est aux mains d'un ennemi impitoyable. Le crépuscule de sa vie commence. Il se passe dans les supplices et les tourments, dans les ténèbres et les tortures.
A la prison de Montluc puis à l'Ecole de Santé des Armées de Lyon, la Gestapo somme Jean Moulin de trahir les siens. Il savait tout, mais ne dit rien. Il sauva nombre de vies. Fût-ce au prix de la sienne.
Au début du mois de juillet, les Nazis le transfèrent en Allemagne comme otage. Mais, après des jours et des jours de traitements inhumains, Jean Moulin survit plus qu'il ne vit.
Son convoi funèbre, comme tant d'autres trains de déportés, passe par la gare de Novéant-sur-Moselle, où nous étions rassemblés le 1er avril dernier, pour rendre hommage à ces passagers des convois de la mort.
Après être passé par Novéant, Jean Moulin meurt, probablement en gare de Metz, dans le train, le 8 juillet 1943.
C'est le sens de notre présence : rendre hommage à la grande figure de Jean Moulin sur les lieux probables de son trépas. Jean Moulin est mort comme il a vécu : en soldat de la République. Son parcours est exemplaire. Il témoigne d'une volonté de caractère admirable, d'une force de travail incomparable, d'une bravoure hors normes.
Il était un esprit sensible et étincelant. Plus jeune sous-préfet de France, à Albertville, en 1925, il devient encore plus jeune préfet de France à 38 ans, lorsqu'il est nommé dans l'Aveyron en 1937.
Jean Moulin était aussi un homme de gauche engagé, un républicain de convictions. Il participa à la belle aventure du Front Populaire en tant que chef de cabinet de Pierre Cot, le ministre de l'Air. Il fut aussi un adversaire résolu des fascismes et participa à l'aide clandestine apportée aux Républicains lors de la guerre civile en Espagne.
Le 17 juin dernier, j'ai eu l'occasion de lui rendre hommage au Panthéon, pour célébrer son premier acte de résistance, le 17 juin 1940, quand il se trancha la gorge pour refuser d'accuser à tort des tirailleurs sénégalais.
Au-delà des cérémonies du souvenir, l'héritage de Jean Moulin doit nous habiter, nous obliger. La mémoire de ce grand homme doit être inlassablement transmise aux plus jeunes générations.
Et c'est pourquoi je salue le travail de mémoire réalisé par les élèves de la classe de 3ème SEGPA du Collège Pierre ADT de Forbach, qui ont édifié cette sculpture d'un enfant en douilles. Elle nous rappelle que la Shoah et la brutalité nazie n'ont pas même épargné les êtres les plus purs, les plus innocents.
Remplir son travail de mémoire, ce n'est pas simplement assister aux cérémonies du souvenir, ou apprendre ses leçons d'histoire. C'est aussi réaliser des actes vivants et concrets, comme se rendre sur les lieux mêmes où l'histoire s'est écrite, comme encore concrétiser des projets comme cette sculpture.
Sans le concours des acteurs locaux, l'action du ministère de la Défense serait souvent incomplète et impuissante. Je félicite à nouveau la ville de Metz et la préfecture pour avoir décidé d'ériger, ici, en gare de Metz, cette statue en hommage à Jean Moulin, qui est l'œuvre de Stephan Balkenhol, ici présent.
Stephan Balkenhol est un artiste allemand résidant en France. Le symbole est émouvant. Cette statue présente Jean Moulin non comme un héros antique, dont les hauts faits seraient inaccessibles à chacun, mais nous montre un Résistant humble, simple. A travers cette statue un message est porté : chaque Français est capable de résister à l'ennemi et à l'injustice quand le péril survient.

Aujourd'hui que la paix nous semble une certitude, nous avons du mal à nous représenter combien l'amitié entre la France et l'Allemagne a dû être arrachée, conquise. Cette réconciliation n'avait rien d'une évidence. Elle n'est pas non plus acquise pour l'éternité. Notre suprême responsabilité est de tout faire pour veiller à la conserver.
Cette exigence passe par la transmission de la mémoire, celle de la guerre, celle de la Résistance, celle de Jean Moulin.
Tel était le sens du combat de Jean Moulin. Il est mort en supplicié, mais ses idées ont vaincu. Elles nous guident encore aujourd'hui.
Le 19 décembre 1964, lors de son discours prononcé à l'occasion de la panthéonisation de Jean Moulin, André Malraux conclut en s'adressant à la jeunesse : « Aujourd'hui, jeunesse », dit-il alors, « puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France... ».
Puisse la jeunesse d'aujourd'hui s'emparer à son tour de la mémoire de Jean Moulin. Veillons à ce qu'elle ne soit ni récupérée, ni trahie à des fins partisanes. Respectons-la, honorons-la. Nous devons rester en éveil contre toutes les récupérations malsaines et les instrumentalisations mensongères de Jean Moulin.
L'esprit de Jean Moulin se dresse contre ceux qui veulent exclure, diviser, stigmatiser. Il se dresse contre l'ignorance et l'égoïsme, contre la xénophobie et l'intolérance.
Veillons à transmettre, aujourd'hui et demain, l'esprit de la Résistance, l'esprit de Jean Moulin, et ne restons pas inertes face à ceux qui se réclament de lui pour des motifs fallacieux.
Et puissions-nous, pour longtemps encore, nous souvenir de ce « peuple de la nuit » qui fit briller la flamme de la Résistance, de l'honneur et de la liberté.
Je vous remercie.Source http://www.defense.gouv.fr, le 28 juillet 2016