Déclaration de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, sur les efforts en faveur des harkis, à Juzet d'Izaut le 25 juillet 2016.

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Circonstance : Dévoilement d’une plaque d’hommage aux harkis, au Hameau de forestage de Juzet-d'Izaut (Haute-Garonne) le 25 juillet 2016

Texte intégral


Monsieur le sous-préfet,
Monsieur le député,
Monsieur le sénateur de Haute-Garonne,
Monsieur le maire de Juzet d'Izaut,
Monsieur le Maire d'Encausse les Thermes,
Monsieur le commandant en second du 3ème RMAT, mon colonel,
Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et messieurs,
La République française fait aujourd'hui face à la vérité et à l'histoire, dans toute sa complexité. Le Président de la République a reconnu la responsabilité de la France dans le sort qui fut réservé aux harkis et à leurs familles après la guerre d'Algérie. Il a admis que la France avait « abandonné ses propres soldats, ceux qui lui avaient fait confiance, ceux qui s'étaient placés sous sa protection, ceux qui l'avaient choisie et qui l'avaient servie. »
Ainsi s'exprimait François Hollande. Ces paroles prononcées par le Président de la République sont chargées de sens et de responsabilité. Elles ont marqué un progrès et un pas important vers la réconciliation et la vérité historique.
La France commémore désormais, en 2016, toutes les mémoires de la guerre d'Algérie. Nous honorons les souffrances des militaires, nous honorons celle des civils qui ont été victimes des affrontements, des tueries, des massacres.
Nous avons pleinement conscience du déchirement des rapatriés d'Algérie. Enfin, nous rendons hommage aux souffrances endurées par les anciens supplétifs de l'armée Française.
Depuis mon entrée en fonctions, je m'efforce inlassablement d'assurer la paix des mémoires. C'est une lourde responsabilité, particulièrement dans le contexte actuel. La nation doit être forte et se rassembler autour de ses valeurs, pour faire face à l'ennemi.
Cette entreprise passe par une reconnaissance pleine et entière adressée aux harkis qui ont servi dans les forces supplétives. Elle passe, dans le cadre des mesures du « plan Harkis », par la pose de plaques officielles dans les lieux mêmes où l'histoire des harkis s'est poursuivie sur notre territoire national, c'est-à-dire dans ces hameaux de forestage.
Si je suis venu ici, c'est pour rappeler, comme je l'ai fait lors de mes précédents déplacements, qu'après la guerre d'Algérie, 69 hameaux de forestage furent construits pour accueillir les harkis. Ils y travaillèrent en tant qu'employés de l'Office National des Forêts. Les hameaux se voulaient des lieux d'accueil. Ils furent aussi des lieux de souffrance sociale et parfois de révoltes.
A compter de l'automne 1962, des familles venant du Larzac et de Bourg Lastic s'installent dans le hameau de Juzet d'Izaut. En avril 1963, 111 personnes, dont 27 femmes et 58 enfants, peuplent le camp. Les jeunes fréquentent l'école du village, qui connaît ainsi un renouveau.
Dans le camp de Juzet d'Izaut, les harkis contribuent à entretenir la forêt, à améliorer l'accès aux routes avoisinantes, à achever des travaux de terrassement.
La particularité du hameau – c'est ce que le lieu de la pose de la plaque commémorative, sur la façade de la mairie même, nous rappelle – est que les harkis n'étaient pas en camp à l'extérieur du village, mais habitaient au sein des maisons de la commune.
En vivant au sein de la commune, les harkis et leurs familles ont pu nouer des liens étroits avec les habitants qui leur avaient offert accueil et compréhension.
Après plusieurs années dans le hameau, les harkis repartent à la fin de l'année 1967, pour travailler en majorité dans les usines Michelin à Clermont-Ferrand.
C'est un devoir que de rappeler cette mémoire, et plus particulièrement de la rappeler à nos jeunes, afin que la France n'oublie jamais le destin des anciens supplétifs de son armée.
Je m'efforce d'en transmettre l'héritage et la mémoire.
Depuis le 16 juillet 2015, où je me trouvais en Corse, à Zonza, pour poser une plaque du souvenir, je me suis rendu dans de nombreux autres hameaux de forestage, à la rencontre du passé des harkis : à Ongles, à Lapradelle, à Saint-Maurice l'Ardoise, à Magland.
Ce vaste effort mémoriel qui est déployé ne serait possible sans la mobilisation et la coopération entre l'Office National des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre et l'Office National des Forêts. Je salue ici leur action.
L'ONAC-VG se mobilise aussi pour la mémoire des harkis, en assurant la promotion de l'exposition itinérante « Parcours de harkis et de leurs familles » dans tous les départements de France.
Ce devoir de mémoire, l'État l'accomplit en pleine association avec les collectivités locales, et je veux remercier aussi la mairie de Juzet d'Izaut, dont je sais la mobilisation quotidienne pour la mémoire de son territoire.
Que l'on ne s'y trompe pas et que l'on ne nous fasse pas croire, comme je l'ai lu récemment, que l'action de l'État se résumerait à la simple pose de plaques du souvenir. Je suis pleinement conscient que ce geste à lui seul ne peut assurer la paix des mémoires. Je suis pleinement conscient que cette exigence passe aussi par un travail de reconnaissance matériel.
C'est pourquoi le « plan Harkis » prévoit depuis juin 2015, l'aide au rachat des trimestres de cotisation retraite pour les enfants de harkis. Je veux aussi rappeler que l'allocation de reconnaissance a été revalorisée le 1er janvier 2015.
Le projet de loi de finances 2017 prévoit enfin que, pour simplifier toutes les démarches, l'Office National des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre est devenu le guichet unique pour les harkis.
C'est ainsi que la République française a décidé d'affronter concrètement son histoire et son passé. C'est ainsi, par l'indispensable travail des mémoires, qu'elle rend hommage et qu'elle apporte toute sa reconnaissance aux anciens supplétifs qui n'eurent pas droit aux reconnaissances les plus légitimes à leur arrivée dans notre pays.
C'est ainsi que nous perpétuons la tradition de générosité de notre pays. C'est ainsi que nous devons, dans ces moments difficiles que traverses notre pays, tous ensemble, réaffirmer notre unité et notre solidarité.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 28 juillet 2016