Interview de Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'Etat à la ville à France-Inter le 6 juillet 2016, sur le projet de loi Egalité et Citoyenneté et notamment le logement social et le renouvellement urbain (loi SRU).

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Média : France Inter

Texte intégral


YVES DECAENS
L'invitée du 5/7 ce matin est Hélène GEOFFROY, Secrétaire d'Etat à la Ville. Bonjour.
HELENE GEOFFROY
Bonjour.
YVES DECAENS
Le projet de loi Egalité et citoyenneté que vous portez avec Patrick KANNER, le ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, sera voté à l'Assemblée en vote solennel ; première lecture cet après-midi. Un texte issu des attentats de 2015 qui vise à renforcer la lutte contre les discriminations, renforcer l'éducation au civisme, développer la mixité sociale. Certains parlent déjà d'un texte un peu fourre-tout.
HELENE GEOFFROY
Non. C'est un texte qui appelle à mobiliser la société française toute entière. D'ailleurs il est porté par Patrick KANNER, Emmanuelle COSSE et Ericka BAREIGTS soi-disant qu'il faut que tous les aspects soient pris en compte. Vous avez raison, au mois de mars 2015 le Premier ministre avait parlé d'apartheid social, territorial et il fallait pouvoir y répondre, mais il fallait aussi pouvoir tenir compte du fait que l'ensemble de la société doit apporter la réponse aux sujets de cohésion nationale. C'est l'intérêt, par exemple, du premier titre de ce texte qui parle de réserve civique désormais, de service civique et qui va permettre, de mon point de vue, de contribuer à mélanger tous les quartiers : les quartiers populaires, ceux dont je m'occupe, mais aussi les quartiers les plus favorisés. C'est l'enjeu de la mixité sociale aussi : faire que toutes les villes de notre pays puissent accueillir les plus pauvres, les plus en précarité, et qu'ils ne se retrouvent pas tous réunis dans les mêmes quartiers populaires. C'est l'enjeu de la lutte contre les discriminations du titre 3.
YVES DECAENS
L'essentiel du texte porte effectivement sur le logement social dont beaucoup de communes continuent de se désintéresser malgré la loi SRU, Solidarité et Renouvellement Urbain. Est-ce qu'on a trouvé enfin le remède, la façon de la faire appliquer ?
HELENE GEOFFROY
Oui, parce qu'il y a déjà eu des dispositions antérieures. Déjà les préfets aujourd'hui accompagnent les communes. Un délégué interministériel a fait le point de toutes les communes qui ne faisaient pas de logements sociaux en disant : « Si elles refusent de le faire, le préfet prend la main ». C'est très nouveau dans le processus de décentralisation qui est le nôtre en France aujourd'hui. Ça, c'est la première étape. La deuxième étape, c'est de travailler sur les questions de peuplement et de logement en disant : « Faisons en sorte que les plus pauvres de nos concitoyens puissent être logés partout et que les communes ne trouvent pas des moyens de se défausser ». Ça nécessitera une discussion au niveau des agglomérations, des intercommunalités et puis une prise de responsabilité de chaque commune. Ce texte donne des moyens concrets parce qu'il donne plus de transparence à l'attribution, parce qu'il met des commissions au niveau des quartiers de la politique de la ville pour dire que là aussi on doit pouvoir dire que nous devons faire la mixité et travailler sur les questions de peuplement.
YVES DECAENS
Mais des communes continueront de préférer payer les amendes.
HELENE GEOFFROY
Non, parce qu'aujourd'hui on prend la main. C'est la grande différence : on ne laisse plus simplement payer les amendes, l'Etat prend la main et dit : « Je construis d'office du logement social ». Et quand vous en êtes là, je vous assure que le dialogue se rouvre parce que le logement social concerne en réalité tout le monde. Les personnes les plus âgées qui veulent pouvoir, avec leur retraite, s'offrir un logement parfois plus petit parce que les enfants sont partis ; parce que les jeunes ont besoin, pour commencer leur vie, d'y rentrer, et il faut que chacun comprenne que le logement social finalement c'est une garantie d'insertion aussi.
YVES DECAENS
Alors autre point important de ce projet de loi, vous en avez parlé, c'est le renforcement du service civique que certains voudraient rendre obligatoire. Ce n'est pas l'avis du gouvernement.
HELENE GOEFFROY
Non, parce qu'on est sur l'idée plutôt que cela parte d'un volontariat. Quel est l'intérêt d'un service civique ? C'est de dire finalement à un moment des jeunes ont envie de s'engager et on doit pouvoir les accompagner, cela doit pouvoir être pris en compte dans leur parcours. Le constat que je fais en tant que secrétaire d'Etat à la Ville c'est qu'il n'y a pas assez de jeunes des quartiers les plus populaires qui s‘engagent. L'enjeu aujourd'hui c'est qu'ils se mêlent entre quartier ces jeunes, et donc qu'il y ait aussi une envie, et les jeunes l'ont en réalité l'envie de s'engager, soit pour des causes, soit dans la vie associative. Donc c'est pour ça que nous préférions garder cet aspect là. Alors les députés ont choisi d'avoir une phase un peu expérimentale transitoire, nous verrons. Et puis la réserve civique vous savez après les attentats, l'Education nationale a fait appel à la réserve citoyenne ; et ce qui est important c'est de constater qu'il y a eu tellement de volonté de citoyens français qui ont voulu en faire partie que du coup l'Education nationale n'a pas pu répondre à toutes les demandes. Elle s'est retrouvée face à ce paradoxe. Donc aujourd'hui on organise les choses et je pense qu'on pourra au travers de ce qui existe déjà - défense, police, éducation nationale et plus largement - permettre aux citoyens de s'engager parce qu'ils en ont envie.
YVES DECAENS
Alors on ne peut pas faire le tour, le détail de tous les articles de la loi, plus de discrimination dans les cantines scolaires par exemple pour les parents sans emploi…
HELENE GOEFFROY
Qui n'ont pas de revenu…
YVES DECAENS
Ou des plats de substitution obligatoires pour ceux qui ne veulent pas manger du porc, etc. « Une somme de meurettes », c'est ce qu'on entend dire souvent, des mesures dont beaucoup existaient déjà, par exemple l'interdiction des fessées et des violences corporelles contre les enfants, c'était déjà le cas.
HELENE GOEFFROY
Ce qu'il faut entendre dans ce texte c'est qu'il n'est pas tout seul, il est dans la poursuite et finalement l'affirmation de choses que nous portons depuis tout ce quinquennat et les trois derniers comités interministériels ont rappelé, ont insisté de porter des politiques d'égalité. Qu'est-ce qu'il faut obtenir aujourd'hui en réalité ? C'est qu'on puisse travailler au fait que toute la société française travaille à une nation commune. Et ça passe par le fait de s'engager et de dire par exemple que les discriminations existent et qu'on renforce… il ne s'agit pas simplement d'un élément de mesure, il s'agit de dire de façon opératoire comment on va changer la vie quotidienne des gens pour faire votre notre triptyque républicain. Vous voyez c'est important.
YVES DECAENS
Hélène GOEFFROY, Secrétaire d'Etat chargée de la Ville. Merci beaucoup d'avoir été l'invitée de ce 5/7.
HELENE GOEFFROY
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 juillet 2016