Texte intégral
FREDERIC RIVIERE
Bonjour Laurence ROSSIGNOL.
LAURENCE ROSSIGNOL
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
La loi Travail revient aujourd'hui à l'Assemblée nationale et une nouvelle journée de mobilisation est organisée, la 12ème du nom, est-ce que vous croyez ou est-ce que vous espérez que cela puisse être la dernière ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Bien sûr. J'espère aussi que le gouvernement, ma collègue Myriam EL KHOMRI, le Premier ministre avec à la fois le groupe socialiste à l'Assemblée et puis aussi avec les organisations syndicales vont peut-être trouver un point d'équilibre entre les uns et les autres, je crois que c'est l'objet de la discussion d'aujourd'hui qui aura lieu à la fois au groupe socialiste et puis qui se poursuit avec les uns et les autres de façon à si c'est possible éviter un 49.3. Mais ceci bien entendu...
FREDERIC RIVIERE
Ça vous ennuierait le recours au 49.3 ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Non, mais ce qui m'ennuierait aussi c'est que l'équilibre... enfin c'est que l'esprit du texte, celui dans lequel s'est engagé une organisation importante qu'est la CFDT ne soit pas respecté, donc la difficulté de l'exercice c'est de garder à la fois l'esprit du texte, à la fois le soutien de ceux qui ont contribué à considérablement améliorer ce texte depuis la première version initiale qui avait fuitée et qui aujourd'hui en sont porteurs et qui sont prêts à l'appliquer dans les entreprises, donc cet équilibre est à la fois avec eux et à la fois avec des contestations du texte. De toute façon sur ce texte, je crois que c'est Laurent BERGER qui le disait hier, nous sommes dans une situation difficile qui part du ressenti du texte depuis le départ qui fait que la suite des évolutions ne s'est pas passée dans un cadre toujours rationnel en termes d'analyse du texte. Moi, de mon point de vue, il y a dans ce texte des avancées formidables - en particulier en ce qui concerne les femmes au travail ou le compte personnel d'activités - et je serais vraiment désolée que ce texte ne soit pas adopté parce que c'est par ailleurs un bon texte ; et puis aussi il y a aussi une autre raison c'est que je pense qu'il y a un a priori, un postulat, qui est que la négociation dans l'entreprise ne pourrait être que défavorable aux salariés, alors qu'on observe quand même dans les institutions démocratiques, dans les rapports avec les corps intermédiaires aujourd'hui des éléments de faille, il y a quelque chose qui ne va pas bien, on sent bien qu'entre le pays et les responsables - ceux qui prennent les décisions il manque un échelon et je pense pour ma part que plus on amène la démocratie proche de ceux qui sont supposés l'exercice mieux les avancées peuvent être et dans le texte de la loi Travail le fait qu'il soit nécessaire que des syndicats, représentant 50 % des salariés, valident un accord d'entreprise me parait être une bonne garantie parce que ces mêmes syndicats qui aujourd'hui sont dans la rue sont mobilisés sur ce texte, soit certains pour défendre certains articles, d'autres pour les contester, demain dans l'entreprise ils vont défendre les salariés et donc ils ne vont pas changer de point de vue sur ce que sont les intérêts des salariés. Voilà !
FREDÉRIC RIVIERE
C'est ce contexte, Laurence ROSSIGNOL, qui a conduit le Premier secrétaire du Parti socialiste a annulé l'université d'été du PS qui était prévue fin août à Nantes, c'est quand même assez terrible de constater que le parti majoritaire le parti qui est au pouvoir aujourd'hui ne peut pas organiser un évènement comme celui-là en raison de son impopularité ?
LAURENCE ROSSIGNOL
En raison d'abord du lieu qui avait été choisi, qui est quand même un endroit un peu sensible avec la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, avec l'occupation de Notre-Dame-des-Landes et puis les suites du référendum qui a eu lieu là-bas et qui a conclu à ce que ces terrains soient dévolus à leur finalité, c'est-à-dire un aéroport - donc on a un contexte particulier - on a une ultra gauche en France aujourd'hui qui est extrêmement active, je ne confonds pas l'impopularité, l'éventuelle impopularité, et la violence...
FRÉDÉRIC RIVIERE
Mais qui s'exprime en particulier depuis la mobilisation contre la loi Travail, cette ultra gauche ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui, mais qui était latente quand même et qui effectivement a trouvé à se greffer sur une mobilisation syndicale, qui elle n'est pas une mobilisation qui est dans la violence et qui est une mobilisation normale des syndicats, qui se greffe et qui parasite cette mobilisation et qui en profite pour mener des actions violentes partout et, donc, c'est un des sujets que nous avons aujourd'hui - c'est un sujet pour le gouvernement, c'est un sujet pour le Parti socialiste, mais c'est un sujet aussi pour le reste de la gauche et pour la gauche non gouvernementale ou la gauche antigouvernementale a aussi à se demander quelles sont ces forces qui viennent se greffer, parasiter son mouvement et en même temps prospérer sur ce mouvement ? C'est un sujet collectif, ce n'est pas que le sujet du PS.
FREDERIC RIVIERE
Le gouvernement a décidé d'abroger une circulaire qui menaçait d'une lourde amende les gynécologues qui enverraient leurs patientes lesbiennes à l'étranger pour recourir à une PMA, une Procréation Médicalement Assistée alors il y a quelque chose d'assez étonnant dans cette décision parce que, d'une part François HOLLANDE avait promis l'ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes lors de sa campagne présidentielle en 2012 et, d'autre part, parce que cette fameuse circulaire que vous abrogez aujourd'hui elle a été décidée en 2013 par le gouvernement de François HOLLANDE. Est-ce qu'il n'y a pas, là, une forme quand même d'incohérence très nette ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Non, je crois qu'il faut revenir sur la rencontre qu'il y a eu la semaine dernière entre le président de la République et les associations LGBT qui a été une rencontre de très bonne qualité relationnelle, d'échange, avec des sujets qui ont été abordés de part et d'autre de manière très franche et très sincère et nous savons qu'une grande partie des socialistes et le président de la République c'était sa position également ne sont pas hostiles à l'élargissement de la PMA, c'est-à-dire de l'insémination avec donneur, aux couples de femmes...
FRÉDÉRIC RIVIERE
Pourquoi ça n'a pas été fait ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Mais la violence
FRÉDÉRIC RIVIERE
Oui, alors ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Parce que la violence, très spécifique à la France d'ailleurs, qui s'est manifestée au moment du mariage pour tous, a effectivement été à un moment donné paralysante pour continuer de faire des réformes avec des Français...
FREDERIC RIVIERE
Et sur la loi Travail on le tient pourtant ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Attendez ! Non, mais avec des Français qui a un moment donné nous ont regardé, en disant : « le mariage pour tous on est d'accord, on vous a soutenu - d'ailleurs on a voté pour François HOLLANDE en sachant qu'il allait faire ça mais là ça fait des mois que ça dure, les manifs, tout ça, on a d'autres sujets dans le pays, on ne va pas les laisser paralyser le pays et faire durer plus longtemps ». Moi j'ai été nommée à ce moment-là secrétaire d'Etat chargée de la Famille, donc a effectivement calmé le jeu, mais ça ne veut pas dire que calmer le jeu, apaiser et reprendre un débat plus serein, signifierait renoncer pour toujours. Donc aujourd'hui, dans la rencontre qu'il y a eu avec le président de la République et ces associations, les associations ont fait valoir que dans les inséminations avec donneur qui se font à l'étranger les conséquences de cette interdiction en France fragilisent parfois le suivi des femmes dans leur grossesse par les médecins et les gynécologues français, donc nous avons dit : « nous allons regarder et faire pour que les femmes enceintes par PMA, bien sûr faite à l'étranger, puissent accéder au meilleur suivi de grossesse exactement dans les mêmes conditions que les autres » et effectivement pour que cette disposition, qui est dans le Code pénal bien entendu, qui ne peut pas s'abroger uniquement par circulaire...
FREDERIC RIVIERE
C'est ça le problème que soulignent les juristes en effet !
LAURENCE ROSSIGNOL
Mais elles ont raison, les juristes qui soulignent ce problème ont raison, en revanche on va travailler avec les associations LGBT - comme l'engagement a été pris d'ailleurs la semaine dernière - pour identifier quels sont les obstacles à la meilleure qualité de suivi de grossesse pour les femmes qui ont eu recours à une insémination avec donneur en dehors de la France.
FREDERIC RIVIERE
Il nous reste très peu de temps pour parler du vote samedi à l'Assemblée d'un texte prévoyant l'interdiction de toutes les formes de châtiments corporels sur les enfants, donc la fessée, la fameuse fessée, c'est important pour vous de réaffirmer ça ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui. Une disposition très importante a été votée à l'Assemblée, d'abord c'est une disposition du Code civil, elle n'a pas de sanction pénale, elle n'interdit pas, elle définit comment s'exerce l'autorité parentale et elle rappelle, elle précise que l'autorité parentale s'exerce sans humiliation et sans violence corporelle...
FREDERIC RIVIERE
Sans violence physique !
LAURENCE ROSSIGNOL
Parce que moi, en tant que ministre chargée de la protection de l'enfance, j'ai besoin de cette disposition à la fois pour faire la promotion d'une éducation sans violence - les violences à l'encontre des enfants ne servent à rien en matière éducative et peuvent être traumatisantes - et puis c'est parfois difficile de bien étalonner quelle est la petite claque qui ne va pas traumatiser ou blesser durablement l'enfant ou alors la violence. Mais toutes les violences contre les enfants sont inutiles et moi je défends les enfants, et aussi les familles, parce qu'il n'y a aucune sanction pénale, les familles pourront continuer d'élever leurs enfants dans leur plus grande liberté éducative en les accompagnant.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Merci, merci Laurence ROSSIGNOL, bonne journée.
LAURENCE ROSSIGNOL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 juillet 2016