Déclaration de Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes, sur la lutte contre les discriminations envers les femmes, Genève le 8 juillet 2016.

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Cette audition devant votre comité est un moment important pour la France, dont je mesure l'exigence et l'ambition.
Il me revient la responsabilité et l'honneur de vous présenter l'action que nous conduisons pour promouvoir une égalité réelle, conformément aux engagements que notre pays a pris en ratifiant la Convention sur les discriminations envers les femmes, sur laquelle nous avons levé toutes nos réserves en 2013. Soyez assurés de notre détermination à en garantir une pleine application. Notre adhésion aux principes universels sur lesquelles reposent la Convention est plus que jamais réaffirmée.
Je me réjouis des avancées que notre pays a connues depuis quatre ans, sous l'impulsion d'un Gouvernement strictement paritaire, avec un ministère consacré aux droits des femmes dont l'action peut désormais s'appuyer sur les nombreux outils dédiés à l'égalité entre les femmes et les hommes mis en place durant ces dernières années, j'y reviendrai.
Certes, l'audition devant le comité CEDEF est un exercice exigeant pour l'Etat. C'est un exercice que je qualifierai même de difficile. Il confronte la volonté de progrès, à la réalité de changements qui sont trop longs à se concrétiser dans notre société. En tant que Ministre en charge des droits des femmes, cet examen que je mène au quotidien est rarement satisfaisant. D'une part, si les progrès sont indéniables, ils sont insuffisants au regard des situations de discriminations vécues par les femmes dans notre pays. En dépit des nombreux outils et des mesures que nous avons mises en œuvre, les défis restent considérables. Chaque jour, nous sommes confrontés à des situations qui nous rappellent que les avancées en matière de droits des femmes ne sont jamais totalement acquises. La dynamique en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes est réelle et profonde en France, mais sa progression est sans cesse exposée à des vents contraires. Ceux du sexisme ou ceux du relativisme culturel.
« Il n'y a pas de vents favorables pour celui qui ne sait où il va » disait Sénèque. C'est pourquoi, nous devons accroitre notre vigilance pour assurer que ces progrès soient accessibles à toutes les femmes, conformément au principe d'universalité qui anime notre action. Défendre nos acquis, tout en nous mobilisant pour de nouveaux progrès en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes : c'est la feuille de route de la France. Face au sexisme et aux inégalités envers les femmes, nous devons donner un nouvel élan aux droits consacrés par la Convention, car vous le savez, en matière de droits des femmes, lorsqu'on cesse de progresser, on recule.
Cette audition constitue aussi un point d'appui pour notre action. Depuis plus de 35 ans, la CEDEF a été un instrument extrêmement efficace pour faire progresser les droits des femmes dans les domaines économiques, sociaux, politiques et culturels, dans notre pays et partout dans le monde. Cette audition est donc l'occasion de partager avec votre Comité notre propre évaluation de la situation française, et de faire de vos recommandations une promesse d'engagement commun pour les prochaines années.
Permettez-moi désormais de vous présenter les principales mesures et disposition récentes que la France a engagées depuis la remise du rapport en 2013.
Un bilan riche et solide
Nouvelle méthode et nouveaux outils au service d'une approche intégrée et transversale
[Articles 2-3 : approche intégrée]
- Méthode
D'abord, les méthodes de travail ont été améliorées en profondeur. Le Gouvernement a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes un principe structurant de l'ensemble de son action. Cette politique mobilise tous les ministères, à travers l'organisation des conférences de l'égalité qui évalue chaque année les progrès réalisés et définit les nouveaux objectifs des feuilles de route ministérielles.
L'égalité entre les femmes-hommes est devenue une évidence autant qu'une exigence pour tous les ministères, qui ont adopté de véritables réflexes « égalité » en matière :
- de diagnostic et d'analyse des situations ;
- de formation des agents aux enjeux de l'égalité ;
- de valorisation de la mixité des métiers dans l'administration ;
- de promotion des femmes aux postes de direction.
Grâce à cette approche transversale et intégrée, c'est une véritable « culture de l'égalité » que nous avons contribué à instaurer.
- Moyens
La promotion de cette culture s'appuie sur des moyens concrets. Il mobilise près de 30 M € par an sur le budget des financements publiques du périmètre dédié strictement à l'égalité entre les femmes et les hommes, dont le budget a été revu à la hausse. Par ailleurs, le document de politique transversale « Egalité entre les femmes et les hommes », document annexe à la loi de finances, recense annuellement la contribution des Programmes Annuels de Performance (PAP) à la politique interministérielle de l'« Égalité ». Au total, on estime que 221M € par an sont directement consacrés aux droits des femmes et d'égalité entre les femmes et les hommes.
- Outils
Cette politique s'est également traduite par la création de nouveaux outils :
- Depuis 2012, la réalisation d'études d'impact préalables à tout projet de loi, pour analyser les effets des mesures prévues sur l'égalité entre les femmes et les hommes ;
- L'instauration d'un critère « égalité entre les femmes et les hommes » conditionnant l'obtention de marchés publics ou le renouvellement des conventions pluriannuelles d'objectifs avec nos partenaires ;
- Enfin, nous avons pérennisé et conforté le statut du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, institution créée en 2013, qui veille à l'application et l'évaluation de notre politique et de nos dispositifs en faveur l'égalité entre les femmes et les hommes. De la même façon, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, institution nationale œuvrant pour la promotion et protection des droits humains, a vu ses crédits augmenter de 26% sur la période 2014-2016.
Nous avons également progressé en matière de suivi, d'évaluation et de communication. Les inégalités sont mieux identifiées et repérées aujourd'hui, tant par la production de données sexuées dans les statistiques publiques, que dans les documents internes aux ministères. Nous nous sommes évidemment attachés à développer de nombreux outils de communication, pour accroître la visibilité de nos actions et renforcer leur efficacité auprès des usagers.
- Du local au global
Exemplaire, l'Etat français entend l'être partout, pour toutes et tous. La dynamique que nous avons impulsée se décline naturellement sur tous les territoires, à travers l'action déconcentrée de l'Etat. Notre objectif est de garantir le principe d'équité territoriale, grâce à notre réseau de 130 déléguées aux droits des femmes, présentes dans chaque département, coordonné par le Service des Droits des Femmes et à l'Egalité (SDFE).
Garantes de la mise en œuvre de notre politique sur tous les territoires, elles accompagnent au quotidien les acteurs de terrain – associations, institutions et réseaux – qui œuvrent à la promotion de l'égalité. La participation de la société civile est à la fois un moyen et un objectif, car l'égalité entre les femmes et les hommes, vous le savez, est aussi une affaire d'appropriation, de sensibilisation et de mobilisation. La politique de mon ministère repose en très grande partie sur le partenariat avec les associations. Ce sont 19 M€ (70% du budget propre à mon ministère) qui sont consacrés chaque année aux subventions pour les associations dans un budget resté stable, hors mesures nouvelles et transfert de crédits, en dépit d'un contexte budgétaire contraint.
Enfin, vous le savez, l'engagement de la France en faveur de l'égalité vaut également pour sa diplomatie et son effort de solidarité internationale. La stratégie « Genre et développement (2013-2017) » a ainsi été adoptée, en 2013, avec l'objectif de prendre en compte la question du genre dans l'ensemble des outils de d'instruction et de suivi des opérateurs de l'action internationale de la France. En 2013, la France a engagé pour 36 M€ de projets prioritaires en faveur de l'égalité et 350 M€ de projets prenant en compte de manière significative l'égalité femmes-hommes selon le marqueur genre de l'OCDE). En 2014, la contribution française estimée au secteur de la santé sexuelle et reproductive par le canal multilatéral s'élevait à 256M€. Le volume total d'Aide publique au développement transitant par le canal bilatéral pour la santé sexuelle et reproductive atteignait 55 M€ la même année.
- Illustration : loi du 4 août 2014
La volonté de faire des droits des femmes une priorité transversale de la politique du gouvernement s'est traduite par la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Cette loi définit pour la première fois les objectifs d'une politique intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes, associant des mesures spécifiques et la prise en compte transversale des enjeux de l'égalité dans de nombreux domaines.
Elle est aujourd'hui pleinement exécutée. Ainsi, en 2015, le Service des Droits des Femmes et à l'Egalité, en lien avec les douze ministères concernés, a assuré la mise en œuvre des 77 dispositions prévues par la loi du 4 août 2014, 2 ordonnances, 17 décrets en Conseil d'Etat et décrets simples, 14 circulaires et 4 rapports.
Voilà donc pour le cadre général dans lequel s'inscrit l'ambition que porte le Gouvernement français : un arsenal législatif riche, une méthode de travail renouvelée, une pleine mobilisation interministérielle, une appropriation des objectifs en faveur de l'égalité par les acteurs à tous les niveaux, dans tous les domaines.
Ce cadre renouvelé a permis de mettre en œuvre des mesures concrète, synonymes de réels progrès dans de nombreux secteurs depuis 2013.
J'insisterai particulièrement sur trois domaines que je considère comme prioritaires : l'éducation et l'égalité professionnelle, la santé sexuelle et reproductive, la lutte contre les violences.
Des avancées conséquentes
- Education et égalité professionnelle (article 10-11)
[Education nationale]
C'est dès le plus jeune âge que nous devons agir pour combattre les stéréotypes qui sont à l'origine des discriminations à l'égard des filles et des femmes.
L'École française a la mission fondamentale de garantir l'égalité des chances des filles et des garçons. La loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République a renforcé cette exigence, en lui assignant aussi l'objectif de sensibiliser les élèves à l'égalité et au respect mutuel, dès l'école primaire.
Un plan d'action pour l'égalité entre les filles et les garçons à l'école est mis en œuvre dans tous les établissements scolaires, à tous les niveaux d'enseignement, depuis septembre 2014. À la rentrée 2015, deux parcours ont été mis en place qui, chacun à leur manière, concourent à l'élimination des stéréotypes et des discriminations :
- le parcours Citoyen, qui vise à développer l'éducation aux médias et à l'information, notamment pour apprendre à y repérer la prégnance des stéréotypes ;
- le parcours Avenir, qui doit permettre à tous les élèves de l'enseignement secondaire de connaître la diversité des métiers et des formations, et notamment de questionner les stéréotypes sociaux et sexués, qui enferment garçons et filles dans des choix prédéterminés.
Bien sûr, nous nous attachons à renforcer la mixité des filières de formation à tous les niveaux d'étude, conformément aux objectifs fixés par la convention interministérielle pour l'égalité dans le système éducatif pour la période 2013-2018.
[Enseignement supérieur]
L'ambition que nous portons pour l'égalité dans l'enseignement primaire et secondaire n'aurait pas de sens si elle n'était prolongée et amplifiée dans le supérieur. Ainsi, l'article 46 de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet 2013 a inscrit l'obligation de nommer un chargé de mission « égalité entre les hommes et les femmes » dans chaque université. Cette obligation est aujourd'hui satisfaite.
Par ailleurs, en janvier 2013, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a lancé la charte pour l'égalité entre les femmes et les hommes, par laquelle les établissements d'enseignement supérieur s'engagent à mettre en place certaines mesures, comme la production systématique de statistiques sexuées ou des actions de promotion de la mixité des filières et de l'égalité professionnelle.
[En matière d'égalité professionnelle]
Ces mesures trouvent naturellement une continuité à travers les dispositions que nous avons prises pour faire avancer l'égalité entre les femmes et les hommes dans le monde professionnel.
La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, instaure ainsi une obligation de négocier, chaque année, sur l'égalité professionnelle et la qualité de la vie au travail.
Par ailleurs, un premier accord-cadre national a été signé en 2013 avec Pôle emploi, qui a été poursuivi et renforcé pour la période 2015-2018. Il vise notamment à :
- renforcer la mixité des emplois dans les actions de recrutement, de formation et d'insertion dans les territoires ;
- contribuer à l'amélioration de la qualité des emplois des femmes, qui restent encore plus souvent exposées que les hommes au temps partiel subi, aux contrats précaires et au chômage récurent ;
- faciliter l'accès ou le retour à l'emploi des femmes en agissant sur les freins à l'emploi, en lien avec les acteurs de l'insertion sur les territoires ;
- encourager l'entrepreneuriat féminin.
Cette dernière mesure trouve un prolongement ambitieux dans le grand plan pour l'entrepreneuriat féminin, lancé en août 2013. Notre objectif est ainsi de faire passer le taux de femmes créatrices d'entreprise de 30% à 40% d'ici 2017. En matière d'accès au financement, le Fonds de garantie à l'initiative des femmes (FGIF) a aidé 2.075 femmes à créer leur entreprise en 2015 et la création de 3.095 emplois. Ce dispositif, qui est en progression constante, a augmenté de 11% entre 2014 et 2015.
Enfin, une plateforme sur la mixité des métiers a été lancée en 2014, pour cibler les secteurs d'activités clefs, et les métiers à la fois « non mixtes » et porteurs d'emplois, pour déployer des plans sectoriels en faveur de la mixité. Il a pour objectif d'atteindre un tiers des métiers mixtes d'ici 2025 contre 12 % aujourd'hui.
- Accès aux droits et à la santé sexuelle reproductive
[Article 12 : Santé sexuelle et reproductive]
Le deuxième axe majeur de notre politique en faveur d'une véritable égalité est de garantir à toutes les femmes l'exercice de leurs droits fondamentaux, à commencer par celui de disposer de son corps.
Le Gouvernement s'est donc attaché à faciliter l'accès à la contraception et à l'IVG, sur tout le territoire, et à améliorer la prise en charge des jeunes et des femmes, dans un souci de plus grande justice sociale. Plusieurs initiatives ont ainsi été prises en ce sens :
- Ainsi, la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 a supprimé la notion de « détresse » qui était contenue dans la loi Veil de janvier 1975, c'est-à-dire qui autorisait le recours à l'IVG pour la femme enceinte « que son état place dans une situation de détresse ». Elle a également supprimé le délai de réflexion entre la consultation d'information et celle de la remise du consentement ; a renforcé le droit de la patiente à se voir délivrer une information complète sur les méthodes d'IVG ; et permet désormais aux sages-femmes de réaliser des IVG par voie médicamenteuse.
- La loi de financements de la sécurité sociale de 2016 a, elle, instauré la gratuité du parcours contraceptif pour les jeunes femmes mineures, en prenant en charge à 100% les frais d'analyse de biologie et la consultation médicale.
- Enfin, l'Etat a financé la création d'une ligne téléphonique d'information sur la « sexualité, l'IVG et la contraception », gérée par le mouvement français du planning familial (MFPF). Le numéro national gratuit reçoit environ 2000 appels par mois, dont 33% concernent la contraception.
Les droits sexuels et reproductifs sont des acquis fondamentaux que nous devons protéger, et l'accès à l'information, aux produits et aux services doit constamment être amélioré. Nous nous y engageons.
- Lutte contre les violences faites aux femmes et la traite des êtres humains
Lutte contre les violences faites aux femmes
Les enjeux qui touchent à la sécurité, à la dignité et à l'intégrité des femmes sont des préoccupations majeures. Le Gouvernement a placé la prévention des violences, l'accompagnement et la protection des femmes qui en sont victimes, au cœur de ses priorités.
Le 4ème plan de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016), a été l'occasion d'initier ou de consolider plusieurs dispositifs d'accueil et de suivi des victimes :
- depuis le 1er janvier 2014, le 39.19 est devenu le numéro unique de référence « Toutes violences faites aux femmes » ;
- les travailleurs sociaux sont aujourd'hui présents dans les services de police et de gendarmerie, pour accueillir les victimes auxquelles il convient d'apporter une aide et un accompagnement social, médical ou juridique (251 intervenants en 2015) ;
- le dispositif « d'accueil de jour » a été renforcé depuis 2012 ;
- depuis août 2014, le dispositif « Téléphone Grave Danger » expérimenté dans plusieurs départements, a été généralisé à la France entière. Au 20 mai 2016, 415 téléphones avaient été attribués à des femmes bénéficiant d'une ordonnance de protection, afin qu'elles puissent obtenir l'intervention immédiate des forces de police en cas d'agression de leur conjoint ou ex-conjoint déjà identifié comme auteur de violences à leur encontre.
Lutte contre la TEH
[Article 6 : lutte contre la traite]
Depuis 2013, le gouvernement a développé une politique publique à part entière en matière de lutte contre la traite des êtres humains. Ce volontarisme s'est traduit par le renforcement de notre arsenal législatif, la création d'une instance de coordination nationale de lutte contre la traite des êtres humains (la MIPROF) et, le 14 mai 2014, l'adoption du premier plan d'action national contre la TEH (2014-2016).
Dans ce cadre, de nombreuses actions ont été initiées. Permettez-moi d'évoquer plus particulièrement deux d'entre elles :
- La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, qui contribue a? une meilleure prise en compte des besoins spécifiques des personnes vulnérables en demande d'asile, et permet de mieux identifier les mineurs non accompagnés et les victimes de la traite des êtres humains.
- La loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. A l'issue d'un débat parlementaire de plus de trois ans, le vote de cette loi a permis de franchir une nouvelle étape, essentielle, décisive, dans l'avènement d'une société sans prostitution. Conformément à l'article de 6 de la Convention, cette loi est fondée sur ce qu'est réellement la prostitution : une violence faite aux femmes et une atteinte à la dignité humaine.
En interdisant et en sanctionnant pénalement l'achat d'actes sexuels, cette loi permet de réprimer enfin l'exploitation du corps des femmes, d'en finir avec cette idée, ancrée dans l'imaginaire collectif, que le corps des femmes est à la disposition des hommes. Les personnes prostituées ne sont pas des travailleuses et travailleurs du sexe, mais des victimes. La prostitution n'est pas une activité professionnelle mais une violence. Cette loi porte une véritable évolution des représentations dans notre société et fournit également les moyens concrets de cette transformation sur le terrain, avec, par exemple, la création d'un parcours de sortie de la prostitution et d'un fond dédié. Les personnes prostituées sont reconnues comme des victimes et non plus comme des délinquantes grâce à l'abrogation du délit de racolage. Les clients sont désormais passibles d'une contravention de 1500 euros, et la lutte contre les réseaux et le proxénétisme est renforcée.
- La place des femmes dans la société et lutte contre le sexisme
Parité
[Article 7 et 8 : participation]
Le parcours législatif de cette loi a parfaitement montré les réticences, voire les résistances, que suscitent les politiques visant à une meilleure reconnaissance des droits des femmes et de leur place dans la société. Mais il constitue aussi la preuve qu'à force de volonté et de détermination, on peut parvenir à faire changer les mentalités.
C'est cette même ténacité et cette même assurance qu'il a fallu déployer, il y a une quinzaine d'années, pour instituer la parité dans la vie politique. Grâce à ce progrès majeur, la France a enregistré aussi des progrès notables dans la représentation des femmes en politique. Les dernières évolutions législatives ont ainsi permis d'atteindre une représentation strictement paritaire dans les Conseils départementaux, en 2015, alors que la proportion de femmes dans ces assemblées n'était dans les conseils précédents que de 13%. De même, l'extension de la parité pour les communes de plus de 1 000 habitants, a permis d'élire 16 000 conseillères municipales supplémentaires en mars 2014.
Depuis 2012, vous le savez, la parité est une règle absolue de la composition du Gouvernement.
Cette exemplarité se décline naturellement dans notre administration, où nous conduisons une politique active de féminisation de l'encadrement. La part des femmes était de 30% en 2014. L'objectif pour 2017 est de compter 40 % de femmes dans les flux de nominations aux postes de direction.
Je tiens à souligner, aussi, la réelle adhésion des principaux acteurs économiques français à cette démarche. Le seuil de 30% de femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises a ainsi été dépassé en 2014. La part des femmes dans les conseils a triplé depuis 2010, passant de 10% à 34 %, et faisant de la France le pays de l'Union européenne le plus avancé en la matière.
L'année 2016 va nous permettre de mesurer les premiers effets positifs de la parité sur l'égalité professionnelle, la croissance économique, l'amélioration de la gouvernance dans la sphère politique et sociale. Cette dynamique, j'en suis convaincue, contribuera à faire encore progresser l'égalité réelle.
- Égalité dans la vie économique et sociale
[Article 13-14 Vie économique et sociale]
Agir pour l'égalité impose d'œuvrer contre toutes les divisions spatiales et sociales.
[Politiques familiales]
Notre dispositif, unique au monde, de conciliation de la vie familiale et la vie professionnelle, demeure l'un des instruments les plus efficaces pour contribuer à relever cet objectif. Notre engagement en faveur d'une égalité réelle entre les femmes et les hommes passe donc aussi par le renforcement de notre politique familiale :
- nous avons consolidé la dynamique amorcée sur les modes d'accueil des enfants, avec la signature en 2013 d'une convention d'objectifs qui prévoit la création de 275 000 solutions d'accueil sur la période 2013-2017, dont la majorité sont déployées dans des territoires prioritaires.
- Nous avons partagé entre les deux parents le droit au cong parental : sa durée totale n'est maintenue que si le père prend une partie du congé.
[Retraites/pensions]
Bien sûr, nous nous attachons à garantir l'égalité à tous les âges de la vie. La loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système des retraites a réaffirmé l'objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, par l'égalité entre les femmes et les hommes. Elle a donc introduit un ensemble de mesures qui permettent de réduire les écarts de pensions entre les femmes et les hommes avec des mesures spécifiques pour les femmes comme la validation de tous les trimestres maternité pour la retraite, mais aussi des mesures qui bénéficient spécifiquement aux femmes, comme la meilleure prise en compte du travail à temps partiel et faiblement rémunéré (cela nécessitait l'équivalent de150 fois le SMIC horaire pour valider un trimestre contre 200 fois auparavant).
[Territoires ruraux et en difficultés]
Comme je vous le disais, nous veillons à garantir le déploiement de nos dispositifs sur l'ensemble des territoires. Une attention toute particulière est portée aux territoires les plus fragiles et aux territoires ruraux, conformément à la mission confiée au Commissariat général de l'égalité des territoires, créé en 2014.
C'est dans cet esprit que le Gouvernement a aussi souhaité que les contrats de plan État-Région (CPER) 2015-2020 contribuent à l'égalité entre les femmes et les hommes au travers d'actions transversales et spécifiques, par exemple sur la promotion de la mixité dans les filières de formation et les métiers.
Par ailleurs, tous les outils développés par le ministère de la ville sont désormais dotés d'un volet « égalité entre les femmes et les hommes ».
Enfin, conformément à l'article 61 de la loi du 4 août 2014, les collectivités territoriales rendront compte chaque année, à partir de 2017, au moment de l'adoption de leur budget, de leurs actions en matière d'égalité entre les femmes et les hommes
[Femmes migrantes]
Enfin, la loi du 29 juillet 2015 accorde une attention particulière aux demandeurs d'asile en situation de vulnérabilité, en particulier les femmes. Elles peuvent bénéficier d'une allocation pour demandeur d'asile et du régime général français au titre de la protection universelle maladie. Je souligne à ce titre la protection bénéficiant aux ressortissants en situation irrégulière et précaire sur notre territoire à travers l'aide médicale de l'État (AME), dont le montant est de près de 736 M€ en 2015.
Dans le cadre du plan de réforme de l'OFPRA de 2013, des référents appuient les officiers de protection sur cinq problématiques, notamment s'agissant des victimes de traite et des violences faites aux femmes.
Afin de libérer la parole des femmes, en particulier les victimes de violence, elles ont la possibilité d'être entendues par un agent de l'OFPRA et un interprète de même sexe et de se présenter à l'entretien accompagnées d'un avocat ou d'une association (y compris des associations de défense des droits des femmes).
Concernant spécifiquement la situation des femmes migrantes, la feuille de route du Ministère de l'Intérieur fait état :
- d'une amélioration des parcours d'accueil et d'accompagnement avec une formation civique notamment axée sur l'égalité entre les femmes et les hommes ;
- d'un renforcement de l'apprentissage de la langue et des formations sur la vie quotidienne dans le cadre de la loi du 17 mars 2016, particulièrement bénéfiques aux femmes pour un accès à l'emploi et une intégration effective.
Sur le site de Calais, des hébergements sont dédiés aux femmes et aux enfants, des maraudes sont assurées avec l'appui des associations, en particulier pour les mineurs et les femmes en détresse, en vue de les informer sur leurs droits. A Calais, en 2015, 28 filières de traite ont été démantelées. Dans ce cadre, nous avons amélioré la prise en charge des victimes de prostitution et d'exploitation sexuelle en augmentant les capacités de repérage et d'identification des acteurs associatifs. Nous avons également renforcé l'accès des femmes aux soins médicaux en particulier gynécologiques.
- Lutte contre les stéréotypes et le sexisme (article 3, 4, 5)
Voilà pour introduire une présentation des différents dispositifs mis en œuvre par la France depuis 2013.
Je souhaite enfin vous faire part d'un dernier point essentiel, l'un des derniers plafonds de verre, mais certainement le plus résistant, qui fait obstacle à l'avènement d'une véritable égalité entre les sexes. Je parle évidemment du sexisme, tous ces clichés, ces comportements, ces mots, ces actes qui stigmatisent, délégitiment, infériorisent les femmes.
Dans ce domaine, nous misons sur le long terme en sensibilisant les générations futures, dès le plus jeune âge, aux images et aux stéréotypes dont la persistance, dans l'imaginaire collectif, nourrit les inégalités, les discriminations, les violences. J'ai évoqué précédemment les enjeux qui s'attachent à cette démarche. Je tiens néanmoins à souligner qu'une « convention interministérielle entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif » a été conclue pour la période 2013-2018 autour de trois volets : faire acquérir et transmettre une culture d'égalité entre les sexes ; renforcer l'éducation au respect mutuel entre les sexes ; encourager la mixité des filières de formation.
Une démarche a aussi été engagée par le ministère de l'Education nationale auprès du syndicat national des éditeurs, afin que les manuels scolaires cessent de reproduire les stéréotypes.
La même démarche a été engagée auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui a vu ses compétences renforcées en matière de de lutte contre les stéréotypes sexistes dans les médias, et prochainement étendu aux contenus publicitaires, avec une disposition particulière introduite dans le projet de loi « Egalité et Citoyenneté ». Je saisis cette occasion pour vous indiquer qu'à l'occasion de la première lecture de ce texte, qui vient d'avoir lieu à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a créé une circonstance aggravante de sexisme pour tous les crimes et délits.
Dans ce domaine, nous souhaitons faire davantage. Cela constituera pour moi une priorité dans les mois à venir.
Conclusion
Madame la présidente,
Mesdames et messieurs les membres du comité,
Je mesure pleinement les attentes que suscite l'audition de la France devant le comité CEDEF. Les revendications des Françaises et des Français en faveur de l'égalité sont au fondement de notre République et au cœur de notre devise nationale. La France a également conscience de son devoir d'exemplarité vis-à-vis de l'Histoire, car c'est à Paris qu'a été adoptée la Déclaration universelle des droits humains en 1948. Je mesure la responsabilité qui est la mienne aujourd'hui, en tant que cheffe de la délégation française.
Cette audition marque la fin d'un processus qui a débuté avec les recommandations du comité CEDEF de 2008, auxquelles répondent en partie les 7ième et 8ième rapports de la France de 2013 et les précisions que nos ministères ont apportées dans le questionnaire de 2015. Nous aurons l'occasion durant cette journée de préciser à votre convenance les éléments nécessaires à votre expertise. L'ensemble des ministères est mobilisé aujourd'hui pour vous répondre dans cette délégation et dans les permanences que nous avons instaurées à Paris.
Mais cette audition sanctionne aussi des années d'efforts, ou plutôt, des années de lutte pour les droits des femmes. C'est donc aussi un privilège pour moi de conduire cette délégation. C'est une délégation féministe. Elle est porteuse de promesses et pleine d'ambition. « Car le féminisme ne se résume pas à une revendication de justice, parfois rageuse, ni à telle ou telle manifestation scandaleuse ; c'est aussi à la promesse, ou du moins l'espoir, d'un monde différent et qui pourrait être meilleur », comme le disait si justement Benoite Groult, auteure française qui nous a quitté cette année et à qui je souhaite rendre hommage aujourd'hui dans ce beau Palais des Nations.
Je vous remercie.
Source http://www.familles-enfance-droitsdesfemmes.gouv.fr, le 26 juillet 2016