Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Dans un monde qui tourne si vite, dans des fonctions dont l'urgence est le lot quotidien, je mesure à quel point une institution comme le Conseil économique, social et environnemental est précieuse.
Prendre le temps de comprendre, c'est une forme du courage si l'on suit Jaurès.
Il disait : « Le courage, c'est d'explorer la complexité presque infinie des faits et des détails, et cependant d'éclairer cette réalité énorme et confuse par des idées générales. »
Un siècle plus tard, l'assertion garde toute sa pertinence.
La jeunesse comme objet de connaissance n'échappe pas à ce constat de complexité et de confusion.
De qui parle-t-on ?
Qui cherche-t-on à aider ?
A quels problèmes les jeunes sont-ils confrontés ?
Quelles sont leurs pratiques, leurs représentations et leurs aspirations ?
Vous avez dans un premier avis permis d'apporter un certain nombre de réponses quant à l'amélioration du recours aux droits sociaux des jeunes.
Ce premier avis a largement orienté les politiques publiques du gouvernement, tant en termes de philosophie que de méthode.
Sur la philosophie, le rapport appelait à la fin de la multiplication des dispositifs qui se superposent sans atteindre leur cible.
C'est exactement cette logique qui nous anime.
Nous visons à simplifier notre action en nous appuyant le plus possible sur le droit commun.
Quelques exemples pour venir illustrer mon propos :
* La mise en en uvre de la garantie « jeunes »
Elle donne accès à un niveau de ressources équivalent au RSA socle mais avec un accompagnement renforcé vers l'emploi.
C'est une manière de faire converger les conditions de vie des moins de 25 ans et de leurs aînés tout en apportant une réponse efficace au chômage des jeunes les plus éloignés de l'emploi.
Elle concernera 70 000 jeunes en 2015.
Je pense que c'est un dispositif qui a vocation à s'étendre largement pour « rattraper » tous les jeunes qui n'ont pas de diplôme, pas d'expérience, pas de réseau.
* Le Service Public Régional de l'Orientation (SPRO)
Le rapprochement des acteurs de l'orientation, y compris les structures « information jeunesse », va mettre les jeunes davantage à égalité dans les choix qu'ils seront amenés à faire.
Evidemment, ils ne feront pas ces choix à partir du même bagage scolaire, du même parcours, mais au moins, tous auront un égal accès à la connaissance de ce qui leur est ouvert.
Je préfère de loin ce système qui repose sur le service public que celui qui favorise les enfants de parents qui ont fait des études et qui connaissent les rouages, les arcanes, de l'enseignement secondaire et supérieur.
* La nouvelle prime d'activité
Je crois que nous n'avons jamais été aussi proches de réussir la fusion du RSA activité et de la Prime pour l'emploi !
Plaisanteries mises à part, les arbitrages sont en passe d'être rendus mais il y aura une prime unique, que j'espère forfaitaire et mensuelle par souci de simplicité.
En effet, la PPE et le RSA activité ont chacun montré leurs limites.
La PPE est versée seulement une fois par an si bien que « le coup de pouce » n'intervient pas quand la personne en a le plus besoin.
Quant au RSA activité, il est très réactif mais aussi très complexe, et par ailleurs assimilé à un minimum social ce qui peut paraître stigmatisant pour des personnes qui ont un emploi.
Le résultat est que seulement un tiers des personnes qui ont droit au RSA activité le perçoivent effectivement.
L'enjeu de la prime d'activité est donc d'allier la simplicité de la PPE et la réactivité du RSA activité.
Elle s'adressera à tous les travailleurs modestes et donc aux jeunes ce que ne faisait pas le RSA activité.
* Le logement
De même, des mesures ont d'ores et déjà été prises pour favoriser l'accès au logement des jeunes.
Deux dispositifs de sécurisation des loyers existent désormais, l'un pour les étudiants la caution locative étudiante, la CLE l'autre pour les jeunes salariés de moins de 30 ans, dans le cadre d'une convention avec Action Logement.
Certes de nombreux jeunes ne sont pas encore couverts par ces dispositifs, mais le mouvement est lancé et je le poursuivrais.
Sur la méthode maintenant.
Le rapport prônait un travail collectif de tous les acteurs impliqués dans les politiques en direction des jeunes et une mobilisation forte de l'Etat, c'est ce que nous avons fait.
* Autour de la dynamique des comités interministériels à la jeunesse (CIJ)
Ils se sont déroulés en février 2012 et en mars 2013.
24 ministères ont participé à cette dynamique qui continuera jusqu'à la fin du quinquennat.
Un tableau de bord a partir de la statistique publique et un plan ont été produits.
Des échanges ont lieu avec les coordinations associatives comme le Cnajep et le Forum Français de la Jeunesse pour les préparer et travailler sur les différents chantiers en cours.
Les événements de janvier dernier ont profondément bouleversé notre pays.
Après la réponse sécuritaire et pénale indispensable à l'action, l'ensemble du Gouvernement est aujourd'hui mobilisé pour apporter une réponse de cohésion sociale, de fraternité, de laïcité.
Le Président de la République l'a rappelé la semaine dernière, un comité interministériel se déroulera en mars prochain pour proposer des réponses fortes en matière d'engagement et de citoyenneté des jeunes.
Dans cette même période de mars se dérouleront aussi d'autres comités interministériels essentiels (femmes/hommes, lutte contre la pauvreté, égalité des territoires).
C'est pourquoi, le Comité interministériel jeunesse sera cette année organisé à la fin du premier semestre.
Sans en dévoiler les contours, sa forme sera profondément renouvelée.
En effet, cet espace de réflexions et de mobilisation de l'ensemble des ministres sera ouvert aux jeunes eux-mêmes, dans une logique de dialogue et d'échanges directs.
Je souhaite que cette année prouve toute la confiance que je porte dans les jeunes, les acteurs éducatifs et associatifs, la société civile et les territoires.
C'est pour cela qu'entre avril et juin prochain, j'irai à la rencontre des jeunesses de 5 territoires (4 en métropole + 1 en outre mer) au travers des rendez vous territoriaux de la jeunesse.
* Autour de Comités de l'Administration Régionale (CAR)
La mobilisation de l'Etat s'est aussi traduite par un travail sur les territoires au travers de Comité de l'administration régionale qui, autour des Préfets, rassemblent tous les services de l'Etat.
Dans toutes les régions des CAR thématiques sur la jeunesse se sont déroulés.
Désormais il faut faire vivre cette dynamique en lien avec les collectivités locales et les associations.
Enfin, je veux aborder quelques perspectives et donc aussi ce que nous n'avons pas réussi à faire ou de manière incomplète.
* La participation des jeunes
Nous rencontrons des difficultés pour systématiser la présence des jeunes dans les institutions ou pour favoriser la co-construction à tous les étages.
J'espère que le renouvellement des CESER sera l'une des prochaines occasions de progresser dans ce domaine.
* La prise en compte systématique de la dimension « jeunesse » dans les politiques publiques
La clause d'impact devrait finir par sortir du circuit de validation dans lequel elle est enlisée. Il faut admettre que cela aura pris du temps.
* La santé des jeunes
Un point sur lequel nous pouvons sans doute progresser est l'accès à la santé des jeunes.
Les jeunes sont peu sensibles aux messages de prévention alors que c'est une population particulièrement touchée par les conduites à risque. C'est pourquoi, je souhaite, en collaboration avec le Ministère de la Santé, faire preuve d'imagination sur cette question.
Des centres de santé se sont développés au sein des universités.
L'accès à une couverture maladie complémentaire ou à l'acquisition d'une assurance complémentaire santé pour les jeunes salariés ou les étudiants a progressé grâce à des efforts de communication.
Ce sont des progrès significatifs, mais nous devons faire plus.
Je souhaite que nous réfléchissions à la généralisation de l'accès à la complémentaire santé pour chaque jeune, afin que tous soient couverts et notamment ceux qui ne sont ni étudiants ni salariés.
Par définition, nous pouvons faire mieux en tous points. C'est la raison d'être de l'action politique.
Je suis à votre disposition pour en discuter avec vous, mais voilà ce que sont mes préoccupations pour les mois à venir.
Source http://www.patrickkanner.fr, le 29 juillet 2016