Déclaration de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, sur les relations entre la police et la population, notamment des jeunes dans le contexte des attentats terroristes, Saint-Etienne le 8 juin 2015.

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La République a besoin de reprendre des couleurs. Si les Français croient en la justesse des valeurs républicaines, ils doutent de la volonté sincère du pouvoir de les mettre en œuvre.
Les inégalités, les discriminations, les injustices quotidiennes, rappellent sans cesse l'écart entre la promesse et la réalité.
C'est dans cet espace que se logent les discours de défiance. Ils sont nombreux et prennent des formes variées.
Ils prennent la forme radicale, violente, de l'appel au combat, au terrorisme, au meurtre.
Ils prennent la forme insidieuse, pernicieuse, des théories du complot.
Ils prennent la forme délétère, menaçante, de l'anti-système et par extension malsaine de l'antisémitisme.
Ils prennent enfin la forme trop banale du rejet des institutions et de leurs représentants.
A ces discours, il ne faut laisser aucune prise. Sinon, c'est la République qui s'effrite, et un jour, c'est la République qui s'effondre.
A tous les niveaux les représentants de l'institution doivent être irréprochables.
C'est un privilège dont il faut se montrer digne que de servir, servir la République, servir sa nation.
Cela vaut en premier lieu pour les élus du peuple.
Aucun mensonge, aucun manquement, aucune « phobie », ne peut être toléré. La probité est au cœur du pacte démocratique qui lie les mandataires à leurs mandants.
Le Président de la République souhaité considérablement renforcer les procédures de contrôle des patrimoines et des conflits d'intérêt des élus, et c'est une très bonne chose.
Cela vaut pour les haut-fonctionnaires et les conseillers ministériels.
L'argent public est rare, l'argent public est précieux, l'argent public est… public.
Il n'a pas vocation à servir des intérêts particuliers.
Ce qu'il est convenu d'appeler « l'élite de la nation » a une responsabilité particulière à l'égard de cette nation. Elle doit se montrer exemplaire.
La considération et la rémunération qui sont les siennes lui permettent de vivre dans les meilleures conditions.
Cela vaut pour les grandes figures du monde économique, du monde culturel et du monde sportif.
Ils ne sont pas à proprement parler les représentants de la République, mais leur succès, leur pouvoir, leur notoriété les oblige.
Comment être crédible aux yeux de tous ces jeunes passionnés de foot, quand les plus hautes instances de la discipline sont accusées de tricherie ?
Cela vaut enfin pour les agents de l'Etat, ceux qui sont en contact quotidien avec les citoyens.
Et parmi eux, les agents de la police nationale.
Il n'y a pas de focalisation sur un corps spécifique de la fonction publique, il y a une volonté générale, impérieuse, qui s'impose à tous.
L'action des forces de l'ordre est essentielle, et pourtant elle est perçue de manière ambivalente.
Quasiment tout le monde est prêt à reconnaître la dangerosité des missions de la police, le courage de policiers, parfois leur héroïsme parfois.
Mais en pratique, dans les interactions habituelles avec les citoyens comme dans un certain nombre de représentations, les choses sont plus compliquées…
Quand il s'agit de parler de la police dans la chanson, le langage est souvent fleuri, les invitations sexuelles nombreuses et peu subtiles…
Il est vrai que se faire rappeler à l'ordre est rarement apprécié.
Se faire contrôler, suspecter, pas davantage.
Et c'est ainsi que ceux qui nous protègent sont aussi ceux qui font l'objet de critique, de moquerie, de défiance.
Le Gouvernement a le souci d'améliorer les relations entre la police et la population, d'accompagner les agents dans un exercice délicat : l'exercice de l'autorité. Nous voulons créer les conditions, les dispositifs, les lieux qui faciliteront ces relations.
Pour ma part, j'ai une attention particulière sur les relations entre la police et les jeunes.
Et je dois dire que si l'image de la police est ambivalente, celle de la jeunesse l'est également.
Trop de discours cantonnent la jeunesse, et notamment la jeunesse des quartiers, à la médiocrité, à l'égoïsme, à la déviance. Trop souvent les jeunes se retrouvent sujets au dédain, à la moralisation condescendante.
Cette caricature n'est pas acceptable et c'est pourquoi nous prenons un ensemble de mesures pur sortir de cette tension, de cette crispation.
Pour n'en citer qu'une seule, mes collègues en évoqueront d'autres, nous lançons une vaste campagne de communication pour déconstruire les préjugés, promouvoir le respect et valoriser les attitudes vertueuses.
Je crois à la force des symboles, à la nécessité d'éveiller les mentalités pour changer les pratiques.
Cette campagne s'inscrit dans cette ambition.
Mesdames, Messieurs,
Les difficultés sociales sont là, la dureté du métier de policier aussi. Ces réalités compliquent notre tâche.
Je sais aussi l'effet qu'a eu la décision de justice concernant les deux adolescents électrocutés à Clichy-sous-Bois. La justice n'est pas en cause.
Mais le doute s'installe dans certaines têtes sur l'impartialité de cette justice, sur la vérité de l'égalité.
Il faut stopper net ce cheminement. Donner des preuves que personne n'est oublié par la République
La sécurité est un bien trop précieux pour que ceux qui l'assurent soient mis en difficulté.
La jeunesse est un espoir trop grand pour qu'il soit abîmé par des propos ou des gestes inappropriés.
Je vous remercie.
Source http://www.patrickkanner.fr, le 21 juillet 2016