Déclaration de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, sur la pauvreté et l'exclusion sociale des jeunes, Le Kremlin-Bicêtre le 18 juin 2015.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral


La pauvreté est un fléau. Elle brise les individus, met à mal le contrat social, sape notre idéal républicain.
Ceux qui me connaissent savent que mon engagement contre la pauvreté n'est pas un engagement de circonstance. Président de l'Union nationale des centres action sociale, Président du Département du Nord, j'ai, pour ainsi dire, vu la pauvreté de près.
J'ai vu comment la pauvreté s'était propagée dans la jeunesse.
Aujourd'hui, un jeune sur cinq est pauvre.
C'est considérable, c'est affligeant.
Et pourtant, nous n'avons pas le droit de rester affligés, nous avons le devoir d'agir avec constance et détermination pour faire reculer cette pauvreté.
J'ai vu aussi comment la pauvreté s'était concentrée dans certains quartiers.
Les taux de chômage de presque 50%, la présence nombreuse de mères seules, l'absence critique de certains services publics : les difficultés se cumulent et se nourrissent, entraînant un mouvement de paupérisation des habitants.
Cette volonté farouche de lutter contre la pauvreté, je sais que la CNAF la partage.
Votre action a un impact décisif sur le niveau de pauvreté. Et si ce taux reste élevé, il doit être dit que, sans votre concours, les choses seraient bien pires.
Au-delà de la convention d'objectifs et de gestion, vous avez cette cause chevillée au corps.
C'est un engagement quotidien de vos agents qui sont en première ligne dans bien des situations.
Je voulais avant tout vous remercier pour cet engagement, ce travail, ce souci de faire vivre concrètement les valeurs de la République.
La République est aujourd'hui un idéal fragile.
Ses valeurs continuent à être plébiscitées mais leur réalité est contestée.
Et pour cause… il faut bien admettre que les inégalités sont grandes et les injustices trop nombreuses.
Alors la mission première du gouvernement, c'est de redonner foi en la République à tous ces citoyens, en leur faisant la démonstration de son efficacité, de sa concrétude.
C'est pourquoi nous avons intitulé le comité interministériel du 6 mai dernier sur l'égalité et la citoyenneté : La République en actes.
Voilà notre objectif, notre ligne de conduite.
Pour que les décisions prises lors de ce comité interministériel se traduisent effectivement en actes, la contribution de la CNAF est essentielle.
Il est nécessaire que le développement de l'accueil du jeune enfant se fasse en priorité vers les territoires de la politique de la ville.
Les besoins sont criants, les manques critiques.
Le coup de pouce aux crèches de ces territoires est pleinement légitime.
Associé à d'autres mesures telles que l'accueil d'enfants pauvres, le développement des «relais assistant maternelle», les efforts en termes de communication autour des modes de garde et le renforcement de partenariats, notamment avec Pôle emploi, il produira, j'en suis certain, des effets notoires pour les familles des quartiers prioritaires.
Je suis ravi par ailleurs que le guide intitulé « accueil des jeunes enfants – des solutions pour faciliter l'emploi des femmes dans les quartiers », et pour lequel je crois bien avoir signé une préface, puisse être largement diffusé.
Non pas pour la préface en question, mais parce qu'il délivre une information très utile aux mères, par le recensement d'expériences innovantes menées dans les quartiers prioritaires.
Y figurent notamment les crèches à vocation d'insertion professionnelle dont il convient de poursuivre d'ailleurs le déploiement dans les quartiers politique de la ville.
D'autres dispositifs méritent d'être soutenus et développés tels les classes passerelles pour la scolarisation précoce des enfants ou les lieux d'accueil parents-enfants.
Il y a deux autres enjeux qui me tiennent particulièrement à cœur : que tous les habitants des quartiers disposent d'un centre social et que les enfants puissent partir en colos.
La CNAF s'est engagée à pourvoir d'un centre social chacun des 150 quartiers prioritaires où ces centres font encore défaut. C'est un très bel engagement qui honore la CNAF.
Quant aux départs en colos, c'est pour certains jeunes qui sont quasiment assignés à résidence, la seule chance de voir autre chose, de faire des nouvelles rencontres, et de couper le quotidien.
Tout le monde a besoin de cela et particulièrement ces enfants. L'enfermement géographique participe à un enfermement mental dont il faut les aider à s'échapper.
Je remercie la CNAF de formaliser la plupart de ces objectifs territoire par territoire en tant que signataire des contrats de ville.
Vous êtes un partenaire précieux de la politique de la ville.
Enfin, je voudrais aborder la question cruciale de l'accès aux droits.
Un droit que l'on ne sait faire valoir, parce qu'on en ignore l'existence ou parce que les démarches liées sont trop complexes, cesse d'être un droit.
Je parlais de la République en actes.
Le non-recours au droit, c'est tout l'inverse de la République en acte.
C'est la République velléitaire, la République qui se donne bonne conscience, bref la République impuissante.
Quand la puissance publique est impuissante, il est temps de sérieusement s'interroger et revoir nos politiques.
La CNAF, là encore, prend sa part en organisant 100 000 rendez-vous des droits. C'est un effort remarquable.
Je suis fier que le service civique puisse prêter main forte à la CNAF dans cette perspective. Dans 10 CAF : celles du Nord, des Hauts-de-Seine, de Meurthe-et-Moselle, du Morbihan, du Béarn, des Yvelines, de Seine-Maritime, du Lot-et-Garonne, du Tarn, et de Guyane, des volontaires seront là pour orienter et accompagner les bénéficiaires.
Concernant l'accès aux droits, mon ministère est partie prenante d'une grande réforme : celle qui consiste à fusionner le RSA et la PPE dans une prime d'activité.
Elle est une grande réforme précisément parce qu'elle va dans le sens d'un accès aux droits facilité et donc d'une République plus efficace.
Elle est une grande réforme parce qu'elle va dans le sens d'un traitement commun des jeunes et de leurs aînés, et donc d'une République plus juste.
Je me réjouis de cette décision du gouvernement.
En tant que ministre de la ville, car plus de la moitié des habitants des quartiers populaires qui ont un emploi seront concernés.
En tant que ministre de la jeunesse car les jeunes de 18 à 25 ans toucheront cette prime dans les conditions du droit commun.
Les CAF seront ainsi amenées à verser chaque mois cette prestation à plus de 5 millions de bénéficiaires attendus au 1er janvier 2016 dont 1,2 million de jeunes.
Beaucoup de ces jeunes ne sont pas encore allocataires des CAF.
Il vous faudra leur faire connaître cette prestation qui viendra soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs modestes ;
C'est un immense défi pour votre réseau, que vous saurez relever.
Mesdames, Messieurs,
La convention que nous signons aujourd'hui est une convention importante. Derrière des aspects techniques pour les non initiés, ce sont des enjeux politiques de premier plan qui se révèlent. Il s'agit d'apporter à une France en prise au doute les repères qu'elle attend : l'égalité et la fraternité.
Source http://www.patrickkanner.fr, le 21 juillet 2016