Déclaration de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, sur les mesures de valorisation de l'engagement des jeunes, Paris le 22 juin 2015.

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Texte intégral


Monsieur le Commissaire général,
Mesdames, Messieurs,

Pour la jeunesse, je veux trois choses :
Je veux qu'elle puisse se former et travailler. C'est pour cela que nous multiplions les emplois aidés : emplois d'avenir, garantie jeunes, contrats starters, pour leur mettre le pied à l'étrier.
Je veux que la jeunesse puisse découvrir le monde. Désormais, nous vivons dans un monde ouvert et c'est une chance incroyable. Contre les discours xénophobes et nationalistes, nous voulons les inviter au voyage. Voyager pour étudier, pour travailler ou pour s'engager, mais voyager et aller à la rencontre de l'autre.
Enfin, je veux que la jeunesse puisse prendre toute leur place dans la cité, qu'elle puisse exercer activement et pleinement sa citoyenneté.
Le non-cumul des mandats, le développement du service civique, l'inscription facilitée sur les listes électorales, participent de cet objectif.
Un objectif qui exige d'être encore considérablement nourri.
Le rapport que le Commissariat général à la stratégie et à la prospective me remet aujourd'hui me donne, de ce point de vue, du grain à moudre…
Il y a de manière générale une suspicion sur les rapports : « encore un… à quoi bon ? Les experts parlent aux experts, etc.. »
Je dois dire que le travail commis par le CGSP n'est pas un rapport lisse et sans saveur.
Certaines mesures sont même assez détonantes. Argumentées, justifiées, elles méritent pour la plupart d'être étudiées plus avant.
Quelques-unes ont particulièrement retenu mon attention.
Lancer le débat sur l'abaissement de la majorité à 16 ans.
C'est effectivement une question qu'il faut se poser. Derrière, c'est notre conception du coupe autonomie/responsabilité qui est interrogée.
Aujourd'hui, un enfant de 10 ans peut être retenu 12 heures dans des locaux de police ou de gendarmerie.
A 13 ans, il peut être mis en garde à voue pendant 24 heures, voire 36 heures.
A 16 ans, il peut être jugé par la cour d'assises et peut encourir la même peine que les adultes s'il est en situation de récidive.
Tout se passe comme si le plus court chemin vers l'autonomie était la déviance, la délinquance.
Or l'autonomie est au cœur de notre projet collectif moderne. D'ailleurs, les enquêtes montrent clairement comme cette valeur, en l'espace de quelques dizaines d'années, a complètement supplanté celle de l'obéissance dans la tête des parents.
Bref, puisque l'acquisition de l'autonomie est recherchée et que cela a sans doute quelques effets sur le développement précoce des jeunes, il est vrai que l'âge adéquat de la majorité est une interrogation légitime.
Dans le même ordre d'idée, j'adhère à la proposition qui consiste à supprimer l'obligation du représentant légal pour les jeunes de 16 à 18 ans qui souhaitent créer une association.
Deuxième série de mesures qui m'ont intéressé : les mesures de valorisation de l'engagement des jeunes.
Oui, je crois que l'on peut apprendre ailleurs qu'à l'école, autrement et d'autres choses. Et il m'apparaît clairement que l'engagement, quelle qu'en soit la forme, appelle des compétences utiles, qui méritent d'être reconnues socialement.
Donc l'ensemble des propositions que vous formulez dans ce domaine, notamment celles qui consistent à donner des points ou des crédits pour le bac, pour les autres examens ou concours de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, et même les concours de la fonction publique, aux jeunes qui peuvent témoigner d'un certain niveau d'engagement me semblent devoir être instruites.
Enfin, j'ai relevé un autre ensemble de mesures qui visent à promouvoir le rajeunissement des institutions démocratiques.
Avec une première mesure « choc » qui risque de ne pas faire plaisir à tout le monde : l'interdiction de se présenter à un mandat politique après un certain âge…
L'idée qu'il puisse exister un âge de départ à la « retraite politique » ne me heurte pas, et je pense effectivement que cela aurait des effets positifs sur le renouvellement de la vie politique.
Je dis peut-être cela parce que je suis encore un jeune homme…
De la même manière, la limitation du nombre de mandats dans le temps est une idée portée par ma formation politique et à laquelle je souscris.
Ce gouvernement a déjà eu le courage de s'attaquer au non-cumul simultané. Je ne sais pas s'il y a immédiatement une fenêtre pour remettre ce sujet sur le tapis, mais pourquoi pas plus tard, pour le prochain mandat ?
Toujours dans la même veine, vous faites deux propositions à forte charge symbolique.
L'une est l'abaissement de la condition d'âge pour le droit d'éligibilité au Sénat à 18 ans, alors que c'est 24 ans aujourd'hui et que c'était encore 35 ans hier.
L'autre est d remettre en cause le privilège de l'ainesse en cas d'égalité des suffrages. Entre deux conventions arbitraires, je préfère celle qui fait confiance à la jeunesse.
Monsieur le Commissaire général,
Mesdames, Messieurs,
Comme je vous l'ai dit, je veux trois choses pour la jeunesse, et notamment que les jeunes puissent prendre toute leur place dans la cité.
Mais plus fondamentalement encore, ma première mission est peut-être de déconstruire les préjugés négatifs dont les jeunes font l'objet.
J'ai la conviction que la vision qu'une société se fait de sa jeunesse en dit long sur son état d'esprit. Force est de constater que cette vision n'incline pas toujours vers l'optimisme et la confiance…
Je veux donc, dans un même élan, redorer le blason de la jeunesse et inviter mes concitoyens à envisager notre avenir de manière plus sereine.
Le rapport que vous me remettez aujourd'hui est un bon point d'appui dans cette bataille.
Source http://www.patrickkanner.fr, le 21 juillet 2016