Entretien de M. Mattias Fekl, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l'étranger, dans "Le Figaro Economie" du 5 août 2015, sur les efforts en faveur du commerce extérieur et du tourisme.

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Q - Les Douanes annoncent ce vendredi que la situation ne s'améliore pas sur le front du déficit commercial ; quelle est votre analyse de la situation ?
R - Partons d'abord du constat que les choses vont mieux depuis 2011 : cette année-là, le déficit commercial atteignait près de 75 milliards d'euros et il était de 45 milliards en 2015. En 2016, malheureusement, il risque de se creuser à nouveau. Nous sommes à 24 milliards de déficit à mi-année ; c'est un milliard de plus que le second semestre de l'an dernier.
La tendance est marquée par une hausse limitée des importations (+ 1,1% en volume au premier semestre) plus importante que celle des exportations, qui stagnent. Nous sommes dans un contexte de ralentissement mondial, notamment du côté des pays émergents, avec une hausse du commerce mondial qui reste faible, à 2,7% en 2016 selon le FMI. Et nous bénéficions moins que l'année dernière du diptyque «euro faible-pétrole bas» . Ce cocktail rend difficile une amélioration de la situation dans l'immédiat. Mais le renforcement de la compétitivité-coût des entreprises sur laquelle nous avons travaillé permet une bonne résistance française.
Q - Justement, pensez-vous que le gouvernement a pris suffisamment de mesures pour redonner une chance aux entreprises françaises dans la compétition internationale ?
R - La meilleure preuve, c'est que la France ne perd plus de part de marché à l'international : elle se stabilise depuis quatre ans à 3,1% pour les biens et à 3,5% pour les biens et services. Sur le plan des coûts, on est allé très loin, avec le CICE (crédit d'impôt compétitivité emploi) et le pacte de responsabilité, qui auront redonné fin 2017 41 milliards aux entreprises depuis 2013. C'est une donnée que l'on ne cite pas assez mais le salaire horaire dans l'industrie française (37,60 euros) est passé en 2015 pour la première fois sous le salaire horaire allemand (38 euros). La compétitivité-coût des entreprises françaises s'est améliorée de 7 points depuis 2014 par rapport aux autres pays de l'OCDE. Sans cela, notre position sur les marchés extérieurs aurait continué à se dégrader. L'important travail sur la structuration des filières, qui avait été lancé par Arnaud Montebourg et qu'Emmanuel Macron a repris, est également efficace : le rapprochement entre grands groupes et PME vise à donner un maximum de chances de créer les champions de demain, à faire éclore les entreprises de tailles intermédiaires qui font défaut à la France. La création de Bpifrance est également venue en renfort sur les questions de financement. C'est un travail de longue haleine qui doit être poursuivi...
Q - Comment ?
R - Avec, par exemple, ce que nous menons ici pour densifier le tissu d'entreprises exportatrices. Elles étaient 117 000 en 2011, 121 000 en 2014, 125 000 en 2015. C'est un retour au niveau... de 2003 ! C'est encore deux fois moins qu'en Italie et trois fois moins qu'en Allemagne, mais cela montre une inversion de tendance positive. Ça ne se fait pas d'un claquement de doigt : Business France et les chambres de commerce et d'industrie ont lancé un programme d'accompagnement personnalisé pour 3.000 entreprises supplémentaires. J'ai créé un Conseil stratégique de l'export pour que tous les acteurs du système (Business France, chambres de commerce, conseillers du commerce extérieur, Bpifrance, les Douanes...) s'organisent pour mieux travailler ensemble et coordonner leurs actions. Ma priorité, c'est de simplifier l'environnement à l'export, qu'une PME ne passe pas son temps à se demander «qui fait quoi», mais sache exactement à qui s'adresser dans son parcours à l'export et pour chaque besoin. Un portail Internet sur l'export (France-international.fr) a été créé. Les Douanes ont mis en place des mesures ambitieuses de simplification et de dématérialisation. Nous avons également lancé au Quai d'Orsay les Forums des PME à l'international, que je décline dans chacune des 13 nouvelles grandes régions ; ou encore développé un système de parrainage des PME par les grands groupes pour leurs Volontaires internationaux en entreprises (VIE). J'ai d'ailleurs fixé l'objectif d'atteindre 10.000 VIE fin 2017, et nous sommes en bonne voie pour y parvenir. Mises bout à bout, ces mesures concrètes ont un effet positif.
Q - Sentez-vous que les PME françaises manquent d'appétence pour l'export ?
R - Pas du tout ! Il y a un véritable enthousiasme qui existe et j'en profite pour rappeler que chacun de mes déplacements à l'étranger est ouvert aux PME. Il y a beaucoup d'opportunités à l'international et elles le savent très bien. Ce qui leur manque, c'est d'intégrer l'international comme une stratégie d'entreprise. C'est notamment ce qui explique que sur dix entreprises qui exportent pour la première fois, elles ne soient plus que trois l'année suivante et une trois ans plus tard.
Certaines filières sont peut-être également moins bien structurées que ne le sont les secteurs champions français de l'export (l'aéronautique, l'agroalimentaire, dont les vins et spiritueux, la pharmacie, la chimie-cosmétique, le luxe...). Cette structuration, c'est la grande force de l'Allemagne.
Q - Vous insistez souvent sur la bonne tenue de la balance des services, qui vient un peu compenser le déficit des biens. Dans le contexte actuel d'un tourisme français qui souffre et va encore souffrir, quel est votre diagnostic ?
R - Nous sommes exportateurs nets de services. La balance des services (+ 4 milliards d'euros au premier semestre) et du négoce (+ 10 milliards d'euros) compense aux deux tiers la balance des biens. Au-delà des chiffres, la France reste la première destination touristique au monde avec 85 millions de visiteurs par an ! Après les événements de janvier 2015, les étrangers n'ont pas subitement arrêté de venir dans notre pays, comme cela a pu être le cas dans d'autres. Bien sûr, chaque événement tragique se traduit par une vague d'annulations et reports et cela n'a malheureusement pas épargné Nice, après l'Île-de-France. Mais la France a des fondamentaux forts. Notre réponse est claire : à la fois des mesures de soutien pour les entreprises du secteur (étalement fiscal, autorisation de recours au travail temporaire...) et des mesures de promotion de la France à l'international, de renforcement de la sécurité des sites, de formation, de numérique. Le grand Fonds tourisme de 1 milliard d'euros mis en place par la Caisse des dépôts et des consignations et Bpifrance nous garantit également des investissements dans le secteur pour rehausser la qualité. Notre objectif demeure d'accueillir 100 millions de touristes en 2020.
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 août 2016