Texte intégral
C'est sur une note de satisfaction que je débute cette intervention. Je me réjouis, comme vous toutes et vous tous, de l'excellent résultat obtenu par notre Parti aux élections sénatoriales, avec bien plus qu'une entière reconduction : l'arrivée de quatre nouvelles élues dans le groupe. Dans cette assemblée dominée par la droite la plus réactionnaire, il fera bon entendre encore un peu plus la voix des femmes et des hommes de notre pays. Et que ce soit quatre femmes qui aient été élues, avec leurs sensibilités, leurs expériences singulières, ne sera pas sans incidence sur le contenu des interventions du groupe communiste, républicain et citoyen. Je veux leur souhaiter bon courage et pleine réussite dans leurs nouvelles fonctions.
Alain Bocquet a évoqué le drame terrible qui a eu lieu à Toulouse vendredi dernier. Le jour même, j'ai fait part de mon émotion, de ma solidarité, de celle du Parti, à notre camarade Charles Marziani, Secrétaire de la Fédération de Haute-Garonne, et j'ai demandé au maire, Monsieur Douste-Blazy, de transmettre mon soutien aux Toulousaines et Toulousains, aux victimes et à leurs familles. C'est dans le même état d'esprit que les élus communistes proposent dans les collectivités des actes concrets de solidarité.
Les conséquences de cette tragédie sont encore à ce jour difficilement évaluables. Beaucoup de questions se posent quant à ses causes. La population, les salariés de l'usine concernée ont, depuis des années, soulevé la question de la localisation d'un tel site à risques dans une zone devenue de fait urbanisée. Il faut, avec eux, chercher les réponses, les solutions, pour qu'une telle catastrophe ne puisse jamais se reproduire.
L'ordre du jour de nos travaux et l'introduction d'Alain Bocquet ce matin font une large place à ce qui va occuper essentiellement la vie parlementaire dans les semaines à venir : la préparation des budgets 2002 de la nation et de la sécurité sociale. Alain l'a fort bien exprimé, c'est dans un état d'esprit très offensif, très exigeant, que nous abordons le débat parlementaire. Et comme ce fut le cas pour la loi de modernisation sociale ", avec la volonté d'être en phase avec les attentes des françaises et des français.
Mais, je veux à présent, cela ne surprendra personne, évoquer à l'occasion de nos travaux la situation internationale issue des effroyables attentats terroristes du 11 septembre aux Etats-Unis.
D'abord pour réaffirmer notre condamnation absolue du terrorisme. Rien ne saurait à nos yeux le justifier, et l'ampleur, l'horreur de ce qui vient d'être commis sur le sol américain exigent une action résolue pour le mettre hors d'état de nuire.
Oui, il faut agir pour éradiquer le terrorisme. Pour deux raisons. La première relève de la simple humanité : le terrorisme frappe presque toujours, aveuglement, cruellement, des innocentes et des innocents. Pour un parti comme le nôtre, de tradition profondément démocratique et humaniste, c'est inacceptable, intolérable.
Quant à la seconde raison, elle tient aux conséquences du terrorisme, qui révèlent sa vraie nature. Non seulement le terrorisme massacre des innocents, mais au bout du compte, il renforce les positions de ceux qu'il prétend combattre, en accréditant l'idée que seule la violence peut apporter des solutions à des problèmes qui sont en fait des problèmes politiques. Ces problèmes sont en effet liés à des dominations politiques, à des refus de reconnaissance politique, imposés dans des affrontements géopolitiques, et parfois au sein même de certains états, à des peuples entiers, des communautés, des ethnies, des catégories de telles ou telles populations.
Le terrorisme est ainsi souvent utilisé comme substitut aux réponses politiques que l'on se refuse à rechercher. C'est pourquoi l'on ne peut s'étonner des liens particulièrement troubles existant entre les réseaux internationaux du terrorisme, des états - directement ou par services spéciaux interposés - et les grands intérêts financiers particulièrement attentifs aux évolutions ou aux " non-évolutions " politiques dans le monde. Sans oublier les milieux du commerce des armes et de la drogue où s'entremêlent grand banditisme, réseaux mafieux, services secrets, réseaux financiers et réseaux terroristes !
Beaucoup de gens ont ainsi découvert avec stupéfaction ces derniers jours l'extrême densité et la complexité des réseaux, " dormants " ou actifs, tissés à travers le monde. Et avec encore plus de surprise, ils ont appris qu'un certain nombre de capitales ou de grandes villes occidentales accueillaient - outre des " activistes " plus ou moins clandestins - des " théoriciens " du terrorisme, disposant d'une totale liberté d'agir et de parler. On a pu entendre ainsi certains d'entre eux commenter les attentats pour les justifier au prétexte que, selon l'adage, " qui sème le vent récolte la tempête ".
De la même façon, on sait aujourd'hui plus nettement - car ce n'était pas totalement ignoré jusqu'à présent - l'importance considérable des moyens financiers dont disposent les groupes terroristes. Il est même question de " geler " leurs avoirs. Ce qui conduit naturellement à se demander pourquoi on ne l'a pas fait plus tôt.
Je veux ajouter encore un mot sur la réalité du terrorisme, pour souligner un aspect qui va sans doute revêtir dans les jours qui viennent une grande importance. Le terrorisme, dans les formes qu'il a revêtu ces dernières années, ce ne sont pas seulement des réseaux avec des soutiens financiers et des complicités, c'est aussi la recherche d'états qui leur seraient inféodés et pourraient servir de point d'appui, voire d'atouts dans les rapports de force internationaux politiques, économiques, et même militaires. Et par-delà l'habillage idéologique ou religieux donné à ces états, le terrorisme se présente alors comme un totalitarisme particulièrement féroce à l'égard des peuples - certains même l'apparentent au fascisme - et peu regardant dans les relations avec les puissances économiques susceptibles de lui procurer des ressources même issues du pillage de peuples prétendument " frères " ! Mais si les tentatives du terrorisme international pour s'assurer la domination de tels états ont été nombreuses, il faut bien noter que les évolutions politiques dans les pays concernés ne vont pas toujours dans le sens initialement prévu. Les peuples, et quelquefois les chefs d'Etat concernés eux-mêmes, ne souhaitant pas se laisser conduire là où le voudraient les terroristes et leurs commanditaires. En Afghanistan même la domination des talibans est plus fragile qu'on le dit, et en tout cas le peuple afghan, l'Afghanistan en tant que nation, ne peuvent être tenus pour complices consentants des réseaux terroristes dont ils sont bien plutôt les premières victimes.
Tous ces éléments, ici trop sommairement évoqués, illustrent la complexité du problème posé après les attentats du 11 septembre.
Qu'il faille entreprendre une action pour éradiquer le terrorisme c'est évident. Qu'il doive s'agir d'une action internationale multiforme, allant de l'élimination des groupes et réseaux terroristes à la rupture des liens et complicités qu'ils entretiennent dans les milieux économiques et politiques, ça l'est tout autant.
Mais les problèmes que cela pose sont de taille. A commencer par la définition de la " cible " de cette action. Faut-il mettre Ben Laden et son organisation hors d'état de nuire ? Bien sûr. Mais c'est l'ensemble des réseaux de terrorisme qu'il faut mettre hors d'état de nuire, sous peine de voir ceux qui considèrent les terroristes comme des pions que l'on utilise sur l'échiquier géopolitique inventer un jour d'autres Ben Laden, comme lui-même le fut en d'autres temps.
On voit bien, alors, que pour constituer une véritable coalition internationale contre le terrorisme, il faut sans doute balayer devant bien des portes, sur tous les continents Dans certains états arabes ou musulmans certes, à commencer par ceux qui, comme l'Arabie saoudite ou le Pakistan, se sont portés " volontaires " pour cette coalition. Mais aussi dans beaucoup d'autres pays, jusqu'aux Etats-Unis.
Et surtout, coalition pour quoi ? Pour, derrière les Etats-Unis, sous le commandement de G.W. Bush, une nouvelle croisade " du bien contre le mal ", " d'une civilisation contre une autre " ? Nous disons non, résolument non !
S'il y a un problème de civilisation, ce n'est pas dans l'opposition entre une " civilisation occidentale " et une prétendue " civilisation islamisque " qui n'a d'existence que dans le délire de " théoriciens " fanatiques dont les vues sont totalement à l'opposé de l'Islam tel qu'il est pensé et vécu par l'immense majorité des Musulmans. Le problème de civilisation, c'est celui des inégalités, des dominations, des frustrations, des violences faites aux peuples dans le cadre de l'actuelle mondialisation capitaliste. C'est cela le terreau du terrorisme, sur lequel il renaîtrait - quelle que soit la puissance et la riposte aux attentats du 11 septembre - si rien n'était fait pour construire une autre mondialisation, de partage, de dialogue, et de paix.
Nous avons dit que la riposte au terrorisme devait être envisagée sous l'égide des Nations Unies. Nous avons proposé - et d'autres ont fait de même, notamment des chefs d'état dans les pays arabes - la réunion du Conseil de sécurité afin que toute action entreprise respecte l'esprit et la lettre de la charte de l'ONU.
C'est à mes yeux indispensable si l'on veut vraiment que les annonces spectaculaires de lutte pour éradiquer le terrorisme soient suivies d'effets durables et efficaces.
Evidemment cette proposition qui vaut dans les domaines économiques, financiers, diplomatiques, vaut aussi pour les opérations militaires annoncées. Si par malheur elles sont conduites sans discernement ; si elles frappent le terrorisme ou des " terroristes " mais avec eux un peuple, ou des peuples n'ayant aucune responsabilité dans les événements du 11 septembre, alors le pire est à redouter, pour la région du monde concernée, et au-delà, pour l'ensemble de la planète. Pour une victime innocente, combien de " volontaires " se lèveront-ils derrière les manipulateurs fanatiques du terrorisme ? Et combien de problèmes en suspens dans le monde vont-ils s'aggraver au lieu de se résoudre ?
De ce point de vue, l'attitude des plus hauts responsables américains, à commencer par George Bush, est très inquiétante. Le peuple américain, qui fait dans ces dramatiques circonstances la démonstration de hautes qualités humaines peut-il se satisfaire durablement de voir son pays limiter ses ambitions à un retour à " l'esprit de l'Ouest ", avec une stratégie de la vengeance, appuyée sur l'usage de la force brutale ?
Peut-il accepter durablement que les épreuves qu'il traverse soient le prétexte - derrière le manichéisme d'une formule comme : "ceux qui ne seront pas à nos côtés seront du côté des terroristes " à l'affirmation d'une volonté de maintenir coûte que coûte la prépondérance politique et militaire américaine sur le reste du monde ?
Qui peut ignorer que c'est précisément cette attitude souveraine qui, avec l'isolement américain qui en résulte, sont causes des graves et inédites tensions actuelles.
Permettez-moi de rappeler ce que je disais à la Fête de l'Humanité, en contrepoint du fameux " nous sommes tous américains " : en vérité, " nous sommes tous des citoyens du monde ".
Dès lors, c'est de droit et de justice pour tous qu'il faut être préoccupé. Pour tous les peuples, dont aucun ne doit être stigmatisé en raison de sa culture, de son histoire, des ses préférences religieuses.
Oui, pour tous les peuples, et en particulier pour ceux - ils représentent la majorité de l'humanité - qui sont accablés par le sous-développement, le pillage de leurs ressources, le despotisme de ceux qui les gouvernent. Toutes choses que la mondialisation capitaliste entretient et aggrave.
Toutes choses que le déploiement considérable des forces américaines pour une éventuelle action globale en Afghanistan ne contribuera pas à régler. Nous n'avons, je l'ai dit, aucune indulgence, c'est un euphémisme, pour le régime taliban. Il est d'une violence et d'un obscurantisme inouïs. Il rejette les femmes dans une sous-humanité et entretient l'image d'un Islam intolérant et borné, à l'inverse de ce qu'en est la pratique par les centaines de millions de Musulmans à travers le monde. Et je suis sûr, que, privés de leurs appuis et soutiens habituels, les talibans seront défaits par ceux qui, en Afghanistan, s'opposent à eux et aux groupes terroristes qui les soutiennent.
Mais je le répète : à l'instar de ce qui s'est passé en Irak, puis au Kosovo, une guerre menée contre les peuples aura immanquablement pour conséquence d'attiser les tensions et, finalement, servira le terrorisme.
Je le confirme : il s'agit bien d'en extirper partout les germes. Ce qui veut dire qu'il y a urgence à engager, simultanément à cet effort, une autre politique dans le monde, partout où sévissent conflits et injustices.
J'ai en vue naturellement, disant cela, la situation au Proche-Orient, et la responsabilité décisive des Etats-Unis, et aussi de l'Europe, pour en hâter le règlement, dans l'intérêt des peuples palestiniens et israéliens.
Cher-e-s camarades,
Au moment où je m'adresse à vous nous ne savons pas quand, où et comment les autorités américaines envisagent une intervention militaire. Mais les raisons sont nombreuses de craindre que le souci de réaffirmer la suprématie américaine ne soit pas étranger à la puissance déployée.
Je remarque que beaucoup d'autres en France, en Europe, et jusqu'aux Etats-Unis, émettent les mêmes fortes réserves que nous si cette hypothèse se vérifie.
Et je souscris au sens des responsabilités dont témoignent dans cette affaire les autorités de notre pays. Les propos tenus par le Premier ministre avant-hier rejoignent nos propres préoccupations et, j'en suis sûr, celles de la grande majorité des Françaises et des Français
Oui, notre pays doit participer au démantèlement du terrorisme et de tous les points d'appui dont il bénéficie. Et oui, il faut une action persévérante, de grande ampleur, pour supprimer tout ce qui contribue à l'alimenter : la misère et le mépris dans lequel sont tenus la dignité et la liberté de peuples entiers.
Ce qui se joue en ce moment est capital pour l'avenir de la planète, pour le sort des sociétés humaines à l'aube du 21ème siècle.
Jamais autant qu'aujourd'hui le retour de la politique n'a été à ce point une urgence pour la civilisation, afin qu'elle puisse échapper aux terribles régressions, aux malheurs qui la menacent si c'est, à l'inverse, la force qui doit l'emporter en toutes circonstances.
Nous sommes attentifs, vigilants, déterminés à ce qu'il en soit ainsi. Et je crois bien que nous allons devoir l'être sans relâche tout au long des semaines et des mois à venir.
Dans l'immédiat, cela implique le refus d'accepter que soit déclenchée au nom d'Etats parmi lesquels figure la France, une riposte disproportionnée, inadaptée, et meurtrière pour des peuples innocents. A cela notre opposition est et sera totale.
Et, au-delà, c'est un vaste débat débouchant sur l'action multiforme qu'il faut mener avec toutes celles et tous ceux, avec toutes les forces qui comme nous ne se satisfont pas de la mondialisation capitaliste et de ses ravages, ne cèdent pas à l'illusion qu'on pourrait la "réguler " pour la rendre plus acceptable, et veulent, comme nous, contribuer à construire un autre monde dont la priorité sera les êtres humains et les peuples, et non la prospérité des marchés financiers."
(Source http://www.pcf.fr, le 27 septembre 2001)
Alain Bocquet a évoqué le drame terrible qui a eu lieu à Toulouse vendredi dernier. Le jour même, j'ai fait part de mon émotion, de ma solidarité, de celle du Parti, à notre camarade Charles Marziani, Secrétaire de la Fédération de Haute-Garonne, et j'ai demandé au maire, Monsieur Douste-Blazy, de transmettre mon soutien aux Toulousaines et Toulousains, aux victimes et à leurs familles. C'est dans le même état d'esprit que les élus communistes proposent dans les collectivités des actes concrets de solidarité.
Les conséquences de cette tragédie sont encore à ce jour difficilement évaluables. Beaucoup de questions se posent quant à ses causes. La population, les salariés de l'usine concernée ont, depuis des années, soulevé la question de la localisation d'un tel site à risques dans une zone devenue de fait urbanisée. Il faut, avec eux, chercher les réponses, les solutions, pour qu'une telle catastrophe ne puisse jamais se reproduire.
L'ordre du jour de nos travaux et l'introduction d'Alain Bocquet ce matin font une large place à ce qui va occuper essentiellement la vie parlementaire dans les semaines à venir : la préparation des budgets 2002 de la nation et de la sécurité sociale. Alain l'a fort bien exprimé, c'est dans un état d'esprit très offensif, très exigeant, que nous abordons le débat parlementaire. Et comme ce fut le cas pour la loi de modernisation sociale ", avec la volonté d'être en phase avec les attentes des françaises et des français.
Mais, je veux à présent, cela ne surprendra personne, évoquer à l'occasion de nos travaux la situation internationale issue des effroyables attentats terroristes du 11 septembre aux Etats-Unis.
D'abord pour réaffirmer notre condamnation absolue du terrorisme. Rien ne saurait à nos yeux le justifier, et l'ampleur, l'horreur de ce qui vient d'être commis sur le sol américain exigent une action résolue pour le mettre hors d'état de nuire.
Oui, il faut agir pour éradiquer le terrorisme. Pour deux raisons. La première relève de la simple humanité : le terrorisme frappe presque toujours, aveuglement, cruellement, des innocentes et des innocents. Pour un parti comme le nôtre, de tradition profondément démocratique et humaniste, c'est inacceptable, intolérable.
Quant à la seconde raison, elle tient aux conséquences du terrorisme, qui révèlent sa vraie nature. Non seulement le terrorisme massacre des innocents, mais au bout du compte, il renforce les positions de ceux qu'il prétend combattre, en accréditant l'idée que seule la violence peut apporter des solutions à des problèmes qui sont en fait des problèmes politiques. Ces problèmes sont en effet liés à des dominations politiques, à des refus de reconnaissance politique, imposés dans des affrontements géopolitiques, et parfois au sein même de certains états, à des peuples entiers, des communautés, des ethnies, des catégories de telles ou telles populations.
Le terrorisme est ainsi souvent utilisé comme substitut aux réponses politiques que l'on se refuse à rechercher. C'est pourquoi l'on ne peut s'étonner des liens particulièrement troubles existant entre les réseaux internationaux du terrorisme, des états - directement ou par services spéciaux interposés - et les grands intérêts financiers particulièrement attentifs aux évolutions ou aux " non-évolutions " politiques dans le monde. Sans oublier les milieux du commerce des armes et de la drogue où s'entremêlent grand banditisme, réseaux mafieux, services secrets, réseaux financiers et réseaux terroristes !
Beaucoup de gens ont ainsi découvert avec stupéfaction ces derniers jours l'extrême densité et la complexité des réseaux, " dormants " ou actifs, tissés à travers le monde. Et avec encore plus de surprise, ils ont appris qu'un certain nombre de capitales ou de grandes villes occidentales accueillaient - outre des " activistes " plus ou moins clandestins - des " théoriciens " du terrorisme, disposant d'une totale liberté d'agir et de parler. On a pu entendre ainsi certains d'entre eux commenter les attentats pour les justifier au prétexte que, selon l'adage, " qui sème le vent récolte la tempête ".
De la même façon, on sait aujourd'hui plus nettement - car ce n'était pas totalement ignoré jusqu'à présent - l'importance considérable des moyens financiers dont disposent les groupes terroristes. Il est même question de " geler " leurs avoirs. Ce qui conduit naturellement à se demander pourquoi on ne l'a pas fait plus tôt.
Je veux ajouter encore un mot sur la réalité du terrorisme, pour souligner un aspect qui va sans doute revêtir dans les jours qui viennent une grande importance. Le terrorisme, dans les formes qu'il a revêtu ces dernières années, ce ne sont pas seulement des réseaux avec des soutiens financiers et des complicités, c'est aussi la recherche d'états qui leur seraient inféodés et pourraient servir de point d'appui, voire d'atouts dans les rapports de force internationaux politiques, économiques, et même militaires. Et par-delà l'habillage idéologique ou religieux donné à ces états, le terrorisme se présente alors comme un totalitarisme particulièrement féroce à l'égard des peuples - certains même l'apparentent au fascisme - et peu regardant dans les relations avec les puissances économiques susceptibles de lui procurer des ressources même issues du pillage de peuples prétendument " frères " ! Mais si les tentatives du terrorisme international pour s'assurer la domination de tels états ont été nombreuses, il faut bien noter que les évolutions politiques dans les pays concernés ne vont pas toujours dans le sens initialement prévu. Les peuples, et quelquefois les chefs d'Etat concernés eux-mêmes, ne souhaitant pas se laisser conduire là où le voudraient les terroristes et leurs commanditaires. En Afghanistan même la domination des talibans est plus fragile qu'on le dit, et en tout cas le peuple afghan, l'Afghanistan en tant que nation, ne peuvent être tenus pour complices consentants des réseaux terroristes dont ils sont bien plutôt les premières victimes.
Tous ces éléments, ici trop sommairement évoqués, illustrent la complexité du problème posé après les attentats du 11 septembre.
Qu'il faille entreprendre une action pour éradiquer le terrorisme c'est évident. Qu'il doive s'agir d'une action internationale multiforme, allant de l'élimination des groupes et réseaux terroristes à la rupture des liens et complicités qu'ils entretiennent dans les milieux économiques et politiques, ça l'est tout autant.
Mais les problèmes que cela pose sont de taille. A commencer par la définition de la " cible " de cette action. Faut-il mettre Ben Laden et son organisation hors d'état de nuire ? Bien sûr. Mais c'est l'ensemble des réseaux de terrorisme qu'il faut mettre hors d'état de nuire, sous peine de voir ceux qui considèrent les terroristes comme des pions que l'on utilise sur l'échiquier géopolitique inventer un jour d'autres Ben Laden, comme lui-même le fut en d'autres temps.
On voit bien, alors, que pour constituer une véritable coalition internationale contre le terrorisme, il faut sans doute balayer devant bien des portes, sur tous les continents Dans certains états arabes ou musulmans certes, à commencer par ceux qui, comme l'Arabie saoudite ou le Pakistan, se sont portés " volontaires " pour cette coalition. Mais aussi dans beaucoup d'autres pays, jusqu'aux Etats-Unis.
Et surtout, coalition pour quoi ? Pour, derrière les Etats-Unis, sous le commandement de G.W. Bush, une nouvelle croisade " du bien contre le mal ", " d'une civilisation contre une autre " ? Nous disons non, résolument non !
S'il y a un problème de civilisation, ce n'est pas dans l'opposition entre une " civilisation occidentale " et une prétendue " civilisation islamisque " qui n'a d'existence que dans le délire de " théoriciens " fanatiques dont les vues sont totalement à l'opposé de l'Islam tel qu'il est pensé et vécu par l'immense majorité des Musulmans. Le problème de civilisation, c'est celui des inégalités, des dominations, des frustrations, des violences faites aux peuples dans le cadre de l'actuelle mondialisation capitaliste. C'est cela le terreau du terrorisme, sur lequel il renaîtrait - quelle que soit la puissance et la riposte aux attentats du 11 septembre - si rien n'était fait pour construire une autre mondialisation, de partage, de dialogue, et de paix.
Nous avons dit que la riposte au terrorisme devait être envisagée sous l'égide des Nations Unies. Nous avons proposé - et d'autres ont fait de même, notamment des chefs d'état dans les pays arabes - la réunion du Conseil de sécurité afin que toute action entreprise respecte l'esprit et la lettre de la charte de l'ONU.
C'est à mes yeux indispensable si l'on veut vraiment que les annonces spectaculaires de lutte pour éradiquer le terrorisme soient suivies d'effets durables et efficaces.
Evidemment cette proposition qui vaut dans les domaines économiques, financiers, diplomatiques, vaut aussi pour les opérations militaires annoncées. Si par malheur elles sont conduites sans discernement ; si elles frappent le terrorisme ou des " terroristes " mais avec eux un peuple, ou des peuples n'ayant aucune responsabilité dans les événements du 11 septembre, alors le pire est à redouter, pour la région du monde concernée, et au-delà, pour l'ensemble de la planète. Pour une victime innocente, combien de " volontaires " se lèveront-ils derrière les manipulateurs fanatiques du terrorisme ? Et combien de problèmes en suspens dans le monde vont-ils s'aggraver au lieu de se résoudre ?
De ce point de vue, l'attitude des plus hauts responsables américains, à commencer par George Bush, est très inquiétante. Le peuple américain, qui fait dans ces dramatiques circonstances la démonstration de hautes qualités humaines peut-il se satisfaire durablement de voir son pays limiter ses ambitions à un retour à " l'esprit de l'Ouest ", avec une stratégie de la vengeance, appuyée sur l'usage de la force brutale ?
Peut-il accepter durablement que les épreuves qu'il traverse soient le prétexte - derrière le manichéisme d'une formule comme : "ceux qui ne seront pas à nos côtés seront du côté des terroristes " à l'affirmation d'une volonté de maintenir coûte que coûte la prépondérance politique et militaire américaine sur le reste du monde ?
Qui peut ignorer que c'est précisément cette attitude souveraine qui, avec l'isolement américain qui en résulte, sont causes des graves et inédites tensions actuelles.
Permettez-moi de rappeler ce que je disais à la Fête de l'Humanité, en contrepoint du fameux " nous sommes tous américains " : en vérité, " nous sommes tous des citoyens du monde ".
Dès lors, c'est de droit et de justice pour tous qu'il faut être préoccupé. Pour tous les peuples, dont aucun ne doit être stigmatisé en raison de sa culture, de son histoire, des ses préférences religieuses.
Oui, pour tous les peuples, et en particulier pour ceux - ils représentent la majorité de l'humanité - qui sont accablés par le sous-développement, le pillage de leurs ressources, le despotisme de ceux qui les gouvernent. Toutes choses que la mondialisation capitaliste entretient et aggrave.
Toutes choses que le déploiement considérable des forces américaines pour une éventuelle action globale en Afghanistan ne contribuera pas à régler. Nous n'avons, je l'ai dit, aucune indulgence, c'est un euphémisme, pour le régime taliban. Il est d'une violence et d'un obscurantisme inouïs. Il rejette les femmes dans une sous-humanité et entretient l'image d'un Islam intolérant et borné, à l'inverse de ce qu'en est la pratique par les centaines de millions de Musulmans à travers le monde. Et je suis sûr, que, privés de leurs appuis et soutiens habituels, les talibans seront défaits par ceux qui, en Afghanistan, s'opposent à eux et aux groupes terroristes qui les soutiennent.
Mais je le répète : à l'instar de ce qui s'est passé en Irak, puis au Kosovo, une guerre menée contre les peuples aura immanquablement pour conséquence d'attiser les tensions et, finalement, servira le terrorisme.
Je le confirme : il s'agit bien d'en extirper partout les germes. Ce qui veut dire qu'il y a urgence à engager, simultanément à cet effort, une autre politique dans le monde, partout où sévissent conflits et injustices.
J'ai en vue naturellement, disant cela, la situation au Proche-Orient, et la responsabilité décisive des Etats-Unis, et aussi de l'Europe, pour en hâter le règlement, dans l'intérêt des peuples palestiniens et israéliens.
Cher-e-s camarades,
Au moment où je m'adresse à vous nous ne savons pas quand, où et comment les autorités américaines envisagent une intervention militaire. Mais les raisons sont nombreuses de craindre que le souci de réaffirmer la suprématie américaine ne soit pas étranger à la puissance déployée.
Je remarque que beaucoup d'autres en France, en Europe, et jusqu'aux Etats-Unis, émettent les mêmes fortes réserves que nous si cette hypothèse se vérifie.
Et je souscris au sens des responsabilités dont témoignent dans cette affaire les autorités de notre pays. Les propos tenus par le Premier ministre avant-hier rejoignent nos propres préoccupations et, j'en suis sûr, celles de la grande majorité des Françaises et des Français
Oui, notre pays doit participer au démantèlement du terrorisme et de tous les points d'appui dont il bénéficie. Et oui, il faut une action persévérante, de grande ampleur, pour supprimer tout ce qui contribue à l'alimenter : la misère et le mépris dans lequel sont tenus la dignité et la liberté de peuples entiers.
Ce qui se joue en ce moment est capital pour l'avenir de la planète, pour le sort des sociétés humaines à l'aube du 21ème siècle.
Jamais autant qu'aujourd'hui le retour de la politique n'a été à ce point une urgence pour la civilisation, afin qu'elle puisse échapper aux terribles régressions, aux malheurs qui la menacent si c'est, à l'inverse, la force qui doit l'emporter en toutes circonstances.
Nous sommes attentifs, vigilants, déterminés à ce qu'il en soit ainsi. Et je crois bien que nous allons devoir l'être sans relâche tout au long des semaines et des mois à venir.
Dans l'immédiat, cela implique le refus d'accepter que soit déclenchée au nom d'Etats parmi lesquels figure la France, une riposte disproportionnée, inadaptée, et meurtrière pour des peuples innocents. A cela notre opposition est et sera totale.
Et, au-delà, c'est un vaste débat débouchant sur l'action multiforme qu'il faut mener avec toutes celles et tous ceux, avec toutes les forces qui comme nous ne se satisfont pas de la mondialisation capitaliste et de ses ravages, ne cèdent pas à l'illusion qu'on pourrait la "réguler " pour la rendre plus acceptable, et veulent, comme nous, contribuer à construire un autre monde dont la priorité sera les êtres humains et les peuples, et non la prospérité des marchés financiers."
(Source http://www.pcf.fr, le 27 septembre 2001)