Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur l'action de la diplomatie en faveur du développement à l'international des entreprises françaises, à Paris le 29 août 2016.

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Circonstance : Semaine des ambassadeurs (anciennement conférence des ambassadeurs)- Rencontre un ambassadeur-un entrepreneur, à Paris le 29 août 2016

Texte intégral


Q - C'est déjà la deuxième édition de cette session ?
R - Oui et c'est un succès je crois. L'objectif est de s'adresser aux PME, aux TPE, aux ETI, c'est-à-dire les entreprises qui sont les moins bien organisées à l'échelle internationale, à la différence des très grands groupes industriels français qui sont très performants. Mais il y a beaucoup d'entreprises qui peuvent aller à l'export et qui ont besoin d'être accompagnées.
Comment faire ? Vous savez que, désormais, dans les missions des ambassadeurs, il y a le développement économique. Cela occupe pratiquement 40% de leur temps, c'est considérable. L'an dernier, il y a eu 1.500 entreprises petites et moyennes qui ont été rencontrées par les ambassadeurs, ils se sont eux-mêmes mis en relation avec plus de 4.500 investisseurs étrangers intéressés par la France. Il y a donc un potentiel considérable.
Un autre chiffre même si j'en ai déjà donné beaucoup : l'an dernier, ce sont 125.000 petites et moyennes entreprises qui sont allées à l'export, ce chiffre est en augmentation constante. Pour faciliter les choses : c'est la deuxième année que nous organisons ce «speed dating», un quart d'heure par ambassadeur et par entreprise, elles s'inscrivent en ligne et viennent exposer leurs projets. C'est très intéressant, très performant et très dynamique. Et surtout, ce qui est très intéressant quand on parcourt les différentes tables ici, c'est qu'on est surpris de voir que certaines entreprises ont une idée, pas forcément dans les pays les plus connus, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Russie, la Turquie, l'Allemagne bien sûr, tous ces grands pays, mais aussi de petits d'Europe comme la Macédoine, le Monténégro. J'ai été très surpris car derrière tout cela, il y a un projet.
C'est ce qu'il faut promouvoir et c'est là que l'on s'aperçoit que la France a énormément d'atouts, énormément de capacités, mais il faut mettre tout cela en mouvement. Cette opération, ce «speed dating» est très mobilisateur et nos ambassadeurs sont vraiment très motivés.
Q - Les entreprises ont beaucoup de mal par rapport à l'Allemagne, l'Italie qui sont très présentes à l'export. Comment peut-on faire pour les rassurer et mieux les aider ?
R - D'abord, il faut saluer le potentiel de nos entreprises, nos PME, nos TPE. Dans tous mes déplacements internationaux, lorsque j'étais Premier ministre et aujourd'hui ministre des affaires étrangères c'est la même chose, je vois que nous avons énormément de petites et moyennes entreprises qui ont des idées et des projets et on ne le sait pas assez. On parle toujours des succès des grands groupes, c'est bien - Alstom aux États-Unis pour le TGV par exemple -, mais n'oublions pas les autres entreprises qui sont créatrices d'emplois et souvent très innovantes.
Comme elles sont petites, elles ont peu de moyens. Elles ne demandent pas l'aumône mais demandent simplement d'être accueillies, qu'on leur ouvre des portes parce que seules, elles ne sauraient pas où frapper. Il faut donc leur faciliter les choses et pour la seconde fois, nous renouvelons l'expérience, notamment l'expérience allemande avec ce «speed dating». J'ai parlé avec de nombreux ambassadeurs, ils sont très heureux de faire cela parce qu'il y a un contact humain, un échange. Quant aux chefs d'entreprises qui se sont inscrits en ligne pour participer, ils se sentent accueillis, écoutés et cela leur donne un plus considérable car cela leur donne de la confiance.
Q - Cela leur faire économiser un billet ?
R - Oui entre autre. Après, ils pourront prendre un billet d'avion, mais ils ne seront pas dans la nature, on leur aura ouvert des portes, des chemins. Et je crois que c'est vraiment le travail de notre réseau diplomatique et de tous nos services. Bien sûr, il y a les ambassadeurs mais aussi tous nos opérateurs, Business France, Atout France et d'autres. Bref, nous sommes maintenant bien organisés, la diplomatie économique n'est pas un vain mot et je crois que cela fait vraiment partie des priorités de nos missions diplomatiques.
Q - Par rapport aux pays qui s'ouvrent un peu, il y avait un embargo sur l'Iran, sur Cuba qui sont d'ailleurs présents aujourd'hui, l'ambassadeur a-t-il aussi toutes les clefs ?
R - Bien sûr, ce n'est pas facile car il y a un héritage, toujours un peu de crainte et d'inquiétude, mais il faut aussi saluer l'énorme défi diplomatique qu'a été l'accord nucléaire iranien. Ce n'était pas du tout gagné d'avance. Il y a aussi les succès de la diplomatie. Cela en est un, il s'agit maintenant de le transformer en permettant à nos entreprises, pas seulement aux grands groupes comme Airbus, qui a des contrats devant lui, mais c'est aussi de nombreuses PME qui sont intéressées par ces pays. Parfois il faut se battre car il y a encore beaucoup de réticences, beaucoup de bureaucratie, notamment des sanctions américaines qui ne sont pas totalement effacées. Nous nous battons pour que, maintenant que l'accord avec l'Iran est passé, il faut qu'il soit respecté et que l'on avance.
Q - Il y a les problèmes bancaires également ?
R - Ils sont liés aux sanctions américaines et chaque fois que je vois mon homologue américain, je lui ai dit de faire attention, il y a eu un accord avec les Iraniens, les sanctions sont levées mais il y a encore des obstacles dans la bureaucratie américaine. Nous nous battons pour cela aux côtés des entreprises.
Q - Les banques françaises ne jouent pas le jeu, comme par exemple, les banques autrichiennes et italiennes. Comment peut-on convaincre les banques françaises ?
R - On leur parle, on leur répète, mais simplement, certaines banques françaises ont été soumises à des sanctions qui leur ont coûté très cher, elles sont échaudées et il faut vraiment les rassurer. Mais nous ne sommes pas seuls à le faire.
Q - Le continent le plus demandé, c'est l'Afrique avec 20% des chefs d'entreprises malgré la situation sécuritaire. En quoi l'Afrique est-elle importante pour nos PME ?
R - D'abord l'Afrique est un continent extraordinaire avec le développement démographique le plus dynamique au monde. Il y a des pays qui se débrouillent très bien et qui ont réglé des problèmes catastrophiques sur le plan politique, je pense par exemple à la Côte d'Ivoire. Ils sont en train de connaître un boom économique considérable. Mais il y a aussi d'autres pays, plus à l'est de l'Afrique - j'étais récemment au Kenya - qui sont, notamment sur le plan technologique et numérique en avance ; mais on ne le sait pas. Tous ces pays sont en train de bouger. Il y a des zones de conflits, notamment dans le Sahel, donc sécurité et développement vont de pair. Mais il faut bien le faire savoir, et je n'arrête pas de le faire dans tous les conseils européens des affaires étrangères, que l'Afrique est le continent de l'avenir. Il faut les aider à assurer leur sécurité, il faut les aider à porter leur projet de développement et s'agissant de nos entreprises, il faut leur ouvrir des portes.
Il y a là des atouts formidables et je pense que vous avez raison d'insister : l'Afrique, c'est le continent de l'avenir. Il faut les aider, ne pas faire à leur place, mais les accompagner dans leur projet.
Q - Il y a une forte concurrence chinoise aujourd'hui en Afrique, c'est pour cela que c'est difficile ?
R - Oui bien sûr une concurrence chinoise, indienne, il y a de la concurrence partout. Pourquoi ? Parce que c'est le continent de l'avenir mais la France est très présente et elle va continuer de l'être. Elle voudrait entraîner tous les Européens, non pas encore une fois pour décider et faire à la place des Africains, mais dans un continent qui s'est battu pour se moderniser et pour consolider la démocratie. Il y a des conflits en Afrique mais il n'y a pas que des conflits et ce sont ces pays-là qu'il faut à tout prix aider. Il faut le faire vite maintenant.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 septembre 2016