Déclaration de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, en hommage aux victimes du village de Maillé massacrées par les troupes allemandes pendant la Deuxième Guerre mondiale, à Maillé le 25 août 2016.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Cérémonie – Massacre de Maillé, à Maillé (Indre-et-Loire) le 25 août 2016

Texte intégral


Permettez-moi avant toute chose de saluer les rescapés du massacre de Maillé et les familles des victimes sans qui cette histoire serait tombée dans l'oubli,
Monsieur le préfet,
Monsieur le président du Conseil Régional Centre-Val de Loire,
Monsieur le président du Conseil Départemental de l'Indre-et-Loire,
Monsieur le président de la Communauté de communes de Sainte-Maure-de-Touraine,
Monsieur le maire de Maillé,
Mesdames et messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et Messieurs,
Il y a 72 ans jour pour jour, la Libération du pays est en marche. Paris s'apprête à retrouver ses lumières. Mais depuis quelques semaines, dans plusieurs villages, la désolation précède la Libération : à Oradour-sur-Glane où je me suis rendu au mois de juin, à Tulle, à Buchères où j'étais hier, ici à Maillé et ailleurs, le vent de la liberté heurte les murs de la barbarie.
Il y a 72 ans jour pour jour, la terreur, la mort et la haine frappent le village de Maillé. « Tout ce qu'ils voyaient vivant, était mort », raconte Roger Buzele.
Le 25 août 1944, Maillé est enfermé dans l'ombre et l'agonie. Les troupes ennemies commencent une tuerie systématique, aveugle, arbitraire. Les victimes sont âgées de 3 mois à 89 ans : 37 hommes, 39 femmes et 48 enfants de moins de 15 ans. Autant de visages perdus dans les méandres de la barbarie. Autant de noms qui seront prononcés tout à l'heure, comme pour leur rendre une histoire.
Restent les visages des rescapés. Ceux qui se sont cachés sous les cadavres, réfugiés sous la mort qui guettait le moindre signe de vie. Ceux mis en lumière dans l'exposition que je m'apprête à découvrir. Parmi ces visages le vôtre, monsieur Serge Martin, âgé de 10 ans seulement le jour du drame.
Restent aussi les témoignages des survivants. Ils sont précieux. Ils nous obligent. Ils sont la voix de Maillé.
Reste enfin le silence. Celui de l'effroi. Celui de la pudeur. Celui du recueillement qui nous accompagnera tout à l'heure jusqu'au cimetière.
En apparence, rien ne prédestinait ce petit bourg paisible au martyre. Mais Maillé appartenait à cette terre tourangelle dans laquelle l'esprit de Résistance s'était très tôt enracinée.
Un esprit qui se manifeste le 11 août 1944 lorsque les habitants du village cachent un pilote canadien dont l'avion a été abattu ou encore le 24 août au soir, lorsque les Forces Françaises de l'Intérieur attaquent les troupes allemandes.
C'est ce que je veux retenir de Maillé. Une terre meurtrie mais combative. Une terre martyre mais résistante. Une terre aussi où l'esprit de réconciliation entre la France et l'Allemagne est né. Une terre frappée par une histoire macabre mais dont les mémoires sont bien vivantes.
Elles le sont grâce à tous les acteurs qui se mobilisent pour entretenir le patrimoine mémoriel de leur territoire.
Tous ensemble, collectivités locales, élus, associations, Etat, particuliers, nous avons une responsabilité envers les générations futures : celle de nous faire, chacun à notre échelle, chacun selon nos moyens, des passeurs de mémoire.
Cette ambition fut une prise de conscience dès l'immédiat après-guerre, face à ce paysage désert, village rayé de la carte qu'il fallut reconstruire, comme en témoignent la pose d'une plaque sur la mairie et sur la gare du village et la construction d'un monument sur la nationale 10.
Ces mémoires sont vivantes aussi grâce à l'association « Pour le Souvenir de Maillé » que vous présidez monsieur Serge Martin, qui a tant œuvré pour que la mémoire du massacre, trop longtemps délaissée, ressurgisse et reprenne la place qui lui appartient dans nos consciences.
Elles le sont grâce à la Maison du Souvenir de Maillé, ouverte il y a 10 ans, qui n'a de cesse de travailler à la construction d'une mémoire apaisée et réconciliée entre la France et l'Allemagne et à l'amélioration de la qualité d'accueil des visiteurs. Je veux remercier l'équipe de cet effort.
C'est pourquoi je salue aujourd'hui l'initiative visant à créer un Groupement d'Intérêt Public pour la gestion future de la Maison du Souvenir.
Elle s'inscrit dans le cadre de la coopération déjà étroite qui existe entre ce lieu de mémoire et la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère, notamment à travers le réseau des musées et mémoriaux des conflits contemporains dont vous avez accueilli le séminaire en février dernier.
Toutes les initiatives mémorielles qui naissent ici nous invitent à la vigilance. Si nous la relâchons, si nous nous abandonnons aux ressentiments, si nous cédons aux instincts nationalistes les plus vulgaires, le pire peut ressurgir.
Pour faire face à ce défi, il nous faut conjuguer avec abnégation la souffrance – celle du souvenir – et l'espérance – celle de tirer à jamais les leçons de ces massacres.
Une leçon d'humanité qu'incarnent aujourd'hui les rescapés de Maillé.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 26 septembre 2016