Interview de M. Thierry Mandon, secrétaire d'Etat à l'enseignement supérieur et à la recherche, à Europe 1 le 16 août 2016, sur le classement des meilleures universités et garndes écoles dans le monde.

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Média : Europe 1

Texte intégral


SAMUEL ETIENNE
Donc directement concerné par ce dernier classement dit de Shanghai des 500 meilleures universités et écoles dans le monde. Bonjour Monsieur le Ministre.
THIERRY MANDON
Bonjour.
SAMUEL ETIENNE
Merci d'être avec nous en ligne ce matin. Alors, déception avec ce classement de Shanghai, où la France perd du terrain, une place, pour être très précis, à la 6ème place, derrière les Etats-Unis, la Chine, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Australie, qui vient de nous passer devant ; comment expliquer que l'Australie, qui ne compte que 23 millions d'habitants, puisse nous passer devant ?
THIERRY MANDON
Parce qu'elle a de très grandes universités, et que ce classement privilégie les universités de très grande taille, à la différence des universités françaises qui sont plutôt au niveau international de taille moyenne, en nombre d'étudiants.
SAMUEL ETIENNE
Mais justement, je crois qu'un processus de regroupement des universités françaises est en cours ?
THIERRY MANDON
C'est ce que nous cherchons à faire, le tissu des grandes universités, des grandes écoles françaises est d'abord séparé en deux, il y a d'un côté des universités, de l'autre, des grandes écoles, et en effet, leur taille ne leur permet pas de figurer à la place qui convient dans les classements internationaux. C'est la raison pour laquelle, de 70 universités en France, nous essayons de passer à 25 regroupements d'universités et de grandes écoles, qui permettraient à la France de garder sa qualité de recherche et d'enseignement, mais surtout, d'être beaucoup plus visible à l'international.
SAMUEL ETIENNE
Alors, un petit mot d'explication pour nos auditeurs, quand on parle du classement de Shanghai, en fait, c'est un classement réalisé par un cabinet indépendant, du cabinet Shanghai Ranking Consultancy, voilà pourquoi on parle de classement de Shanghai. A l'intérieur de ce classement justement, la chute est plus sévère encore que pour le rang national, pour nos universités, la première d'entre elles, Pierre et Marie Curie, Paris 6 est désormais à la 39ème place, c'est trois de moins qu'en 2015. Paris Sud, Paris 10 perd cinq places, au 46ème rang, et puis Normale Sup recule de 15 points pour glisser à la 87ème place ; cela ne vous inquiète pas ?
THIERRY MANDON
Non, parce que ce classement est très particulier, et assez inadapté aux universités françaises. Il y a d'autres classements dans lesquels nous sommes à la première place mondiale, je pense par exemple au classement REUTERS des organismes de recherche où le CNRS est le premier au monde, quelle est la raison…
SAMUEL ETIENNE
Mais qui sont peut-être moins diffusés dans le monde, ces autres classements dont vous parlez…
THIERRY MANDON
Non, il y a en gros une dizaine de classements, il y en a quatre ou cinq qui comptent vraiment, et qui sont regardés par les professionnels, et le classement de Shanghai, probablement parce qu'il se situe en plein milieu de l'été, période à laquelle l'information n'est pas toujours très dense, a en effet un peu plus d'écho que les autres. Mais les professionnels savent s'y retrouver. Très concrètement, qu'est-ce qui se passe avec ce classement ? Premièrement, vous avez un classement qui concerne principalement les sciences dures, c'est-à-dire la physique, la chimie, la biologie, mais pas du tout les sciences humaines et sociales, de la sociologie, l'histoire, domaines dans lesquels la France est très forte. Donc nous sommes un peu sous-cotés à cause de ça. Et deuxièmement, les publications qui sont prises en compte sont les publications des universités, quand un chercheur fait un travail, il publie ce qu'on appelle une publication, et c'est l'université à laquelle il est rattaché qui engrange les points au classement. Le problème en France, c'est que notre recherche est produite par des grands organismes de recherche, le CNRS, par exemple, et quand un chercheur du CNRS publie, même s'il travaille dans une université, sa publication ne compte que pour la moitié des points, parce qu'il appartient au CNRS, vous voyez, tout ça est très compliqué. Ce qui veut dire que Cédric VILLANI, qui est par exemple médaille Fields, eh bien, pour son université, il compte comme une demi-médaille Fields. Donc vous voyez, il y a des particularités qui expliquent ces variations.
SAMUEL ETIENNE
Médaille Fields, on le rappelle, c'est l'équivalent du Nobel des mathématiques, c'est ça ?
THIERRY MANDON
C'est ça. C'est un des plus grands chercheurs des mathématiques aujourd'hui, et il produit et il est de très grande qualité, mais donc il est handicapé par ce classement. Alors on ne va pas rester les bras croisés et on ne va pas non plus, parce que ce classement est fait comme ci ou comme ça, se dire : « bon, eh bien, on va reculer, ce n'est pas très grave ». C'est la raison pour laquelle on travaille à ces regroupements d'universités et de grandes écoles qui, là, vont faire faire des bons considérables au système. Je prends par exemple, à côté de Paris, un groupement qui s'appelle Paris-Saclay, le grand projet universitaire du plateau de Saclay. Les universités, l'une est 46ème et l'autre doit être dans les 200èmes environ. Si ces deux universités se regroupent, ne font plus qu'une, on va passer dans les vingt premiers mondiaux.
SAMUEL ETIENNE
Et ces regroupements, quand est-ce qu'ils vont porter leurs fruits ? Quand est-ce que ça va se voir dans ces classements internationaux ?
THIERRY MANDON
Ecoutez, nous faisons une mission très précise, une étude très précise entre septembre et décembre sur les critères qu'il faut prendre en compte pour être beaucoup plus regroupés et intégrés au niveau international, et dès l'année prochaine, normalement, un certain nombre de progrès devraient être manifestes.
SAMUEL ETIENNE
A suivre donc. Thierry MANDON, dans l'actualité, il y a également le coût de la rentrée pour les étudiants, une rentrée dont le coût est en hausse, plus 1,23 %, c'est plus que l'inflation, a relevé l'UNEF, c'est une hausse de 9,7 % depuis le début du quinquennat, selon le syndicat étudiant, presque 10 %, en moins de cinq ans, c'est beaucoup. Comment vous l'expliquez ?
THIERRY MANDON
Principalement par la variation de deux postes, les transports en commun d'une part, et le logement étudiant d'autre part. Et la difficulté avec ces postes-là, c'est que ce sont des politiques mises en place par les villes, on a des variations très différentes selon les régions, à Bordeaux, le foncier et l'immobilier montent beaucoup, à Paris aussi, à Limoges, il est très bas, et donc les façons de traiter ces problèmes renvoient à des politiques très, très, très éclatées sur tout le territoire, avec normalement des mesures comme la généralisation du demi-tarif étudiant qui pourrait être étudiée par les villes. Mais il est difficile d'agir nationalement et d'une manière pilotée par le ministère, puisque, encore une fois, ce sont des politiques locales.
SAMUEL ETIENNE
Une dernière chose, la rentrée, c'est aussi la question de la sécurité dans les écoles, dans les universités, dans les amphis, en cette période où notre pays est menacé par le terrorisme. Les ministres de l'Intérieur et de l'Education ont fait passer récemment de nouvelles directives aux chefs d'établissement dans le primaire et dans le secondaire, qu'en est-il pour l'enseignement supérieur ?
THIERRY MANDON
Eh bien, c'est d'abord une très grosse préoccupation, parce que les universités sont des campus par définition accessibles très, très facilement…
SAMUEL ETIENNE
Ouverts…
THIERRY MANDON
Et donc les coûts de sécurité, les coûts de gardiennage, les coûts de surveillance augmentent très fortement dans les universités cette année, ils augmenteront à la rentrée, chaque président a développé un plan d'action pour rendre son université plus sûre, disons que c'est la préoccupation de l'été pour de très nombreux présidents d'université.
SAMUEL ETIENNE
Vous avez fait passer des consignes, des directives, comme vos collègues de l'Intérieur et de l'Education nationale l'ont fait pour la rentrée prochaine, dans le primaire, dans le secondaire ?
THIERRY MANDON
Des principes assez généraux, parce qu'ils doivent être déclinés, encore une fois, sur des campus qui sont très différents les uns des autres, et très, très accessibles, ce n'est pas fermé les campus en France. Et donc c'est à eux de décliner, mais oui, on leur a demandé de se mobiliser sur ce point, et on n'a d'ailleurs pas eu beaucoup besoin d'insister, eux-mêmes sont très préoccupés, les universitaires ont été touchés par les attentats, et il y a eu pas mal d'étudiants et de professeurs victimes, je pense notamment à Paris, et donc c'est une très grosse préoccupation pour eux, qui implique des investissements budgétaires assez importants.
SAMUEL ETIENNE
Merci. Merci Thierry MANDON, d'avoir répondu à nos questions ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 août 2016