Texte intégral
PATRICK COHEN
Votre invitée, Léa SALAME, est la ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes
LEA SALAME
Bonjour Laurence ROSSIGNOL.
LAURENCE ROSSIGNOL
Bonjour.
LEA SALAME
Est-ce que vous pouvez nous définir ce matin ce que c'est que le sexisme ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui, oui je peux le faire.
LEA SALAME
Eh bien oui, parce qu'on met un peu de tout, tout et n'importe quoi dans le terme sexisme.
LAURENCE ROSSIGNOL
Bien sûr, bien sûr, parce que c'est une notion nouvelle qui auparavant était un peu confinée dans les cercles féministes idéologique et qui a gagné dans la société, le sexisme c'est cet ensemble, cet ensemble de stéréotypes, de représentations, de comportements, qui parfois sont nichés dans le dans notre inconscient collectif et qui contribuent à impuissanter les femmes, les ramener toujours à une condition dont elles sortent depuis plusieurs dizaines d'années et à les déstabiliser au quotidien ; le sexisme on en est toutes un moment donné de notre vie victimes, c'est-à-dire que quel que soit...
LEA SALAME
Donnez des exemples, donnez des exemples sur vous.
LAURENCE ROSSIGNOL
Moi par exemple... oui le sexisme ça va du harcèlement de rue, des insultes ou des propositions plus qu'insistantes qu'on subit, c'est cette façon parfois de devenir invisible et transparente - y compris dans le monde politique où à un moment donné on voit tous les hommes se regrouper, partir ensemble et on sait que quelque chose d'important va commencer à assez discuter ; le sexisme, c'est...
LEA SALAME
Quand on parle des choses importantes, les femmes... c'est encore le cas, honnêtement ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui. Oui, oui, c'est encore un peu le cas...
LEA SALAME
C'est le cas au gouvernement par exemple, vous avez l'impression que c'est ça ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Alors non, le gouvernement... Pourquoi non ? D'abord parce que le sexisme c'est un rapport de forces physiques, quand dans un gouvernement comme le nôtre depuis 2012 la parité stricte a été respectée à chaque remaniement, on est...
LEA SALAME
Mais est-ce que ça suffit, ça ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui, enfin ça suffit. Ca crée les conditions pour que les femmes soient égalité avec les hommes, 50/50 ce n'est pas la même chose que 70/30 ou quelques femmes disséminées au milieu d'un groupe d'hommes, donc les partis politiques sont davantage encore soumis à des vieilles moeurs de plus que le gouvernement qui a fait un progrès remarquable.
LEA SALAME
Vous lancez donc à partir d'aujourd'hui et pendant six mois une enquête, une grande campagne de sensibilisation contre le sexisme, vous vous êtes basée sur un sondage que votre ministère a commandé au CSA et vous pouvez nous révéler en exclusivité ce matin certains de ces résultats, dites-nous qu'est ce que révèle ce sondage ?
LAURENCE ROSSIGNOL
40 % des femmes par exemple déclarent avoir été victimes soit d'une humiliation, soit d'une injustice qui est liée à leur sexe et, chez les moins de 20 ans, c'est 50 %, j'ai été très frappée par le chiffre chez les moins de 20 ans parce qu'une femme de mon âge elle a une expérience de vie qui fait... quand on me demande si j'ai été dernièrement victime d'une manifestation sexiste, j'ai de l'expérience, mais une jeune fille qui a moins de 20 ans son temps d'exposition au sexisme est infiniment plus court que le mien et déjà la moitié d'entre elle...
LEA SALAME
Oui. On apprend aussi - et moi ce qui m'a plus attiré l'oeil - c'est qu'une femme sur deux déclare avoir changé sa façon de s'habiller pour éviter les remarques sexistes.
LAURENCE ROSSIGNOL
Une femme sur deux déclare avoir changé sa façon de s'habiller et près de près de 40 % des femmes ont renoncé à fréquenter certains lieux en raison de l'exposition aux commentaires et harcèlements auxquels elles étaient soumises dans ces lieux, ces deux éléments d'ensemble.
LEA SALAME
Mais ça peut surprendre, moi ça me surprend un peu.
LAURENCE ROSSIGNOL
Ecoutez, ça me surprend pas tant que ça, parce que ce que j'entends dans mon bureau c'est justement des jeunes femmes - et peut-être ça évoque le billet tout à l'heure de Thomas LEGRAND - ces jeunes femmes qui viennent me voir en me disant : « on ne peut plus sortir comme on voulait auparavant, on ne peut plus sortir habillées soit avec des jupes courtes, soit même en jupe tout simplement »....
LEA SALAME
Attendez, là vous mêlez l'Islam en fait, ce qu'a dit Thomas LEGRAND...
LAURENCE ROSSIGNOL
Non, je mêle la pression globale qui s'exerce sur certaines femmes dans certains quartiers pour qu'elles se conforment à un code vestimentaire qui est supposé les mettre à l'abri du harcèlement et des sollicitations des hommes et puis dans les milieux professionnels également toute femme qui à un moment donné est confrontée à des avances extrêmement lourdes, à une remarque sexiste, la première action une femme c'est se regarder et de dire : « mais est-ce que je suis habillée court ? Est-ce que mon décolleté est trop profond ? Qu'est- ce que j'ai fait pour provoquer ça ? » et la campagne que j'engage elle vise justement à ce que les femmes se disent : « ce n'est pas moi, ce n'est pas mon comportement qui a suscité ça...
LEA SALAME
Le problème c'est...
LAURENCE ROSSIGNOL
C'est nous tous, c'est collectif.
LEA SALAME
Et ça sert à quoi une campagne, honnêtement ça sert à quoi ? C'est une campagne qui n'a pas de mesure, qui n'a pas d'affichage parce que vous n'avez pas beaucoup d'argent, ce n'est un peu gentil, un peu cosmétique de lancer une grande campagne contre le sexisme avec des pin's ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Ecoutez ce que j'ai observé c'est qu'on a en France beaucoup de lois, on a des dispositifs publics, j'ai un budget qui a augmenté de 8,5 % cette année et, malgré ça, ce qu'on constate c'est que les résultats ne sont pas au rendez-vous en matière d'égalité femme/homme. Donc, sur quoi on bloque ? On bloque sur le sexisme, c'est-à-dire cette espèce de sentiment profond qui existe encore dans notre société et qui est la résistance à l'égalité femme/homme.
LEA SALAME
Mais une campagne ça va faire changer les choses ?
LAURENCE ROSSIGNOL
C'est une campagne culturelle. Alors bien sûr ce n'est pas les campagnes habituelles que mènent les gouvernements - effectivement vous le disiez c'est un plan, des mesures, des lois - moi je mène une campagne en appuyant sur la société mobilisée, les associations, pour mobiliser la société et lui permettre d'évoluer, on ne peut pas tout décréter, on ne peut pas faire changer les comportements uniquement par la loi, pour que les comportements changent il faut que la société s'implique dans le changement...
LEA SALAME
Pas de loi, pas de mesure, pas d'affichage, Laurence ROSSIGNOL, mais Julie GAYET...
LAURENCE ROSSIGNOL
Mais il y aura des...
LEA SALAME
Julie GAYET en marraine.
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui, mais en marraine au milieu d'une soixantaine d'autres parrains- marraines. Vous évoquez son nom, je peux vous parlez de Sarah OURAHMOUNE la jeune boxeuse, je peux vous parlez du chef GAGNAIRE qui est avec nous, je peux vous parlez de Zabou BREITMAN qui est marraine également, de Clovis CORNILLAC, nous avons une soixantaine aujourd'hui de parrains et marraines qui vont porter le badge, s'afficher et dire qu'eux aussi veulent contribuer à faire évoluer cette société pour qu'elle franchisse une marche supplémentaire vers l'égalité...
LEA SALAME
D'accord. Mais pardonnez-moi Julie GAYET elle est... elle va faire la une du Parisien magazine ce week-end en y parlant, en prenant la parole et de Match demain en parlant, en prenant la parole, pardonnez-moi elle est là à quel titre, comme actrice, comme productrice ou comme première dame présume ? Est-ce qu'elle fait de la politique-là quand elle soutient une campagne qui est du gouvernement ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Mais d'un certain point de vue votre question elle entre totalement dans la campagne que je conduis...
LEA SALAME
C'est-à-dire que vous dites que ma question est sexiste ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Je dis que votre question nous ramène toujours à qui est une femme, est-ce qu'elle est ce qu'elle fait, est-ce qu'elle est ce qu'elle réalise ou est-ce qu'elle est qui elle fréquente ? En ce qui concerne...
LEA SALAME
Les trois, quand on est la compagne d'un président de la République peut-être les trois.
LAURENCE ROSSIGNOL
Je ne sais pas, je ne sais pas, on est toutes la compagne de quelqu'un et ce n'est pas forcément ce qui nous définit. Julie GAYET elle est actrice, elle est réalisatrice, elle est productrice, elle est productrice d'un film qui sort dans quelques jours, elle est actrice d'un téléfilm bouleversant qui sort dans quelques jours « Manon »...
LEA SALAME
Donc, elle ne fait pas de la politique quand elle fait la une de ces journaux-là, de ces journaux-là à huit mois de la Présidentielle ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Moi j'ai connu Julie GAYET comme marraine d'une association « Stop endométriose » faisant connaître une maladie des femmes dont personne ne parle, je n'ai jamais connu Julie GAYET autrement que comme porte-parole d'une cause que moi aussi je défends, pour le reste je ne sais pas et ça ne m'intéresse pas, pas plus que pour aucune autre des marraines et aucun autre des parrains qui sera avec nous pendant cette campagne.
LEA SALAME
Laurence ROSSIGNOL, un mot rapidement sur le burkini, vous aviez jugé en août le burkini profondément archaïque vous soutenez Manuel VALLS sur sa position est-ce que vous êtes favorable à changer la Constitution pour pouvoir interdire le burkini comme le souhaite Nicolas SARKOZY ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Ce que je pense c'est que le burkini est un projet de société et c'est un tract, c'est un document de propagande le burkini, je ne suis pas sûre qu'on combatte ses adversaires idéologiques en interdisant leur matériau de propagande, je pense qu'on les combat en désignant le sens et la symbolique de ce qu'ils sont en disant que dans burkini il y a burqa et qu'on ne vienne pas nous expliquer que c'est un habillement ou un vêtement de libération des femmes, c'est un vêtement qui adapte la burqa à la plage, je pense que le combat il est politique, il est collectif, il est culturel. Je suis très perplexe sur la multiplication des interdits, certains sont indispensables - la loi sur la burqa l'a été, la laïcité et l'obligation de neutralité des fonctionnaires l'est aussi et l'interdiction des signes religieux à l'école - pour le reste, je ne suis pas sûre que le bon moyen d'avoir une bonne élection présidentielle c'est de concentrer toutes les propositions autour de la place des radicaux islamistes en France en confondant les musulmans et l'Islam politique.
LEA SALAME
Laurence ROSSIGNOL était notre invitée, merci à vous et belle journée.
LAURENCE ROSSIGNOL
Merci.
PATRICK COHEN
Merci, bonne journée Léa SALAME.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 septembre 2016