Entretien de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, avec LCI le 5 octobre 2016, sur la situation en Syrie et sur l'intervention militaire française au Mali.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral


* Syrie - Russie - Union européenne
Q - Bonsoir Jean-Marc Ayrault. Merci Monsieur le Ministre d'être avec nous en direct sur LCI. Vous partez demain pour Moscou, vous serez vendredi à Washington. Dans ce reportage, nous venons une fois de plus de comprendre à quel point la situation était difficile. La France peut-elle changer la donne à Alep ?
R - Je vais à Moscou pour dire aux Russes que ces images que le monde entier voit aujourd'hui, images de bombardements, de morts d'enfants, de femmes et de vieillards, mais aussi d'humanitaires qui font leur travail - je pense à ces casques blancs - des hôpitaux visés, des écoles détruites, ce n'est pas possible, cela ne peut pas continuer. C'est une catastrophe humanitaire. Le secrétaire général des Nations unies a dit que ce sont des faits constitutifs de crimes de guerre.
Q - Il parle même d'abattoirs.
R - Oui, les mots sont forts parce que la réalité est terrible et tragique. La France est pleinement engagée. Elle n'est pas seule mais elle est en première ligne. Elle est membre permanent du conseil de sécurité et elle agit en toute indépendance. Je vais à Moscou, non pas pour négocier le texte d'une résolution, mais pour dire le point de vue de la France. Cette situation est inacceptable, profondément choquante et honteuse. La France ne veut pas participer en fermant les yeux et en ne faisant rien. Je vais à Moscou dire la position de la France à mon homologue M. Sergueï Lavrov.
Q - Vous venez de le rappeler, on détruit les hôpitaux, avec les dernières monstruosités que l'on a découvertes ces dernières 24 heures, on a des images absolument épouvantables. Vous l'avez entendu, les Russes avec qui vous allez parler se félicitent de l'efficacité de leurs frappes.
R - C'est du cynisme mais cela ne trompe personne. La France a pris une initiative, lorsque j'ai quitté l'assemblée générale des Nations unies, nous n'avions pas réussi à trouver un accord. J'ai multiplié les réunions, y compris au conseil de sécurité en me disant que nous n'allions pas laisser tomber et que nous allions nous battre et nous nous battons.
Il y a sur la table un projet de résolution. L'objectif de cette résolution, si elle est adoptée, et nous travaillons pour cela avec les quinze membres du conseil de sécurité, les cinq permanents et les dix membres non permanents, c'est un arrêt des frappes sur Alep et sur la Syrie. C'est aussi l'accès humanitaire car il y a des mois que l'aide humanitaire n'arrive plus et que des gens meurent de faim, meurent de manque de soins. C'est indispensable et aujourd'hui les convois ne peuvent pas passer car ils sont bombardés. Il faut aussi reprendre le processus de paix, il faut arrêter la voie de la guerre.
Il y a deux objectifs dans notre démarche. Le premier objectif, c'est l'action humanitaire, l'action humaine de solidarité car il faut arrêter ce massacre.
Le deuxième objectif, c'est qu'il n'y a pas de solution à la crise syrienne qui dure depuis plus de cinq ans, qui a fait plus de 300.000 morts, avec dix millions de personnes déplacées ou réfugiées, du point de vue militaire. Même si Bachar al-Assad regagnait Alep, la guerre ne résoudra rien. Et les conséquences en sont le renforcement des djihadistes et des terroristes. Ce sont eux qui gagnent des points et nous, nous sommes menacés. Les Syriens qui sont aujourd'hui sous les bombes sont menacés par cette tragédie, mais nous, les Français, nous les Européens, et même au-delà, nous sommes menacés par le terrorisme. Il faut donc que l'on mène cette bataille aussi.
Q - Tout ce que vous venez de nous dire est parfaitement clair, sur les buts de votre visite et sur le constat que vous faites de la situation. Mais que pouvez-vous avoir à dire à ces gens-là ? Quelle est la fiabilité, quelle confiance peut-on avoir en Sergueï Lavrov ? Ils sont d'un cynisme absolu, c'est vous-même qui avez employé le terme.
R - En effet, j'ai employé ce terme. Il y a un débat partout, en France aussi, sur l'attitude à avoir vis-à-vis de la Russie. Il y a ceux qui disent qu'il faut couper les ponts avec la Russie et ceux qui pensent qu'il faut suivre Moscou. Notre option n'est ni l'un ni l'autre. En revanche, je discute avec les Russes au nom de la France et nous ne fermons pas la porte, le canal n'est pas fermé.
La communauté internationale, l'opinion publique internationale le sait, depuis quelques jours, les images passent en boucle. Il y a toujours le risque d'une indifférence lorsqu'il se passe des choses de cette nature et aujourd'hui, partout dans le monde on voit ces images. C'est une tragédie. Croyez-vous que la Russie qui est un grand pays, une vieille civilisation soit indifférente à ce message qui veut dire «arrêtez ce massacre» ? Je vais à Moscou pour dire cela.
Q - Est-ce une forme de témoignage ou est-ce une façon de prendre date, notamment avec les Russes, pour leur dire : «un jour vous aurez des comptes à rendre sur ce qui se passe là-bas. »
R - Tous ceux qui sont complices ont des comptes à rendre, vous avez même employé les mots du secrétaire général des Nations unies qui sont encore plus forts que ceux que j'avais cités. Il est certain que si l'on est complices de crimes de guerre il faut en rendre compte un jour, y compris sur le plan juridique. Ce n'est pas rien comme prise de responsabilité. Je pense qu'avec les Russes il faut parler un langage de vérité, il faut qu'il n'y ait aucune ambiguïté. Je ne cherche pas à leur plaire, je cherche à leur dire et je leur dirai la position de la France que je considère juste. Elle est peut-être difficile, mais en tout cas nous nous battons et la bataille se mène au conseil de sécurité.
Q - J'ai bien compris, Monsieur le Ministre, que vous comptez dire au ministre des affaires étrangères russe qu'il aura un jour des comptes à rendre, peut-être même devant des tribunaux internationaux ?
R - Pouvez-vous prendre le risque de cette responsabilité morale d'abord à l'égard de l'opinion publique internationale, puis à l'égard de votre propre peuple, de votre propre histoire ? Je ne peux pas imaginer que la logique de la guerre totale soit leur logique. Quand nous parlons avec les Russes, nous savons qu'il y a une menace terroriste qui est Daech, nous savons que cette menace est aussi al-Qaïda et qu'il y a aussi des groupes terroristes en Syrie comme il y en a en Irak, en Libye ou en Afrique. C'est un combat commun que nous menons et nous devons le mener jusqu'au bout. La logique de guerre qui est utilisée aujourd'hui par le régime de Bachar al-Assad, c'est-à-dire d'aller jusqu'au bout, de contrôler toute cette Syrie - comme l'on dit utile - de Damas jusqu'à Alep, en passant par Homs et Lattaquié où il y a un port, est-ce un facteur de paix ? Non car cela encourage la radicalisation, la haine, cela encourage encore plus le terrorisme alors qu'il est notre premier ennemi.
Q - Monsieur le Ministre, faites-vous le constat suivant qui est qu'officiellement nous étions engagés dans une bataille commune avec les Russes et, vous venez de le rappeler, contre le terrorisme et contre les terroristes qui portent parfois le terrain guerrier sur le sol français ?
R - En effet, malheureusement, la menace est là.
Q - On sait maintenant que les Russes ont fait semblant de mener cette campagne pour conforter leur allié dans la région qui s'appelle Bachar al-Assad. Nous nous sommes faits flouer n'est-ce pas ?
R - Oui, mais c'est sans issue. Ce serait, pour Bachar al-Assad, une victoire de courte vue. Certes, il est appuyé par les Russes et par les Iraniens, il y a des milices du Hezbollah. Il faut rappeler que les Russes sont des belligérants, nous ne le sommes pas, puisque nous sommes engagés dans une coalition internationale contre Daech, avec les Américains notamment, j'ai parlé de l'Irak et la Syrie aussi. Nous ne sommes pas belligérants, les Russes ont des troupes sur le terrain et c'est aussi une question de responsabilité. Les dix millions de personnes déplacées et les réfugiés qui sont venus en France, en Allemagne surtout, ils ne sont pas seuls. Plusieurs millions sont en Turquie, en Jordanie et au Liban, juste à côté de la frontière syrienne. Et savez-vous à quoi ils aspirent ? Ils souhaitent retourner dans leur pays. Pour cela, il faut une reconstruction de la Syrie, il faut un processus de paix. Les Russes ont voté la résolution au conseil de sécurité pour un processus de paix, ils ne respectent pas ce vote. Je le rappellerai, c'est indispensable. Si les Russes sont sincères, il faut que ces massacres s'arrêtent et surtout que le processus de négociation politique reprenne à Genève alors qu'il est bloqué depuis des mois.
Q - Le jour d'après votre rencontre avec Sergueï Lavrov, vous serez aux États-Unis, à Washington. Aux Américains, qu'avez-vous à dire ?
R - Les Américains sont nos alliés dans cette coalition contre Daech. Je pense qu'il y a aussi des questions à poser. Comment faire ? Que vont-ils faire ? On sait qu'on est en fin de présidence Obama, que c'est un mandat qui se termine, ils peuvent donc être plus efficaces, plus engagés encore qu'ils ne le sont pour trouver la solution. La solution, c'est l'arrêt des bombardements, l'aide humanitaire et reprendre le processus de paix, c'est indispensable. Si rien n'est fait, tout le monde portera la responsabilité d'avoir laissé faire et ce n'est pas possible. En tout cas, la France continuera d'aller jusqu'au bout et elle prendra ses responsabilités.
Q - La France parle avec les grands, est-elle capable de se faire entendre ?
R - La France est respectée et attendue partout. Il y a cinq membres permanents au conseil de sécurité : la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Chine et la Russie. Je peux vous dire que notre voix pèse. Moi qui voyage beaucoup, maintenant que je suis ministre des affaires étrangères, je vois que partout nous sommes respectés, attendus et écoutés, que ce soit dans les instances internationales, au conseil de sécurité mais aussi dans beaucoup d'autres endroits.
Lorsque la menace djihadiste arrivait sur Bamako, la capitale du Mali, c'était en 2013, j'étais présent au conseil de sécurité en tant que Premier ministre auprès du président de la République, François Hollande. Il y a eu une décision prise à la demande des autorités maliennes : arrêter cette avancée djihadiste qui allait contrôler tout le pays. Aujourd'hui, si nous n'étions pas intervenus, ce grand pays d'Afrique de l'Ouest serait sous la coupe djihadiste et c'est toute la région qui serait déstabilisée. Qui a fait cela ? Qui a pris cette responsabilité à la demande du gouvernement malien ? C'est la France parce que nous en avions les moyens militaires et politiques. Nous l'avons fait et je puis vous dire que c'était une décision extrêmement courageuse. Il ne s'agit pas d'être présent partout, mais, là, notre engagement était clair et nous avons eu raison. C'est aussi ce qui fait que la France est respectée et écoutée, y compris en Europe.
Je vous rappelle que, maintenant le Royaume-Uni qui s'est engagé il y a quelques années aux côtés des Américains dans la guerre en Irak avec les conséquences que l'on sait, ils ont moins de capacité militaire et surtout ils ont décidé du Brexit. Quel est le seul membre permanent du conseil de sécurité en Europe aujourd'hui ? C'est la France. En même temps, nous ne sommes pas seuls, nous parlons avec nos partenaires, nous tentons aussi de les convaincre et de travailler avec eux.
Q - Comment vous sentez-vous dans cet univers diplomatique à titre personnel ?
R - Je suis très à l'aise.
Q - Êtes-vous à l'aise dans cet univers très codé et très particulier et qui est aussi un monde de rapports de force, c'est-à-dire qu'on se dit des choses brutales avec, normalement des mots courtois ?
R - Oui cela arrive ; je le ferai peut-être demain, mais je le fais aussi avec nos amis quand nous ne sommes pas d'accord, aussi bien avec les Américains, les Russes ou les Allemands. Nous sommes des alliés et avec les Russes, nous ne sommes pas des adversaires ou des ennemis, nous sommes des partenaires. En tout cas, c'est ce que je voudrais que nous fassions. C'est la même chose avec les Chinois. Je me sens à l'aise, mais pour cela, il faut avoir les idées claires et il faut que la politique de la France soit claire. Elle l'est, nous avons une vision, une stratégie et une conception du monde. Nous partons dans cette démarche internationale avec nos valeurs et avec ce que nous sommes.
Voyez par exemple la lutte contre le terrorisme. Il faut la mener sur le plan militaire mais aussi sur le plan intérieur, à la fois du point de vue de la police, du renseignement, mais aussi dans la lutte contre la radicalisation. Tout cela, nous le faisons mais nous ne voulons pas céder sur ce que nous sommes, nous ne voulons pas céder sur notre mode de vie, sur notre conception de la société et sur les valeurs de la France républicaine. Voilà une vision claire, elle est respectée dans le monde. Partout, tout le monde sait que la France, c'est la France et pas n'importe quel pays.
Q - Imaginez que Sergueï Lavrov vous dise : «Écoutez, c'est très bien, j'entends ce que vous avez à me dire aujourd'hui mais, finalement, est ce que l'on ne peut pas trouver au bout du compte, parce qu'il va bien falloir que l'on avance sur ce dossier syrien et notamment sur la situation à Alep, trouver un compromis et pourquoi pas conforter Bachar al-Assad pour finir par écraser Daech». Est-ce acceptable ? Est-ce discutable ?
R - Attendez. Si le choix est entre Daech et Bachar al-Assad, il n'y a pas de choix. Le choix est à la fois de combattre Daech et les groupes qui en sont proches, et qui sont en Syrie : le groupe al-Nosra, qui a changé de nom et qui se nomme Fatah al-cham, qui fait partie de la famille d'al-Qaïda que nous combattons aussi. Et puis, Bachar al-Assad qui est au fond le responsable de la destruction de son propre peuple. Cela fait plus de 5 ans que cela dure. Vous croyez que le choix est entre les deux ? Le choix est contre les deux. Le choix est aussi de trouver une solution, qui passe par la voie de la négociation après l'arrêt des bombardements, après l'arrêt du conflit, après l'accès humanitaire, et là, autour de la table à Genève, discuter.
De quoi discuter ? De la future Syrie ! C'est-à-dire d'une Syrie qui doit garder son unité, qui ne doit pas être déstabilisée dans ses structures étatiques comme cela a été le cas en Irak, parce que c'est très important de conserver un État unitaire qui marche, qui doit marcher, qui puisse marcher, et, en même temps, il faut aussi que cette future Syrie soit protectrice de ces minorités, que ce soit les Kurdes, que ce soit les chrétiens, et qu'elle intègre dans sa gouvernance, non seulement les Alaouites chiites mais aussi les sunnites majoritaires dans ce pays, et, en même temps, mette en place des institutions : contrôle de l'armée, contrôle des services et des élections. C'est cela le processus de paix.
Et qui permettra aux réfugiés de revenir ? Ceux qui sont aux frontières, en Turquie, en Jordanie et au Liban comme je vous le disais, des millions d'entre eux. J'en ai vu, j'en ai rencontré, notamment au Liban, qui m'ont dit «on n'aspire qu'à une chose, c'est rentrer chez nous». Pour qu'ils rentrent chez eux, sinon ils viendront chez nous, il faut que la Syrie puisse se reconstruire. Elle se reconstruira notamment avec l'aide de l'Union européenne si tous les préalables politiques que j'ai mentionnés sont mis en oeuvre. C'est cela notre politique. Elle est très claire. Ce n'est pas de nous mettre dans un dilemme pour choisir entre Bachar al-Assad et Daech. Nous sommes les adversaires de Daech mais nous ne voyons pas l'avenir de la Syrie avec à sa tête un dictateur rejeté. Je rappelle que dix millions de réfugiés, c'est quasiment la moitié des Syriens qui sont à l'extérieur de leur pays.
(...)
Q - On a besoin d'être aidé, aussi, nous. Mais cela peut être d'autres façons...
R - Sur un point vous avez raison. C'est vrai que la France a une défense, le Royaume-Uni aussi ; même si elle s'est affaiblie. Et il faut faire plus ensemble au niveau de l'Europe. C'est l'une des priorités. Le post-Brexit, c'est aussi que l'Europe se projette dans l'avenir. Pour se protéger dans l'avenir, l'Europe doit aussi se protéger à l'intérieur de ses frontières, protéger ses frontières, et être plus ambitieuse en matière de défense. C'est vrai que parfois la France pourrait se dire : «si on avait un peu plus de soutien et de solidarité, cela pourrait aller mieux. On serait plus fort et plus sûrs».
Q - Merci, Jean-Marc Ayrault d'être venu ce soir en direct sur LCI. Vous serez donc demain à Moscou. J'ai bien compris que vous comptez dire à votre homologue russe qu'il sera un jour comptable de l'histoire des décisions qui seront prises ou non.
R - Je lui parlerai franchement et sincèrement.
Q - Merci d'être venu nous voir ce soir en direct sur LCI.
* Afrique - Mali
(...)
Q - Vous êtes le ministre d'un président qui est en guerre sur plusieurs fronts. Est-ce une fierté ou est-ce un poids, Jean-Marc Ayrault ?
R - C'est une épreuve que d'être en guerre. Ce n'est pas un choix de se faire plaisir, parce que nous sommes contents de faire la guerre. Nous allons là où c'est nécessaire, avec les moyens qui sont les nôtres et toujours dans le respect du droit international, avec un objectif qui n'est pas que militaire, mais aussi politique. On a arrêté le djihadisme au Mali, mais il est évident que ce qui s'est passé ensuite c'est une négociation d'un accord de paix, qui a été négocié à Alger, les accords d'Alger, qui visent à réformer, notamment au nord Mali, les structures administratives pour permettre une inclusion de tous. C'est cela, la suite politique.
Q - Nous avons certainement sauvé le pays des djihadistes à l'époque. Le pays va mal aujourd'hui. Il y a de grandes difficultés, on les a évoquées dans l'émission il y a quelques instants.
R - Je sais. J'ai rencontré le président Keïta. Il était à Paris cette semaine. Je l'ai vu à New York, on a fait une réunion spécifiquement sur le Mali.
Q - Tout cela n'est pas réglé.
R- Non. Mais il ne faut pas regarder seulement ce qui s'est passé avant mais aussi ce qu'il reste à faire maintenant. Ce qu'il reste à faire maintenant, c'est aider le Mali, mais pas seulement le Mali. Tous les pays de cette région doivent se protéger parce qu'ils sont menacés par le djihadisme de plusieurs origines, cela peut être aussi le groupe Boko Haram, qui menace le Niger, le nord du Nigeria, toute la région du lac Tchad. Aussi, il faut à la fois aider ses pays à conquérir une autonomie en matière de sécurité et de défense - moyens, formations - et, en même temps, il faut les aider à se développer. Ce sont des pays pauvres. Tous ces pays pauvres génèrent de la frustration et sont des terreaux pour le djihadisme et la propagande. C'est cela qu'il faut faire, il faut faire les deux.
Q - Un dernier commentaire en ce qui concerne le ministre des affaires étrangères. J'avais envie de vous dire : on n'est vraiment pas aidé par les Européens. Sur tous ces combats qui sont les nôtres, notamment en Afrique.
R - Je ne suis pas d'accord avec vous. Je participe régulièrement aux réunions du Conseil des ministres des affaires étrangères depuis plusieurs mois et il est rare qu'il n'y ait pas une réunion où l'on ne parle pas de l'Afrique.
Q- Qui se bat au Sahel ? Qui s'est battu au Mali ?
R - Il n'y a pas que la guerre. Qui se bat ? Il y a maintenant une opération de maintien de la paix des Nations unies, la MINUSMA au Mali, la MINUSCA en République centrafricaine qui a remplacé les troupes françaises. C'est important. Il y a des Européens qui participent. Par exemple, j'ai fait un déplacement avec mon homologue allemand au Mali et au Niger.
Et puis il y a l'aide au développement. Et je peux vous dire que la France prend sa part, elle va même augmenter le budget pour l'aide au développement dans le budget 2017, mais l'Europe a un très gros budget d'aide au développement et agit aussi sur le plan humanitaire. Lundi, je me suis entretenu avec Mme Mogherini, la Haute représentante, on parlait de l'aide humanitaire européenne pour Alep. Vous voyez, c'est un peu maintenant une espèce d'automatisme «tout va mal en Europe, mais l'Europe ne fait rien». Non. Elle fait des choses. On peut faire encore mieux, c'est vrai.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 octobre 2016