Interview de M. Christophe Sirugue, secrétaire d'Etat à l'industrie, à "France 2" le 7 octobre 2016 sur le sauvetage de l'entreprise Alstom de Belfort.

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Média : France 2

Texte intégral

EFF WITTENBERG
Bonjour à tous et en effet bonjour à vous Christophe SIRUGUE…
CHRISTOPHE SIRUGUE
Bonjour.
JEFF WITTENBERG
Et à ce titre de secrétaire d'État à l'Industrie, on va revenir avec vous sur l'un des temps forts de la semaine dont on a beaucoup parlé, le sauvetage de l'usine ALSTOM à Belfort dont vous êtes l'un des artisans. Et on découvre ce matin dans un sondage ODOXA de nos confrères de France Info que 67 % des Français n'y croient pas, le jugent inefficace à long terme ce plan. Ils vous ont mal compris ou vous leur avez mal expliqué ?
CHRISTOPHE SIRUGUE
Je pense que lorsque l'on a un chiffre comme celui-ci, cela montre qu'à la fois le fait d'avoir focalisé les expressions sur seulement les 15 rames TGV alors qu'il y a un plan d'ensemble nécessite qu'on réexplique les éléments de ce plan, à la fois les mesures à court termes, ce sont les commandes, à la fois les mesures à moyen terme, c'est la diversification du site et à la fois les mesures à long terme qui sont les investissements d'avenir que nous avons obtenus dans le cadre de la discussion avec ALSTOM.
JEFF WITTENBERG
Mais peut-être qu'effectivement ce qu'une majorité de Français ne comprend pas, c'est que l'Etat commande des TGV pour rouler – on l'a beaucoup dit – sur des lignes à vitesse traditionnelle, ils ne pourront pas aller plus vite que 200 km/h. C'est vrai que c'est un peu déconcertant.
CHRISTOPHE SIRUGUE
Alors reprenons sans aucun doute l'explication là-dessus. Ce sont des lignes qui ont vocation à devenir des lignes à grande vitesse…
JEFF WITTENBERG
Dans combien d'années monsieur SIRUGUE ?
CHRISTOPHE SIRUGUE
D'ici une dizaine d'années. Nous avons donc prévu dans ce cadre-là que nous ayons une discussion qui puisse nous permettre de sauter une des étapes puisqu'une des étapes, c'était d'abord d'acheter des Intercités puis ensuite d'acheter les TGV. 300 millions dans le premier achat, 450 millions dans le second. Ce que nous avons considéré, c'est que nous devions passer directement à l'achat des TGV, donc nous gagnons 300 millions dans cette opérations, je le rappelle quand même. Ce qui… l'inconvénient à l'évidence…
JEFF WITTENBERG
Des TGV qui vont rouler…
CHRISTOPHE SIRUGUE
Qui vont rouler sur… mais c'est déjà le cas sur d'autres lignes sur le territoire national, contrairement à ce que j'ai lu, il y a des lignes dans lesquelles nous faisons rouler des rames TGV alors que ce ne sont pas des lignes TGV. Donc il y a une opération là-dessus qui, financièrement, est sécurisée et qui en même temps permet d'apporter de la charge de travail aux différents sites d'ALSTOM, pas seulement Belfort.
JEFF WITTENBERG
Pourquoi l'État n'est-il pas intervenu avant, c'est Alain JUPPE sur France 2 qui soulignait ce point hier, 20 % des votes au conseil d'administration sont détenus par l'État, pourquoi l'État n'a-t-il pas tiré la sonnette d'alarme avant d'être en situation d'urgence ?
CHRISTOPHE SIRUGUE
Mais parce que l'Etat n'a pas vocation à se substituer au chef d'entreprise. A un moment où nous sommes présents…
JEFF WITTENBERG
Mais là, c'est ce qu'il fait…
CHRISTOPHE SIRUGUE
Non, non, non, du tout…
JEFF WITTENBERG
En achetant des rames.
CHRISTOPHE SIRUGUE
Nous sommes rentrés dans une discussion avec le PDG d'ALSTOM. Moi, je ne me suis pas substitué aux responsabilités du PDG. Et d'ailleurs je souligne que le plan, il a été proposé de manière conjointe par ALSTOM et l'Etat. Donc lorsque je lis que nous sommes dans des approches électoralistes ou lorsque je lis que nous sommes dans des approches court-termistes, c'est inexact puisque le PDG d'ALSTOM s'est lui-même engagé par des investissements à hauteur de 70 millions d'euros sur le site.
JEFF WITTENBERG
Vous admettez tout de même que les choses auraient pu être décidées en amont, y compris par vous, peut-être par le PDG d'ALSTOM, mais aussi par l'Etat qui – je le rappelle – détient 1/5ème des votes dans cette entreprise !
CHRISTOPHE SIRUGUE
Nous avons en effet eu des discussions sur le trou de carnets de commandes, puisque la réalité dans laquelle nous sommes c'est un trou de carnets de commandes. Je rappelle que nous sommes sur une filière sur laquelle il y a de l'avenir, TGV du futur notamment. Il me semble que la gestion de cette entreprise devrait envisager de lisser les commandes. Et c'est ce que nous avons d'ailleurs évoqué avec monsieur POUPART-LAFARGE, le PDG d'ALSTOM, dans le cadre des commandes que nous amenons qu'il y ait un lissage de telle sorte qu'il n'y ait plus ces trous auxquels nous sommes confrontés.
JEFF WITTENBERG
Aucun regret, l'Etat n'a aucun regret dans cette affaire ?
CHRISTOPHE SIRUGUE
Sur le plan, nous sommes convaincus que nous avons un plan qui permet un avenir au site de Belfort, c'était l'objectif…
JEFF WITTENBERG
Vous diriez « mieux vaut tard que jamais » finalement, pour résumer cette affaire ?
CHRISTOPHE SIRUGUE
Je pense que l'État a pris ses responsabilités et nous les assumons.
JEFF WITTENBERG
Vous avez évoqué le choix dans quelques semaines de l'entreprise qui va… ça va être un autre gros contrat, qui va répondre à l'appel d'offres des futurs RER en Ile-de-France. Après ce qui vient de se passer à Belfort, est-ce qu'on peut imaginer qu'une autre entreprise qu'ALSTOM soit finalement choisie ? C'est le contrat du siècle, c'est vous-même qui avez dit cela !
CHRISTOPHE SIRUGUE
Tout à fait. Je suis dans l'impossibilité de vous répondre, c'est un appel d'offres. Chacun de celles et ceux qui ont les compétences vont soumissionner à cet appel d'offres…
JEFF WITTENBERG
C'est ce qu'on souhaitait !
CHRISTOPHE SIRUGUE
Je souhaite bien évidemment que le meilleur l'emporte, mais je me garderai bien de m'engager sur un appel d'offres en cours.
JEFF WITTENBERG
Mais imaginons que dans quelques semaines, on apprenne que ces futurs trains soient confiés à une entreprise canadienne, américaine, allemande. Est-ce que cela ne va pas mettre à bas finalement toutes vos stratégies de choix de l'économie française et d'entreprises françaises pour construire des rames de chemin de fer ?
CHRISTOPHE SIRUGUE
J'ai rencontré les responsables d'entreprises, y compris qui ne sont pas ALSTOM, je pense à BOMBARDIER par exemple. Ce que j'ai évoqué avec eux, c'est la nécessité que la filière ferroviaire s'organise sur le territoire national. Et s'organiser c'est parfois être concurrent, c'est parfois savoir se réunir, c'est en tout cas être en mesure de contrer des offensives extrêmement fortes, je pense au ferroviaire chinois sur lequel nous avons des mesures à engager pour pouvoir accompagner nos entreprises et nos industries.
JEFF WITTENBERG
Alors vous êtes secrétaire d'État à l'Industrie. AREVA, un autre fleuron de l'économie française, a connu beaucoup de difficultés, des pertes de près de 5 milliards en 2014. Un contrat important vient d'être signé avec le futur EPR britannique, une centrale nucléaire de l'avenir. Est-ce que ce sera suffisant pour sauver AREVA qui doit normalement perdre 15.000 salariés dans les prochaines années ?
CHRISTOPHE SIRUGUE
Vous m'avez interrogé sur le rôle de l'État. Là, l'Etat fait un choix stratégique qui est de reprendre la main sur l'organisation de la filière, qui flèche EDF comme étant le pilote de l'ensemble de cette logique-là et qui prend là encore ses responsabilités par la participation à la recapitalisation à la fois d'EDF mais aussi du nouvel AREVA. Et je pense que nous mettons-là sur le métier un élément extrêmement positif par rapport à l'ensemble de cette filière, dont je rappelle que c'est plus de 200.000 emplois qui sont derrière.
JEFF WITTENBERG
Est-ce que vous diriez (vous) que l'industrie repart en France, alors que l'on a connu 50.000 chômeurs supplémentaires au mois d'août, alors que l'INSEE vient de revoir sa prévision de croissance à la baisse, 1,3 % pour 2016, est-ce que l'industrie n'a pas sa part dans ce marasme de l'économie française ?
CHRISTOPHE SIRUGUE
A l'inverse quand je regarde les chiffres, l'industrie en France a des éléments extrêmement positifs. +7 % d'investissement dans le secteur marchand, ce qui est un élément extrêmement positif ; 120.000 emplois crées dans le secteur marchand, c'est aussi un élément positif. Donc nous avons des indicateurs qui montrent que les mesures qui ont été mises en place par le gouvernement ont permis d'assainir les marges qui sont celles des entreprises…
JEFF WITTENBERG
Mais pas aujourd'hui de créer des emplois monsieur SIRUGUE.
CHRISTOPHE SIRUGUE
120.000 dans le secteur marchand. Alors après, il y a d'autres secteurs…
JEFF WITTENBERG
Le solde n'est pas positif !
CHRISTOPHE SIRUGUE
Oui mais vous m'interrogez sur le secteur qui est de ma responsabilité, à l'évidence on a des éléments qui nous permettent de croire en l'avenir industriel. Et puis si vous me permettez, je pense qu'à un moment il faut aussi qu'on ait un message positif par rapport à notre industrie. Notre industrie, ce n'est pas une vision archaïque, notre industrie c'est une vision d'industrie du futur qui se modernise, qui se muscle. Il faut qu'ensemble, on puisse porter aussi cela.
JEFF WITTENBERG
Avant d'entrer au gouvernement, vous avez eu une autre vie, vous étiez rapporteur de la loi El Khomri, est-ce que cette loi sur le travail aura le temps de porter ses fruits d'ici la fin du quinquennat selon vous ?
CHRISTOPHE SIRUGUE
Je pense qu'il faut absolument que ce qui était le coeur de cette loi, c'est-à-dire le fait de permettre des accords d'entreprise, qui permettent une souplesse dans la gestion de ces entreprises pour permettre là aussi de conquérir des marchés, d'améliorer des situations financières d'entreprises, donc dans l'intérêt des salariés, c'est ça l'objectif, il faut absolument qu'il soit mobilisé très très vite.
JEFF WITTENBERG
Avec la non-inversion de la courbe du chômage, François HOLLANDE doit quand même se présenter alors qu'il en a fait la clé de sa candidature ?
CHRISTOPHE SIRUGUE
Écoutez ! Il a donné rendez-vous au mois de décembre, on va attendre le mois de décembre.
JEFF WITTENBERG
Et vous, votre souhait, votre souhait ?
CHRISTOPHE SIRUGUE
Moi je pense qu'il faut qu'il soit candidat, oui.
JEFF WITTENBERG
Eh bien ! On vous a entendu, merci beaucoup Christophe SIRUGUE.
CHRISTOPHE SIRUGUE
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 octobre 2016