Texte intégral
LaPolitique.com : Monsieur Le Pen bonjour
Jean-Marie Le Pen : Bonjour, vous avez l'autorisation de parler de Le Pen sur votre site ?
LPC : Oui bien sûr, nous n'avons aucune restriction
JMLP : Vous êtes donc d'autant plus les bienvenus qu'il s'agit d'une exception.
LPC : Même sur Internet ?
JMLP : Sur Internet non, pour l'instant la nuisance d'Internet n'est pas encore évaluée à sa juste valeur pour les gens à qui cela peut nuire, mais pour les autres, je peux vous dire que c'est bouclé. Je vois par exemple l'autre jour il y avait un débat sur la peine de mort. Et nous avons une position assez originale, puisque nous sommes pour alors que les partis politiques sont tous contre, eh bien on a invité quelqu'un de chez nous, mais on ne lui a pas passé la parole de tout le débat. Mais il n'y a plus de débat public, il y a bien longtemps que ce pays n'est plus un pays démocratique, c'est-à-dire un pays dans lequel les gens expriment ce qu'ils pensent, surtout quand ils sont qualifiés pour le faire par les suffrages qu'ils ont obtenus. Le politiquement correct est très délimité, il a ses règles du jeu et ses joueurs et ils n'acceptent pas que quelqu'un d'autre vienne sur le terrain.
Cela limite tellement l'intérêt des émissions politiques que plus personne ne les regardent. Ce n'est pas un hasard si j'étais la " vedette de l'écoute ", je ne disais pas la même chose que les autres. Si c'est pour entendre les autres s'envoyer de grands coups d'encensoir ça n'a pas d'intérêt. Sans parler des émissions " para politiques ", du style de celle de Drucker, qui sont plus efficaces sur le plan de l'abrutissement général.
C'est pour ça que le FN est tenu à l'écart des médias. D'après le rapport officiel du CSA, notre temps d'antenne représente 0,4 % du temps total.
LPC : Et avant la " crise du FN " ?
JMLP : Un peu plus tout de même, depuis trois ans, " ils " feignent de croire que c'est fini. Depuis 1998, on est considéré comme sorti de la vie politique. Il y a bien des rarissimes exceptions, mais dont je pense que les courageux journalistes doivent se justifier de n'avoir pas servi la soupe à Le Pen.
LPC : Vous vous représenterez à l'élection présidentielle de l'an prochain, donc commençons par une question purement comptable. Où en êtes vous de la collecte des 500 signatures obligatoires ?
JMLP : Cela n'est pas très facile pour nous. N'oublions pas que la plupart des partis politique sont implantés depuis environ un siècle, que ce soit le parti socialiste, le parti communiste, le parti radical et le plus jeune est dans le fonds le parti gaulliste qui est tout de même là depuis 55 ans. Et les mouvement nouveaux, comme le nôtre, n'ont pas cette implantation et cette innervation qui leur fournit les subsides et le subventions.
Face à cela nous avons mis en place un système de " représentants " qui vont visiter les maires. Il y a un pourcentage à peu près constant entre le nombre de visites et le nombre de signatures. Nous aurons donc le nombre de signatures, mais cela demande un effort
LPC : Un effort supplémentaire par rapport aux fois précédentes ?
JMLP : Oh oui, je crois qu'on peut le dire. La pensée unique est de plus en plus forte, donc l'étau se resserre et la marge de liberté, d'originalité, d'indépendance se rétrécit. La vie municipale devient de plus en plus administrative et par conséquent, les maires sont de moins en moins libres.
LPC : Sans compter la multiplication des candidatures ?
JMLP : Bien sûr, s'il y a vingt candidats et qu'ils font tous par hypothèse 500 signatures, ça en fait déjà 10000 c'est d'ailleurs l'un des pont aux ânes de cette élection : comment une élection qui se veut la plus libre possible peut-elle être soumise à un premier tour sans vote ? Cela provient de la bureaucratisation de la vie politique.
Il en va de même pour le financement de la campagne : la loi pose le principe du remboursement des sommes payées, mais elle impose de n'emprunter qu'aux banques. Or il suffit de passer le mot d'ordre et aucune ne prête. Il est de plus interdit d'emprunter à des personnes privées ou bien des partis politiques. On retombe donc toujours sur le même club, celui qui a des maires, des relations avec les banques. Tout est donc fait pour écarter les "indépendants".
LPC : En 1995, vous aviez atteint 15 % au premier tour. Avez-vous un pronostic sur votre score pour l'an prochain ?
JMLP : Je pense que je serai au second tour. En tout cas la campagne que je pourrai faire ne sera somme toute pas plus mauvaise que celles que j'ai déjà faites pourvu que je trouve les moyens financiers de faire un minimum. Je suis de l'avis de mon ami le professeur Jean-Claude Martinez qui pense que le second tour se jouera autour de 17 points. Autrement dit, il faut que j'en gagne deux et que Chirac en perde deux, ce n'est pas au-delà des possibilités, surtout s'il a beaucoup de gens sur son secteur.
LPC : A propos de concurrence, la candidature de Bruno Mégret ne risque-t-elle pas de vous handicaper ?
JMLP : Pour l'instant elle est à 0,5 % ou 1 % et en plus c'est une candidature qui va coûter de l'argent et où peut-il le trouver ? Moi j'ai un parti qui touche 42 millions par an de subventions de l'Etat, pas lui Mais il peut prendre 1 % des voix s'il est candidat mais je ne crois pas qu'il le sera.
LPC : Et s'il n'est pas candidat, il appellera à voter pour vous ?
JMLP : Non, je ne pense pas, parce qu'à ce moment là il sera abandonné de tous, même des siens qui sont déjà très déçus. Beaucoup de gens l'ont suivi quand il les a persuadés que Le Pen faisait 15 mais que lui ferait 30 et à la première étape il a fait 3 ce qui n'est pas tout à fait ce qui était attendu.
On en a fait toute une histoire, c'est vrai que le Front National avait réussi le tour de force d'unifier la droite nationale, alors qu'il existe de ce côté une sorte de " groupusculisme " biologique. Donc son attitude n'a rien d'étonnante, mais ça va se résorber avec le temps. Bien sûr ça fait des dégâts mais ça se résorbe. D'autres partis ont connu également ça, par exemple le complot Pasqua-Séguin contre Chirac.
LPC : De manière plus surprenante, la candidature de Jean-Pierre Chevènement ne risque-t-elle pas de vous prendre quelques électeurs ?
JMLP : Non, pas du tout, Chevènement est l'un des chantres de l'immigration.
LPC : Mais en même temps il a un discours qui se veut sécuritaire, dans son début de campagne tout du moins.
JMLP : Oui, mais si les gens le croient c'est vraiment que notre pays est arrivé dans le domaine de la logique et de la responsabilité civique bien bas. S'ils ne sont pas capables de se souvenir qui est Chevènement et quelles mesures il a prises lorsqu'il était au ministère de l'Intérieur, je ne vois pas ce que l'on peut faire en vérité C'est la loi de la démocratie. Monsieur Chevènement défendra ses chances que je crois pour ma part médiocres. Pour arriver à ma hauteur il lui a fallu un mois de boosting médiatique. Je crois que cela ne tiendra pas.
LPC : Il ne fera pas le poids ?
JMLP : Il ira peut-être jusqu'au bout s'il a les moyens de le faire. Il discutera alors sa place au sein de la future majorité plurielle. Il fera 5 %, 4 ou 6 et avec cela il aura un poste de ministre dont il s'empressera de démissionner. C'est le partisan du Coitus interruptus, il ne va jamais jusqu'au bout.
Lui ce qui le booste ce sont les médias !!! Chevènement a eu une quantité extraordinaire de médias, très favorables en plus.
Prenez l'exemple de son affiche de campagne, tout le monde s'est extasié. C'est une affiche avec la mer, je crois d'ailleurs que c'est en Bretagne, ce qui est bien choisi pour l'homme de Belfort comme modélisation du personnage. Bien avant lui, j'en avais sorti une qui était Cap Le Pen
LPC : Il vous reste le lion
JMLP : C'est vrai. Ce que je veux dire c'est que la mer va à Chevènement comme un tablier à une vache, certes il va en vacances à Belle Île, il fallait y penser. Personne n'a dit que je l'avais fait avant lui. Mon affiche a d'ailleurs plus de significations parce que c'est une affiche de tempête. Je suis l'homme des tempêtes, je ne suis pas un gestionnaire d'un pays qui marche bien.
J'essaie d'éviter à mon pays ce qui le menace à brève échéance : la disparition, et je ne suis pas le seul à le dire. Je crois que le cadre national reste encore le cadre le plus performant pour assurer la défense des libertés, du patrimoine, de la sécurité d'un peuple.
LPC : Sécurité effectivement mise en danger par le terrorisme actuellement. Quel est votre avis sur la place de la France dans cette lutte ?
JMLP : Dans la crise actuelle, je trouve que Jospin a une image beaucoup plus digne, responsable, modérée que Chirac qui déclare tout de suite que la France suivra les Etats-Unis où qu'ils aillent et quoiqu'ils fassent. C'est une déclaration de lycéen pas de Président de la République. Mais il voulait être le premier !!! Depuis 20 ans, même plus que ça que je le connais, on dit sur les événements, sur les accidents, il arrive toujours entre la télé et le Samu quelquefois avant le Samu, quelquefois après le Samu mais toujours avant la télé etc.
J'en arrive à regretter le Président en habit, n'intervenant pas à tout bout de champ. C'est pour cela que j'étais moi pour un mandat de 7 ans non renouvelable.
LPC : Pour quelles raisons ?
JMLP : 7 ans parce qu'il faut au moins cela pour s'adapter et mettre en uvre une politique et non renouvelable parce qu'il ne faut qu'il soit en campagne électorale après. Et tant pis, s'il est élu jeune. Non renouvelable, ça a ainsi l'avantage de rejeter la présidence en fin de cursus.
LPC : Parlons de votre programme, sur votre site (www.lepen.tv), vous souhaitez "renverser" le courant de l'immigration
JMLP : L'immigration, ce n'est pas par racisme que je suis contre. Je vois du même il l'immigration d'Europe de l'Est. Je crois que c'est une mauvaise chose car cela déséquilibre tous nos systèmes culturels, économiques, sociaux etc. Mais nous avons une émigration malheureusement de qualité. Un proverbe dit la mauvaise monnaie chasse la bonne, pour l'immigration, la mauvaise immigration chasse la bonne.
Mais les jeunes Français, les meilleurs, s'en vont en Angleterre, en Amérique, au Canada gagner de l'argent. Ils nous privent de leur substance. Et nous on fait la même chose avec les étudiants africains. Ils se sauvent de leur pays, ils ne se sentent pas de devoirs à l'égard du malheur de leur pays, ils embarquent sur le paquebot qui passe et n'en ont rien à faire du radeau de la méduse avec les gars qui restent dessus. Ca, ça me choque. Je suis bien sûr flatté quand des étudiants étrangers viennent en France étudier ce qu'ils croient encore être les techniques ou les cultures les plus élaborées, intelligentes. Mais il faut qu'ils rentrent chez eux, car ils font chez nous une concurrence illégitime !!!
Il n'y a aucune raison que les Français partagent leur patrimoine avec des gens simplement parce qu'ils se sont donnés la peine de venir, au mépris de la loi chez eux.
LPC : Le huitième point de votre programme est sur l'environnement. Est-ce parce que le sujet est devenu à la mode auprès de toute la classe politique ?
JMLP : Nous sommes les premiers écologistes, bien avant que le parti Verts créé par le KGB en Allemagne ne se soit occupé d'environnement. D'ailleurs, en stratégie, c'est très bien joué par l'extrême gauche cette " Anschluss " des questions environnementales.
C'est très bien qu'il y ait des écologistes, je suis pour, je suis contre le monopole qui leur est accordé par les médias.
Alors maintenant quant l'on veut parler d'environnement, on interviewe un écologiste. Pourquoi ? Parce que c'est marqué dessus comme le fromage Mais je ne les crois pas plus qualifiés pour parler d'écologie. Nous, en 1978, on publiait un premier ouvrage contre le nucléaire. Il n'y avait pas d'écologistes à ce moment là.
J'ai été également un promoteur des énergies douces. A l'époque le lobby du nucléaire était tout puissant. Je ne suis pas un ennemi du nucléaire par principe, encore que c'est évidemment un danger sans aucune commune mesure avec les autres et qui mérite que l'on se pose la question.
LPC : Qui des Verts ou du FN a été le premier à avoir son site ? Vous revendiquez tous les deux cette primauté.
JMLP : Oui, c'est vrai on a très souvent été des grands innovateurs. Il y a 10-12 ans que l'on a fait des meetings par satellite. On a été les premiers. Personnellement je pense qu'Internet est un élément qui peut changer la donne politique comme il y a une véritable sclérose de la liberté dans les médias, disons ordinaires, le net peut changer les choses à moins qu'on le réduise lui aussi à l'esclavage.
C'est vrai que c'est un moyen assez exceptionnel, il faut un certain temps pour s'y adapter. Les jeunes sont les premiers bien sûr à s'y aventurer, cela sera-t-il durable ? La relative complication pourra décourager certains, mais moi, je mets un grand espoir dans les moyens nouveaux de communication qui permettent de contourner les édifices institutionnels de l'information.
LPC : Vous dites souvent que la politique est devenue une sorte de catch. N'avez-vous pas l'impression de rentrer ainsi dans le rôle prédéfini du méchant ?
JMLP : On ne me demande pas mon avis, on m'a mis l'écriteau !
Rappelez-vous, en pleine campagne électorale, le président de la République et le premier ministre mettant le pays en garde contre ce mouvement raciste, xénophobe et antisémite ! Jamais cela n'a été justifié ! J'ai le droit de détester Chagall, encore qu'il y ait des choses qui me paraissent pas mal du tout J'ai bien le droit de détester son uvre sans pour autant être antisémite ! C'est cela que je trouve le plus lassant.
On aimerait de temps en temps être traités comme des citoyens ordinaires et non pas comme des parias. Deux exemples : le premier : j'ai des chiens et jamais, jamais, on ne m'a présenté avec eux ; le deuxième : ma femme n'a jamais eu le droit à une interview dans un journal comme Elle. Moi qui suis un très grand connaisseur de la mer, jamais on ne m'a invité pour en parler de peur que aux yeux du public je ne cesse d'être un diable, un repoussoir. De même, on ne m'interroge pas sur ma culture personnelle, ma vie intellectuelle, mes connaissances philosophiques, théâtrales, poétiques sur lesquelles je suis certainement capable d'en remontrer à d'aucun.
Par contre, quand je vais dans un pays étranger, moi le chef d'un petit parti politique français, je suis reçu comme un premier ministre. Au Japon ce fut le cas par exemple, et partout, je suis reçu chaleureusement : Jean-Maire Le Pen, patriote français.
LPC : Nous vous remercions d'avoir répondu à nos questions.
Propos recueillis par Nicolas Ballot et Charlotte Chartan
(source http://www.lepen.tv, le 24 octobre 2001)