Déclaration de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion, sur le réseau des centres communaux d'action sociale (UNCCAS), Clermont-Ferrand le 29 septembre 2016.

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Mesdames, Messieurs,
C'est avec plaisir que j'ai accepté l'invitation qui m'a été faite aujourd'hui, car je suis convaincue que les politiques sociales se construisent au niveau local, avec les collectivités locales.
Vous vous posez des questions sur votre rôle et votre avenir dans le paysage de l'action sociale. Je pense que vous avez raison de vous poser ces questions ! Non pas parce que votre avenir serait particulièrement menacé, bien au contraire, mais parce que nous devons tous nous interroger en permanence sur la façon dont nous devons nous adapter aux évolutions de la société.
Votre colloque a pour thème l' « effet papillon », qui veut qu'un évènement peut, par effet domino, avoir des répercussions et des conséquences majeures à plusieurs kilomètres de distance. Bien sûr, l'action sociale peut être impactée par des évènements mondiaux ou nationaux (les flux migratoires, l'augmentation des séparations et des divorces, le chômage…). Mais c'est pour l'action sociale un moteur d'innovation : l'action sociale est en mouvement permanent, c'est ce qui fait sa force et sa modernité. Notre système de solidarité est certes complexe mais extrêmement protecteur, et il fait partie de notre identité collective. L'objectif que nous poursuivons au travers ce système de solidarité, c'est la cohésion sociale et l'émancipation des individus.
C'est dans ce sens que nous travaillons sans relâche depuis le début du quinquennat dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Ce plan est conçu à la fois comme un bouclier social pour protéger les personnes en difficulté, mais vise également à recréer des opportunités pour permettre à chacun de faire des choix libres et autonomes.
Alors qu'avons-nous fait concrètement depuis bientôt 4 ans que ce plan a été lancé ?
Pour protéger les ménages contre la précarité, nous avons revalorisé le RSA (+10% sur 5 ans), l'allocation de soutien familial (+25% sur 5 ans) et le complément familial majoré (+50% sur 5 ans). Au total, ce sont désormais 2,6 milliards d'euros qui sont redistribués chaque année à 2,7 millions de ménages parmi les plus pauvres, soit près de 1000€ supplémentaires par an et par ménage.
Résultat : la pauvreté s'est stabilisée et les inégalités ont reculé depuis 2012. Ce n'est pas moi qui le dit c'est l'INSEE : en 2014, l'augmentation constatée entre 2008 et 2011 du coefficient de Gini, qui mesure les inégalités, a été proprement « effacée ».
Cela ne veut pas dire que la pauvreté soit pour autant éradiquée. Elle s'est stabilisée mais son niveau reste élevé : elle touche particulièrement les familles monoparentales (majoritairement les femmes seules avec enfants), les enfants, les chômeurs de longue durée mais également un certain nombre de salariés aux revenus modestes.
C'est pourquoi le Plan pauvreté comporte également des mesures destinées à soutenir les revenus des travailleurs modestes avec la Prime d'activité, qui bénéficie déjà à plus de 2 millions de ménages ; des mesures permettant aux chômeurs de se former pour saisir de nouvelles opportunités (avec 500 000 formations supplémentaires), des mesures destinées à redonner confiance aux jeunes décrocheurs (avec la Garantie Jeunes, qui sera désormais ouverte à tous les jeunes qui ne sont ni en formation ni en emploi, ni en cours d'étude).
Le Premier ministre l'a clairement dit : la lutte contre la pauvreté reste une priorité pour le Gouvernement. Mais la lutte contre la pauvreté doit en réalité être une priorité pour nous tous. Car c'est un combat qui ne se mène pas seul, au contraire, c'est un combat qui doit être collectif. François Hollande disait récemment « un pays solide, c'est une nation solidaire ».
Nous avons fait le choix de faire confiance aux départements, car ce sont les chefs de file de l'action sociale. Mais les politiques d'insertion dont ils ont la charge, sont d'une certaine manière éclatées entre différents niveaux d'intervention (Missions locales, Pôle emploi, services départementaux…). C'est pourquoi nous allons proposer aux départements une démarche de contractualisation, afin de renforcer les partenariats locaux autour des politiques d'insertion, qui feront l'objet d'un suivi dans le cadre des Pactes Territoriaux d'Insertion.
Il s'agit par-là de réaffirmer que les Départements ont également des devoirs, selon le principe des « engagements réciproques ». Car la pauvreté n'est ni un choix, ni un statut, ni une fatalité. L'idée que nous défendons au contraire est que l'insertion est un investissement pour la collectivité et un investissement pour l'avenir de notre pays : car la précarité et l'exclusion ont un coût pour les personnes et pour la société dans son ensemble.
Un Fonds d'appui aux politiques d'insertion sera créé à cet effet, et sera doté de 50M€ en 2017, afin d'apporter un soutien supplémentaire aux départements qui s'engagent à renforcer l'accompagnement des personnes.
Les CCAS ont de ce point de vue un rôle essentiel à jouer, au regard de l'objectif central du plan qui est l'accès aux droits des personnes les plus fragiles. La domiciliation, à savoir le fait de disposer d'une adresse, est un enjeu fondamental, un préalable indispensable permettant de retrouver progressivement une place dans la société. Avoir une adresse, c'est pouvoir accéder à ses droits, mais c'est aussi rester en contact avec ses proches et être informé de l'évolution de sa situation « administrative », recevoir des réponses à des démarches de recherche d'emploi…
Qu'avons-nous fait jusqu'ici et que nous reste-il à faire sur ce plan ? Nous avons tout d'abord simplifié les démarches de domiciliation pour les personnes et pour les structures concernées. Alors tout n'est pas parfait loin de là, et il reste encore des départements qui n'ont pas initié de schémas départementaux de domiciliation, qui visent à s'assurer que chaque territoire dispose d'une offre suffisante au regard des besoins. C'est pourquoi le Premier ministre a demandé aux préfets en juillet dernier de faire remonter l'ensemble de ces schémas d'ici le 30 septembre.
L'accès aux droits passe par l'accès à des lieux de proximité tels que les CCAS, ouverts à l'ensemble des citoyens qui peuvent rencontrer une difficulté à un moment donné de leur vie (payer une facture, se déplacer, faire garder un enfant ou encore s'occuper d'un proche…). C'est pourquoi les CCAS seront pleinement impliqués j'en suis sûre dans la mise en place du premier accueil social inconditionnel de proximité, qui visent à « flécher » des lieux facilement identifiables pour tous. Ce premier accueil, qui est une mesure issue du plan d'action en faveur du travail social, devra être opérationnel d'ici fin 2017 dans le cadre des schémas d'amélioration de l'accessibilité des services au public, confiés aux Départements par la loi Notre. Un guide des bonnes pratiques sera mis à leur disposition très prochainement, sur la base du travail fructueux auquel vous avez été nombreux à participer et je vous en remercie.
Mais si la proximité est indispensable pour que les personnes sachent rapidement à qui s'adresser, il est également essentiel de pouvoir les réorienter lorsque leurs besoins sont multiples ou que leur situation nécessite une prise en charge plus globale. Pour cela, le travail en réseau est essentiel afin de ne laisser personne sans solution. C'est ce que nous faisons avec l'expérimentation du « référent de parcours ». L'objectif est de bien définir le rôle de ses référents et les compétences et connaissances qui leur sont nécessaires. Car il y a un enjeu de taille au-delà de ces expérimentations, qui est de mieux former les travailleurs sociaux de demain, afin de répondre aux besoins sociaux en constante évolution.
L'accompagnement à l'usage du numérique par exemple, est une compétence qui va devenir de plus en plus indispensable au regard de la dématérialisation croissante des démarches administratives. L'expérimentation du coffre-fort numérique, que nous menons actuellement dans une quinzaine de CCAS et dont j'attends beaucoup, vise précisément à définir les besoins d'accompagnement des personnes pour se saisir de cet outil. Mais à mon sens, il faut avant tout que les administrations communiquent davantage entre elles, afin d'éviter au maximum qu'une administration demande aux personnes des informations déjà détenues par une autre administration.
Ce travail sur la formation est central, et il est déjà bien engagé. La Commission Paritaire Consultative (qui regroupe l'ensemble des partenaires sociaux) va me remettre dans les tous prochains jours des propositions sur le socle commun de compétences des diplômes de niveau III, essentiel au développement d'une culture commune et du travail en réseau. Ces propositions seront ensuite mises en débat afin que ce socle commun soit défini en tenant compte de l'expérience des professionnels et des personnes concernées.
Car vous le savez, la participation des personnes est le véritable fil rouge de ce plan d'action, et devrait même être le fil conducteur de l'ensemble de nos politiques, afin de s'assurer qu'elles sont pleinement au service des citoyens. Ce principe doit nous guider en permanence, politiques, professionnels, bénévoles : ce principe veut que désormais, plus aucune décision ne soit prise sans les personnes concernées. Il en va de la légitimité mais surtout de l'efficacité de nos politiques et des interventions que chacun mène à son niveau. Car il s'agit in fine de rendre les personnes actrices de leur parcours et de leur redonner confiance en elles, à l'opposé d'une approche compassionnelle, et de lutter contre toute forme de stigmatisation. Nous allons prochainement diffuser un « kit de la participation citoyenne », à l'occasion d'une journée organisée par le Ministère des Affaires Sociales, car la participation n'est pas toujours simple à organiser : il faut savoir comment sélectionner les personnes, comment les préparer et les accompagner.
Pour conclure, je veux redire à quel point il me semble que notre système de solidarité fait partie de notre identité : c'est ce qui fait à la fois notre particularité et notre force.
L'action sociale est moderne et j'ai confiance en vous pour continuer à en être les ambassadeurs au quotidien.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 6 octobre 2016