Déclaration de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, sur le coût économique des discriminations sociales, Paris le 20 septembre 2016.

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Si le rapport qui nous est présenté aujourd'hui frappe les esprits par l'ampleur de ses évaluations, il n'arrive pas dans le débat public par hasard.
Il est la conséquence d'une volonté politique farouche de lutter contre les discriminations, les discriminations qui sont sans doute aujourd'hui la forme la plus répandue et la plus insidieuse de manquement à l'égalité républicaine.
Depuis le premier comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté qui s'est tenu en mars 2015, nous ne cessons de renforcer notre arsenal anti-discrimination :
– possibilité ouverte d'une action de groupe contre les discriminations,
– financement d'un testing sur les discriminations au recrutement,
– durcissement des peines et extension des motifs discriminatoires avec le projet de loi égalité citoyenneté que je porte en ce moment au Parlement,
– dans ce même projet de loi, plusieurs dispositions visent à contrecarrer les discriminations d'accès à la fonction publique ou encore la non-maîtrise de la langue française
– campagnes de sensibilisation nationales
– « les compétences d'abord » pour le ministère de l'emploi,
– « le sexisme, c'est pas mon genre » pour le ministère du droit des femmes,
– ou « coup de sifflet » pour le ministère de la jeunesse et des sports.
Nous sommes donc dans une action cohérente et continue.
Elle n'a pas fini de se déployer. Plusieurs décisions et actions sont encore à venir ces prochaines semaines et ces prochains mois.
La mise en place en octobre 2014 du groupe de dialogue des partenaires sociaux sur les discriminations au recrutement et en entreprise s'inscrit dans cette cohérence, dans cette dynamique.
Je veux ici saluer la qualité du travail réalisé sous la présidence de Jean-Christophe Sciberras.
Ce dernier n'a pu être avec nous aujourd'hui mais je tiens à saluer son action ainsi que celle du rapporteur général du groupe, Philippe Barbezieux, et celle de tous les membres du groupe de dialogue présents aujourd'hui.
Les propositions ont été riches et nombreuses.
Et d'ailleurs la plupart des propositions formulées dans le premier rapport remis aux ministres chargés du travail et de la ville en mai 2015 ont déjà débouché sur une action des pouvoirs publics.
Je pense à la mise en œuvre, dans les entreprises relevant de l'Etat et dans les trois versants de la fonction publique, d'une démarche analogue à celle conduite par le groupe de travail pour lutter contre les discriminations.
Je pense aussi à la promotion du label diversité et des méthodes innovantes de recrutement non discriminantes.
Je pense enfin à la transposition de la directive européenne sur la publication d'informations non financières pour valoriser les politiques d'entreprise de lutte contre les discriminations.
Cette transposition trouvera place dans le projet de loi égalité et citoyenneté.
Myriam El Khomri et moi-même serons naturellement très attentifs au deuxième rapport du groupe de dialogue dont nous discuterons ici-même, salle des Accords, le 4 octobre prochain.
Parmi les recommandations de mai 2015, il y avait l'idée d'objectiver le coût des discriminations.
Commande fut passée à France Stratégie dont on connaît le sérieux et la qualité de l'expertise en Août 2015, par François Rebsamen alors ministre du travail et par moi.
Et nous voici réunis autour de leur production.
Nous savions que l'existence de discriminations était contraire à notre idéal d'égalité.
Nous les combattions donc pour des raisons politiques.
Nous savions que ces discriminations généraient des souffrances individuelles.
Nous les combattions donc pour des raisons morales.
Nous savons désormais qu'elles sont aussi un gâchis collectif.
Nous les combattrons donc aussi pour des raisons économiques.
Ce rapport est intéressant à plusieurs titres.
Pour son approche originale, économétrique, qui montre que derrière les victimes des discriminations, il y a une perte pour la nation dans son ensemble.
Ce rapport est intéressant parce qu'il évalue cette perte, et que l'on découvre qu'il s'agit d'un montant tout à fait considérable : 150 milliards d'euros, 7 points de PIB.
Quand on voit les efforts gigantesques fournis en termes de politique économique et industrielle pour grappiller des dixièmes de points de PIB, on tient là une source de croissance plus qu'appréciable.
Une autre manière de dire les choses, c'est que ce rapport démontre qu'une politique d'égalité peut générer du profit.
Ce n'est pas un résultat anecdotique pour un Gouvernement de Gauche et pour tous ceux qui croient au progrès social.
Enfin, je retiens de ce rapport que le coût des discriminations est essentiellement lié au gâchis de talents.
C'est-à-dire qu'au-delà d'un discours sur la mixité – discours que je suis prêt à assumer – nous avons là les éléments pour faire valoir une politique basée sur les compétences, et uniquement sur les compétences.
Je remercie France Stratégie et son commissaire général pour leur travail.
Il ne sera pas sans suite.
D'ailleurs, j'ai l'intention, conjointement avec Mme la ministre du travail, de demander à France Stratégie un complément d'expertise pour illustrer la situation au niveau des entreprises, avec une approche microéconomique.
Ce sera un outil précieux pour mettre en mouvement les acteurs économiques.
Je vous remercie.
Source http://www.patrickkanner.fr, le 26 septembre 2016