Texte intégral
Monsieur le Député, je vous remercie de votre question. Nous sommes clairement à la fin d'un cycle en matière commerciale. Après trente années de suppression des règles, de néolibéralisme, de promesses d'emploi et de croissance qui, il faut le dire, n'ont souvent pas été tenues, l'Union européenne a aujourd'hui l'ardente obligation de réinventer sa politique commerciale et de s'affirmer comme une puissance commerciale qui défend les Européens et ses intérêts propres.
C'est pourquoi, comme l'a rappelé M. le Premier ministre, nous demandons - et nous sommes à ce stade le seul pays européen à le faire - la fin pure et simple des négociations sur le TAFTA, qui vont clairement dans le mauvais sens et dont l'Europe n'a manifestement rien à attendre.
S'agissant des négociations avec le Canada, il faut d'abord rétablir un certain nombre de vérités. Ces discussions sont achevées depuis deux ans et la France s'est battue, même après la fin des négociations, pour obtenir un certain nombre d'avancées extrêmement importantes.
D'abord, concernant la ratification des parlements, comme je m'y étais engagé devant vous, Sigmar Gabriel et moi avons écrit à la Commission européenne avant l'été pour obtenir la reconnaissance du caractère mixte de l'accord, afin que vous, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, puissiez avoir le dernier mot.
Ensuite, nous nous sommes battus, hier encore, en conseil des ministres européens, à Luxembourg, sur la question de son application provisoire. Il est maintenant clairement acté au niveau européen qu'en cas d'opposition des parlements nationaux à cet accord, son application provisoire devra être remise en question, conformément aux procédures européennes. C'est la première fois que la démocratie est respectée à ce point.
Enfin, l'arbitrage privé a été remplacé par une cour de justice commerciale internationale publique, ce qui est inédit. Je suis fier que cette initiative, portée par la France, ait abouti au niveau européen.
Pourquoi les progressistes européens, y compris les soutiens de M. Tsipras, en Grèce, et le Bloc de gauche, au Portugal, soutiennent-ils cet accord ? Parce que celui-ci pose des règles et protège l'économie européenne.
Madame la Députée, je vous remercie de vos propos. Vous l'avez rappelé, le commerce extérieur peut, lorsque les choses sont bien faites, représenter une réelle opportunité pour notre pays. S'il y a aujourd'hui autant d'inquiétudes, c'est parce que nous arrivons au terme d'une période où beaucoup de choses ont été faites dans le laisser-aller et dans la suppression des règles. On a besoin aujourd'hui, dans la mondialisation, d'un retour des règles, d'un retour de la puissance publique et d'un retour de la capacité pour les choix démocratiques de s'imposer.
C'est aussi cela qui se joue en Wallonie et nous comprenons parfaitement les inquiétudes qui s'y font jour : elles sont dues aux trente années de dérégulation que nous avons connues. Depuis ma nomination, j'ai porté un grand nombre de ces préoccupations au niveau international. S'agissant du TAFTA, nous avons encore demandé la fin des négociations au Conseil européen de Bratislava et nous continuerons de le faire.
Lorsque j'ai été nommé, les discussions sur le CETA étaient terminées. Malgré cela, la France, avec d'autres pays européens, a obtenu de grands progrès, notamment le remplacement de l'arbitrage par une cour de justice commerciale internationale. C'est la première fois qu'un État important a accepté une telle disposition. Cette avancée a été possible après la victoire du Premier ministre Trudeau aux élections, car une telle décision était inenvisageable pour le gouvernement conservateur en place auparavant.
Une déclaration est également en cours de négociation entre l'Union européenne et le Canada pour graver dans le marbre différents principes : le principe de précaution, l'accord de Paris - auquel la France a demandé qu'il soit fait référence, parce qu'il a été négocié avant le CETA et qu'il s'agit de montrer que ce dernier est évolutif et qu'il prend en compte les préoccupations environnementales -, le respect des services publics et l'idée que la coopération réglementaire ne peut en aucun cas s'imposer aux États.
Les lignes sont en train de bouger, en Europe et dans le monde, grâce à l'action menée par la France de concert avec ses partenaires européens. La question que pose le CETA est la suivante : voulons-nous être du côté du statu quo et garder l'arbitrage et le laisser-aller, ou bien essayer de conclure des accords d'un nouveau type, qui commence aujourd'hui à émerger ?
Monsieur le Député, nous entendons parfaitement les inquiétudes qui s'expriment dans nos campagnes. Je suis moi-même élu d'un département, le Lot-et-Garonne, qui compte plus de soixante-dix productions agricoles différentes, et nous savons les difficultés que rencontrent les agriculteurs.
Mais nous savons aussi que notre agriculture, dans bien des domaines, est exportatrice et a besoin d'une politique commerciale lui permettant de conquérir de nouveaux marchés. Nombre de filières nous demandent d'ailleurs d'obtenir l'ouverture de certains marchés, à condition bien sûr que les accords soient bien négociés. La «diplomatie des terroirs» que nous menons dans le cadre de la diplomatie économique est précisément destinée à ce que l'agriculture et l'agroalimentaire - il s'agit, n'en déplaise à certains, du deuxième excédent commercial français - continuent à exister dans le monde et à travailler.
Ainsi, lorsque les accords sont mauvais, nous les dénonçons, mais nous ne sommes pas favorables à la position selon laquelle la France dirait non à tout sans examiner le fond. Lorsque les accords sont mauvais, nous disons non, mais lorsqu'ils sont globalement positifs, nous disons oui.
Des progrès ont été obtenus. La France a demandé, et je m'y étais engagé devant vous, que les parlements nationaux aient le dernier mot : c'est aujourd'hui garanti. Même l'application provisoire de tout ce qui relève du niveau européen serait remise en cause si vous, Mesdames et Messieurs les Députés, décidiez de dire non.
En ce qui concerne l'agriculture, l'accord reconnaît quarante-deux indications géographiques françaises ; en outre, le mécanisme de l'article 20.22 permet d'ajouter des indications géographiques si l'on constate des problèmes.
S'agissant des quotas globaux, il est vrai que le degré de quotas octroyés est élevé mais nous sommes attentifs, au sein de l'Union européenne, à ce que les quotas globaux, négociation par négociation, ne dépassent pas un certain seuil. Il faudra d'ailleurs les revoir du fait du Brexit, afin de prendre en compte la nouvelle situation dans laquelle se trouve l'Europe agricole après la sortie du Royaume-Uni.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2016