Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Monsieur le chef d'état-major de l'armée de terre,
Mesdames et Messieurs les officiers généraux,
Officiers, sous-officiers, soldats et aviateurs,
Mesdames et Messieurs,
Il y a très exactement cent ans, les troupes françaises se lançaient à l'assaut du fort de Douaumont et de sa garnison allemande, pour reprendre des positions perdues huit mois plus tôt. Aujourd'hui, nous sommes venus de France et d'Allemagne, d'Afrique et d'Asie, pour nous rappeler de cette journée d'octobre, et rendre un hommage solennel à la mémoire de tous ceux qui combattirent, amis comme adversaires, durant ces années terribles.
Cent ans plus tard, à la vue de cette terre martyrisée, nous mesurons ce qu'il fallut de courage et d'abnégation pour combattre et tenter d'y survivre. Dans le silence de la paix retrouvée, c'est avec émotion que nous venons d'entendre les témoignages, allemand, français et d'outre-mer, des souffrances physiques et morales endurées ici par tant de soldats.
Dans la mémoire nationale de la Grande guerre, la bataille de Verdun a une valeur symbolique sans égal. C'est un lieu sacré, celui de l'horreur du conflit comme celui du rassemblement de la Nation. Et le fort de Douaumont, dès les premiers mois de la bataille, est devenu pour tous le symbole de l'enfer de Verdun, de cette montée aux extrêmes fratricide qui ensanglanta l'Europe pendant quatre années. Le 13 juillet 1936, c'est déjà à Douaumont que se rassemblèrent, vingt ans après la bataille, 15 000 anciens combattants de 16 pays différents au nom de la « paix mondiale ». Et c'est devant ces lieux tragiques que nous affirmons aujourd'hui notre volonté de défendre la paix entre les nations et de construire, ensemble, un monde meilleur.
Alors que les canons se sont tus depuis longtemps, c'est un appel au dialogue entre les peuples qui résonne toujours en ce lieu. Tous, ici présents, nous en sommes les garants. C'est ce que symbolise notre rassemblement fraternel de ce jour ; c'est ce dont il nous faut poursuivre inlassablement l'accomplissement. Et je veux vous dire la joie qui est aujourd'hui la mienne de voir à mes côtés les représentants et les drapeaux de tant de pays amis. Au nom de la France, je les remercie de leur présence.
Ce temps de commémoration, c'est bien sûr celui de la mémoire et de l'hommage au monde combattant, aux disparus comme aux associations qui entretiennent leur souvenir. C'est également le lieu de rappeler l'attachement de la France à la paix, en Europe et dans le monde.
Pour l'armée française, après des mois de bataille dans la région de Verdun, la reprise du fort de Douaumont est autant un objectif stratégique qu'une bataille à la portée symbolique majeure.
Au mois de mai 1916, une première offensive est lancée contre les positions allemandes. Mais elle se brise sur la puissance de feu adverse et doit se replier, au prix de nombreuses pertes. Une nouvelle opération est programmée pour l'automne, sous les ordres du général Mangin. Elle sera précédée d'une minutieuse préparation et de la livraison, par la voie sacrée, de moyens tactiques et logistiques de premier ordre.
Dès le mois de septembre, l'aviation française, qui a la maîtrise du ciel grâce à l'escadrille N65, reconnaît le dispositif adverse. A partir du 20 octobre et pendant trois jours, les positions allemandes sont noyées sous un déluge de feu et d'acier. Cette gigantesque préparation d'artillerie vise les tranchées et les fortifications adverses ; elle effectue également des tirs de contre-batterie particulièrement dévastateurs. A Douaumont, ce sont bien sûr les hommes qui s'affrontent, mais également les techniques, les matériels et les industries de guerre.
Le 24 octobre au matin, la brume recouvre le champ de bataille ; elle voile le terrain au-delà de 100 mètres, masquant à chacun les lignes adverses. Il est 11h40 : c'est l'heure H prévue par l'état-major pour lancer l'assaut. Les troupes françaises franchissent les parapets, protégées dans leur avancée par un terrible feu roulant.
Dans un paysage inondé aux allures de marécages, la progression est particulièrement difficile. On a de la boue jusqu'aux genoux, les tranchées et les trous d'obus qui laminent le terrain sont envahis d'eau. Le secteur de Douaumont est l'objectif central de l'offensive, confié à la 38e division d'infanterie commandé par le général Guyot de Salins. Arrivés aux abords des fortifications, on se bat au fusil-mitrailleur, à la grenade et au lance-flammes pour emporter les positions ennemies. Brancardiers, infirmiers et médecins font de leur mieux pour porter secours aux blessés. En atteignant la tourelle de 155 du fort, une compagnie du Génie d'assaut entonne la Marseillaise, au milieu des détonations d'obus et du sifflement des balles.
A 15 heures la position est coiffée. A la nuit tombée, la garnison de Douaumont se rend, submergée par les vagues d'assaut et asphyxiée par l'incendie qui s'est déclaré dans le fort.
Le front de Verdun a vu se succéder plus des deux tiers de l'armée française. Mais la reprise du fort de Douaumont témoigne plus spécialement de l'action héroïque des troupes venues d'outre-mer.
C'est à elles que la France veut rendre hommage aujourd'hui, pour leur bravoure et leur sacrifice, ici à Douaumont, et sur tous les fronts du premier conflit mondial. Aux côtés des régiments de métropole, ce champ de bataille fut le lieu d'une fraternité d'armes à l'échelle du monde, dont nous honorons aujourd'hui le souvenir.
Les images poignantes que nous avons vues mettent des visages sur leur engagement, elles associent des voix à l'héroïsme de ces régiments dont certains des drapeaux portent la marque glorieuse « Verdun-Douaumont ». Toutes les unités françaises qui ont combattu et servi ici, de l'outre-mer comme de la métropole, sont aujourd'hui représentées par les régiments héritiers de leurs traditions. Elles sont la preuve de la fidélité de la mémoire au sein de nos armées.
Car avec le régiment d'infanterie coloniale du Maroc (RICM) ce sont les bataillons de tirailleurs sénégalais, somalis, tunisiens et algériens, qui partent à l'assaut du fort. Je pense également aux combattants venus de la Corne de l'Afrique, et notamment de Djibouti, de Madagascar et des Comores ; comme à tous les combattants d'Afrique, zouaves et tirailleurs, que représentent ici les délégations du Bénin, du Burkina-Faso, de Centrafrique, du Congo-Brazzaville, de Côte d'Ivoire, du Gabon, de Guinée, de Mauritanie, du Sénégal et du Tchad.
Et je veux également mentionner le Cameroun et le Togo, qui nous font l'amitié de leur présence parmi nous : séparés hier par la ligne de front, nous nous retrouvons aujourd'hui pour partager un souvenir commun.
Nous le savons, la guerre ne mobilisa pas uniquement des soldats mais aussi des travailleurs. Avec la mémoire des tirailleurs indochinois, je tiens donc à rendre hommage à tous les ouvriers et paysans venus du Vietnam et du Cambodge qui contribuèrent à l'effort de guerre. Et je veux également saluer ceux qui venus d'Inde se battirent et travaillèrent à nos côtés.
Le sens de notre présence aujourd'hui ne s'épuise pas dans la mémoire des armes, de la souffrance et du deuil qu'éprouvèrent ici les soldats de nos pays. Notre rassemblement se veut également l'expression de notre volonté d'être des faiseurs de paix. C'est notamment à Douaumont que s'enracine l'idéal européen dont nous sommes les héritiers et les responsables. La fraternité terrible qui unit dans une même sépulture anonyme tant de combattants ennemis, c'est d'elle qu'est née la volonté d'une fraternité européenne, et d'abord entre la France et l'Allemagne.
L'Europe de la paix est née des ruines de deux guerres mondiales, nous le savons. C'est avec confiance que nous mesurons le chemin parcouru par nos deux Nations. Aujourd'hui encore, honorer la foule innombrable de tous ces morts, c'est fortifier la paix. Plus que jamais, la France, main dans la main avec l'Allemagne, s'engage dans la construction d'un espace européen de sécurité. Ensemble, nous exhortons les peuples d'Europe à construire ensemble les instruments de leur défense.
Ici, la jeunesse du monde est venue se battre et mourir. Notre responsabilité, c'est que les jeunes générations d'aujourd'hui n'oublient pas l'héroïsme dont les combattants de Verdun ont fait preuve et les sacrifices qu'ils ont consentis.
Face au plateau martyrisé de Douaumont, face aux ruines des neuf villages de la Meuse morts pour la France, après tant de souffrance et de courage de part et d'autre de la ligne de front, je forme le vu que notre jeunesse, d'où qu'elle vienne, conserve la mémoire de ces combats. Qu'elle la conserve non pour subir le fardeau du deuil mais afin de porter, à son heure, le flambeau de la réconciliation et l'espoir en un avenir commun.
Voici donc cent ans que les canons de Verdun se sont tus. Disparus et survivants nous ont légué la responsabilité de la paix. C'est elle qui nous rassemble aujourd'hui. C'est elle que nous avons le devoir de défendre.
Vive la République.
Vive la France.Source http://www.defense.gouv.fr, le 28 octobre 2016
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Monsieur le chef d'état-major de l'armée de terre,
Mesdames et Messieurs les officiers généraux,
Officiers, sous-officiers, soldats et aviateurs,
Mesdames et Messieurs,
Il y a très exactement cent ans, les troupes françaises se lançaient à l'assaut du fort de Douaumont et de sa garnison allemande, pour reprendre des positions perdues huit mois plus tôt. Aujourd'hui, nous sommes venus de France et d'Allemagne, d'Afrique et d'Asie, pour nous rappeler de cette journée d'octobre, et rendre un hommage solennel à la mémoire de tous ceux qui combattirent, amis comme adversaires, durant ces années terribles.
Cent ans plus tard, à la vue de cette terre martyrisée, nous mesurons ce qu'il fallut de courage et d'abnégation pour combattre et tenter d'y survivre. Dans le silence de la paix retrouvée, c'est avec émotion que nous venons d'entendre les témoignages, allemand, français et d'outre-mer, des souffrances physiques et morales endurées ici par tant de soldats.
Dans la mémoire nationale de la Grande guerre, la bataille de Verdun a une valeur symbolique sans égal. C'est un lieu sacré, celui de l'horreur du conflit comme celui du rassemblement de la Nation. Et le fort de Douaumont, dès les premiers mois de la bataille, est devenu pour tous le symbole de l'enfer de Verdun, de cette montée aux extrêmes fratricide qui ensanglanta l'Europe pendant quatre années. Le 13 juillet 1936, c'est déjà à Douaumont que se rassemblèrent, vingt ans après la bataille, 15 000 anciens combattants de 16 pays différents au nom de la « paix mondiale ». Et c'est devant ces lieux tragiques que nous affirmons aujourd'hui notre volonté de défendre la paix entre les nations et de construire, ensemble, un monde meilleur.
Alors que les canons se sont tus depuis longtemps, c'est un appel au dialogue entre les peuples qui résonne toujours en ce lieu. Tous, ici présents, nous en sommes les garants. C'est ce que symbolise notre rassemblement fraternel de ce jour ; c'est ce dont il nous faut poursuivre inlassablement l'accomplissement. Et je veux vous dire la joie qui est aujourd'hui la mienne de voir à mes côtés les représentants et les drapeaux de tant de pays amis. Au nom de la France, je les remercie de leur présence.
Ce temps de commémoration, c'est bien sûr celui de la mémoire et de l'hommage au monde combattant, aux disparus comme aux associations qui entretiennent leur souvenir. C'est également le lieu de rappeler l'attachement de la France à la paix, en Europe et dans le monde.
Pour l'armée française, après des mois de bataille dans la région de Verdun, la reprise du fort de Douaumont est autant un objectif stratégique qu'une bataille à la portée symbolique majeure.
Au mois de mai 1916, une première offensive est lancée contre les positions allemandes. Mais elle se brise sur la puissance de feu adverse et doit se replier, au prix de nombreuses pertes. Une nouvelle opération est programmée pour l'automne, sous les ordres du général Mangin. Elle sera précédée d'une minutieuse préparation et de la livraison, par la voie sacrée, de moyens tactiques et logistiques de premier ordre.
Dès le mois de septembre, l'aviation française, qui a la maîtrise du ciel grâce à l'escadrille N65, reconnaît le dispositif adverse. A partir du 20 octobre et pendant trois jours, les positions allemandes sont noyées sous un déluge de feu et d'acier. Cette gigantesque préparation d'artillerie vise les tranchées et les fortifications adverses ; elle effectue également des tirs de contre-batterie particulièrement dévastateurs. A Douaumont, ce sont bien sûr les hommes qui s'affrontent, mais également les techniques, les matériels et les industries de guerre.
Le 24 octobre au matin, la brume recouvre le champ de bataille ; elle voile le terrain au-delà de 100 mètres, masquant à chacun les lignes adverses. Il est 11h40 : c'est l'heure H prévue par l'état-major pour lancer l'assaut. Les troupes françaises franchissent les parapets, protégées dans leur avancée par un terrible feu roulant.
Dans un paysage inondé aux allures de marécages, la progression est particulièrement difficile. On a de la boue jusqu'aux genoux, les tranchées et les trous d'obus qui laminent le terrain sont envahis d'eau. Le secteur de Douaumont est l'objectif central de l'offensive, confié à la 38e division d'infanterie commandé par le général Guyot de Salins. Arrivés aux abords des fortifications, on se bat au fusil-mitrailleur, à la grenade et au lance-flammes pour emporter les positions ennemies. Brancardiers, infirmiers et médecins font de leur mieux pour porter secours aux blessés. En atteignant la tourelle de 155 du fort, une compagnie du Génie d'assaut entonne la Marseillaise, au milieu des détonations d'obus et du sifflement des balles.
A 15 heures la position est coiffée. A la nuit tombée, la garnison de Douaumont se rend, submergée par les vagues d'assaut et asphyxiée par l'incendie qui s'est déclaré dans le fort.
Le front de Verdun a vu se succéder plus des deux tiers de l'armée française. Mais la reprise du fort de Douaumont témoigne plus spécialement de l'action héroïque des troupes venues d'outre-mer.
C'est à elles que la France veut rendre hommage aujourd'hui, pour leur bravoure et leur sacrifice, ici à Douaumont, et sur tous les fronts du premier conflit mondial. Aux côtés des régiments de métropole, ce champ de bataille fut le lieu d'une fraternité d'armes à l'échelle du monde, dont nous honorons aujourd'hui le souvenir.
Les images poignantes que nous avons vues mettent des visages sur leur engagement, elles associent des voix à l'héroïsme de ces régiments dont certains des drapeaux portent la marque glorieuse « Verdun-Douaumont ». Toutes les unités françaises qui ont combattu et servi ici, de l'outre-mer comme de la métropole, sont aujourd'hui représentées par les régiments héritiers de leurs traditions. Elles sont la preuve de la fidélité de la mémoire au sein de nos armées.
Car avec le régiment d'infanterie coloniale du Maroc (RICM) ce sont les bataillons de tirailleurs sénégalais, somalis, tunisiens et algériens, qui partent à l'assaut du fort. Je pense également aux combattants venus de la Corne de l'Afrique, et notamment de Djibouti, de Madagascar et des Comores ; comme à tous les combattants d'Afrique, zouaves et tirailleurs, que représentent ici les délégations du Bénin, du Burkina-Faso, de Centrafrique, du Congo-Brazzaville, de Côte d'Ivoire, du Gabon, de Guinée, de Mauritanie, du Sénégal et du Tchad.
Et je veux également mentionner le Cameroun et le Togo, qui nous font l'amitié de leur présence parmi nous : séparés hier par la ligne de front, nous nous retrouvons aujourd'hui pour partager un souvenir commun.
Nous le savons, la guerre ne mobilisa pas uniquement des soldats mais aussi des travailleurs. Avec la mémoire des tirailleurs indochinois, je tiens donc à rendre hommage à tous les ouvriers et paysans venus du Vietnam et du Cambodge qui contribuèrent à l'effort de guerre. Et je veux également saluer ceux qui venus d'Inde se battirent et travaillèrent à nos côtés.
Le sens de notre présence aujourd'hui ne s'épuise pas dans la mémoire des armes, de la souffrance et du deuil qu'éprouvèrent ici les soldats de nos pays. Notre rassemblement se veut également l'expression de notre volonté d'être des faiseurs de paix. C'est notamment à Douaumont que s'enracine l'idéal européen dont nous sommes les héritiers et les responsables. La fraternité terrible qui unit dans une même sépulture anonyme tant de combattants ennemis, c'est d'elle qu'est née la volonté d'une fraternité européenne, et d'abord entre la France et l'Allemagne.
L'Europe de la paix est née des ruines de deux guerres mondiales, nous le savons. C'est avec confiance que nous mesurons le chemin parcouru par nos deux Nations. Aujourd'hui encore, honorer la foule innombrable de tous ces morts, c'est fortifier la paix. Plus que jamais, la France, main dans la main avec l'Allemagne, s'engage dans la construction d'un espace européen de sécurité. Ensemble, nous exhortons les peuples d'Europe à construire ensemble les instruments de leur défense.
Ici, la jeunesse du monde est venue se battre et mourir. Notre responsabilité, c'est que les jeunes générations d'aujourd'hui n'oublient pas l'héroïsme dont les combattants de Verdun ont fait preuve et les sacrifices qu'ils ont consentis.
Face au plateau martyrisé de Douaumont, face aux ruines des neuf villages de la Meuse morts pour la France, après tant de souffrance et de courage de part et d'autre de la ligne de front, je forme le vu que notre jeunesse, d'où qu'elle vienne, conserve la mémoire de ces combats. Qu'elle la conserve non pour subir le fardeau du deuil mais afin de porter, à son heure, le flambeau de la réconciliation et l'espoir en un avenir commun.
Voici donc cent ans que les canons de Verdun se sont tus. Disparus et survivants nous ont légué la responsabilité de la paix. C'est elle qui nous rassemble aujourd'hui. C'est elle que nous avons le devoir de défendre.
Vive la République.
Vive la France.Source http://www.defense.gouv.fr, le 28 octobre 2016